Chicorée sauvage (Cazin 1868)
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Nom accepté : Cichorium intybus
Cichorium sylvestre, seu officinarum. Bauh., Tourn. — Intybum sylvestre. Lob.
SYNANTHÉRÉES. — HYOSÉRIDÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE POLYGAMIE ÉGALE. L.
La chicorée (Pl. XIV), plante très-commune et très-connue, se rencontre à chaque pas le long des chemins et dans les lieux incultes. Les bestiaux la recherchent avec avidité. On la cultive dans les jardins, et en grand dans les champs, soit comme plante fourragère précieuse, soit pour la fabrication du café-chicorée.
Description. — Racine longue, fusiforme, pivotante, brunâtre. — Tiges droites, un peu rameuses, glabres, striées, un peu fistuleuses. — Feuilles un peu velues, plus souvent glabres, alternes, sessiles, allongées, profondément découpées à la base de la plante, devenant plus petites à mesure qu'elles approchent du sommet des tiges, où elles prennent un aspect cordiforme et ne sont plus découpées que par de légers festons. - Fleurs sessiles, d'un beau bleu, quelquefois blanches ou rougeâtres, surtout quand elles sont à l'état de bouton, très-souvent réunies deux ensemble, le long des rameaux et des tiges (août-septembre). — Involucre double, l'intérieur à huit folioles droites, l'extérieur à cinq folioles ouvertes ; réceptacle garni de paillettes. — Corolle composée de demi-fleurons prolongés en languette, linéaire, tronquée, à cinq dents au sommet, renfermant cinq étamines. Anthères réunies en cylindre traversé par un style à deux stigmates. — Fruits petits, anguleux, surmontés d'un petit rebord à cinq dents.
Parties usitées. — La racine et les feuilles.
Culture. — La chicorée, cultivée dans les jardins, y a pris dans toutes ses parties un développement beaucoup plus considérable qu'à l'état sauvage. Elle a produit, par transformation, la chicorée frisée, la barbe de capucin, et peut-être la chicorée endive ou scarole. [La chicorée se cultive en planches ou en bordures ; on la sème au printemps ; pour faire la barbe de capucin, qui n'est autre chose que de la chicorée étiolée, on la transplante à la cave dans du sable sec à la fin de l'automne.]
Récolte. — La racine, étant vivace, se récolte en tout temps pour l'employer à l'état frais, en septembre pour la conserver. Les feuilles fraîches sont employées de préférence. Quand on veut les conserver, il faut les récolter en pleine maturité, car lorsqu'elles sont jeunes, elles sont moins amères et moins énergiques.
Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques. — La racine de chicorée est remplie d'un suc laiteux très-amer. Les feuilles contiennent de l'extractif, de la chlorophylle, une matière sucrée, de l'albumine, des sels et entre autres du nitrate de potasse (in Soubeiran). — La racine a une composition analogue ; mais, suivant l'observation de Watt, elle, contient en plus de l'inuline. C'est à la matière extractive amère que toute la plante doit ses vertus.
La chicorée est cultivée en grand en Belgique et en Hollande, où sa racine fait l'objet d'un commerce considérable. Après l'avoir nettoyée, coupée en tranches, fait sécher au four, torréfiée et lustrée par l'addition de deux dixièmes de beurre, on l'emploie comme un des meilleurs succédanés du café, et on la mêle souvent à ce dernier[1].
Le mineur belge fait avec 30 gr. de café et autant de chicorée, 2 litres d'une infusion, auxquels il ajoute 2 décalitres de lait : c'est sa boisson journalière ; il ne boit de bière que le dimanche. En France on mêle la chicorée au café, soit par économie, soit pour ôter à la fève exotique ce qu'on lui croît de nuisible, soit en vue de la falsification. Ce mélange a une belle couleur et n'est pas désagréable ; mais il n'a plus ce parfum délicieux et cette vertu agréablement stimulante qui font rechercher le café pur.
On reconnaît la présence de la chicorée dans le café en projetant le mélange sur l'eau : le café reste à la surface, tandis que la poudre de chicorée, que l'on décore du nom de moka du Nord, gagne rapidement le fond. [La chicorée torréfiée teint l'eau en jaune, tandis que le café ne la teint pas ; mais les cafés enrobés, c'est-à-dire torréfiés au contact du sucre, de la mélasse, de fragments de betteraves ou de toute autre substance qui peut former une légère couche de caramel à la surface du grain, colorent également l'eau froide, mais les fragments restent à la surface de l'eau.]
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- ↑ Ce furent Bruneau et d'Harveng, de Lessines (Belgique), qui introduisirent les premiers l'usage de cette substance, vers l'an 1776.
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(On rencontre sur les fleurs de la chicorée sauvage, dans le Midi et les pays chauds, un insecte vésicant, le mylabre (M. cichorii. Fabr.); on s'en sert en Italie, en Grèce et en Egypte, comme de la cantharide.)
A L'INTÉRIEUR. — Infusion ou décoction des feuilles, 8 à 15 gr. par kilogramme d'eau. (Les feuilles fraîches en décoction, les feuilles sèches en infusion.) |
mêlé au petit lait ou au suc de plantes amères, crucifères, etc. |
Le fruit fait partie des quatre semences froides mineures.
La racine et les feuilles de chicorée sont toniques, apéritives, laxatives, fébrifuges. On les emploie fréquemment dans l'atonie des voies digestives, l'ictère, les engorgements viscéraux, les fièvres intermittentes vernales, dans le déclin des fièvres muqueuses, contre quelques affections cutanées chroniques, etc.
« Les anciens, dit Roques, traitaient la plupart des affections abdominales avec la chicorée sauvage, qui est amie du foie, suivant l'expression de Galien, et n'est pas contraire à l'estomac. Les modernes n'ont pas moins estimé cette plante, et il fut un temps où on la donnait à pleines mains pour résoudre l'engorgement des viscères, pour dissiper la jaunisse, pour ranimer les fonctions du foie, etc. Ce traitement, un peu trop empirique, était quelquefois salutaire ; mais il faisait négliger d'autres moyens plus rationnels. C'est ainsi que la jaunisse, qui accompagne l'irritation vive et douloureuse du foie, demande autre chose que l'emploi des plantes amères et lactescentes. Une méthode plus tempérante, la saignée même ou l'application des sangsues, des boissons légèrement apéritives, comme le petit lait, l'eau de chiendent, la limonade cuite, auront certainement plus de succès. » N'oublions pas, toutefois, que la chicorée peut être fort utile dans les engorgements lents et atoniques des viscères abdominaux, dans les phlegmasies chroniques même, lorsqu'un certain degré de stimulation est nécessaire pour combattre une irritation sourde, continue, peu développée et résultant de l'engorgement, d'une sorte de stase, plutôt que d'un surcroît primitif d'activité organique. Desbois de Rochefort, Vicat, Van Swieten, Lewis, et beaucoup d'autres praticiens, ont vu la chicorée guérir des ictères, des coliques hépatiques, qui avaient résisté à une foule de remèdes.
Geoffroy dit avoir vu l'usage habituel de la salade de chicorée guérir dès fièvres intermittentes qui avaient résisté à d'autres moyens. Je suis moi-même parvenu à triompher de fièvres intermittentes invétérées, avec engorgement de la rate, œdème des membres inférieurs, après l'usage mal dirigé et à diverses reprises des préparations de quinquina, en employant, pour tout traitement, l'infusion et les sucs de chicorée et de pissenlit.
« On voit tous les jours les maladies de la peau, telles que les dartres, les éruptions pustuleuses, les rougeurs, etc., résister à tout l'appareil pharmacologique ; puis s'amender par des méthodes plus douces, plus simples, empruntées à la famille des chicoracées. La chicorée sauvage, le pissenlit, la laitue, sont à la fois des remèdes et des aliments (Roques). » (La tisane de chicorée est vulgairement employée comme dépurative.)
On fait manger avec avantage les feuilles de cette plante aux bêtes bovines et ovines dont les muqueuses sont pâles et jaunes. Chez elles, c'est un excellent tonique contre les flux du canal intestinal.)