Millepertuis (Cazin 1868)

De PlantUse Français
Aller à : navigation, rechercher
Millefeuille (genépis)
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Millet



[644]

Millepertuis


MILLEPERTUIS. Hypericum perforatum. L.
Hypericum vulgare. C. Bauh. — Hypericum vulgare, sive perforatum, caule rotundo, foliis glabris. J. Bauh. — Herba perforata. Trag. Androsemum minus. Gesn. — Fuga dæmonum.
Millepertuis commun, — millepertuis officinal, — herbe Saint-Jean, — herbe à millepertuis, - chasse-diable, — trescalan perforé, — trucheron jaune, — herbe aux piqûres.
HYPÉRICACÉES. Fam. nat. — POLYADELPHIE POLYANDRIE. L.


Cette plante vivace (Pl. XXVI) est très-commune dans les bois découverts, le long des haies, aux lieux incultes.

Description — Racines dures, ligneuses, ramifiées, d'un brun jaunâtre. - Tiges de 60 à 80 centimètres, droites, fermes, glabres, noueuses et rameuses. — Feuilles petites, opposées, sessiles, vertes, glabres, ovales-oblongues, parsemées de petits points transparents, ou plutôt de vésicules pleines d'une huile essentielle. — Fleurs hermaphrodites à cinq pétales d'un jaune orangé, disposées en panicules terminaux (juin-juillet-août). — Calice à cinq sépales linéaires, pointus. — Corolle à cinq pétales hypogènes, obovales, concaves en dessus, jaunes, marqués sur les bords de petits points noirâtres, se fanant sur place. — Etamines nombreuses, réunies en plusieurs faisceaux opposés aux pétales. — Anthères bilobées, intorses, oscillantes. — Ovaire supérieur à trois, cinq loges multiovulées. — Styles libres, persistants. — Fruit : capsule ovoïde, à trois, cinq loges polyspermes ; graines très-petites, cylindriques, sans périsperme.

Parties usitées. — Les sommités fleuries.


[645]

Récolte. — On récolte cette plante à l'époque de la floraison. Cependant il ne faut pas la cueillir trop fleurie si l'on veut qu'elle conserve toutes ses fleurs, ce qui est important ; parce que toute leur odeur et leur saveur résineuse et amère persistent, tandis que les feuilles desséchées sont presque insipides. Les fleurs sont d'autant plus jaunes qu'elles ont été mieux séchées et depuis moins de temps. En vieillissant, les feuilles jaunissent, les fleurs se décolorent, et toute la plante prend une teinte brune. On trouve les fleurs mondées dans le commerce, mais presque jamais les semences.

[Culture. — Le millepertuis spontané suffit aux besoins de la médecine ; on ne le cultive que dans les jardins botaniques ; on le propage en terre légère par semis faits au printemps ou par éclats de pieds faits à l'automne.]

Propriétés physiques et chimiques. — Le millepertuis répand une odeur aromatique et résineuse, lorsqu'on l'écrase entre les doigts ; sa saveur est amère, styptique, un peu salée. Les sommités de cette plante contiennent deux principes colorants : l'un jaune, soluble dans l'eau, se trouve dans les pétales ; l'autre rouge, de nature résineuse (analogue à l'anchusine), soluble dans l'alcool et dans l'huile, et contenu dans les stigmates et dans le fruit ; tous deux sont utilisés dans la teinture sur fil, laine et soie ; les sommités renferment, en outre, une huile volatile contenue dans des utricules dont est parsemé le parenchyme des feuilles, et beaucoup de tannin[1].


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — Infusion théiforme, 15 à 30 gr. par kilogramme d'eau.

Suc exprimé, 15 à 30 gr. et plus.
Extrait résineux, 4 à 8 gr.
Teinture alcoolique, 1 à 2 gr., en potion.
Huile volatile, 30 à 50 centigr. dans un véhicule approprié.
Poudre, 4 à 8 gr. (rarement).
Vin, 30 gr. par kilogramme de vin blanc en macération), 50 à 100 gr.

A L'EXTÉRIEUR. — Infusion ou décoction pour lotions, vapeur, fomentations, injections, etc.
Huile (infusion des fleurs dans l'huile d'olive en frictions, et pour composer l'onguent digestif simple).

Les anciennes pharmacopées de Paris et d'Augsbourg ont donné la formule d'un ratafia de fleurs de millepertuis qui a été en vogue. Pour le préparer, on met 500 gr. d'eau-de-vie sur 25 gr. de fleurs de millepertuis dans un vaisseau de verre bien bouché. On l'expose au soleil pendant quinze à vingt jours, on passe la liqueur et on y fait fondre 60 gr. de sucre.
Le millepertuis entre dans le baume du commandeur, le baume tranquille et dans une foule de préparations tombées en désuétude. Les principales sont : le sirop antinéphrétique, apéritif et cachectique de Charas, le sirop de Quertan (Duchesne) et celui d'armoise, la poudre de Palmarius (Paulmier) contre la rage, la thériaque d'Andromaque, etc.


Le millepertuis est un stimulant balsamique qui a joui d'une réputation immense dans l'antiquité comme vulnéraire, et que l'on a à tort abandonné. Il peut être utile dans les catarrhes chroniques, dans certaines phthisies, quelques cas de leucorrhée et d'aménorrhée, etc. On conserve encore dans nos pharmacies urbaines l’huile d'hypericum pour la confection de l'onguent digestif, ou elle se trouve étouffée sous la puissance résineuse de la térébenthine.

J'ai employé avec avantage l'infusion théiforme de sommités de millepertuis dans les affections catarrhales pulmonaires chroniques, dans certaines leucorrhées sans irritation utérine trop prononcée, dans l'asthme, dans le catarrhe vésical chronique, et même dans la phthisie avec expectoration purulente : je me suis toujours bien trouvé de son usage. Son action est due bien évidemment à un principe amer gommo-résineux dont la présence se révèle au goût. Cette infusion m'a surtout été utile dans les cas de catarrhe vésical où un état d'irritation subsistait encore avec une sécrétion muqueuse plus ou moins abondante. Lorsque l'eau de goudron, la térébenthine avaient l'inconvénient de causer un surcroît d'irritation, l'infusion de millepertuis plus ou moins rapprochée était supportée facilement, et amenait en peu de jours, une amélioration remarquable.

Dubois, de Tournai, a quelquefois administré l'infusion de cette plante à des hydropiques, et il l'a vue, dans quelques cas, produire une diurèse abondante.

____________________

  1. Journal de pharmacie, 2e série, t. XIII, p. 134.


[646]

J'ai souvent mêlé le millepertuis à la racine d'aunée et au lierre terrestre dans les affections chroniques de la poitrine. Je l'ai aussi administré avec le lichen pulmonaire ou le lichen d'Islande. Les cas où ces combinaisons sont indiquées ne peuvent s'apprécier qu'au lit des malades. Les principes généraux s'établissent, en thérapeutique, dans les livres, l'application de ces principes subit les modifications suggérées par l'état particulier du sujet et c'est ce qui constitue la pratique.

L'analogie qui existe entre l'huile de térébenthine et l'huile volatile de millepertuis explique les avantages qu'on dit avoir obtenus de l'administration de cette plante comme vermicide. Thomas Bartholin et Tragus la considéraient comme fébrifuge. Il faut reléguer au rang des fables tout ce qu'ont rapporté Théophraste, Matthiole, Paracelse, Fallope, Scopoli, Camérarius, Locher, Geoffroy, sur les vertus prétendues vulnéraires et cicatrisantes de l’hypericum. On doit aussi réduire à leur juste valeur les assertions d'Ettmuller sur les propriétés diurétiques de cette plante, dont, selon lui, la décoction ou l'extrait suffiraient, administrés à l'intérieur, pour guérir radicalement ou pour prévenir l'ischurie, l'hématurie, la néphrite calculeuse. Il en est de même de sa précieuse faculté de dissoudre le sang épanché et caillé dans l'intérieur des organes, de guérir l'hémoptysie et la phthisie. Le célèbre Baglivi a cru qu'elle pouvait guérir la pleurésie chronique. L'amélioration qu'elle procure réellement dans les maladies de poitrine, ainsi que j'ai pu en juger par ma propre expérience, a pu porter cet auteur à lui accorder une propriété qu'elle partage, au reste, avec toutes les substances résineuses. On s'en est servi avec avantage, dit-on, dans les cas d'inertie de l'utérus, pour ramener l'écoulement des règles, et même pour favoriser l'accouchement, ce qui mérite confirmation. Enfin, loué outre mesure par les anciens, et abandonné sans restriction par les modernes, le millepertuis ne mérite ni les pompeux éloges des uns ni l'inconcevable indifférence des autres. Entre ces extrêmes, l'observateur impartial lui assigne la place qu'il doit occuper dans la matière médicale indigène.


Millepertuis androsème

MILLEPERTUIS ANDROSÈME, ANDROSÈME, TOUTE-SAINE (Hypericum androsæmum, L. ; Androsæmum officinale, Hypericum androsæmum maximum frutescens, C. Bauh., Tourn.). — Cette plante vivace croît dans les bois découverts, montueux. On la cultive dans les jardins comme plante d'ornement

Description. — Tige droite, cylindrique, un peu ligneuse, à deux angles peu marqués ; ramifiée, rougeâtre, haute de 60 à 90 centimètres. — Feuilles grandes, opposées, ovales, presque sessiles, d'un vert-brun ; folioles du calice inégales, obtuses. - Fleurs jaunes, pédonculées, disposées en panicule terminale (juin-juillet). — Fruit en baies au lieu de capsules. L'odeur et la saveur analogues à celles du millepertuis, mais plus faibles. Sèche, elle conserve cependant une odeur et une saveur balsamiques agréables et douces plus sensibles que le millepertuis.

L'androsème est appelée toute-saine à cause des nombreuses vertus qu'on lui a attribuées. Les feuilles et les sommités paraissent avoir les mêmes propriétés que celles du millepertuis. Les feuilles, que l'on regardait autrefois comme vulnéraires, sont usitées vulgairement dans quelques localités, en cataplasme sur les brûlures et pour arrêter les hémorrhagies. « Androsæmum dicitur, quia comæ ejus tritæ rubro colore inficiunt, et velut cruentant terentium digitos : et hæc signatura est quam vocant, unde ad sanguinem cohibendum utile esse arguunt[1]. » Les fruits sont purgatifs. Je me propose de vérifier cette dernière propriété et de l'apprécier relativement aux ressources qu'elle pourrait fournir à la matière médicale indigène et à la thérapeutique rurale.


Millepertuis tétragone

MILLEPERTUIS TÉTRAGONE (Hypericum quadrangulare, L. ; Hypericum

____________________

  1. Ray, Catal. pl. angl., p. 21


[647]

asciron dietum, caule quadrangulo, J. Bauh., Tourn.). — Il croît au bord des ruisseaux et dans les fossés humides. On le distingue des autres espèces par sa tige, qui représente quatre angles membraneux. Recommandé par Bergius, il n'a cependant d'autres propriétés que celles du millepertuis commun.