Jute (Candolle, 1882)
Noms acceptés : Corchorus capsularis L. et Corchorus olitorius L.
[103]
Jute. — Corchorus capsularis et Corchorus olitorius, Linné.
Les fils de Jute, qu'on importe en grande quantité depuis quelques années, surtout en Angleterre, se tirent de la tige de ces deux Corchorus, plantes annuelles de la famille des Tiliacées. On emploie aussi leurs feuilles comme légume.
[104]
Le C. capsularis a un fruit presque sphérique, déprimé au sommet et bordé de côtes longitudinales. On peut en voir une bonne figure coloriée dans l'ouvrage de Jacquin fils, Eclogæ, pl. 119. Le C. olitorius, au contraire, a un fruit allongé, comme une silique de crucifère. Il est figuré dans le Botanical magazine, t. 2810, et dans Lamarck, Illustr., t. 478.
Les espèces du genre sont distribuées assez également dans les régions chaudes d'Asie, d'Afrique et d'Amérique ; par conséquent, l'origine de chacune ne peut pas être présumée. Il faut la chercher dans les flores et les herbiers, en s'aidant de données historiques ou autres.
Le Corchorus capsularis est cultivé fréquemment dans les îles de la Sonde, à Ceylan, dans la péninsule indienne, au Bengale, dans la Chine méridionale, aux îles Philippines 1 ; en général dans l'Asie méridionale. Forster n'en parle pas dans son volume sur les plantes usitées par les habitants des îles de la mer Pacifique, d'où l'on peut inférer que, lors du voyage de Cook, il y a un siècle, la culture ne s'en était pas répandue dans cette direction. On peut même soupçonner, d'après cela, qu'elle ne date pas d'une époque très reculée dans les îles de l'archipel Indien.
Blume dit que le Corchorus capsularis croît dans les terrains marécageux de Java, près de Parang 2, et je possède deux échantillons de Java qui ne sont pas donnés pour cultivés 3. Thwaites l'indique à Ceylan comme « très commun » 4. Sur le continent indien, les auteurs en parlent plutôt comme d'une espèce cultivée au Bengale et en Chine. Wight, qui a donné une bonne figure de la plante, n'indique aucun lieu de naissance. Edgeworth 5, qui a vu de près la flore du district de Banda, indique « les champs ». Dans la flore de l'Inde anglaise, M. Masters, qui a rédigé l'article des Tiliacées, d'après les herbiers de Kew, s'exprime ainsi : « Dans les parties les plus chaudes de l'Inde ; cultivé dans la plupart des pays tropicaux 6. » J'ai un échantillon du Bengale qui n'est pas donné pour cultivé. Loureiro dit : «sauvage, et cultivé dans la province de Canton en Chine 7, » ce qui signifie probablement sauvage en Cochinchine et cultivé dans la province de Canton. Au Japon, la plante croît dans les terrains cultivés 8. En somme, je ne suis pas persuadé que l'espèce existe, à l'état vraiment spontané, au nord de Calcutta. Elle s'y est peut-être semée çà et là par suite des cultures.
____________________
1. Rumphius, Amboin., vol. 5, p. 212 ; Roxburgh, Fl. indica, 2, p. 581 ; Loureiro, Fl. cochinch., 1, p. 408, etc., etc.
2. Blume, Bijdragen, 1, p. 110.
3. Zollinger, nos 1698 et 2761.
4. Thwaites, Enum. Zeylan., p. 31.
5. Edgeworth, Linnæan Soc. journ., IX.
6. Masters, dans Hooker, Fl. ind., 1, p. 397.
7. Loureiro, Fl. cochinch., 1, p. 408.
8. Franchet et Savatier, Enum., 1, p. 66.
[105]
Le C. capsularis a été introduit dans divers pays intertropicaux d'Afrique ou même d'Amérique, mais il n'est cultivé en grand, pour la production des fils de jute, que dans l'Asie méridionale, surtout au Bengale.
Le Corchorus olitorius est plus usité comme légume que pour les fibres. Hors d'Asie, il est employé uniquement pour les feuilles. C'est une des plantes potagères les plus communes des Egyptiens et Syriens modernes, qui la nomment en arabe Melokych, mais il n'est pas probable que les anciens en aient eu connaissance, car on ne cite aucun nom hébreu 1. Les habitants actuels de la Crète la cultivent sous le nom de Mouchlia 2, évidemment tiré de l'arabe, et les anciens Grecs ne la connaissaient pas.
D'après les auteurs 3, ce Corchorus est spontané dans plusieurs provinces de l'Inde anglaise. Thwaites dit qu'il est commun dans les parties chaudes de Ceylan, mais à Java Blume l'indique seulement dans les décombres (in ruderatis). Je ne le vois pas mentionné en Cochinchine et au Japon. M. Boissier (Fl. or.) a vu des échantillons de Mésopotamie, de l'Afghanistan, de Syrie et d'Anatolie, mais il donne pour indication générale : « Culta et in ruderatis subspontanea. » On ne connaît pas de nom sanscrit pour les deux Corchorus cultivés 4.
Quant à l'indigénat en Afrique, M. Masters, dans Oliver, Flora of tropical Africa (1, p. 262), s'exprime ainsi : « Sauvage, ou cultivé comme légume dans toute l'Afrique tropicale. » Il rapporte à la même espèce deux plantes de Guinée que G. Don avait décrites comme différentes et sur la spontanéité desquelles il ne savait probablement rien. J'ai un échantillon du Cordofan recueilli par Kotschy, n° 45, « au bord des champs de Sorgho. ». Le seul auteur, à ma connaissance, qui affirme la spontanéité est Peters. Il a trouvé le C. olitorius « dans les endroits secs et aussi dans les prés aux environs de Sena et de Tette. » Schweinfurth ne l'indique dans toute la région du Nil que comme cultivé 5. Il en est de même dans la flore de Sénégambie de Guillemin, Perrotet et Richard.
En résumé, le C. olitorius paraît spontané dans les régions d'une chaleur modérée de l'Inde occidentale, du Cordofan et probablement de quelques pays intermédiaires. Il se serait répandu du côté de Timor et jusque dans l'Australie septentrionale (Bentham, Fl. austr.), en Afrique et vers l'Anatolie à la suite d'une culture qui ne date peut-être pas de plus loin que l'ère chrétienne, même dans son point d'origine.
Malgré ce qu'on répète dans beaucoup d'ouvrages, la culture de
____________________
1. Rosenmüller, Bibl. Naturgeschichte.
2. Von Heldreieh, Die Nutzpflanzen Griechenlands, p. 53.
3. Masters, dans Hooker, Fl. brit. India, 1, p. 397 ; Aitchison, Catal. Punjab, p. 23 ; Roxburgh, Fl. ind., 2, p. 581.
4. Piddington, Index.
5. Schweinfurth, Beiträge z. Fl. Æthiop., p. 264.
[106]
cette plante est rarement indiquée en Amérique. Je note cependant que, d'après Grisebach 1, elle a amené à la Jamaïque une naturalisation hors des jardins, comme cela se présente souvent pour les plantes annuelles cultivées.
____________________
1. Grisebach, Flora of british India, p. 97.