Aristoloche (Cazin 1868)
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Aristoloche clématite
Nom accepté : Aristolochia clematitis
Aristolochia clematitis, recta. T. — Aristoloche commune.
ARISTOLOCHIACÉES. Fam. nat. — GYNANDRIE HEXANDRIE. L.
Cette espèce d’aristoloche (Pl. V) croît spontanément en Italie, en Espagne, dans le midi de la France, et même dans les environs de Paris (abondamment au Mont-Valérien et sur les bords de la Seine à Marly). On la trouve dans les vignes, les haies, les bois, les lieux incultes. Elle est vivace.
Description. — Racine fusiforme, de 30 centimètres de longueur, brune et rugueuse à l’extérieur, jaunâtre à l’intérieur. — Tige haute de 50 à 70 centimètres, faible, grêle, anguleuse, striée, glabre, à peine dressée. — Feuilles alternes, pétiolées, assez amples, glabres, cordiformes, un peu plissées sur les bords, veinées en dessous, coriaces. — Fleurs jaunâtres, pédonculées, trois à six ensemble (juin-juillet), consistant en un périanthe d'une seule pièce, tubuleux, irrégulier, ventru à sa base, élargi vers son orifice, dont le bord, tronqué obliquement et sans division, se prolonge d’un côté en languette. — Six étamines soudées et confondues avec le style et le stigmate ; anthères subsessiles soudées au style par leur dos ; style court, et stigmate disposé au-dessus des anthères, en étoiles, à six divisions. — Ovaire inférieur oblong, terminé par un stigmate concave à six divisions. — Fruit globuleux, capsulaire, pendant, à six loges renfermant plusieurs semences attachées à l’angle central et disposées horizontalement les unes sur les autres.
Parties usitées. — La racine. Quelques anciens ont employé le fruit.
[Culture. — L’aristoloche clématite se propage facilement par graines, semées sur couche au commencement du printemps ; on les repique en bonne terre à la fin de la saison ; elle se ressème toute seule et devient parfois gênante.]
Récolte. — Les aristoloches se récoltent comme toutes les racines vivaces. Celles des espèces longue et ronde, choisies dans le commerce, doivent être grosses, bien nourries, nouvellement séchées, pesantes, d’un goût extrêmement amer. — La racine de la petite (pistoloche) doit être bien nourrie, touffue comme la racine d’hellébore noir, récemment séchée, de couleur jaunâtre, d’une odeur aromatique, d’un goût amer. Guibourt en possédait un échantillon qui était sucré ; il pensait que cet effet pouvait tenir à la vétusté.
(Propriétés chimiques. — Chevallier a isolé le principe amer de l'aristoloche et lui a donné le nom d'aristolochine. Ce principe, mal défini, n’a pas été étudié.)
A L’INTÉRIEUR. — Décoction et infusion des racines, 12 à 15 gr. pour 1 kilogr. d'eau. |
Extrait alcoolique (1 de racine sur 6 d’alcool), 2 à 4 gr., selon l'âge et les forces. |
Douée, comme les aristoloches longue ou ronde (qui nous viennent des pays méridionaux), d’une saveur âcre, amère, d’une odeur forte, pénétrante, elle paraît jouir des mêmes propriétés que ces dernières, et a pour nous le précieux avantage, comme indigène, d’être commune au centre de la France. Les anciens faisaient grand cas de cette aristoloche, si négligée de nos jours. Paul d’Œgine l'employait comme purgative à la dose d'un gros (4 gr.) en poudre dans du vin doux. Aëtius prescrivait deux gros (8 gr.) du fruit
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de cette plante dans la même indication, surtout dans les affections bilieuses et pituiteuses.
N'ayant sur les effets de cette plante, administrée à l'intérieur, aucune observation qui me soit propre, je ne puis mieux faire que de citer l’opinion de Gilibert. Voici comme il s’exprime : — « Toutes les aristoloches, même notre aristoloche clématite, cachent un principe médicamenteux très-pénétrant, répandant une odeur forte, d’une saveur vive, amère, aromatique, qui laisse une longue impression sur la langue. L’infusion des racines, édulcorée avec le miel, est un remède énergique qui augmente le flux des urines, détermine plus abondamment les menstrues. On en donne aussi la poudre dans du vin. Ce remède a réussi dans les pâle couleurs, les fièvres intermittentes, l’asthme humide, l'anorexie dépendante d'une atonie avec glaires. C’est un puissant adjuvant dans la paralysie, la goutte sereine ; appliqué extérieurement, il déterge les ulcères sordides. Toutes ces propriétés, ajoute le même auteur, sont constatées par des observations spéciales. Aussi doit-on être étonné, dit-il, qu’une plante aussi énergique soit presque abandonnée. Nous nous sommes toujours servi de l'aristoloche clématite, d'après notre principe, ajoute-t-il, que l'on doit préférer les plantes indigènes, lorsqu'elles offrent les mêmes principes médicamenteux que les exotiques. »
Alston rapporte qu'en Ecosse on emploie l'aristoloche clématite de préférence aux autres espèces, surtout comme antigoutteuse. Selon Helde, administrée en poudre ou en extrait, et principalement en essence simple ou teinture alcoolique, elle a prévenu les accès de la goutte. On lui attribue même la faculté de calmer les spasmes que les goutteux éprouvent fréquemment dans les jambes avant le paroxysme ; mais n’est-il pas à craindre que ce prétendu spécifique ne produise des rétrocessions funestes, ainsi qu’on l'a observé par l'administration de la fameuse poudre de Portland, dont la racine d’aristoloche ronde fait la base, et que je l'ai vu moi-même par l'usage des préparations de colchique ?
On lit dans les Ephémérides d’Allemagne[1] que la décoction aqueuse de racine d’aristoloche clématite, à prendre par verres dans la journée, ou la teinture alcoolique de la même racine, à la dose de 7 à 8 gouttes, à prendre dans du thé le matin à jeun pendant quelque temps, est un remède efficace contre la goutte.
Toutes les espèces d’aristoloches, et particulièrement l’aristoloche clématite, peuvent, à une dose trop forte, causer des crampes d’estomac, de vives douleurs intestinales, des vomissements, des superpurgations, et même, si l’on en croit quelques auteurs, occasionner des pertes et des avortements[2]. Ces divers accidents, résultant de l'administration imprudente d'un médicament, loin de démontrer le danger de son emploi thérapeutique, prouvent au contraire son énergie. D’un autre côté, des médecins dignes de foi ont regardé l’aristoloche clématite comme une plante faible et douteuse, malgré les éloges que lui ont accordés les anciens[3]. Ces diverses opinions viennent sans doute du lieu où a été récoltée la plante, de la saison où elle a été recueillie, et surtout de son degré d’ancienneté. Il ne faut pas oublier que Gilibert l’a employée dans les environs de Lyon, et que la même plante croissant dans les départements du centre de la France est souvent beau-
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- ↑ Centur., IX et X, observ. XCIV, p. 206.
- ↑ Orfila a fait périr des chiens en leur donnant de 1 à 2 grammes de poudre de racine d’aristoloche clématite.
- ↑ « Le non que porte cette plante, dit Alibert, prouve que, dans tous les temps, on lui a reconnu la propriété de favoriser le cours des lochies. Aujourd’hui, on a cessé de croire, avec raison, à une semblable vertu. On a tout dit, quand on a énoncé que l’aristoloche jouit d'une venu stimulante assez énergique. La réputation de cette plante, pour le traitement de la goutte, n’est pas mieux fondée. » Cette espèce d'ostracisme, non sanctionné par l'expérimentation, ne saurait infirmer l'opinion transmise d'âge en âge sur les propriétés reconnues de l'aristoloche.
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coup moins active. Il suffirait peut-être, dans ces derniers cas, d’augmenter les doses.
« Les essais que j’ai faits sur l’aristoloche clématite, dit Bodard, ont eu lieu pendant plusieurs années en Toscane ; l'expérience m'a toujours démontré que cette espèce, qui passe pour la plus faible de toutes, possédait une grande énergie dans plusieurs indications, surtout lorsqu’il importait de ranimer les fonctions vitales de l’utérus. Je combinais alors ce médicament avec le sirop de nerprun, ou avec tout autre purgatif approprié. Cette combinaison m’a réussi dans bien des cas où les aloétiques auraient présenté beaucoup d’inconvénients. Je ne l'ai point encore essayée en France. »
Aristoloche longue
Nom accepté : Aristolochia pallida
ARISTOLOCHE LONGUE, Aristolochia longa. L. — Aristolochia longa, vera. Bauh. T. — Cette plante vivace se plaît dans les pays méridionaux. Elle est commune dans les vignes, le long des haies des provinces du midi de la France.
Parties usitées. — La racine.
[Culture. — La racine d’aristoloche longue nous vient de la Provence et du Languedoc ; la ronde vient du même pays ; on la propage par semis comme l’aristoloche clématite.]
Propriétés physiques et chimiques. — La racine d’aristoloche est légèrement nauséeuse ; sa saveur est vive, acre, amère. On obtient de cette racine, par l’alcool, un extrait gommo-résineux très-amer, offrant plusieurs traits d’analogie avec l'aloès. L’extrait aqueux, peu abondant, est, dit-on, d'une saveur salée, amarescente, et d'une odeur de sureau.
Hippocrate, Galien, Dioscoride, ont fait l’éloge de la racine d'aristoloche. Ils recommandaient de l'administrer à l'intérieur et de l'appliquer extérieurement pour faciliter la menstruation, la sortie du foetus et l’écoulement des lochies. C'est à cette dernière propriété qu'elle doit son nom. L’expérience, en effet, a confirmé sa vertu emménagogue quand il y a atonie de l’utérus ; mais elle serait nuisible aux femmes nerveuses et à celles chez lesquelles la suppression des règles est accompagnée de spasme ou de pléthore. Gilibert l’a employé avec succès dans les cas énoncés plus haut. — (Voyez ARISTOLOCHE CLÉMATITE.)
Biermann[1] a grande confiance dans l’usage prolongé de la poudre de racine d’aristoloche longue, contre les fièvres intermittentes, même les plus rebelles.
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- ↑ Journ. de Huf., 1834.
Aristoloche ronde
Nom accepté : Aristolochia rotunda
ARISTOLOCHE RONDE (Pl. V), Aristolochia rotunda. Se distingue de la précédente par la forme de sa racine, qui est tuberculiforme, charnue, de la grosseur d’une noix environ. De plus, ses feuilles sont à pétioles très-courts. La languette du calice est d'un pourpre foncé. [L’aristoloche ronde est de la grosseur d’un abricot, elle est mamelonnée à sa surface, amylacée, jaunâtre à l’intérieur, grise en dehors, peu odorante, mais développant une forte odeur lorsqu'on la pulvérise. L'aristoloche longue se distingue de la précédante por sa forme allongée ; sa longueur varie de 0,16 à 0,20 ; elle est grosse à proportion]. Ses propriétés thérapeutiques sont les mêmes que celles de l’aristoloche longue. On la regarde même comme plus active. Schrœder, Fernel, Cartheuser, Spielmann, lui donnent la préférence. Elle forme la base de la fameuse poudre du Prince de la Mirandole, ou du Duc de Portland, qui quelquefois calme les douleurs de la goutte, mais cause souvent des accidents funestes, dont Cullen a tracé une peinture effrayante, et peut-être un peu exagérée. Cette poudre est ainsi composée : petite cen-
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taurée, 4 ; racine de gentiane, d’aristoloche ronde, feuilles de germandée et d'ivette, de chaque 2. — Dose, 4 gr. par jour pendant trois mois, 3 g. pendant trois autres mois, 2 gr. pendant six mois, enfin, 2 gr. tous les deux jours pendant la seconde année.
Aristoloche pistoloche
Nom accepté : Aristolochia pistolochia
ARISTOLOCHE PISTOLOCHE ; ARISTOLOCHE CRÉNELÉE (petite aristoloche) ; — Aristolochia pistolochia. L. — Cette espèce, également vivace, croît en Languedoc et en Suisse. Sa tige est grêle et s’élève peu au-dessus du sol ; sa racine est composée de fibrilles nombreuses, jaunâtres, fasciculées, partant d'une souche grosse comme une plume. Cette aristoloche, encore moins employée que celles dont nous venons de parler, et qui sont presque inusitées malgré leur énergie, paraît jouir des mêmes propriétés. Spielmann la range sur la même ligne que l’aristoloche clématite.