Salicorne (Cazin 1868)
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Salicorne
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SALICORNE. Salicornia herbacea. L.
Passe-pierre, — criste marine des côtes de l'Océan. CHÉNOPODIACÉES. Fam. nat. — MONANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante annuelle croît sur toutes les côtes de l'Océan et de la Médi- terranée. On la rencontre sur la plage, surtout dans les endroits un peu fangeux, au bord de la mer. Elle est très-abondante au Havre, à Saint-va- lery-sur-Somme, au Crotoy, à Etaples, etc. Elle est aussi très-répandue dans les marais salés de la Lorraine, entre Dieuze et Moyenvic, à Bayonnc et dans les Pyrénées-Orientales, le long de la côte. On la sème pour loii- tenir en plus grande quantité. Les troupeaux la recherchent avec avidité. II ne faut pas la confondre avec une autre plante, le chrithme maritime (chrithmum maritimum, L.), qu'on nomme également passe-pierre, etqmaP' partient à la famille des ombellifères.
(1) .Rai. med., part, iv, p. 195.
(2) Murray, Opère citato, t. III, p. 512.
(3) Gazelle de santé, 1773.
(4) Dissert, de salicaria.
(5) Gazette des hôpitaux, 1857. downloadModeText.vue.download 976 sur 1308
SALICORNE. 947
Description. — Tige herbacée, charnue, étalée, de 25 à 30 centimètres, verte, divisée en rameaux formant une suite d'articulations comme enfilées, un peu aplaties en haut et échancrées au sommet. — Fleurs jaunâtres ou d'un blanc rosé, point de corolle.
Calice ventru, légèrement tétragone, presque membraneux. — Une et très-souvent eux étamines. — Style court. — Stigmate un peu bifide.
Parties usitées. — L'herbe.
[Culture. — Les salicornes ne sont pas cultivées. Celles qui viennent spontané- ment dans les endroits marécageux, sur le bord de la mer, se propagent toutes seules par graines.]
Récolte. — Se récolte pendant toute la belle saison, pour être mangée fraîche ou «onservée confite au vinaigre, etc.
Propriétés physiques et chimiques; usages économiques.
-La salicorne a un goût salé, un peu piquant. On la brûle pour obtenir, par la lixivia- tion de ses cendres, une espèce de soude appelée salicor. — Après avoir incinéré cette plante sèche, et soumis les cendres obtenues au traitement généralement usité des chi- mistes, J. Cadet de Gassicourt (1) a constaté que la salicorne contient une quantité no- table de ce corps, qui remplit un rôle si important dans la thérapeutique actuelle.
Les rameaux tendres se mangent en salade dans tous les pays maritimes. On les confit au sel et au vinaigre comme les cornichons. On en fait pour les marins des conserves très-sainés et moins coûteuses que les autres conserves de légumes. Elle est un des ali- merité les plus propres à conserver la santé des équipages et des passagers dans les voyages de long cours. Le savant professeur de chimie de Rouen, maintenant doyen de la Faculté des sciences de Lille, lui a donné le surnom de manne des grèves. Notre spi- rituel romancier, Alphonse Karr, exprimait il y a une dizaine d'années, dans un feuil- leton, sous le titre de Boutade utilitaire, le regret de voir les populations des rivages maritimes dédaigner l'usage alimentaire de ce précieux végétal. «Et cependant, dit l'au- teur, il n'y a qu'à se baisser pour en prendre, comme on dit vulgairement. Cet aliment, Ires-sain et très-agréable, est en si abondante quantité, que l'on pourrait le récolter avec une faux. J'ai entendu affirmer que rien que sur les plages qui avoisinent le Havre, en pourrait recueillir de quoi nourrir pendant dix jours tout le département... Je ne considère pas la criste marine (salicorne), ajoute plus loin Alphonse Karr, comme une (enquête alimentaire du prix de la pomme de terre ; mais, je le répète, c'est un aliment sain et agréable, et qui a sur ce tubercule l'avantage que ceux qui n'ont ni terre, ni ■argent, n'ont qu'à le ramasser. »
Depuis dix ans et plus, M. Viau, propriétaire à Harfleur, fait préparer en grand des conserves de salicornes. Dès l'année 1850, cette heureuse innovation alimentaire avait déjà pris assez d'importance et d'extension pour mériter une médaille d'argent de la So- ciété d'encouragement. La commission du Cercle de la marine au Havre ne lui fut pas ioinsfavorable, et les capitaines au long cours ne tarissent pas d'éloges au sujet de celte production. Aussi la conserve préparée d'après le procédé particulier de M. Vian est déjà tellement répandue, qu'en 1852, au rapport de M. Cadet de Gassicourt (2), la marine marchande avait, depuis quatre ans, consommé plus de 30,000 kilogr. de sali- ■come. — Avis à la marine de l'Etat (3).
Au point de vue thérapeutique, la salicorne n'a pas moins d'avantages. Elle est d'une grande efficacité contre le scorbut, tant comme moyen pro- phylactique que comme agent curatif. Les habitants de nos côtes du Bou- lonnais, qui la mangent confite dans le vinaigre comme assaisonnement, et ■quelquefois à l'état frais, en salade, la considèrent comme propre à purifier lé sang, à combattre l'air fiévreux, à donner de la force, à faciliter la diges- tion. J'ai vu le seul usage du mélange de salicorne et de roquette maritime, en salade, pendant l'été de 1855, guérir un marin atteint d'un scorbut ca- ractérisé par l'infiltration avec ulcères aux jambes, par des taches ecchymo- siformes nombreuses, le boursouflement et les ulcérations des gencives,
(1) Répertoire de pharmacie, 1852. w Journal de pharmacie, 1852. tiônalp!*z'e rapport des opérations de la quatrième section du jury de l'Exposition interna- ™ae pêche de Boulogne-sur-Mer, quatrième section; par le docteur H. Cazin. downloadModeText.vue.download 977 sur 1308
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des hémorrhagies nasales, etc. Ces deux plantes croissant dans les mêmes lieux, il était très-facile de se les procurer. (On sait que les acides associés aux végétaux sont reconnus comme les meilleurs, sinon comme les seuls antiscorbutiques vrais. L'État fait distribuer à ses marins, en cas de néces- sité, des rations de suc de citron concentré. Ne serait-il pas possible de faire de grandes économies et d'arriver au même but, en lui substituant officiellement la criste marine confite dans le vinaigre?) La salicorne est très-utile comme fondante et diurétique dans les affections scrofuleuses les infiltrations séreuses, les engorgements atoniques des viscères, et notam- ment dans ceux de la rate, à la suite des fièvres intermittentes, etc. Dans ces derniers cas, je l'associe avec avantage au pissenlit, à la chicorée sau- vage, à la petite centaurée, à la chausse-trappe. Le suc est la meilleure pré- paration.