Rosiers (Cazin 1868)

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Roseau
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Rue


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ROSIERS. Rosæ.
ROSACÉES. — ROSÉES. Fam. nat. — ICOSANDRIE POLYGYNIE. L.


Le rosier, charmant arbrisseau dont le type et l'origine sont incertains, a produit de nombreuses variétés plus ou moins belles, à la tête desquelles se trouve la rose à cent pétales, vulgairement et improprement à cent feuilles, chantée par les poètes, et qui fut consacrée, chez les Grecs, à l'Aurore, à Vénus, aux Grâces. Dans les livres sacrés, la Sagesse éternelle est comparée aux plantations de rosiers qu'on voyait près de Jéricho. C'est la reine des fleurs :

... Plebeii, cedite, flores ;
Hortorum regina suos ostendit honores.
(RAPIN, Hort.)

La rose excite l'admiration par la perfection de ses formes, par la suavité de son parfum, par sa couleur séduisante ; et joignant l'utile à l'agréable, elle fournit à la médecine, à la parfumerie, des ressources précieuses.


Rose de Provins

Nom accepté : Rosa gallica


ROSIER DE PEOVINS, ROSIER GALLIQUE, ROSIER DE FRANCE, ROSE ROUGE, ROSE OFFICINALE. Rosa gallica, L. ; Rosa rubra multiplex, C. Bauh. ; Rosa provincialis rubra, Ray ; Rosa rubra, Off., Murr. — Cet arbrisseau, cultivé dans les jardins, croît dans les montagnes de l'Orléanais, de la Touraine, de l'Auvergne. Quoiqu'il soit cultivé dans toute la France, il l'est cependant plus particulièrement à Provins, à Fontenay-aux-Roses, près de Paris, dans les environs de Metz, etc.

Description. — Racines dures, ligneuses et fibreuses. — Tiges rameuses, dressées ou étalées, vertes ou rougeâtres, munies d'aiguillons nombreux, souvent caducs et crochus. — Feuilles portées sur des pétioles épineux, alternes, ailées, à cinq ou sept folioles dentées, dont quatre ou six opposées et une impaire. — Fleurs solitaires, pédon-


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culées, d'un beau rouge pourpre foncé (juin-juillet). — Calice ovoïde divisé en cinq découpures alternativement pinnatifides. — Corolle à pétales cordiformes, légèrement crénelées, au nombre de cinq dans la fleur simple, en plus grand nombre dans les espèces doubles. — Etamines nombreuses à filets courts, portant des anthères à trois faces. - Ovaires nombreux renfermés dans le calice. — Fruits : akènes osseux, attachés aux parois internes du tube calicinal, accru, arrondi, charnu et d'un rouge vif.

Parties usitées. — Les pétales, les fruits, les galles, ou bédeguars.

[Culture. — Les rosiers de Provins et la rose à cent feuilles sont seuls cultivés pour l'usage médical ou économique. Ils préfèrent une exposition chaude mais ombragée, une terre légère et fraîche. On les propage par boutures, marcottes, éclats. En racines ils exigent Une taille ordinaire du jeune bois ; les belles variétés se greffent sur franc-de-pied ou sur églantiers. Par semis, on en obtient de nouvelles.]

Récolte. — On récolte les roses de Provins au mois de juin, lorsque le bouton est sur le point de s'ouvrir. Elles ont moins de propriétés lorsqu'elles sont épanouies. On sépare les pétales du calice, et on les fait sécher rapidement au grand soleil ou dans un grenier bien aéré, à l'étuve ; puis on les conserve dans des boîtes de bois fermées, et dans un lieu sec. En les laissant sécher lentement à l'air, ils sont moins odorants et moins actifs. Quand ils sont bien préparés, ils sont d'un beau rouge velouté et leur odeur augmente par la dessiccation. Toutefois, en veillissant, ils se décolorent un peu et perdent de leur odeur. Dans le commerce, on doit rejeter les pétales peu rouges, peu odorants, peu amers et astringents. L'onglet, qui reste jaune, ne doit pas en être séparé. — Les roses de Provins ne sont pas supérieures aux autres. — Le commerce les tire surtout des environs de Metz, où elles sont fort belles.

Propriétés physiques et chimiques. — Les pétales de la rose rouge sont d'une odeur faible, mais agréable, d'une saveur amère etstyptique. Ils contiennent, d'après Cartier[1], une matière grasse, une huile essentielle, de l'acide gallique, une matière colorante, de l'albumine, du tannin, des sels solubles à base de potasse, des sels insolubles à base de chaux, de la silice, de l'oxyde de fer. Charlot, de Saint-Agnan[2], dit avoir observé sur les pétales de cette espèce une sorte de cristallisation. - L'eau, l'alcool et le vinaigre s'emparent des principes actifs.

[D'après les recherches de Filhol[3], les roses rouges ou de Provins ne contiendraient pas de tannin proprement dit, comme on l'avait toujours cru, mais seulement du quercitrin. Ce savant chimiste y a trouvé, en outre, du sucre interverti (20 pour 100), de la cyanine ou matière colorante bleue, une matière grasse soluble dans l'alcool à 85° C bouillant, et une autre qui ne se dissout pas dans ce liquide.]

Substances incompatibles. Les sulfates de fer, de zinc, la gélatine, l'eau de chaux, etc.


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — Infusion, de 8 à 15 gr. par kilogramme d'eau.
Poudre, de 2 à 8 gr. dans un véhicule approprié.
Conserve, de 60 à 120 gr.
Sirop, de 30 à 60 gr.
Miel rosat, de 30 à 100 gr.

A L'EXTÉRIEUR. — Infusion, de 15 à 60 gr. par kilogramme d'eau, en lotion, collyre, etc.
Vin (1 sur 16 de vin rouge), en injection, lotion, etc.
Miel rosat, en gargarisme, collutoire, etc.

Vinaigre rosat, 1 de pétales sur 12 de vinaigre blanc.
(La pommade rosat ne se fait plus, d'après le Codex de 1866 (page 578), avec les roses rouges. Voici quelle est la nouvelle formule : axonge, 1,000 gr. ; racine d'orcanette, 30 gr. ; cire blanche, 8 gr. ; huile volatile de roses, 2 gr.)
La rose de Provins entre dans le sucre rosat, dans le sirop d'absinthe composé, le sirop de consoude, la confection Hamech, le diascordium, la thériaque, la confection alkermès, l'opiat de Salomon, etc.


La rose rouge est astringente, tonique ; elle convient dans les écoulements muqueux chroniques, les catarrhes, les diarrhées chroniques, les leucorrhées, les hémorrhagies passives, l'ophthalmie chronique, etc. Beaucoup d'auteurs ont attribué à la conserve de rose une grande efficacité contre la phthisie pulmonaire. S'il faut en croire Avicenne, Valériola, Forestus, Rivière, Murray, Buchan, Kruger, etc., on serait parvenu, au moyen

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  1. Journal de pharmacie, 1821, t. VII, p. 527.
  2. Ibid., 1832, t. XVIII, p. 641.
  3. Société pharmaceutique de Toulouse et Répertoire de pharmacie, mai 1863.


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de son usage longtemps continué, à suspendre la marche de cette maladie et même à la guérir. Ces auteurs administraient ce médicament en grande quantité ; ils citent des malades qui en avaient pris jusqu'à vingt et trente livres dans le cours de leur traitement. Cette conserve m'a été utile dans les sueurs et les diarrhées des phthisiques.

L'infusion de roses rouges, légèrement sucrée et acidulée avec le suc de citron, modère les pertes utérines des femmes délicates qui ne pourraient supporter des remèdes plus énergiques. Voltelen[1] en a obtenu d'excellents effets. Il dit qu'elle lui a également réussi dans les fièvres putrides et malignes compliquées de diarrhées séreuses ou sanguinolentes. Il recommande l'infusion de roses avec le sucre de lait dans les affecticns catarrhales du poumon, avec une sorte de diathèse hectique, dans les ulcérations internes, etc. Roques a souvent eu recours à la conserve de roses de Provins combinée avec le sirop de pavot blanc et le nitrate de potasse, pour arrêter ou modifier les hémoptysies rebelles.

L'infusion et le vin de roses rouges, le miel et le vinaigre rosats s'emploient en lotions, injections, gargarismes, collyres, comme astringents, toniques, résolutifs. On met fréquemment en usage, contre les ulcères atoniques blafards, les roses infusées pendant une demi-heure dans du vin rouge bouillant (1 partie sur 16 de vin). On applique des fomentations, des cataplasmes et des sachets de roses sur les tumeurs froides et indolentes, sur les engorgements atoniques, œdémateux.

(Avant que Velpeau et Boinet aient préconisé la teinture d'iode et l'aient fait préférer comme d'un usage plus sûr et moins douloureux, on injectait l'infusion vineuse de roses rouges dans les cavités closes, et surtout dans la tunique vaginale, siège d'bydrocèle, pour y déterminer soit une modification de tissu, soit l'inflammation adhésive.)


Rose cent feuilles

Nom accepté : Rosa centifolia


ROSIER A CENT FEUILLES. Rosa centifolia, L. ; rosa multiplex media, C. Bauh. — Haller et Linné prétendent que ce magnifique rosier dérive du rosa canina. Ses belles fleurs sont moins odorantes que celles du rosier musqué, dont nous allons parler. On en prépare une eau distillée très-employée pour collyres astringents, soit seule, soit comme véhicule de substances plus actives, telles que le sulfate de zinc, le sulfate de cuivre, l'acétate de plomb, le nitrate d'argent.


Rose de Damas

Nom accepté : Rosa damascena


ROSIER MUSQUÉ, ROSIER DES QUATRE SAISONS, ROSE DE PUTEAUX, ROSE DE DAMAS, ROSE MUSCADE OU MUSCATE, ROSE MUSCATELLE. Rosa moscata, Wikl. ; rosa damascena, Pharm. ; rosa semperflorens, Desf. ; rosa bifera, Persoon.

Ce rosier, originaire de l'Orient, est depuis longtemps naturalisé en France. On le cultive dans les jardins, dans les bosquets ; mais il craint la rigueur des hivers, et sous le climat de Paris il est nécessaire de le couvrir ; ses fleurs répandent une odeur délicieuse. C'est de cette espèce qu'on obtient l'essence ou huile essentielle de rose, employée principalement dans la parfumerie, et qui peut prendre la consistance du beurre (beurre de rose).

[D'après Bilz les roses pâles renferment : essence de roses, quantité variable, huile grasse 0.065, cire 2.050, résine 1.880, tannin 0.260, gomme 25.0, sucre incristallisable 30.00, acide citrique 2.950, acide malique impur 7.760, fibre végétale 14.00, épiderme 4.552, eau et sel 13.483.

L'essence de rose est un mélange de deux huiles essentielles, une solide jusqu'à 95° C. et qui bout à 300° C., et qui est un carbure d'hydrogène ; l'autre qui contient de l'oxygène et qui répand l'odeur de la rose ; elle n'a pas été analysée.

On falsifie souvent l'essence de roses avec celle du géranium rosat (geranium roseum) celle-ci verdit par les vapeurs nitreuses, son odeur est altérée par l'acide sulfurique, elle est colorée par l'iode ; tandis que l'essence de roses n'est pas verdie par les vapeurs nitreuses, n'est pas brunie par l'iode, mais l'acide sulfurique lui donne une mauvaise odeur].

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  1. Pharm. universa.


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La plupart des auteurs de matière médicale regardent plusieurs espèces de roses, et surtout la rose musquée, comme purgatives. Les Allemands se purgent avec la seule infusion des pétales de cette rose dans du petit-lait. Venel dit qu'il a purgé une femme avec quinze pétales de cette rose en infusion, et quatre fois ce purgatif lui a réussi. Amatus Luzitanus considère cette rose comme un purgatif énergique. Dans le Languedoc et la Provence, les pétales de trois ou quatre roses musquées suffisent, suivant Lémery, pour purger. Ce purgatif est, en effet, plus actif dans les pays chauds que dans le Nord. L'eau distillée de rose musquée est également purgative à la dose de 500 gr. Loiseleur-Deslongchamps s'étonne qu'un médicament aussi agréable soit tombé dans l'oubli, tandis que tous les jours les médecins prescrivent, pour purger, des préparations dégoûtantes par leur couleur, leur odeur et leur saveur. C'est avec les pétales de cette rose, rosa pallida des officines[1], qu'on fait le sirop de rose pâle, si vanté par Guy-Patin, et celui qu'on appelle Sirop de rose pâle composé. Le premier se prescrit comme laxatif, à la dose de 38 à 60 gr., surtout aux enfants ; le second, dans lequel entre le séné, comme purgatif. Toutes les roses appelées Pâles, à pause de la couleur de leurs fleurs comparée avec celle de la rose rouge ou de Provins, ont des propriétés purgatives et peuvent être substituées les unes aux autres.


Rose du Bengale

Nom accepté : Rosa chinensis


ROSIER DE BENGALE. Rosa indica, L. ; Rosa Bengalensis, Hort. — Cette charmante espèce, à feuilles luisantes, fleurit toute l'année en pleine terre. Une de ses nombreuses variétés a des pétales qui sentent le thé à s'y méprendre, ce qui l'a fait appeler la rose-thé ou rosier à thé. Si on parvenait à fixer cette odeur, on pourrait en faire usage à l'instar du thé.


Églantier

Nom accepté : Rosa canina


ROSIER DE CHIEN, — ÉGLANTIER A FLEURS BLANCHES OU ROSES. — Rosa canina. — Ce rosier, à fleurs blanches ou d'un blanc rosé, champêtre, est ainsi nommé parce qu'on a vanté sa racine contre la rage. Les dieux mêmes, suivant Pline, avaient révélé en songe cette merveilleuse propriété à une mère dont le fils avait été mordu par un chien atteint de cette terrible maladie. Ce prétendu antirabique a été proposé par un particulier à l'Académie de médecine de Paris[2], en citant à l'appui quarante cas de guérison par ce moyen. Tout cela est bien oublié et mérite de l'être. Loiseleur-Deslongchamps a obtenu plusieurs évacuations alvines au moyen des pétales de cette rose pulvérisés et donnés à la dose de 1 à 2 gr. 50 centigr. J'ai administré cette poudre à la dose de 4 gr. ; elle a provoqué cinq selles, précédées de légères coliques. Le fruit ou cynorrhodon, connu sous le nom de gratte-cul, à cause du prurit que les poils qu'il renferme causent à la peau, sert à préparer la confection de cynorrhodon, qu'on emploie dans la diarrhée, surtout chez les phthisiques, dans la débilité des voies digestives. En Allemagne on l'offre au dessert et on le mange avec les viandes. Celle qu'on fait à Strasbourg et à Colmar est sucrée, légèrement acide et d'un goût fort agréable. J'ai quelquefois mis en usage la décoction des fruits concassés du rosier de chien (après en avoir enlevé les semences hérissées de poils), avec une suffisante quantité de sucre, dans les diarrhées des enfants. Cette préparation simple, et d'un goût agréable, tient lieu de sirop de coing là où il n'est pas toujours possible de se procurer ce dernier[3].

Le duvet des semences du cynorrhodon, appliqué sur la peau, y cause une démangeaison insupportable suivie de douleur, d'un léger gonflement

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  1. Journal de pharmacie, 1826, t. XII, p. 446.
  2. Séance du 24 avril 1832.
  3. Les cynorrhodons ont été analysés par Bilz (Journal de pharmacie de Tromensdorff, t. VIII, p. 63). Il y a trouvé une huile volatile, une huile grasse, du tannin, du sucre incristallisable, de la myricine, une résine solide, une résine molle, de la fibrine, de l'albumine, de la gomme, de l'acide citrique, de l'acide malique, des sels, etc.


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et de points rouges qui se dissipent spontanément dans l'espace d'une heure. Ce duvet peut être employé à l'intérieur comme vermifuge. Il agit immédiatement et mécaniquement sur les vers en les piquant à la manière du poil à gratter (dolichos pruriens, L.), que Chamberleine[1] a vanté comme anthelminthique. J'ai plusieurs fois employé ces poils à la dose de 15 à 30 centigr., mêlés avec un peu de miel. Ce vermifuge, que les enfants prennent avec facilité, tue les vers lombrics, et n'a aucun inconvénient. Ni les poils du dolichos, ni ceux du cynorrhodon, ne produisent sur la muqueuse des voies digestives l'irritation qu'ils déterminent à la peau ; ils agissent exclusivement sur les vers.


Rosier jaune

Nom accepté : Rosa sp. ?


ROSIER SAUVAGE ou DES HAIES, ÉGLANTIER. — Arbrisseau formant un buisson épais, à fleurs d'un beau jaune. Une variété de cette espèce a les pétales d'un rouge éclatant (rouge ponceau). Le nom d'Églantier s'applique aussi au rosier de chien, dont nous venons de parler. Les propriétés du rosier sauvage sont à peu près les mêmes que celles de ce dernier.

Il naît sur le fruit, la tige et la feuille des rosiers sauvages, par la piqûre d'un insecte parasite (cynips rosæ), une excroissance spongieuse (Fungus rosaceus, Offic. ; Spongiola cynorrhodon, Pline), éponge d'églantier, connue dans les anciennes pharmacopées sous le nom de Bédéguar, et à laquelle on attribuait des propriétés astringentes, litbontriptiques, fondantes, etc. On la croyait même propre à dissiper les goîtres, à combattre les affections vermineuses, les scrofules, l'hydrophobie, l'alopécie, la piqûre de la tarentule. Cette production a été, dit-on, employée avec succès pendant le cours d'une épidémie de dysenterie en Sicile. Il est probable que l'analyse y rencontrerait des principes semblables à ceux qui entrent dans la composition de la noix de galle, si l'on en juge par l'analogie d'origine. L'expérience a fait justice de l'éloge exagéré des vertus du bédéguar, aujourd'hui tout à fait inusité.

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  1. A practical treatise on the efficacy of stilozobium or cowlage, etc. Londres, 1784.