Hura crepitans (Pharmacopées en Guyane)
Noms vernaculaires
- Créole : bois diable [bwa-djab], sablier [sabliyé] (LEMÉE, 1956), pet du diable.
- Wayãpi : wasaku.
- Palikur : tenway.
- Portugais : açacú.
- Kali’na : asi:waga:la.
Écologie, morphologie
Grand arbre des forêts primaires humides, assez commun mais grégaire, dont le tronc est épineux.
Collections de référence
Prévost et Grenand 3658 ; Moretti 335.
Emplois
Avec cet arbre connu en Guyane et ailleurs pour son latex caustique et irritant pour les muqueuses, nous touchons à un intéressant problème d’ethnobotanique : celui des poisons de guerre utilisés anciennement par les Amérindiens [1]. En Guyane, la première référence faite à un poison de guerre à latex est celle de BARRÈRE (1743) qui décrit la plante mère sous le nom de Ficus venenata et donne pougouli comme nom employé à l’époque par les Kali’na.
S’il ne peut être établi avec certitude qu’il s’agissait bien de Hura crepitans, nous pensons cependant que l’aspect des feuilles et la présence de latex tant dans les Ficus (Moracées) que dans le genre Hura, sont certainement à l’origine d’une confusion botanique. Enfin de nos jours, tant chez les Palikur que chez les Wayãpi, c’est bien Hura crepitans qui nous a été indiqué pour son ancien usage guerrier. Le latex, qui s’écoule abondamment à la moindre incision, était recueilli avec précaution, mélangé à de l’eau de roucou (cf. Bixa orellana, Bixacées) et mis à bouillir jusqu’à consistance pâteuse satisfaisante. À ce stade, était ajoutée, chez les Palikur, la sève brute de atit kamwi (Mahurea palustris, Clusiacées). Des pointes de flèche lancéolée étaient ensuite enduites de cette substance.
Les Wayãpi content comment au XIXe siècle, à la suite d’une querelle entre villages, furent volontairement offertes des flèches dont les ligatures d’empenne avaient été enduites de lait de Hura crepitans mêlé à du roucou (alors que le mélange habituel était roucou et Couma guianensis, Apocynacées). Ceux qui reçurent ces cadeaux empoisonnés moururent peu après, simplement pour les avoir manipulés. Ce récit confirme pleinement les dires des chroniqueurs espagnols du XVIe siècle (VELLARD, 1965) rapportant des cas de mort lente en cas de blessures légères [2].
Étymologie
- Créole : bois diable, de bois, « arbre » et diable, « mauvais esprit », « arbre maléfique », en raison de sa causticité éminemment dangereuse.
- Wayãpi : wasaku, peut-être de wɨla ou ɨwa, « arbre » et aku, « brûlant », pour les mêmes raisons que précédemment.
Chimie et pharmacologie
Le latex renferme un diterpène toxique à squelette daphnane : l’hura-toxine, des triterpènes du type cycloarténol et des esters gras du phorbol, irritants et promoteurs de tumeurs (HEGNAUER, 4, 1966).
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- ↑ Il existe une certaine confusion entre la répartition géographique et l’aire d'utilisation de cette espèce et celles du mancenillier (Hippomane mancenilla L.), autre Euphorbiacée à latex également employée jadis comme poison de guerre. Cette confusion a été entretenue par l'ouvrage de VELLARD, Histoire du curare (1965), où l’on lit que le mancenillier fournissait, aux XVIe et XVIIe siècles, l'essentiel des poisons de guerre amazoniens.
Or l'examen de diverses flores néotropicales révèle que le mancenillier est absent du massif forestier guyano-amazonien. Son habitat est limité à l'aire caraïbe (îles et côtes du golfe du Mexique et d'Amérique centrale), où il croît dans les forêts sèches du littoral (GRISEBACH, 1864 ; RECORD et HESS, 1943 ; ALLEN, 1977). Dans cette zone, il semble n'avoir été utilisé que par les Caraïbes des Petites Antilles (HODGE et TAYLOR, 1957). - ↑ J. Chanel, maire émerillon de Camopi, nous a même indiqué que la chute d'un arbre de cette espèce dans une crique pouvait en empoisonner l’eau. Soulignons que Hura crepitans nous a été donné comme ichtyotoxique par des personnes appartenant tant à des communautés amérindiennes que caboclas d’Amazonie centrale. Cet usage est aussi généralisé en Amazonie péruvienne et bolivienne (SCHULTES et RAFFAUF, 1990 ; C. MORETTI, com. pers.)