Pervenche (Cazin 1868)
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Nom accepté : Vinca minor
Clematis daphnoïdes minor. C. Bauh., J. Bauh. — Pervinca vulgaris angustifolia. Tourn. — Vinca vulgaris. Park. - Vinca pervinca. Off.
petite pervenche, — violette des sorciers, — petit sorcier, — herbe à la capucine.
APOCYNÉES. — PLUMÉRIÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE MONOGYNIE. L.
Cette jolie plante se trouve partout à la campagne et nous montre sa fleur d'un bleu pur et céleste dans les beaux jours du mois de mai. Son nom de violette des sorciers rappelle quelques emplois mystérieux qu'on en a faits. En Italie, on en tresse des couronnes qu'on dépose sur le cercueil des jeunes filles et des jeunes garçons. En Belgique, il était d'usage, au rapport de Simon Pauli, d'en semer les fleurs sous les pas des fiancées d'une réputation intacte ; de là son nom flamand de madedgen-palm. La vue de la pervenche
charmait J.-J. Rousseau et lui rappelait les douces émotions de sa jeunesse ; Mme de Warens la lui avait fait connaître aux Charmettes.
Description. — Racines grêles, rampantes, fibreuses, noirâtres. — Tiges ligneuses, glabres, rampantes. — Feuilles médiocrement pétiolées, opposées, entières, ovales, un peu lancéolées. — Fleurs solitaires et axillaires, toujours vertes (mai-juin). - Calice à cinq divisions. — Corolle tubulée, dilatée au sommet et divisée en cinq lobes tronqués obliquement, à gorge munie de poils étalés et couronnés par une membrane annulaire. - Cinq étamines à filaments élargis vers le sommet. — Anthères rapprochées, non saillantes. — Un style et un stigmate composé de deux parties, une supérieure en tête et l'autre inférieure en écusson. — Fruit formé de deux capsules allongées, folliculaires, à semences peltées.
Parties usitées. — Les feuilles.
Récolte. — On récolte ordinairement ces feuilles un peu avant la floraison ; mais on peut les recueillir en toute saison. La dessiccation n'en change pas la forme.
[Culture. — Cette plante se multiplie de graines ou de rejetons, en terre fraîche et légère.]
Propriétés physiques et chimiques. — Cette plante est inodore ; sa saveur, amère dans l'état frais, devient astringente après la dessiccation. Son principe amer est soluble dans l'eau, à laquelle il communique une grande amertume. Cette eau donne un précipité noir par son contact avec le sulfate de fer. — Les feuilles, au rapport de Decandolle, ont été employées au tannage des cuirs. — On s'en sert aussi pour raccommoder les vins qui tournent au gras.
La peryenche a toujours été considérée comme vulnéraire et astringente. Elle a joui d'une grande célébrité. Jean Agricola[1] prétend qu'elle est le plus souverain des remèdes que l'on puisse employer dans l'inflammation des amygdales et de la luette. « Si la luette est enflammée et allongée, dit cet auteur, et prête d'étrangler le malade, faites bouillir de la pervenche dans de l'eau pour gargariser la tumeur. Ce gargarisme tire une quantité prodigieuse de pituite visqueuse, et, par ce moyen, remet les parties et rend le passage de l'air libre. « On l'a crue efficace dans les affections pulmonaires. Mme de Sévigné recommandait souvent à sa fille la bonne petite pervenche contre les douleurs de poitrine dont elle se plaignait. On l'a administrée contre les hémorrhagies qui ont pu s'arrêter d'elles-mêmes, ce qui arrive fréquemment par le repos et un régime convenable. Combien de fois la répuration d'un médicament s'est établie sur les résultats heureux des efforts de la nature.
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- ↑ Med. herbar. Bâle, 1539.
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Quoi qu'il en soit, nous devons dire que le vulgaire emploie la pervenche comme agent antilaiteux en décoction, seule ou concurremment avec la canne de Provence (plante verte, 30 gr. par 500 d'eau ; plante sèche, 15 gr. pour la même quantité de véhicule) ; on l'a préconisée contre le crachement de sang, l'hématurie, la phthisie, la dysenterie chronique ou avec ulcérations intestinales (en lavement), la diarrhée, les flueurs blanches, les fièvres intermittentes ; en topique sur l'engorgement des mamelles, les plaies et les ecchymoses ; en gargarisme dans l'esquinancie, etc. Elle fait partie du faltrank ou thé suisse.
Cette plante, contenant un principe amer et du tannin, n'est pas dépourvue de propriétés ; mais elle est loin de posséder les vertus qu'on lui a attribuées contre les hémorrhagies ; n'a-t-on pas été jusqu'à la regarder comme pouvant même arrêter l'épistaxis au moyen de deux ou trois de ses feuilles placées sous la langue !