Safran (Cazin 1868)

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Sabine
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Salicaire


Sommaire

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Safran

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SAFRAN.

Crocus sativus. L., C. BAUH., TOURN.

Safran cultivé, — safran indigène, — safran officinal. IRIDACÉES. Fam. nat. — TRIANDBIE MONOGYNIE. L.

Le safran (PL'XXXV), originaire de l'Asie, est cultivé en France, Son introduction date du xiv* siècle. Aujourd'hui sa culture s'est étendue en Gascogne, dans l'Angoumois, le Poitou, la Provence, la Normandie. Il offre deux variétés, dont l'une fleurit au printemps (crocus vernalis) : c'est le crocus des jardiniers; l'autre qui fleurit à l'automne (crocus auiumnalis, crocus sativus, crocus ofjicinalis) : c'est celui qu'on emploie en médecine.

Description. — Racine bulbeuse, arrondie, blanchâtre et charnue en dedans, brune, sèche et couverte à l'extérieur d'une pellicule un peu rude, munie de fibres allongées et profondément enfoncée en terre. — Feuilles radicales, dressées, nom- breuses, étroites, linéaires, aiguës et traversées par une nervure blanchâtre. — Fleurs violettes ou d'un poupre clair, portées sur une hampe très-courte (septembre-octobre). — Périanthe à long tube et à six divisions, dont les trois externes attachent les trois étamines, un ovaire inférieur, un style filiforme portant trois stigmates de couleur jaune et dépassant les étamines. — Fruit : capsule ovale à trois loges.

Parties usitées. — Les stigmates, désignés dans la droguerie sous le nom de safran.

Culture, réeolte, conservation, choix, etc. — La culture de cetle plante est du ressort de l'agriculture (1). On préfère celui qui provient des départements de Seine-et-Marne, d'Eure-et-Loir, du Loiret, et particulièrement du Gàtinois. -le safran du commerce est constitué par le stigmate bifurqué et tordu par la dessiccation. Il se présente en filaments élastiques, d'un beau rouge orangé très-foncé, d'une odeur très-suave et d'une saveur aromatique et amère. Il teint la salive en jaune. La poudre est d'un jaune rutilant. Comme la lumière prive le safran de sa couleur et le rend presque inerte, il faut le conserver dans des vases opaques et bien fermés. — Le safran qui est vieux est presque inerte, ce qui explique les contradictions qu'on trouve dans les auteurs relativement à ses effets. — Dans le commerce il existe deux sortes ae safran : l'un dont les filaments sont simplement entremêlés et d'une couleur orange vive; l'autre qui a été pressé avant sa dessiccation et dont la couleur est orangetonec. Le premier est plus répandu et plus estimé.

« Les falsifications ordinaires sont l'humidité, les fleurons du carthame, dus», les fleurs de grenadier hachées, des fibres musculaires desséchées, puis du saine, plomb, etc. Une trop forte humidité se laisserait apercevoir au papier sans colle o» lequel on presserait le safran. Les fleurons de carthame et ceux de souci, que i on « contre moins souvent, seront reconnus à ce que ce sont de petites fleurs tunme avec tous les organes sexuels, et qu'un examen attentif fera reconnaître. Cet ewui sera facile si l'on fait macérer préalablement dans l'eau le safran suspecte; cai ^ les corolles tubuleuses des fleurons sont gonflées, et les autres organes sont aussi « coup plus apparents. (Winckler et Gruner ont donné les caractères dillereiuieb i présentent, avec le nitrate d'argent et le perchlorure de fer, les macères ae s,ui^, carthame et de souci.) (2). —La viande musculaire desséchée donnerait unf ?"?" itpils agréable par la combustion. Le safran épuisé, pressé entre les doigts, ne les temu i . en jaune : il ne colorerait pas non plus la salive. Ensuite son odeur est tainie^o^

(1) Voyez Maison rustique du XIXe siècle, t. II, p. 84.

(2) Voyez Chevallier, Dictionnaire des falsifications, 3e édit., art. LA VIANDE. downloadModeText.vue.download 972 sur 1308


SAFRAN.

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(randé le safran par une addition de curcuma lavé à l'eau (Fabre-Volpetière), d'éta- ntes'te crocus teintés artificiellement en rouge (Guibourt) (1). » mepuis quelques années, on a encore falsifié le safran avec des fleurs connues dans le commerce sous lé nom de fuminella; on ne connaît pas l'origine de ces fleurs; on croit me ce sont' des pétales coupés en lanières et teints en jaune. Guibourt a signalé une antre fraude, qui consiste a ajouter aux stigmates qui constituent le safran des étamines létales en jaune ; le safran ainsi sophistiqué étant mis sur l'eau, celle-là est fortement colorée en jaune, et les étamines plongent dans l'eau, tandis que les stigmates ne co- lorent pas le liquide et surnagent.]

Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques.

- D'après Bouillon-Lagrange et Vogel, le safran contient pour 100 gr. de cette sub- stance, 10 gr. d'eau, 6.50 de gomme, 0.50 d'albumine, 65 de polychroïte, 0.50 de cire, tO du débris végétal, et une quantité indéterminée d'huile volatile. — La polychroïte n'est pas une matière colorante pure ; il s'y trouve un cinquième d'huile volatile., qu'Henry est parvenu à isoler. — L'huile volatile paraît être le véritable principe auquel on doit rapporter l'action médicale. — Le principe colorant (polychroïte) peut être fixé sur les étoffes et leur donner une couleur jaune brillante; mais les rayons solaires ne tant pas à détruire cette couleur. — L'eau, l'alcool, le vinaigre, etc., dissolvent les principes actifs du safran.

celte substance est d'un grand usage dans les arts et l'économie domestique. Elle fournit

in beau principe colorant, mais peu stable. On l'emploie néanmoins dans les couleurs ' Unes, pour la peinture et la teinture des étoffes de prix. On ajoute du safran aux aliments

pour en rehausser le goût, particulièrement dans le midi de l'Europe. En Espagne et

Sans quelques contrées de la France, on s'en sert pour colorer le pain, les gâteaux, le riz, les sauces, les liqueurs, etc. En Allemagne et en Angleterre, on en met dans les pâtisseries et dans beaucoup de ragoûts. En France, il est employé pour colorer le ver- micelle, lés pâtes d'Italie et quelquefois le beurre. Il sert enfin à colorer les produits de l'art du confiseur et du liquoriste.

PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET OOSES.

i L'INTÉMEOB.—Infusion (bonne préparation), tomme stomachique, 50 centigr. à 1 gr. par kilogramme d'eau; comme emména- gogue, de 1 à 2 gr.

Pondre, comme emménagogue, 50 centigr. à 2 gr.; comme stomachique, de 20 à 30 centigr.. .

Itintore (1 sur 10 d'alcool à 80 degrés), de 1 a 8 gr., en potion.

toit alcoolique (1 sur 8 d'alcool à 60 de-

grés), de 30 à 60 centigr., en pilules.

«lirait aqueux (i sur 16 d'eau), de 30 à 60 centigr., en pilules. . Wp (par infusion, 5 sur 60 d'eau bouillante et 100 de sucre, ou 1 sur 5 de vin blanc et JO desucre. (Le Codex de 1866 (page 480) «une les proportions suivantes : safran,

■atovin-dè Malaga, 440 gr.; sucre blanc, «gf.; 20 grammes de ce sirop contiennent ^parties.solubles de 50 centigr. de sa- H<kl5à30gr., en potion.

A L'EXTÉRIEUR. — En infusion, pour lotions, fomentations, collyres, etc.

Teinture, en frictions, fomentations, etc.

Poudre, en cataplasmes, pommade, fumiga- tions, etc.

(Glycérolé de safran : extrait de safran, 1 gr.; glycérolé d'amidon, 30 gr.

Mellite de safran (Barallier),miel blanc, 10 gr.; safran pulvérisé, 25 à 50 centigr.)

Le safran entre dans les élixirs de proprié- tés, de longue vie et de Garus; dans le lau- danum liquide de Sydenham, la confection d'hyacinthe, conservée dans le Codex de 1866 sous le nom d'électuaire de safran composé (page 504), la confection Hamech, la théria- que, l'hiérapicra, les pilules de rufus, celles de cynoglosse, la confection aromatique de la pharmacopée de Londres, les pilules de vie de la pharmacopée allemande, les pilules tonico- purgatives de Machiavel, etc.

les émanations du safran agissent si énergiquement sur le système ner-

™ff, qufelles occasionnent des céphalalgies, des vertiges, des tremble-

«, de l'accablement, et une sorte d'ivresse à ceux qui la récoltent. Wli et d'autres observateurs rapportent des cas où elles ont occasionné e eoma et même la mort à des individus qui s'étaient livrés au sommeil «des chambres où il y avait beaucoup de safran, ou sur des sacs qui en .Went remplis. Amatus Lusitanus et Koenig ont vu ces émanations causer •jS^.PÇiodérés et sardoniques. Aussi quelques médecins ont-ils rangé le

«ran parmi les poisons narcotiques. Les-expériences d'Orfila, constatant /JJvnest point délétère pour les chiens, ou du moins qu'il ne l'est qu'à

« DwïMlt, l'Officine, 6' édit., p. 1066. downloadModeText.vue.download 973 sur 1308


ntl SAFRAN.

un degré très-faible, ne prouvent rien quant à ses effets sur l'homme D'après Borelli et Friccius, le safran aurait une action singulière sur les chevaux. « On m'a dit, rapporte Borelli, que les chevaux qu'on occupait au transport du safran mouraient presque tous d'un pissement de sang. » Frjc. cius raconte qu'une petite quantité de safran, donnée au cheval le plus vigoureux, lui cause une évacuation d'urine excessive, dont il meurt.

A petite dose, le safran excite l'estomac, augmente l'appétit et favorise la digestion ; à la dose de 12 centigr. et plus, il rend le pouls plus fréquent la transpiration cutanée, la sécrétion urinaire et d'autres sécrétions plus abondantes ; on éprouve du malaise, de la chaleur à l'épigastre, des nausées des coliques. Quelquefois il survient des hémorrhagies, les règles paraissent et une métrorrhagie peut avoir lieu.

A haute dose, le safran porte à la tête et produit la gaîté, le développe- ment des forces, des facultés morales, un sommeil inquiet, une sorte d'ivresse ; il peut causer du délire, des vertiges, la pesanteur de tête, la faiblesse musculaire, la somnolence, la pâleur de la face, le ralentissement du pouls, et même la mort (1). Ces derniers résultats, toutefois, ne s'accor- dent ni avec l'expérience d'Alexander (2) qui dit en avoir avalé 4 scrupules sans en éprouver le plus léger effet, ni avec les essais de Cullen, dont le scepticisme refuse même à cette substance les propriétés qu'on lui attribue, ci Je l'ai donné à grandes doses, dit cet auteur, sans en éprouver d'effets sensibles; à peine augmente-t-il la fréquence du pouls, et je ne me suis guère aperçu qu'il agisse comme anodin ou antispasmodique. J'ai eu, dans un cas ou deux, quelques raisons de croire qu'il jouissait d'une puissance emménagogue ; mais, dans beaucoup d'autres, il a absolument trompé mes espérances, quoique réitéré à fortes doses. »

Si des résultats aussi contradictoires portent à croire que l'on a beaucoup exagéré les verlus du safran, on peut aussi admettre qu'ils peuvent tenir au pays où cette plante a été cultivée, à l'époque de sa récolte, aux procédés employés pour la cueillir et la dessécher, à son ancienneté, et surtout à sa falsification.

Quoi qu'il en soit, le safran passe avec raison pour stimulant, antispasmo- dique et surtout emménagogue. Cette dernière propriété est la plus puis- sante. Son usage, pour rappeler les règles, est tout à fait populaire; les femmes y ont recours sans consulter le médecin, bien que cette coutume puisse donner lieu à des inconvénients lorsque l'aménorrhée est due à l'irri- tation, à la phlegmasie ou à la pléthore, soit générale, soit locale. Quand l'absence des menstrues tient à l'atonie, l'usage du safran les fait souvent reparaître. Roques considère le safran associé au castoréum comme l'un des meilleurs emménagogues que l'on puisse administrer aux femmes faibles, nerveuses, et chez lesquelles la menstruation est lente et irrégulière. Un médecin anglais, Ypey (3), conseille le safran pris en infusion avec du tbé aux femmes dont la menstruation s'accompagne de douleur. Elles commencenta prendre cette infusion un peu avant l'époque, et continuent pendant quel- ques jours. On s'est servi aussi du safran pour faire couler les lochies; mais, comme le plus souvent la suppression de ce flux est due à l'inflammation de l'utérus ou à un point inflammatoire quelconque, son usage, dans ce cas, devra être subordonné à l'examen sévère des causes efficientes de la mala- die. Comme antispasmodique sédatif, le safran a été recommandé dans la gastralgie, l'hypochondrie, la mélancolie, l'hystérie, les spasmes, 1 astnme, la coqueluche, les névroses viscérales, les coliques nerveuses, l'ictère pro- venant de spasme, etc. Mais il n'est rationnellement indiqué qu'aulant qui

(1) Ces symptômes sont ceux de l'empoisonnement par l'opium et exigent le niGine trai - ment. (Voyez à l'art. OPIUM.)

(2) Expérimental essays, etc.

(3) Journal des connaissances médico-chirurgicales, 1851, p. 294. downloadModeText.vue.download 974 sur 1308


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l'existé aucun caractère phlegmasique, et que ces diverses affections sont purement spasmodiques ou nerveuses.

Roques a constaté la propriété aphrodisiaque du safran, signalée par Dios- coride; «Plusieurs malades, dit-il, à qui j'avais conseillé cette substance pour réveiller le ton de l'estomac, m'ont assuré que son action s'était pro- pagée jusqu'aux organes reproducteurs; quelques-uns ont éprouvé de très- forts désirs vénériens. »

A l'extérieur, il est employé comme résolutif et anodin; on en met sur les cataplasmes pour dissiper les engorgements froids, les phlegmons, et pour hâter la disparition des ecchymoses. On le fait entrer dans les collyres calmants et résolutifs. On l'a quelquefois appliqué en sachet sur l'épigastre, pour calmer les vomissements nerveux, pour prévenir et arrêter le mal de mer. Larrey faisait usage, pour le pansement des brûlures, du cérat safrané (2à4gr. par 32 gr. de cérat). J'ai employé aussi ce mélange contre les ger- çures du sein, les excoriations, les vésicatoires ulcérés, l'intertrigo, et les exsudations eczémateuses des enfants; il calme la douleur, dissipe l'inflam- mation, modère la suppuration et amène une prompte cicatrisation. (J'em- ploie fréquemment, comme cicatrisant, le glycérolé safranique.

Èninfusion ou en poudre, associé au sucre, au miel, à la glycérine, à l'exemple des médecins américains, on se sert depuis quelque temps du safran en frictions douces sur les gencives, dans le prurit de la première dentition. On a aussi préconisé le sirop de safran, pris à l'intérieur dans ces cas, comme sédatif, sous le nom de sirop de dentition.) (Kcapten, Delabarre.)

Velpeau emploie contre les affections cancéreuses ou cancroïdes de la . peau, une pâte à laquelle il a donné le nom de caustique sulfosafrané. Cette pâte, cdmposée de deux parties de poudre de safran et d'une partie d'acide sulfurique, s'étend sur le mal qu'on veut détruire, en couche d'une épaisseur de 2 à 4 millimètres. Elle se sèche vite à l'air et forme une croûte dont l'ac- tion ne s'étend pas aux tissus voisins.