Chardon bénit (Cazin 1868)

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Chanvre
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Chardon-Marie
PLANCHE XIII : 1. Cataire. 2. Grande Centaurée. 3. Petite Centaurée. 4. Chardon-bénit. 5. Chardon-Roland.


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Nom accepté : Cnicus benedictus


CHARDON-BÉNIT. Centaurea benedicta. L.

Cnicus sylvestris hirsutior, seu carduus benedictus. C. B. T. — Cnicus benedictus. Gærtn. — Carduus benedictus. Matth. — Atractylis hirsutior. Fuchs. — Carduus sanctus.

Centaurée bénite, — cnicus bénit, — centaurée sudorifique.

SYNANTHÉRÉES. — CYNARÉES, tribu des Carduacées. Fam. nat. — Syngénésie Polygamie frustranée. L.


Cette plante (Pl. XIII), spontanée dans le midi de la France, se cultive dans les jardins. On prétend qu'elle fut apportée des Indes en présent à l'empereur Frédéric III, comme un préservatif excellent contre la migraine. Les médecins de cet empereur l'employèrent avec tant de succès qu'elle en acquit le nom de Bénite, qu'elle porte encore aujourd'hui. On cultiva le chardon-bénit; mais on s'aperçut bientôt qu'il croissait spontanément dans plusieurs parties de l'Europe.

Description. — Racine blanche, rameuse, fibrée. — Tige herbacée, rameuse, cannelée, lanugineuse, rougeâtre, de 30 à 40 centimètres de hauteur. — Feuilles alternes, profondément dentées, avec une petite épine à chaque dentelure, poilues ; les supérieures plus petites et serrées, formant une sorte d'involucre extérieur. — Fleurs grandes, en capitule terminal et solitaire, renfermant vingt à vingt-cinq fleurons jaunes, à involucre conique, composé d'écailles terminées par une épine pennatifide (juin et tout l'été) ; fleurons à cinq divisions, entourés de beaucoup de poils et posés sur un réceptacle plan garni de poils soyeux. — Fruits longs, cannelés, à aigrettes sessiles, glabres.

Il ne faut pas confondre cette plante avec celle que l'on connaît sous le nom de chardon-bénit des Parisiens (Carthamus lanatus, L.), et qui croît aux environs de Paris, et notamment à Bondy. On n'y trouve point celle dont il est ici question. Le carthame laineux se distingue par ses feuilles sèches et découpées en pinnules presque linéaires à la base de la tige ; ces feuilles sont ovales, simplement sinuées et déntées vers la partie supérieure. On le donne ordinairement dans les officines pour le vrai chardon-bénit ; ses propriétés sont analogues.

Parties usitées. — Les feuilles, les fleurs et quelquefois les fruits.

[Culture. — Le chardon-bénit n'est cultivé que dans les jardins botaniques ; on le propage par graines en terres légères.]

Récolte. — Elle se récolte en juin, avant l'entier épanouissement des fleurs. Alors la plante contient un suc rougeâtre et actif. On rassemble les feuilles et les sommités fleuries ; on en fait des paquets minces que l'on fait promptement sécher au soleil ou à l'étuve.

Propriétés physiques et chimiques. — Douée d'une amertume très prononcée, mais non persistante, cette plante contient, d'après Morin[1], du malate acide de chaux, une matière grasse verte formée d'huile fixe et de chlorophylle, de l'huile volatile, un principe amer particulier, une substance résineuse, du nitrate de potasse, du sucre liquide, de la gomme et de l'albumine, plusieurs sels minéraux et quelques oxydes, des traces de soufre. Une matière particulière y a été découverte en 1837 par Nativelle, qui l'a nommée cnicin ou cnicine. Ce principe s'obtient avec facilité. Il se présente sous forme de belles aiguilles blanches ; il est d'une excessive amertume ; fort peu solubie dans l'eau et les acides dilués, il se dissout très-bien dans l'eau alcalinisée, en perdant sa saveur amère.

Les feuilles du chardon-bénit peuvent fort bien remplacer le houblon dans la confection de la bière.


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEDR. — Infusion ou décoction, 15 à 60 gr. par kilogramme d'eau.
Suc exprimé, 30 à 100 gr.
Infusion vineuse, 30 à 50 gr. par kilogramme de vin (15 à 160 gr.).
Eau distillée, 60 à 120 gr. en potion.
Teinture, 2 à 5 gr. en potion.

Fruits en émulsion, 2 à 4 gr.
Extrait, 2 à 4 gr., en pilules, bols, ou délayé dans du vin, de la bière, etc.

A L'EXTÉRIEUR. — Infusion ou décoction des feuilles, en fomentations, lotions, etc.
Poudre, en topique.

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  1. Journal de chimie médicale, III, p. 105.


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Le chardon-bénit est considéré comme tonique, fébrifuge, sudorifique, diurétique, vermifuge ; à forte dose, il est émétique. Il convient dans la débilité des voies digestives, l'anorexie, la dyspepsie, dans l'atonie générale, les fièvres intermittentes, les fièvres éruptives avec atonie, etc.

Cette plante, à peine connue en médecine avant Césalpin, vantée depuis avec exagération, est maintenant presque entièrement oubliée. Cependant, ses propriétés réelles la placent dans la matière médicale indigène à côté de la petite centaurée, de la gentiane et de la chausse-trape. Hoffmann la compare et la préfère à l'absinthe, la recommande dans une foule de maladies de nature en apparence dissemblable, mais qui pourtant se rapportent à un état essentiellement hyposthénique. C'est en remontant à chaque époque de la science, en tenant compte du langage qui s'y rapporte, et en l'interprétant sans prévention, que nous devons juger nos prédécesseurs. Nous trouvons alors que s'il y a entre eux et nous désaccord par les mots, il y a presque toujours accord par les choses.

Pontedera recommande le chardon-bénit dans les coliques produites par la trop grande distension du côlon par des vents, dans les fièvres intermittentes, surtout celles qui ne quittent jamais entièrement le malade. Ruland, au rapport d'Ettmuller, après avoir fait vomir le malade, lui administrait pendant quelques jours une décoction de cette plante, avec la petite centaurée, pour exciter la sueur.

Jean Bauhin, Lange, et surtout George-Christophe Petri Van Hartenfels[1], et George-Christophe Otto[2] ont prodigué à cette plante de fastueux éloges. Ils la considéraient comme tempérante, alexipharmaque, anticancéreuse, antipestilentielle, etc. Simon Pauli signale le chardon-bénit comme le meilleur remède à employer contre les lièvres malignes de toute espèce, et va jusqu'à dire qu'elle peut préserver de la peste, des fièvres pétéchiales, de la rougeole, de la variole. De telles assertions sont maintenant réduites à la seule idée que cette plante est douée d'énergie et qu'elle mérite l'attention des praticiens. Aussi, Lewis, Linné et Gilibert ont-ils constaté ses bons effets dans la débilité d'estomac, la dyspepsie et l'anorexie atoniques, les fièvres intermittentes, l'ictère. Dans cette dernière maladie, il faut bien s'assurer de l'état du foie et des conduits biliaires ; car il est bien évident que lorsque la jaunisse dépend d'un état phlegmasique ou d'un spasme du canal cholédoque, l'action du chardon-bénit, comme celle de tous les toniques, ne peut que nuire ; les antiphlogistiques, les calmants et les diurétiques délayants sont alors plus rationnellement indiqués.

Le chardon-bénit exerce, suivant Hufeland, une action curative dans le catarrhe bronchique chronique fixe. Il recommande dans ce cas la formule suivante ; Extrait de chardon-bénit, 4 gr. ; extrait de douce-amère, 13 décigrammes ; eau de fenouil, 30 gr. ; eau de laurier-cerise, 4 gr. Dose, 60 gouttes, quatre fois par jour.

Les fruits du chardon-bénit passent pour avoir les mêmes propriétés que la plante. On les administrait autrefois contre les obstructions du foie et les flatuosités. On les donnait aussi en émulsion avec de l'eau de coquelicot contre la pleurésie. Schrœder considérait comme un remède admirable contre les maladies putrides l'extrait de chardon-bénit préparé avec du vinaigre distillé. Ce remède, suivant Etmuller, excite une abondante transpiration, à la dose de 30 centigr. à 1 gr. 30 centigr. L'eau distillée servait autrefois de véhicule aux potions excitantes et sudorifiques. Elle est à tort abandonnée de nos jours.

(Loback[3] pense que l'emploi des fruits de cette plante (15 gr. pour une

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  1. Asylum languentium, seu carduus sanctus, vulgò benedictus, medicina patrum-familias, polycresta, verumque pauperum thesaurus, etc. Iéna, 1669.
  2. De Carduo benedicto, diss. inaug. Argent., 1738.
  3. Gazette médicale, 1859.


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décoction de 250 gr., ou teinture de 8 à 20 gouttes) régularise la circulation abdominale et agit d'une façon favorable dans les métrorrhagies et les troubles de la menstruation. Le premier effet du traitement est quelquefois une surexcitation assez vive ; aussi est-il bon de le diriger avec prudence et en commençant par de petites doses. Dans les cas où on avait constaté une hypertrophie hépatique par la percussion, il y a eu évidemment résolution et amendement dans les phénomènes d'inappétence, de douleurs, d'irrégularité dans les selles et de troubles menstruels qui se rattachaient à cette altération.)

La décoction des feuilles de cette plante est détersive, tonique, et peut être employée avec avantage sur les ulcères atoniques, sur les ulcères gangreneux et même cancéreux. On peut aussi employer la poudre dans les mêmes cas. La décoction ou l'eau distillée a été très-recommandée par S. Pauli sur les ulcères chancreux, qu'il saupoudrait ensuite avec la poudre des feuilles. Arnaud de Villeneuve a vu guérir par ce moyen un homme dont la chair de la jambe était rongée jusqu'à l'os par un vieil ulcère.

Le cnicin, à la dose de 20 à 30 centigr., produit des nausées et des vomissements. Il a été peu employé jusqu'à présent ; Bouchardat le place au-dessus de la salicine dans le traitement des fièvres intermittentes.