Tilleul (Cazin 1868)

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Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Tormentille


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Noms acceptés : surtout Tilia europaea, et Tilia platyphyllos


TILLEUL. Tilia Europæa. L.

Tilia fœmina folio majore. C. Bauh., Tourn. — Tilia platyphyllos. Scop. — Tilia vulgaris platyphyllos. J. Bauh. — Tilia fœmina. Ger.

Tilleul d'Europe, — tilleul commun, — tillot, — thé d'Europe.

TILIACÉES. Fam. nat. — POLYANDRIE MONOGYNIE. L.


Ce bel arbre croît naturellement dans les forêts, et est cultivé dans les parcs, les jardins, les promenades publiques, dont il fait l'ornement.

Description. — Racines fortes, ligneuses. — Tige d'environ 15 à 18 mètres, à écorce épaisse, crevassée, à rameaux glabres, nombreux. — Feuilles fermes, pétiolées, alternes, un peu arrondies, échancrées en cœur à la base, aiguës au sommet, glabres en dessus, pubescentes en dessous, à dentelures mucronées. — Fleurs odorantes, axillaires, d'un blanc sale, disposées en un petit corymbe vers le milieu d'une bractée membraneuse, étroite, allongée, lancéolée, d'un blanc jaunâtre (juillet-août). — Calice caduc à cinq divisions profondes. — Corolle à cinq pétales alternant avec les divisions du calice. - Etamines nombreuses insérées sur le réceptacle. — Fruits petits, presque globuleux, un peu pubescents, munis de cinq côtes peu sensibles. — Capsule supérieure, coriace, globuleuse, indéhiscente.

Parties usitées. — Les fleurs, l'écorce. Toutes les parties de ce précieux végétal sont utiles aux arts et à l'économie domestique.

Récolte. — On récolte les fleurs de tilleul dans le mois de juillet. On les conserve presque toujours avec leurs bractées, ce qui est un tort, ces dernières ne jouissant pas des mêmes propriétés, et ajoutant inutilement au volume et au poids. On doit donc en séparer les fleurs et les faire sécher à l'étuve et au soleil, pour les conserver belles et odorantes. Leur odeur, qui se fait sentir à plusieurs mètres de distance quand elles sont fraîches, diminue par la dessiccation.

[Culture. — Les tilleuls aiment une terre légère, sablonneuse, humide. On peut les propager de graines ; mais le plus souvent on les multiplie de boutures.]

Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques. - L'infusion de fleurs de tilleul, qui est d'abord claire, devient rouge si l'eau versée bouillante y séjourne longtemps (vingt-quatre heures) ; elle est alors moins agréable à boire. Roux, pharmacien à Nîmes, en a séparé cette partie colorante. Les fleurs de tilleul contiennent une huile volatile odorante, du tannin colorant les sels de fer, du sucre, beaucoup de gomme, de la chlorophylle. Brossart[1] a préparé l'huile volatile de ces fleurs. A cet effet, il a retiré, de plus de 50 kilogr. de fleurs de tilleul à peine développées, 40 kilogr. d'une eau chargée d'un principe balsamique analogue à celui des bourgeons de peuplier. En redistillant celle-ci sur 50 nouveaux kilogrammes de fleurs encore moins développées, il a obtenu 20 kilogr. d'un liquide chargé d'un arôme très-pénétrant et très-suave, comme le baume du Pérou noir ; il surnageait des globules

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  1. Journal de pharmacie, 1820, t. VI, p. 396.


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d'huile volatile d'un jaune doré. Cette eau, placée à la cave, était, au mois de janvier suivant, transformée en une liqueur épaisse, aromatique. Brossart éprouva après en avoir bu, une sorte d'ivresse joviale mêlée d'accablement, de sommeil, et une excitation toute particulière. C'est à ce principe que l'eau distillée et l'infusion de fleurs de tilleul doivent leurs propriétés antispasmodiques.

Les fleurs et l'écorce, soumises à la macération, fournissent un mucilage épais que l'on a employé comme adoucissant. Missa[1] a découvert qu'en triturant les fruits du tilleul avec quelques-unes de ses fleurs et du sucre, on en obtenait une sorte de chocolat ; mais la qualité huileuse a paru trop faible à Margrave pour substituer ce composé à celui fait avec le cacao.

La sève du tilleul contient une assez grande quantité de sucre qu'on pourrait extraire avec avantage. Huit tilleuls ont fourni, dans l'espace de sept jours, à Dahlmann[2] quatre-vingt-quatorze pots suédois de sève ou de liquide, qui, soumis à l'ébullition pendant quelques heures, ont donné 3 livres 1/2 de sucre brun, une 1/2 livre de sirop ou moscouade, et 4 onces de sucre en poudre.

Le bois du tilleul, tendre et léger, facile à travailler, sert aux sculpteurs, aux layetiers, aux tourneurs, etc. Son charbon est recherché par les peintres, pour esquisser. Il est aussi employé en médecine. Après avoir été macérée dans l'eau et convenablement préparée, l'écorce sert dans quelques pays à fabriquer des cordes, des câbles, des nattes et des toiles d'emballage.

(Après ébullition dans l'eau, cette écorce devient molle, souple, et, comme la gutta-percha, susceptible de prendre toutes les formes, qu'elle conserve en séchant. La chirurgie économique pourrait utiliser cette propriété.) En Suède, on en a mis dans le pain[3].


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.

A L'INTÉRIEUR. — Infusion des fleurs, de 3 à 10 gr. par kilogramme d'eau bouillante.
Eau distillée, de 50 à 100 gr.
Sirop, de 50 à 100 gr., en potion.

Conserve (1 sur 3 de sucre), de 10 à 30 gr.
A L'EXTÉRIEUR. — Infusion et décoction des fleurs, de l'écorce ou des feuilles, en bains, fomentations, etc.


Les fleurs de tilleul sont antispasmodiques, légèrement diaphorétiques. On les administre souvent dans les affections nerveuses, l'hystérie, l'hypochondrie, la migraine, la cardialgie, les vomissements nerveux, les indigestions. Dans ce dernier cas, elles n'irritent pas comme le thé, et doivent toujours lui être préférées, même pour l'usage journalier, à cause de leur arôme doux et agréable. L'eau distillée de ces fleurs est fréquemment employée en potion comme excipient de médicaments antispasmodiques plus actifs. Les bourgeons des feuilles à peine développées et les feuilles naissantes jouissent, dit-on, des mêmes propriétés que les fleurs. J'ai remarqué que lorsque les bractées étaient administrées avec les fleurs, il en résultait une action plus prononcée sur les voies urinaires que sur la peau, et qu'elles étaient moins antispasmodiques.

Comme aromatique et diaphorétique, l'infusion chaude de fleurs de tilleul est utile dans la diarrhée séreuse, le refroidissement, la courbature, les coliques, les frissons fébriles. Elle produit toujours un bien-être résultant de la sédation du système nerveux. Plusieurs auteurs ont vanté ces fleurs contre l'épilepsie. Les observateurs rigoureux savent à quoi s'en tenir sur ce remède comme sur tant d'autres, malheureusement tout aussi peu efficaces contre cette affection. Toutefois, on devrait essayer l'emploi du principe actif obtenu par Brossart (Voyez Propriétés physiques et chimiques), dont l'action physiologique sur cet expérimentateur lui-même s'est montrée énergique et très-remarquable.

Rostan[4] a mis en usage les bains d'infusion de fleurs de tilleul prolongés pendant plusieurs heures (d'abord deux, puis trois, quatre heures et même

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  1. Ventenat, Monographie des tilleuls. (Mémoires de l'Institut, sciences physiques et naturelles, 1801, t. IV.)
  2. Flore médicale, 1818, t. VI, p. 252.
  3. Quellemalz, Programma de pane succedaneo ex cortice tiliæ interiori, 1757.
  4. Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. XVI, p. 299.


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plus), contre les névroses et particulièrement l'hystérie caractérisée par un spasme général, un sentiment de strangulation, etc. Ce moyen agit d'autant mieux que le bain est supporté pendant un temps plus long.

Le mucilage épais des fleurs et de l'écorce, qui est émollient et adoucissant, a été préconisé par F. Hoffmann contre la brûlure et les douleurs de la goutte. J'ai employé ce mucilage avec succès dans la diarrhée et les gastro-entérites chroniques. Les paysans le mettent souvent en usage contre les inflammations externes, les plaies enflammées et douloureuses, le ténesme, les brûlures ; ils font une décoction d'écorce de tilleul, et s'en servent, dans ces différents cas, en fomentations en lotions, en injections, etc. J'ai vu cesser une diarrhée chronique qui avait résisté aux moyens rationnellement indiqués, par le seul usage de la tisane mucilagineuse d'écorce et de fleurs de tilleul, et de la même décoction plus concentrée en demi-lavements répétés chaque jour. A cette occasion, je ne puis m'empêcher de faire remarquer que beaucoup de diarrhées chroniques, contre lesquelles on emploie inutilement les astringents, cèdent à l'usage des mucilagineux continué avec persévérance : c'est que très-souvent ces affections sont dues à une irritation de la muqueuse, contre laquelle les astringents ne réussissent pas toujours, bien qu'ils aient une action manifeste contre certaines phlegmasies chroniques.

Les feuilles et les fruits peuvent être employés comme l'écorce. L'amande légèrement oléagineuse du fruit, pulvérisée et prise comme du tabac, a été regardée comme propre à arrêter les hémorrhagies nasales.

Le charbon de bois de tilleul, qui est très-léger, a été indiqué comme fébrifuge[1]. On s'en sert ainsi que du peuplier (Voyez page 824), pour la préparation de la poudre de charbon de Belloc.

(Sous cette forme, on en a obtenu de bons effets, en lavements dans la dysenterie avec putridité des matières excrétées)[2].

Seidel[3] recommande l'application de la poudre de charbon de tilleul dans le pansement des brûlures : on vide les phlictènes, on saupoudre d'une couche de charbon pulvérisé, de 5 millimètres d'épaisseur, que l'on fixe par une bande. Si cette dernière s'humecte après quelques heures, on renouvelle l'appareil.

[Le tilleul d'Europe présente plusieurs variétés que quelques auteurs ont élevées au rang d'espèces ; ce sont le tilleul de Hollande ou à grandes feuilles (T. platyphyllos, Scop.; T. grandifolia, Ehrb.; T. pauciflora, Hayn.), le tilleul sauvage, à petites feuilles (T. microphylla, Wild.; T. parvifolia, Ehrh.].

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  1. Journal de Pharmacie, 1819, t. V, p. 321.
  2. Bulletin général de thérapeutique, 1862, t. LXIII.
  3. Journal des connaissances utiles, 1844, p. 304.