Cran, Cranson, Raifort sauvage (Candolle, 1882)

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Modèle:A ReclasserNom correct : Armoracia rusticana Gärtn., Meyer et Scherb.

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Cran, Cranson, Raifort sauvage. — Cochlearia Armoracia, Linné.


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Cette Crucifère, dont la racine d'une consistance assez dure a le goût de moutarde, était appelée quelquefois Cran ou Cranson de Bretagne. C'était une erreur, causée par un ancien nom botanique, Armoracia, qu'on prenait pour Armorica (de Bretagne). Armoracia est déjà dans Pline et s'appliquait à une Crucifère de la province du Pont qui était peut-être le Raphanus sativus. Après avoir signalé jadis 1 cette confusion, je m'exprimais de la manière suivante sur l'origine méconnue de l'espèce :

« Le Cochlearia Armoracia n'est pas sauvage en Bretagne. C'est constaté par les botanistes zélés qui explorent aujourd'hui la France occidentale. M. l'abbé Delalande en parle dans son opuscule intitulé Hœdic et Houat 2, où il rend compte d'une manière si intéressante des usages et des productions de ces deux petites îles de la Bretagne. Il cite l'opinion de M. Le Gall, qui, dans une Flore (non publiée) du Morbihan, déclare la plante étrangère à la Bretagne. Cette preuve, du reste, est moins forte que les autres, parce que le côté septentrional de la péninsule bretonne n'est pas encore assez connu des botanistes, et que l'ancienne Armorique s'étendait sur une portion de la Normandie où maintenant on trouve quelquefois le Cochlearia sauvage 3. Ceci me conduit à parler de la patrie primitive de l'espèce.

Les botanistes anglais l'indiquent comme spontanée dans la Grande-Bretagne, mais ils doutent de son origine. M. H.-C. Watson 4 la regarde comme introduite. La difficulté, dit-il, de l'extirper des endroits où on la cultive est bien connue des jardiniers. Il n'est donc pas étonnant que cette plante s'empare des terrains abandonnés et y persiste, au point de paraître aborigène. M. Babington 5 ne mentionne qu'une seule localité où l'espèce ait véritablement l'apparence d'être sauvage, savoir Swansea, dans le pays de Galles. Tâchons de résoudre le problème par d'autres arguments.

Le Cochlearia Armoracia est une plante de l'Europe tempérée, orientale principalement. Elle est répandue de la Finlande à Astrakhan et au désert de Cuman 6. Grisebach l'indique aussi dans plusieurs localités de la Turquie d'Europe, par exemple près d'Enos, où elle est abondante au bord de la mer 7.

Plus on avance vers l'ouest de l'Europe, moins les auteurs de Flores paraissent certains de la qualité indigène, plus les localités sont éparses et suspectes. L'espèce est plus rare en Norwège

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1. A. de Candolle, Géographie botanique raisonnée, p. 654.

2. Delalande, Hœdic et Houat, brochure in-8, Nantes, 1850, p. 109.

3. Hardouin, Renou et Leclerc, Catal. du Calvados, p. 85; de Brebisson, Fl. de Normandie, p. 25.

4. Watson, Cybele, I, p. 159.

5. Babington, Manual of Brit. bot., 2e éd., p. 28.

6. Ledebour, Fl. ross., I, p. 159.

7. Grisebach, Spicilegium Fl. rumel., I, p. 265.

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qu'en Suède 4, et dans les îles britanniques plus qu'en Hollande, où l'on ne soupçonne pas une origine étrangère 2.

Les noms de l'espèce confirment une habitation primitive à l'est plutôt qu'à l'ouest de l'Europe ; ainsi le nom Chren, en russe 3, se retrouve dans toutes les langues slaves : Krenai en lithuanien, Chren en illyrien 4, etc. Il s'est introduit dans quelques dialectes allemands, par exemple autour de Vienne 5, ou bien il a persisté dans ce pays, malgré la superposition de la langue allemande. Nous lui devons aussi le mot français Cran ou Cranson. Le mot usité en Allemagne, Meerretig, et en Hollande, Meer-radys, d'où notre dialecte de la Suisse romande a tiré le mot Méridi ou Mérédi, signifie radis de mer et n'a pas quelque chose de primitif comme le mot Chren. Il résulte probablement de ce que l'espèce réussit près de la mer, circonstance commune avec beaucoup de Crucifères et qui doit se présenter pour celle-ci, car elle est spontané dans la Russie orientale, où il y a beaucoup de terrains salés. Le nom suédois Peppar-rot 6 peut faire penser que l'espèce est plus récente en Suède que l'introduction du poivre dans le commerce du nord de l'Europe. Toutefois ce nom pourrait avoir succédé à un autre plus ancien demeuré inconnu. Le nom anglais Horse radish (radis de cheval) n'est pas d'une nature originale, qui puisse faire croire à l'existence de l'espèce dans le pays avant la domination anglo-saxonne. Il veut dire radis très fort. Le nom gallois Rhuddygl maurth 7 n'est que la traduction du mot anglais, d'où l'on peut inférer que les Celtes de la Grande-Bretagne n'avaient pas un nom spécial et ne connaissaient pas l'espèce. Dans la France occidentale, le nom de Raifort, qui est le plus usité, signifie simplement racine forte. On disait autrefois en France Moutarde des Allemands, Moutarde des capucins, ce qui montre une origine étrangère et peu ancienne. Au contraire, le mot Chren de toutes les langues slaves, mot qui a pénétré dans quelques dialectes allemands et français sous la forme de Kreen et Cran ou Cranson, est bien d'une nature primitive, montrant l'antiquité de l'espèce dans l'Europe orientale tempérée. Il est donc infiniment probable que la culture a propagé et naturalisé la plante de l'est à l'ouest, depuis environ un millier d'années. »

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1. Fries, Summa, p. 30.

2. Miquel, Disquisitio pl. regn. Bat.

3. Moritzi, Dict. inéd. des noms vulgaires.

4. Moritzi, ibid.; Visiani, Fl. dalm., III, p. 322.

5. Neilreich, Fl. Wien, p. 502.

6. Linné, Fl. suecica, n° 540.

7. H. Davies, Welsh Botanology, p. 63.