Grewia bicolor (PROTA)

Ressources végétales de l'Afrique tropicale Introduction

Liste des espèces

Importance générale
Répartition en Afrique
Répartition mondiale
Fruit
Épice / condiment
Glucides / amidon
Médicinal
Bois d'œuvre
Bois de feu
Ornemental
Fourrage
Fibre
Sécurité alimentaire

port de l'arbre

écorce et tranche

branche en fleurs

inflorescence

fleur (Zimbabweflora)

branche en fruits (Zimbabweflora)

branche en fruits

graines

Grewia bicolor Juss.

Protologue: Ann. Mus. Natl. Hist. Nat. 4 : 90 (1804).

Famille: Tiliaceae (APG: Malvaceae)

Noms vernaculaires

• Greuvier, grévier bicolore, nogo blanc (Fr).
• Bastard brandy bush, false brandy bush, donkey berry, two-coloured grewia, white raisin (En).
• Mfukufuku, mkone, mkole (Sw).

Origine et répartition géographique

Grewia bicolor est répandu dans les zones sèches d’Afrique tropicale, dans toute la zone soudano-sahélienne depuis le Sénégal jusqu’à l’Erythrée, l’Ethiopie et la Somalie, et à travers l’Afrique orientale jusqu’à la Namibie, le Botswana, l’Afrique du Sud et le Swaziland. On le signale aussi dans la zone côtière du Bénin et du Togo, et on le trouve au Yémen, en Arabie Saoudite et en Inde.

Usages

Le bois de Grewia bicolor est employé pour la construction d’habitations (poteaux, poutres) et la fabrication d’une large gamme d’articles en bois tels que manches d’outils, houlettes de berger et cannes de marche, arcs et flèches, hampes de sagaies, “knobkerries” et massues, chevilles, râteaux et armatures de selles. On l’utilise en sculpture, et au Kordofan (Soudan) on l’évide pour faire des bols et des planches pour le jeu traditionnel de “kalah”, et les tiges servent à confectionner des cadres de tableaux. Au Burkina Faso, les tiges fines servent à tresser des paniers. Le bois est également utilisé comme allume-feu, bois de feu et charbon de bois.

La pulpe des fruits, sucrée et farineuse, est consommée fraîche, ou séchée comme friandise. Le jus des fruits est bu frais, ajouté à la bouillie, fermenté pour faire de la bière, ou encore distillé pour obtenir une liqueur. Les feuilles mucilagineuses et les fibres des feuilles sont employées comme liant dans les sauces. Les feuilles fraîches servent à faire une infusion. Au Burkina Faso, les fibres de l’écorce ou des feuilles sont employées dans la préparation de la bière de sorgho pour l’éclaircir et enlever l’amertume. L’écorce est également utilisée pour clarifier l’eau boueuse. Les fibres de l’écorce de Grewia bicolor servent à faire des cordages et sont également tissées. Les feuilles fraîches et sèches, les jeunes rameaux et les fruits servent de fourrage pour les animaux domestiques. Les feuilles et la cendre de feuilles brûlées sont parfois utilisées comme savon et pour le nettoyage des vêtements. L’arbre est également utilisé comme arbre d’ornement, arbre d’ombrage et espèce mellifère.

Grewia bicolor a une large gamme d’applications en médecine traditionnelle africaine. L’écorce est employée comme vermifuge, diurétique et laxatif, et pour traiter les furoncles et les plaies, les inflammations intestinales et la syphilis. Au Sénégal, une macération ou une décoction de l’écorce est réputée avoir des propriétés à la fois enivrantes et tranquillisantes, et on les absorbe aussi pour combattre la fatigue. Au Kenya, l’écorce est appliquée sur les démangeaisons, tandis qu’en Tanzanie elle est mâchée et appliquée sur les blessures comme bandage. Le bois est réputé avoir une action anthelminthique. En Côte d’Ivoire, on boit une décoction de feuilles, ou bien on la verse dans un bain, contre les douleurs de poitrine, après quoi on frotte le patient avec du jus tiré de racines pilées. En Afrique de l’Est, on boit une infusion froide de racines pour traiter l’anémie, les affections de la poitrine, les rhumes, la diarrhée, les morsures de serpents, les maladies mentales, les hernies et la stérilité féminine. Au Soudan, on applique un cataplasme de racines sur les lésions pustuleuses de la peau, et on absorbe la racine comme tranquillisant. Une décoction de racine est administrée en cas de retard dans l’expulsion du placenta. Au Niger, on applique de l’écorce de racines réduite en poudre sur les brûlures, et au Mali on applique sur les blessures du jus ou une décoction de l’écorce interne des racines. En Namibie, on prépare à partir des racines un sirop que l’on frotte sur les jambes enflées. La plante est également employée en médecine vétérinaire, par ex. pour traiter les problèmes d’estomac.

Production et commerce international

Le bois de Grewia bicolor n’est pas commercialisé sur le marché international.

Propriétés

Le bois de Grewia bicolor est dur et résistant ; les jeunes branches ont de bonnes caractéristiques d’élasticité.

Par 100 g de matière sèche, les feuilles contiennent : protéines brutes 16,7 g, lipides 4,7 g, extrait sans azote 48,4 g, fibres brutes 21,5 g. Par 100 g de matière sèche, le fruit contient : protéines brutes 4,9 g, lipides 3,5 g, glucides 74,3 g, fibres brutes 13,0 g, Ca 920 mg, Mg 200 mg et P 144 mg (Baumer, 1983). Les fruits sont sucrés mais astringents.

L’écorce et les autres parties de la plante contiennent du farnésol, qui a une action sédative et est antagoniste de l’effet stimulant de la caféine ; le farnésol accroît également les effets des barbiturates. Un extrait à l’éther de pétrole de la racine contenait des triterpènes, lupéol et bétuline, et des esters triterpéniques. Un extrait au méthanol a fourni des alcaloïdes : harmane, 6-méthoxyharmane et 6-hydroxyharmane. Un extrait au méthanol de la racine a montré une activité antibactérienne contre Staphylococcus aureus, Bacillus subtilis, Escherichia coli et Pseudomonas seruginosa, et il cause une forte contraction de l’utérus isolé du rat, qui peut être bloquée par le méthysergide. Les alcaloïdes du groupe harmane peuvent être associés à son emploi comme tranquillisant.

Description

• Arbuste ou petit arbre jusqu’à 10(–14) m de haut, produisant des rejets et des branches partant de la base du tronc principal ; écorce lisse lorsque jeune, ensuite foncée, profondément fissurée et écailleuse, à nombreuses lenticelles ; jeunes branches à poils grisâtres à brunâtres.
• Feuilles alternes, simples ; stipules linéaires-lancéolées, de 4–12 mm de long ; pétiole de 2–6 mm de long, couvert d’une pubescence grisâtre à brunâtre ; limbe généralement elliptique, rarement oblong ou ovale, de 1–12,5 cm × 0,5–6 cm, base arrondie, souvent légèrement asymétrique, apex aigu à obtus, bord finement denté à entier, à 3 nervures partant de la base, vert et glabre à finement poilu sur le dessus, avec une pubescence blanche dessous.
• Inflorescence : cyme axillaire, en groupes de 1–3, de 2–3,5 cm de long, portant (1–)2–3 fleurs ; pédoncule de 4–13 mm de long ; bractées ovales à lancéolées, de 2–5 mm de long, caduques.
• Fleurs bisexuées, régulières, 5-mères, à odeur douce ; pédicelle de 5–14 mm de long ; sépales de 6–14 mm de long, couverts d’une pubescence vert grisâtre ou brunâtre à l’extérieur, glabres et jaunes à l’intérieur ; pétales obovales à oblongs, de 3–9 mm de long, recourbés par dessus les sépales, sommet aigu à émarginé, jaune vif à orangés ; étamines nombreuses, de 6–7 mm de long ; ovaire supère, d’environ 1,5 mm de long, 2–4-loculaire, densément poilu.
• Fruit : drupe, généralement 2-lobée, lobes de 4–7(–11) mm × 4–8(–11) mm, plus ou moins glabres ou couverts de minuscules poils étoilés disséminés, de couleur orangée virant au noir violacé ; endocarpe dur, ligneux, réticulé.

Autres données botaniques

Le genre Grewia comprend environ 150 espèces, réparties dans les zones tropicales et subtropicales d’Afrique, d’Asie et d’Australie. Grewia bicolor est une espèce très variable, et elle s’hybride facilement avec Grewia monticola Sond.

Parmi les autres espèces de Grewia utilisées comme source de bois d’œuvre en Afrique centrale et orientale, on peut mentionner Grewia ferruginea Hochst. ex A.Rich., Grewia louisii R.Wilczek, Grewia microthyrsa K.Schum. ex Burret, Grewia pinnatifida Mast., et Grewia plagiophylla K.Schum.

Grewia ferruginea

Le bois de Grewia ferruginea, que l’on trouve au Soudan, en Erythrée, en Ethiopie et au Kenya, est employé en construction et pour faire des outils agricoles, et on l’utilise aussi comme bois de feu. Les fruits sont consommés, les feuilles servent de fourrage et l’écorce sert à faire des cordages. On signale que les racines et une pâte faite avec l’écorce sont employées comme anthelminthique ; l’écorce est employée contre la gale.

Grewia louisii

Le bois de Grewia louisii R.Wilczek, que l’on trouve en R.D. du Congo, est employé en construction et comme allume-feu : les fruits sont comestibles, et après avoir été séchés et réduits en poudre ils servent de remède contre la toux.

Grewia microthyrsa

Les tiges de Grewia microthyrsa (“Lebombo raisin” ou “sand raisin”), que l’on trouve dans le sud du Mozambique et en Afrique du Sud, servent à faire des hampes de sagaies et sont utilisées dans la construction de cases et de clôtures. Le fruit est comestible, et la plante est broutée par le bétail. Des macérations de racines servent de remède contre la stérilité et d’aphrodisiaque.

Grewia pinnatifida

Les branches de Grewia pinnatifida Mast., que l’on trouve en R.D. du Congo et au Gabon, servent à faire des arcs et des cordes, et le bois sec sert comme allume-feu.

Grewia plagiophylla

Le bois de Grewia plagiophylla, réparti entre la Somalie, le Kenya et la Tanzanie, est employé pour faire des pieux, des poteaux, des manches d’outils, des arcs et des flèches, des “knobkerries”, et pour la sculpture. L’écorce est une source de fibres. On absorbe une décoction de racine pour traiter les problèmes rénaux et la blennorragie, et on boit une infusion de feuilles, ou de feuilles et de racines, pour traiter les maux d’estomac. On fait tremper des fibres extraites de la plante pour produire une écume qui sert à laver les yeux atteints par des substances irritantes. Pour traiter les maladies mentales, on fait inhaler au patient la vapeur d’une décoction de feuilles, et on lui fait absorber une décoction de feuilles et de racines.

Grewia bicolor pousse lentement. Dans les zones à saison sèche marquée, la floraison a lieu pendant la saison des pluies, et les feuilles tombent à la saison sèche. Au Kenya, la floraison s’étend sur toute l’année, avec un maximum en novembre–janvier. Au Burkina Faso, la densité de Grewia bicolor d’une hauteur supérieure à 1,5 m était de 47 tiges/ha dans une zone de pluviométrie annuelle moyenne de 486 mm et de température annuelle moyenne de 29–30°C.

Ecologie

Grewia bicolor est résistant à la sécheresse, et il pousse surtout dans des zones à pluviométrie annuelle moyenne de (200–)400–900 mm. On le rencontre jusqu’à 2000 m d’altitude, en forêt sèche, dans les fourrés, les brousses à Commiphora-Acacia, les savanes arborées, et le long des cours d’eau. On le trouve souvent sur des sols sableux et rocheux et sur des sols d’argile rouge.

Gestion

Grewia bicolor est normalement récolté dans la nature. On peut le multiplier par graines, par semis naturels, par boutures et par drageons. La germination est améliorée par scarification mécanique (perçage ou entaillage) ou trempage pendant 12 heures dans l’eau froide. Le poids de 1000 graines est de 65–110 g. Les graines sèches peuvent être entreposées pendant plus d’un an à température ambiante, à condition d’être protégées contre les attaques d’insectes. Les taux d’enracinement des boutures tendent à être faibles, bien que les boutures à talon puissent avoir un taux de réussite de 60%. Grewia bicolor est facile à élever en pépinière, et montre en général un bon taux de survie après transplantation. Il se recèpe et s’élague bien. Le fruit séché au soleil, qui a l’aspect d’un raisin sec, est parfois emmagasiné pour être utilisé durant la saison sèche. Il se conserve bien.

Ressources génétiques

Du fait de sa large répartition, Grewia bicolor ne semble pas être menacé d’érosion génétique, bien qu’il soit localement considéré comme vulnérable, par ex. au Burkina Faso.

Perspectives

Grewia bicolor est un véritable arbre à fins multiples, fournissant toute une gamme de produits, et il semble par conséquent être un bon candidat pour des projets de foresterie communautaire. Toutefois, il faudrait davantage de recherche sur les modes de multiplication et de conduite appropriés, ainsi que les possibilités de sélection de génotypes améliorés. Du fait de la taille normalement réduite de l’arbre, son bois a peu de chance de devenir important pour le sciage.

Références principales

• Beentje, H.J., 1994. Kenya trees, shrubs and lianas. National Museums of Kenya, Nairobi, Kenya. 722 pp.

• Booth, F.E.M. & Wickens, G.E., 1988. Non-timber uses of selected arid zone trees and shrubs in Africa. FAO Conservation Guide No 19. FAO, Rome, Italy. 176 pp.

• Burkill, H.M., 2000. The useful plants of West Tropical Africa. 2nd Edition. Volume 5, Families S–Z, Addenda. Royal Botanic Gardens, Kew, Richmond, United Kingdom. 686 pp.

• Ruffo, C.K., Birnie, A. & Tengnäs, B., 2002. Edible wild plants of Tanzania. Technical Handbook No 27. Regional Land Management Unit/ SIDA, Nairobi, Kenya. 766 pp.

• Whitehouse, C., Cheek, M., Andrews, S. & Verdcourt, B., 2001. Tiliaceae & Muntingiaceae. In: Beentje, H.J. (Editor). Flora of Tropical East Africa. A.A. Balkema, Rotterdam, Netherlands. 120 pp.

Autres références

• Adam, J.G., Echard, N. & Lescot, M., 1972. Plantes médicinales Hausa de l’Ader. Journal d’Agriculture Tropicale et de Botanique Appliquée 19(8–9): 259–399.

• Baumer, M., 1983. Notes on trees and shrubs in arid and semi-arid regions. Ecological management of arid and semi-arid rangelands in Africa and the Near and Middle East (EMASAR) - Phase 2. FAO, Rome, Italy. 270 pp.

• Bekele-Tesemma, A., Birnie, A. & Tengnäs, B., 1993. Useful trees and shrubs for Ethiopia: identification, propagation and management for agricultural and pastoral communities. Technical Handbook No 5. Regional Soil Conservation Unit/SIDA, Nairobi, Kenya. 474 pp.

• Couteron, P. & Kokou, K., 1997. Woody vegetation spatial patterns in a semi-arid savanna of Burkina Faso, West Africa. Plant Ecology 132(2): 211–227.

• Desta, B., 1995. Ethiopian traditional herbal drugs. Part 1: Studies on the toxicity and therapeutic activity of local taenicidal medications. Journal of Ethnopharmacology 45(1): 27–33.

• Ganaba, S., Ouadba, J.-M. & Bognounou, O., 2004. Plantes de construction d’habitations en région sahélienne. Bois et Forêts des Tropiques 282(4): 11–17.

• Jaspers, M.W.J.M., Bashir A.K., Zwaving, J.H. & Malingré, Th.M., 1986. Investigation of Grewia bicolor Juss. Journal of Ethnopharmacology 17(3): 205–211.

• Maundu, P. & Tengnäs, B. (Editors), 2005. Useful trees and shrubs for Kenya. World Agroforestry Centre - East and Central Africa Regional Programme (ICRAF-ECA), Technical Handbook 35, Nairobi, Kenya. 484 pp.

• Neuwinger, H.D., 2000. African traditional medicine: a dictionary of plant use and applications. Medpharm Scientific, Stuttgart, Germany. 589 pp.

• van Wyk, B. & van Wyk, P., 1997. Field guide to trees of southern Africa. Struik Publishers, Cape Town, South Africa. 536 pp.

Auteur(s)

• M. Brink, PROTA Network Office Europe, Wageningen University, P.O. Box 341, 6700 AH Wageningen, Netherlands

Citation correcte de cet article

Brink, M., 2007. Grewia bicolor Juss. In: Louppe, D., Oteng-Amoako, A.A. & Brink, M. (Editors). PROTA (Plant Resources of Tropical Africa / Ressources végétales de l’Afrique tropicale), Wageningen, Netherlands. Consulté le 6 avril 2025.

• Voir cette page sur la base de données Prota4U.