Bétoine (Cazin 1868)
[192]
Bétoine
Nom accepté : Stachys officinalis subsp. officinalis
Betonica purpurea. Bauh., T. — Betonica vulgarior flore purpurea. Park. — Cestron et psychotrophon Dioscoridis et Plini.
Bétoine officinale, — bétoine vulgaire pourpre, — bétoine pourpre.
Labiées. — Stachydées. Fam. nat. — Didynamie gymnospermie. L.
Cette plante vivace (Pl. IX) se trouve dans les bois, les lieux ombragés, les taillis, les prairies.
Description. — Racine de la grosseur du petit doigt, coudée fibreuse, chevelue, brunâtre. — Tige de 30 à 60 centimètres, simple, droite, carrée, un peu velue. — Feuilles opposées, ovales-oblongues, cordées à la base, à dentelures mousses, ridées, pubescentes ; pétioles très-longs dans les feuilles inférieures, diminuant et finissant par disparaître à mesure qu’elles approchent du sommet de la tige. — Fleurs purpurines en verticillés Irès-rapprochés, formant un épi terminal (juin-septembre). — Calice monophylle, tubuleux, poilu en dedans, divisé en cinq dents aiguës. — Corolle monopétale bilabiée, à tube allongé, beaucoup plus long que le calice ; lèvre supérieure entière, plane, droite, obtuse, l’inférieurer presque plane, plus large, à trois lobes, deux latéraux, petits et arrondis, un moyen plus grand, entier. — Quatre étamines didynames, plus courtes que corolle. — Filets poilus. — Anthères noirâtres. — Ovaire quadrilobè. — Style filiforme simple. — Stigmate bifide. — Fruit tétrakène ovoïde, au fond du calice persistant, qui lui sert d’enveloppe.
[193]
Parties usitées. — Les racines, les feuilles et les fleurs.
[Culture. — Exposition ombragée, vient dans tous les sols, mais elle préfère la terre fraîche, se propage par semis en place faits au printemps ou à l’automne ; on peut la multiplier par division des pieds opérée aux mêmes époques.]
Récolte. — On peut récolter la bétoine en tout temps. Cependant elle a plus d’énergie au moment où les fleurs commencent à s'entr'ouvrir. On dit que ceux qui récoltent la bétoine éprouvent des étourdissements, des vertiges, une sorte d'ivresse, ce qui semble indiquer à l'état frais l'existence d'un principe narcotico-âcre.
Propriétés physiques et chimiques. — Les racines ont une saveur amarescente et nauséeuse. Les feuilles, outre cette même saveur, ont un goût âpre et comme salé. Les fleurs sont peu odorantes ; mâchées, elles produisent de la sécheresse dans la gorge. L’analyse a fourni un extrait légèrement amer et un extrait alcoolique plus acre et plus aromatique. Elle ne donne point d'huile volatile.
A L’INTÉRIEUR. — Infusion, 10 à 20 gr. par kilogramme d’eau bouillante. |
Conserve (fleurs fraîches sur 2 de sucre), 2 à 5 gr. |
La bétoine entre dans diverses poudres sternutatoires, dans l'ancienne préparation du sirop de Stœchas composé, dans le fameux emplâtre de bétoine vanté autrefois pour la guérison des plaies de la tête et même pour les fractures du crâne, et qu'on a, avec raison, abandonné comme tant d'autres absurdités pharmacologiques.
Rien de plus vague, de plus incertain, de plus exagéré que tout ce qui a été dit et répété sur la bétoine. Dioscoride et Galien exaltent ses vertus. Lucius Apulée[1] la regarde comme un remède infaillible contre quarante-six maladies, dont plusieurs sont très-graves, ou incurables, telles que la paralysie, la rage, la phthisie. Les Italiens et les Espagnols ont considéré longtemps la bétoine comme une panacée. Pour signaler une personne ou une chose douée de qualités rares, ont dit proverbialement : Ha piu virtù che bettonica. Les médecins anglais, allemands et français ont été plus réservés, bien que peu d’accord sur les propriétés de cette plante. Cullen la juge indigne de figurer dans la matière médicale. Hildenbrand ne la cite pas. Murray adopte avec hésitation les observations de Scopoli sur l’emploi avantageux de la bétoine dans les affections muqueuses et dans les catarrhes atoniques. Gilibert dit en avoir éprouvé l’utilité dans ces dernières affections ; mais il n’ajoute guère de confiance à la propriété émétique et purgative de la racine, d’accord en cela avec Bodart, qui ne recommande cette plante que comme propre à remplacer le tabac par sa vertu sternutatoire. Néanmoins, suivant Coste et Wilmet, la racine dee bétoine, qu'ils ont soumise à l'expérimentation, excite des nausées, des vomissements et même des évacuations alvines.
L’incrédulité est aussi contraire aux progrès de la thérapeutique qu'une confiance aveugle. N’ayant jamais eu l'occasion de vérifier l'action émétique purgative de la bétoine, j'aime mieux croire avec Coste et Wilmet, qui ont vu, que nier avec Gilibert et Bodart, dont la manière de voir ne s'appuie sur aucun fait bien observé.
On a administré comme fébrifuge populaire, surtout dans les fièvres intermittentes automnales et rebelles, la poudre de feuilles de bétoine, à la dose de 3 à 6 gr., dans un jaune d'oeuf, quatre heures après la fin de l'accès. Cette dose agissant comme éméto-cathartique, nous paraît devoir produire une assez forte révulsion. Gr. Hortius recommande, contre les fièvres tierces,
____________________
- ↑ J.-C.-G. Ackermann, Tardabilium medicamentorum scriptores antiqui ; 1788, p. 128.
[194]
la décoction de parties égales de bétoine et de plantain à prendre avant l'accès, ou matin et soir dans l'intermission. Il prescrit aussi contre ces fièvres une mixture composée de 60 gr. d'eau de bétoine, de 30 gr. d'eau de plantain et de 45 gr. de sirop d'oseille. Dans les fièvres quotidiennes, il associe la bétoine au pouliot, en décoction aqueuse.
J'ai vu un catarrhe pulmonaire chronique très-opiniâtre, chez un cultivateur âgé de quarante-six ans, céder en peu de jours aux fumigations de décoction de bétoine reçues deux fois par jour, pendant une heure, dans les voies aériennes.
La bétoine peut être employée comme sternutatoire dans les cas où ce genre de médication est indiqué.