Indigofera arrecta (PROTA)

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Ressources végétales de l'Afrique tropicale
Introduction
Liste des espèces


Importance générale Fairytale bookmark gold.svgFairytale bookmark gold.svgFairytale bookmark gold.svgFairytale bookmark gold.svgGood article star.svg
Répartition en Afrique Fairytale bookmark gold.svgFairytale bookmark gold.svgFairytale bookmark gold.svgFairytale bookmark gold.svgFairytale bookmark gold.svg
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Fourrage Fairytale bookmark gold.svgGood article star.svgGood article star.svgGood article star.svgGood article star.svg
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Changement climatique Fairytale bookmark gold.svgFairytale bookmark gold.svgGood article star.svgGood article star.svgGood article star.svg


répartition en Afrique (sauvage)
1, rameau avec fleurs et fruits; 2, partie de tige avec feuille et inflorescence; 3, fleur; 4, fruit; 5, graine. Redessiné et adapté par W. Wessel-Brand
plante en fleurs (Planfor)

Indigofera arrecta Hochst. ex A.Rich.


Protologue: Tent. fl. abyss. 1 : 184 (1847).
Famille: Papilionaceae (Leguminosae - Papilionoideae, Fabaceae)
Nombre de chromosomes: 2n = 16

Noms vernaculaires

  • Indigotier chessé, indigotier (Fr).
  • Natal indigo, Bengal indigo, Java indigo (En).
  • Indigueiro, anileira (Po).
  • Mnili (Sw).

Origine et répartition géographique

L’indigotier chessé est originaire d’Afrique. On le rencontre dans presque toute l’Afrique tropicale, et également dans le nord et l’est de l’Afrique du Sud, au Swaziland et dans le sud de l’Arabie. Son aire a sans doute été étendue par sa culture pour l’obtention d’indigo suivie de sa naturalisation. Il est largement planté en Inde et dans le Sud-Est asiatique.

L’usage de l’indigo extrait d’espèces d’Indigofera a une longue histoire. La plante et la teinture indigo étaient déjà mentionnées dans les écrits sanscrits les plus anciens. La teinture bleue utilisée pour les textiles des momies égyptiennes peut, dans certains cas, provenir d’un indigotier, mais le pastel (Isatis tinctoria L.), autre plante fournissant une teinture bleu indigo, était aussi connue des anciens Egyptiens. Les plus anciens textiles archéologiques découverts en Afrique occidentale, dits “textiles Tellem”, ont été trouvés dans des grottes funéraires de la falaise de Bandiagara en pays Dogon (Mali). Certains d’entre eux remontent au XIe ou XIIe siècle, et comportent déjà des bandes, des damiers et des dessins obtenus par coutures, faits avec de l’indigo extrait d’espèces d’Indigofera ou de Philenoptera. Une description ancienne du procédé local d’extraction d’indigo à partir d’une espèce d’Indigofera en Guinée nous a été transmise par l’explorateur portugais André Alvares de Almada en 1566. En Afrique, l’indigotier chessé est depuis le début du XXe siècle l’espèce la plus importante utilisée pour la production d’indigo.

Usages

Les rameaux feuillés d’Indigofera arrecta et de quelques espèces proches d’Indigofera sont les principales sources de teinture indigo, utilisée depuis des temps très anciens pour teindre les textiles en bleu. Les feuilles et les ramilles ne contiennent pas d’indigo, mais des précurseurs incolores qui doivent être extraits et traités pour produire la teinture indigo. En raison de sa couleur attrayante bleu profond, de grande tenue à la lumière et de la large gamme de couleurs que l’on obtient en le combinant avec d’autres teintures naturelles, l’indigo a été qualifié de “reine des teintures”. Aucune autre plante n’a tenu une place aussi importante dans autant de civilisations que les espèces d’Indigofera. En Afrique occidentale, l’indigo est de loin la teinture d’origine végétale la plus importante. Il joue un grand rôle dans les cultures traditionnelles de nombreux peuples, qu’ils se contentent de porter des vêtements teints à l’indigo, comme les Touaregs des régions sahariennes et sahéliennes (Niger, Mali), ou qu’ils soient des teinturiers réputés dans l’emploi de l’indigo, parmi lesquels les Soninkés (Sarakolés) et les Wolofs au Sénégal, les femmes markas de la région de Djenné au Mali, les Dioulas et les Baoulés en Côte d’Ivoire, les Yoroubas et les Haoussas au Nigeria, les Bamoums et les Bamilékés au Cameroun. Cette partie du monde est un important centre de techniques de décoration des textiles fondées sur le principe de la teinture avec réserve, et liées à l’emploi de teinture d’indigo : on réalise sur le tissu des motifs complexes qui ne prendront pas la teinture. Cela se fait en attachant, cousant ou tressant certaines parties du tissu, ou en les enduisant d’amidon ou de cire. La pièce de tissu est ensuite plongée dans le bain de teinture pour teindre les parties non traitées. Une fois enlevés les fils ou l’enduit, il apparaît des dessins en blanc sur fond bleu. Des motifs bleu clair sur fond bleu-noir apparaissent si on donne un dernier bain d’indigo après élimination des réserves. A Madagascar également, la teinture indigo est très importante, par exemple pour les ikats de raphia, beaux tissus dans lesquels les motifs non teints sont obtenus en liant certaines parties des écheveaux de fils de chaîne avec des ficelles épaisses avant de les teindre à l’indigo et de les placer sur le métier à tisser, ce qui là aussi forme des motifs blancs sur fond bleu. Cependant, l’emploi d’indigo naturel est en rapide diminution, et de nos jours on utilise presque exclusivement de l’indigo synthétique, non seulement dans les processus industriels mais également au niveau de l’artisanat.

Indigofera arrecta est cultivé comme plante de couverture et comme engrais vert, notamment dans les plantations de théiers, de caféiers et d’hévéas. Il assure l’ombrage et la protection, supprime les mauvaises herbes et améliore le sol. Les résidus provenant de l’extraction de l’indigo sont également appliqués comme engrais. Au Malawi, les jeunes feuilles sont consommées comme légume. Les plantes sont pâturées par tous les animaux domestiques.

On a relevé de nombreuses applications en médecine traditionnelle. Les feuilles et les racines sont employées en traitement externe contre le prurit, et en infusion ou décoction comme antispasmodique, sédatif, stomachique, fébrifuge, vermifuge, abortif, diurétique et purgatif, par ex. pour traiter les infections des gencives, les morsures de serpents, la gonorrhée, l’épilepsie et la jaunisse ; les fruits et les graines sont employés pour traiter l’ophtalmie. Au Ghana, on administre aux patients atteints de diabète sucré un extrait aqueux de feuilles de jeunes pousses par voie orale. Un médicament pour le traitement de l’ulcère peptique, et des méthodes pour sa préparation et son emploi, ont fait l’objet de brevets. Dans plusieurs régions d’Afrique, le port de vêtements teintés à l’indigo est réputé prévenir les maladies de la peau. En Afrique de l’Est, les jeunes rameaux servent à nettoyer les dents.

Production et commerce international

Dès l’antiquité, l’indigo faisait l’objet d’un commerce entre l’Inde et la région méditerranéenne, mais celui-ci s’intensifia durant le Moyen Age. La culture à grande échelle d’Indigofera débuta au XVIe siècle en Inde et dans le Sud-Est asiatique. Plus tard, de vastes plantations furent établies en Amérique centrale et dans le sud des Etats-Unis. L’exportation à grande échelle d’indigo de l’Asie vers l’Europe débuta vers 1600, et dut lutter contre la teinture extraite du pastel, qui était cultivé principalement en France, en Italie, en Allemagne et en Grande-Bretagne. A la fin du XVIIe siècle, l’indigo avait presque totalement remplacé le pastel. L’indigo synthétique, dont la fabrication commerciale débuta en 1897, s’avéra catastrophique pour la production d’indigo naturel, et en 1914 seuls 4% de la production mondiale étaient d’origine végétale. Ensuite vint une période au cours de laquelle l’indigo synthétique perdit de son importance du fait de la concurrence de nouvelles teintures synthétiques, mais la popularité toujours croissante des blue-jeans contribua énormément au regain d’intérêt pour l’indigo. Actuellement, l’indigotier est encore cultivé à petite échelle pour la production de teinture en Inde et dans certaines parties de l’Afrique, en Arabie méridionale (Yémen), en Amérique centrale et en Indonésie. Le centre principal de production d’indigo à partir d’Indigofera est probablement à l’heure actuelle la partie nord de l’Etat indien du Karnataka. En Inde, la production annuelle de teinture d’Indigofera a diminué progressivement, de 3000 t sur 600 000 ha en 1890 à 50 t sur 4000 ha dans les années 1950, pour arriver à un tonnage d’exportation annuelle fluctuant entre 2 t et 20 t dans les années 1990.

Propriétés

Les plantes d’Indigofera contiennent un glucoside, l’indican, qui par trempage dans l’eau se transforme par hydrolyse enzymatique en indoxyle et en glucose. La formation d’indigotine (souvent appelée également indigo ou bleu indigo) résulte du groupement de deux molécules d’indoxyle en présence d’oxygène. L’indigotine est insoluble dans l’eau, de sorte que pour teindre les textiles il faut la réduire à une forme soluble (indigo incolore ou leuco-indigo) par un processus de fermentation en conditions alcalines ou par un agent réducteur chimique tel que le dithionite de sodium. On aère ensuite le textile après l’avoir retiré du bain de teinture, ce qui produit une oxydation qui régénère l’indigotine et fixe la couleur bleue sur le textile. L’indigo naturel peut contenir une proportion variable d’une substance colorante rouge, l’indirubine, et de composés isomères moins importants, l’isoindirubine (rouge) et l’isoindigo (brun).

Les feuilles d’Indigofera arrecta contiennent 4,5% de N, 0,02% de P2O5, 1,95% de K2O et 4,5% de CaO. Les moutons montrent une bonne appétence pour la plante entière.

Un extrait aqueux a prévenu le développement d’hyperglycémie chez des souris génétiquement diabétiques et obèses. Dans des essais sur des rats, l’administration intrapéritonéale d’un extrait à l’eau chaude de feuilles sèches a fait baisser le taux de glucose dans le plasma de rats normoglycémiques en état de jeûne, mais n’a pas prévenu l’accroissement du taux de glucose dans le plasma après l’ingestion d’une forte dose de glucose par voie orale. On a émis l’hypothèse que l’extrait est insulinotropique, et peut nécessiter des cellules β fonctionnelles pour être actif. Dans des essais sur des sujets mâles adultes jeunes volontaires en bonne santé, non diabétiques au Ghana, un extrait d’indigotier chessé a accru le taux de sédimentation des érythrocytes et a fait baisser la concentration de lymphocytes dans le sang. Il n’a pas modifié la pression moyenne systolique et diastolique, et n’a pas non plus modifié le glucose sanguin en état de jeûne, tandis que les enzymes marqueurs du sérum et les métabolites des fonctions hépatiques et rénales demeuraient normaux. Ces données amènent à penser que cette espèce peut ne pas avoir d’actions toxiques manifestes mais pourrait affecter l’état immunitaire des utilisateurs. L’extrait n’a d’autre part pas montré d’effets toxiques aigus et subchroniques dans les essais avec des souris.

Falsifications et succédanés

Plusieurs autres espèces végétales, souvent non apparentées, sont des sources de teinture indigo. On peut citer comme exemples le pastel en Europe, Polygonum tinctorium Aiton en Chine, en Corée et au Japon, Strobilanthes cusia (Nees) Kuntze (rum ou indigo de l’Assam) en Indochine et en Thaïlande, et Marsdenia tinctoria R.Br. en Asie tropicale. En Afrique de l’Ouest, Philenoptera cyanescens (Schumach. & Thonn.) Roberty (gara) et Philenoptera laxiflora (Guill. & Perry) Roberty (savonnette) sont d’importantes sources d’indigo. Ils contiennent aussi de l’indican et sont souvent combinés à l’indigo provenant d’espèces d’Indigofera dans les procédés traditionnels de teinture indigo. D’autres sources naturelles d’indigo sont un mutant du champignon Schizophyllum commune, et le coquillage à pourpre Hexaplex trunculus, qui contient surtout des précurseurs de l’indigo et seulement une petite proportion de dérivés bromés de l’indigo, dont est composée la fameuse “pourpre de Tyr” de l’Antiquité. Le plus important des substituts de l’indigo naturel, toutefois, est le produit synthétique industriel.

Description

  • Plante herbacée annuelle ou pérenne ou sous-arbrisseau pouvant atteindre 2(–3) m de hauteur ; tige érigée, abondamment ramifiée, légèrement cannelée, couverte de poils bifides apprimés, blanchâtres ou brunâtres.
  • Feuilles disposées en spirale, imparipennées ; stipules subulées ou sétacées, de 2–9 mm de long ; pétiole jusqu’à 1,5 cm de long, épaissi à la base, rachis jusqu’à 6 cm de long ; stipelles subulées, jusqu’à 1 mm de long ; pétiolules d’environ 1 mm de long ; folioles 7–21, étroitement elliptiques-oblongues, jusqu’à 20 mm × 7 mm, généralement glabres sur le dessus, à poils apprimés à la face inférieure.
  • Inflorescence : grappe axillaire, généralement sessile, portant de nombreuses fleurs, jusqu’à 5 cm de long mais généralement bien plus courte ; bractées lancéolées, d’environ 1 mm de long, caduques.
  • Fleurs bisexuées, papilionacées ; pédicelle d’environ 1 mm de long, fortement réfléchi chez le fruit ; calice d’environ 1,5 mm de long, tube à peu près aussi long que les 5 lobes triangulaires, à poils brunâtres apprimés ; corolle d’environ 5 mm de long, rosée à rougeâtre, étendard obovale, se rétrécissant graduellement à la base, ailes à onglet très court, carène pourvue d’éperons latéraux ; étamines 10, de 3–4 mm de long, étamine supérieure libre, les 9 autres réunies en un tube ; ovaire supère, 1-loculaire, avec un long style.
  • Fruit : gousse linéaire de 12–17 mm de long et d’environ 2 mm de large, droite, légèrement tétragonale, brune à maturité, renfermant 4–6 graines avec un léger étranglement entre les graines.
  • Graines courtement oblongues, d’environ 2 mm × 1,5 mm, rhombiques en section transversale.
  • Plantule à germination épigée ; cotylédons épais, subsistant peu de temps.

Autres données botaniques

Indigofera est un genre très nombreux, comprenant quelque 700 espèces réparties à travers toutes les zones tropicales et subtropicales d’Afrique, d’Asie et d’Amérique. L’Afrique et le sud de l’Himalaya sont les plus riches en espèces. On a recensé plus de 300 espèces pour l’Afrique tropicale.

Pour la production d’indigo, on utilise plusieurs espèces d’Indigofera, mais il y en a trois principales qui sont étroitement apparentées : Indigofera arrecta, Indigofera tinctoria L., qui est probablement originaire d’Asie tropicale mais est maintenant pantropicale, et Indigofera suffruticosa Mill., originaire d’Amérique tropicale et maintenant localement cultivée ailleurs dans les tropiques, notamment en Afrique et à Madagascar, mais pas en Afrique de l’Est tropicale. L’origine et l’identité des plantes d’Indigofera cultivées pour la production de teinture est souvent obscure par suite de l’introduction, de la sélection et de la proche parenté des différentes espèces. Indigofera arrecta est parfois difficile à distinguer d’Indigofera tinctoria. Ce dernier diffère généralement par ses folioles plus grandes et moins nombreuses et par ses fruits plus longs renfermant un plus grand nombre de graines. En Afrique de l’Est, mais non en Afrique de l’Ouest, Indigofera arrecta se rencontre généralement à plus haute altitude (1000–2000 m) qu’Indigofera tinctoria (au dessous de 1000 m). Indigofera suffruticosa diffère d’Indigofera arrecta par ses gousses courtes et de couleur brun-rouge, de 10–15 mm de long. On a trouvé des spécimens intermédiaires entre ces 3 espèces, qui peuvent être d’origine hybride.

Croissance et développement

Les graines germent au bout de 4 jours environ. Les plantes peuvent commencer à fleurir 3 mois après le semis. Comme beaucoup d’autres espèces de légumineuses, Indigofera arrecta forme des nodules racinaires capables de fixer l’azote, avec par ex. Rhizobium indigoferae. La durée de vie des cultures tinctoriales est de 2–3 ans lorsqu’on pratique la culture de repousses.

Ecologie

Indigofera arrecta se rencontre dans les forêts décidues claires, les maquis montagnards sempervirents, souvent en lisière de forêt, et dans la végétation secondaire. Il pousse entre 200–2700 m d’altitude, dans des régions à pluviométrie annuelle comprise entre 400–1800 mm. La plante a un enracinement profond et résiste bien à la sécheresse. Utilisé en culture de couverture, l’indigotier chessé ne peut être planté que dans des jardins ou plantations plus ou moins dépourvus d’ombrage. Une culture bien établie peut supporter jusqu’à 2 mois un sol très mouilleux.

Multiplication et plantation

La multiplication se fait généralement par graines. On a enregistré en Inde des rendements en graines de 675–1200 kg/ha. Les graines ont un tégument dur, et il faut les faire tremper dans l’eau pendant une nuit ou les scarifier à l’acide sulfurique avant de les semer. Les champs sont préparés à la houe ou par un ou deux labours après des pluies, suivis d’un hersage léger avant et après le semis à la volée. On peut également pratiquer le semis en pépinière et la transplantation au champ.

Gestion

La culture ne requiert normalement que peu d’attention après le semis. Un désherbage est pratiqué lorsque c’est nécessaire. En culture de couverture, l’indigotier chessé est coupé à intervalles réguliers. La production de graines est généralement faible sur des plantes qui ont été coupées. Pour obtenir des semences, il faut par conséquent planter spécifiquement dans ce but.

Maladies et ravageurs

L’indigotier chessé est attaqué par Ralstonia solanacearum (synonyme : Bacillus solanacearum), divers champignons et des nématodes.

Récolte

On récolte les branches lorsque les plantes sont âgées de 4–5 mois et forment un peuplement fermé, généralement au stade de la floraison. Les plantes sont coupées à nouveau 2–4 mois plus tard. Il est possible de faire jusqu’à 3 récoltes par an lorsqu’on pratique une culture de repousses.

Rendement

Le rendement en teinture de l’indigotier chessé est supérieur à celui de toutes les autres espèces d’Indigofera. On a enregistré en Inde des rendements annuels de 22–100 t de matière verte à l’hectare ; le rendement enregistré en pains d’indigo étant de 135–325 kg/ha par an.

Traitement après récolte

Dans les cultures à petite échelle en Afrique, les rameaux récoltés sont souvent pilés et réduits en pâte molle, que l’on façonne en boules pour les vendre sur les marchés après séchage. C’est la méthode décrite dès 1566 par André Alvares de Almada et dans tous les anciens textes. En culture à grande échelle, les rameaux sont placés dans une cuve ou une fosse remplie d’eau immédiatement après la récolte. Après quelques heures de fermentation, durant lesquelles l’hydrolyse enzymatique conduit à la formation d’indoxyle, le liquide est transféré dans une autre fosse ou cuve et remué continuellement pendant plusieurs heures pour stimuler l’oxydation de l’indoxyle en indigotine. Ensuite, on laisse la solution reposer, et l’indigotine insoluble se dépose sur le fond sous forme d’une boue bleuâtre. L’eau est ensuite drainée, et après avoir lavé l’indigotine pour la débarrasser des impuretés, elle est pressée, séchée et généralement coupée en cubes qui peuvent être empaquetés pour la vente.

Pour teindre des textiles, l’indigotine doit être réduite sous forme soluble en conditions alcalines. Dans les procédés traditionnels (cuves à indigo), la réduction de l’indigotine en leuco-indigo soluble est obtenue par fermentation bactérienne. Les bactéries réductrices sont obtenues dans le bain en ajoutant de la matière végétale telle que des boules d’indigo broyées ou, lorsqu’on utilise de la poudre d’indigo, des boules de feuilles de Philenoptera broyées, ou encore, selon les recettes, de la mélasse, du lait de coco, des feuilles de bananier ou de goyavier. Un pH alcalin autour de 8,2 est adéquat, et est maintenu par addition d’une lessive de potasse préparée à partir de cendres de différentes plantes calcinées sélectionnées à cet effet dans chaque région (chez les femmes markas du Mali, les espèces les plus appréciées sont Adansonia digitata L. (baobab), Anogeissus leiocarpa (DC.) Guill. & Perr., Balanites aegyptiaca (L.) Delile, Bauhinia reticulata DC. et Faidherbia albida (Delile) A.Chev.). Moins souvent, le bain est rendu alcalin par addition de chaux éteinte fraîche. Dans les procédés industriels, on utilise une solution alcaline de dithionite de sodium pour réduire l’indigo en leuco-indigo. Ce procédé chimique polluant a maintenant été adopté par la plupart des teinturiers artisanaux. On ajoute souvent de la gomme (par ex. d’Acacia senegal (L.) Willd. ou d’Anogeissus leiocarpa (DC.) Guill. & Perr.) pour rendre le textile coloré plus durable et imperméable au vent. Une fois que le textile est plongé dans la solution de blanc indigo, il vire au bleu lorsqu’il est exposé à l’air. Il faut plusieurs bains pour donner au textile, et en particulier aux tissus de coton, une couleur bleu foncé, chaque bain étant suivi d’une exposition à l’air pendant quelque temps. En Afrique, très souvent la teinture est suivie par un calandrage, procédé de finition qui consiste à faire pénétrer de la poudre d’indigo à la surface du tissu par battage à l’aide de lourds maillets pour donner au tissu un lustre métallique iridescent, comme sur les voiles des Touaregs. Ce finissage a des fins à la fois esthétiques et médicinales : du fait que la poudre d’indigo n’est pas fixée durablement sur le tissu, elle se dépose sur la peau des gens qui portent ces vêtements et joue un rôle de médicament désinfectant et cicatrisant. Les textiles teints à l’indigo sont très résistants à la lumière et au lavage, mais moins au frottement.

Ressources génétiques

Indigofera arrecta est répandu en Afrique, et est peu menacé d’érosion génétique. La proportion des espèces apparentées dans la base génétique des plantes cultivées sous le nom d’Indigofera arrecta est inconnue, de même que l’influence de ces espèces et des formes cultivées sur la diversité génétique des Indigofera arrecta poussant à l’état sauvage.

Il existe plusieurs collections de ressources génétiques d’Indigofera, les plus importantes se trouvant au CSIRO à Santa Lucia dans le Queensland, Australie (365 entrées) et au CIAT à Cali, Colombie (250 entrées). En Afrique, il existe des collections en Ethiopie (à l’ILRI à Addis Abéba ; 60 entrées), au Kenya (par ex. à la National Genebank of Kenya, à Kikuyu ; 40 entrées) et en Afrique du Sud à Pretoria.

Perspectives

En dépit de son importance culturelle, l’usage d’indigo d’origine végétale a presque disparu, remplacé par l’indigo synthétique. En Afrique de l’Ouest, les textiles imprimés colorés, depuis longtemps en vogue dans les modes locales, sont maintenant le type le plus important de textiles portés par la majorité des habitants, et ils sont principalement importés d’Asie ou d’Europe. Depuis quelques années, avec les préoccupations mondiales croissantes sur le développement durable et la demande de produits naturels de la part des consommateurs, on assiste à un regain d’intérêt pour l’indigo naturel. Il faut encore un grand travail de recherche pour optimiser la production d’indigo à partir des plantes les plus prometteuses. L’indigotier chessé est une espèce à fins multiples ; il est très utile en agriculture comme fourrage et comme plante de couverture et engrais vert, et ses propriétés médicinales méritent davantage de recherche.

Références principales

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Sources de l'illustration

  • Hepper, F.N., 1958. Papilionaceae. In: Keay, R.W.J. (Editor). Flora of West Tropical Africa. Volume 1, part 2. 2nd Edition. Crown Agents for Oversea Governments and Administrations, London, United Kingdom. pp. 505–587.
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Auteur(s)

  • R.H.M.J. Lemmens, PROTA Network Office Europe, Wageningen University, P.O. Box 341, 6700 AH Wageningen, Netherlands
  • D. Cardon, CNRS, CIHAM-UMR 5648, 18, quai Claude-Bernard, 69365 Lyon, Cedex 07, France

Citation correcte de cet article

Lemmens, R.H.M.J. & Cardon, D., 2005. Indigofera arrecta Hochst. ex A.Rich. In: Jansen, P.C.M. & Cardon, D. (Editors). PROTA (Plant Resources of Tropical Africa / Ressources végétales de l’Afrique tropicale), Wageningen, Netherlands. Consulté le 6 mars 2025.


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