Premier Mémoire sur l'Acacia (1777)
- Adanson, Michel, 1777. Premier Mémoire sur l'Acacia des Anciens, & sur quelques autres Arbres du Sénégal qui portent la gomme rougeâtre, appelée communément Gomme Arabique. Histoire de l'Académie Royale des Sciences, année 1773, Paris. 1-17. Gallica. (145-161 du pdf)
Les Grecs ont toujours donné depuis Théophraste, Dioscoride, Pline, &c. & donnent encore aujourd'hui le nom d’Acacia à l'arbre qui porte la gomme qui vient de l'Arabie, & que l'on nomme, pour cette raison dans le Commerce, Gomme Arabique ; néanmoins,
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malgré les réflexions judicieuses de plusieurs Botanistes, on confond actuellement sous ce nom, dans nos pays lettrés, deux autres sortes d'arbres, qui n'ont rien de commun avec le gommier d'Arabie sinon d'être épineux, & de porter quelquefois de la gomme, mais d'une qualité fort inférieure, & qui d'ailleurs en diffèrent, non-seulement comme des espèces, mais même comme des genres de plantes très éloignés.
Le premier de ces arbres est originaire de l'Amérique septentrionaie, & particulièrement du Canada, d'où il fut apporté en France, ayant l'année 1600, par Vespasien Robin, Professeur de Botanique au Jardin royal, où il le démontroit fous le nom d’Acacia Americana, Acacia d'Amérique : on sait que cet arbre porte, le long de ses jeunes branches, des épines nombreuses, brun-rougeâtres, courtes, aplaties & courbées en crochet, comme celles du rosier ; que ses feuilles sont ailées avec une impaire, assez femblables à celles de la réglisse ou du galega ; que ses fleurs sont pareillement papilionnacées, blanches, pendantes en épi, d'une odeur suave de citron, mêlée avec celle de la casse & de !a manne, mais très-forte, & qui porte à la tête & au cœur ; enfin, que son fruit est un légume aplati, membraneux, de la longueur du doigt, à une seule loge qui s'ouvre en deux battans, & qui contient depuis deux jusqu'à huit graines en forme de rein, mais aplaties ; son écorce intérieure a un goût de réglisse, qui au rapport de Plukenet, lui a fait donner le nom de liquorice-tree ; c'est-à-dire, réglisse arbre, glycyrrhiza arbor, & locus par les Anglois habitans de la Virginie (voyez son Almageste, page 6 ; cet Auteur en a donné une figure fort incomplète à la planche 73, n° 4 de sa Phytographie. Tant de caractères firent penser à M. de Tournefort que cette plante, quoique très-voisine de la réglisse, méritoit cependant bien d'en être distinguée, comme genre différent, & il lui donna le nom de Pseudo-acacia ; c'est-à-dire, faux acacia. Les Jardiniers l'appellent aussi agacia ou agacier, agassier, par corruption du mot acacia. Il est étonnant qu'un Botaniste du rang de
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M. de Tournefort ait composé un nouveau nom aussi impropre pour désigner une plante qui a aussi peu de rapport avec l'acacia, lui qui savoit, ou qui ne devoit pas ignorer que vingt ans avant lui, & même avant l'année 1680, Elsholtz, Professeur de Botanique, & Médecin de l'Électeur de Brandebourg, connu par un Ouvrage intitulé Flora Marchica, avoit donné à cet arbre nouveau, le nom Robina, de M. Robin qui l'avoit le premier fait connoître en Europe. C'est sous ce nom que nous avons cru devoir le rapporter dans nos familles des plantes à la page 323.
Le second arbre auquel on a appliqué aussi improprement le nom d’acacia, est le prunelier ou prunier sauvage, dont les fruits appelés prunelles ou petites prunes sauvages, cueillis avant la maturité, rendent par expression un suc qui, réduit en consistance d'extrait solide & en tablettes, au moyen de la chaleur du Soleil ou du feu, s'emploie en Médecine au défaut de la gomme d'acacia, fsous le nom d’acacia nostras ; c'est-à-dire, acacia de notre pays, acacia d'Europe, ou sous celui d’acacia germanica, acacia d'Allemagne,sans doute parce qu'on commença d'abord à en faire usage dans ce pays.
On a encore transféré le nom d’acacia à nombre d'autres plantes épineuses, comme au févier gleditsia, figuré par Plukenet à la planche 352, n° 2 de sa Phytographie, au cytise épineux, qui est l'aspalathe second à trois feuilles de Jean Bauhin, au bois du Bresil, au caretti ou bonduc, & à beaucoup d'autres arbres, qui, quoique de la même famille que l'acacia, méritoient cependant de n'être pas confondus avec lui.
Quoique le genre de l'acacia proprement dit, reconnoisse plufieurs espèces qu'on ne peut séparer sans faire violence à la liaison que la Nature semble avoir mise entr'elles ; quoique l'Amérique en produise quelques-unes, & que d'autres croissent dans les Indes, les trois espèces qui rendent plus abondamment la gomme arabique & la gomme du Sénégal, n'ont encore été observées que dans les terres brûlantes de l'Afrique, soit en Arabie sur les côtes de la mer rouge, soit au Sénégal
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vers l'océan atlantique, pays tous deux situés sous la Zone torride dans l'hémisphère boréal. Les Anciens, depuis Théophraste, connoissoient trois espèces d'acacia, auxquelles Pline en ajoute une quatrième qu'il convient qu'on néglige à cause de son peu de mérite ; mais, autant qu'on en peut juger par la description de Dioscoride, le gommier rouge, qui porte plus particulièrement le nom d’acacia, étoit le plus commun en Arabie, au lieu que le gommier blanc est au moins aussi commun & même plus commun au Sénégal que le gommier rouge. C'est de ces derniers seulement qu'il va être question, me proposant de parler dans un autre Mémoire des gommiers blancs & de la manière dont je découvris les diverses espèces de gommiers, dans les premières herborisations que je fis à mon arrivée au Sénégal en l'année 1748.
PREMIÈRE ESPÈCE
Nom accepté : Vachellia nilotica
L'acacia des Grecs, selon Dioscoride, c'est-à-dire, l'arbre sans malice, parce que la piqûre de ses épines, n'est suivie d'aucun fâcheux accident, avoit été appelé pour la même raison, du temps de Théophraste, l'épine par excellence acantha, l'épine d'Egypte, acantha Ægyptia. Les Arabes lui donnent les noms d’alchachie, alcharad, alchard, charad, amgailem, schitta, schittim ; les François l'appellent acacie, & quelques-uns par corruption cassie, depuis M. de Tournefort, qui a le premier introduit ce nom impropre dans ses Instituts de Botanique. Les seuls Auteurs qui aient donné une figure reconnoissable & caractérisée de cette plante sont Lobel, page 536, planche CX, tome II, sous le nom de spina acaciæ Dioscoridis ; Prosper Alpin, sous le nom acacia fœmina, planche IX ; Parkinson, sous celui d’acacia vera sive spina Ægyptiaca ; en Anglois, the Egyptian thorn, or binding beane tree ; & Plukenet, planche CCLI, figure 1 de sa Phythographie, sous le nom d’acacia altera vera, seu spina Mazcatensis vel Arabica, foliis angustioribus flore albo, siliquâ longâ villosâ,
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plurimus isthmis & cortice candicantibus donata. M. Linné la désigne ainsi : memosa, nilotica, spinis stipularibus patentibus, foliis bipinnatis ; partialibus ectimis glandulâ interjectâ : spicis globosis pedunculatis dans son Ouvrage intitulé : Systema Naturæ, édition XIIe, page 678, n° 34. L'acacia a encore reçu des Botanistes modernes, beaucoup d'autres noms que nous supprimons ici comme peu instructifs.
Cet arbre croît dans les sables du Sénégal, ainsi que dans ceux de l'Arabie ; il est sur-tout fort commun dans l'îte de Sor & dans le voisinage de l'île Saint-Louis, près de l'embouchure du Niger, où il s'élève à peine à la hauteur de vingt pieds, sous la forme d'un buisson peu régulier, dont le tronc est assez droit, mais court, à peine de cinq ou six pieds de hauteur sur un pied de diamètre, ayant une écorce grossière, sillonnée, comparable à celle de i'orme, d'un brun noir, qui recouvre un bois compact très-dur, très-pesant, dont l'aubier est jaune, & le cœur rouge-brun, plein, sans aucune moëlle. Ses racines sont rougeâtres & s'étendent presque horizontalement à une petite profondeur sous la surface de la terre à la distance de quinze à vingt pieds. Le tronc se partage en un grand nombre de branches assez fortes presque horizontales, tortueuses, dont les vieilles ont l'écorce semblable à celle du tronc, mais dont les jeunes font rougâtres, lisses, d'abord triangulaires, ensuite cylindriques.
Le long de ces branches sortent des feuilles alternes assez serrées ou près-à-près les unes des autres, pinnées, c'est-à-dire ailées sur deux rangs, dont le premier est composé pour l'ordinaire de cinq paires de pinnules qui portent chacune dix-huit à vingt paires de folioles longues de deux lignes ; le pédicule commun qui soutient les pinnules a environ un tiers de plus qu'elles en longueur, & montre une petite glande hémisphérique concave entre la première & la dernière paire entre laquelle elle se termine par un petit filet conique. Chaque feuille porte à l'origine du pédicule commun vers les côtés, au lieu de stipules, deux épines coniques droites, écartées horizontalement, dont l'une est plus courte d'un tiers que
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l'autre : ces épines ne sont pas d'égale grandeur sur toute les branches ; celles de l'année ou de la saison précédente, ou pour parler plus exactement, les branches qui ont poussé au moment où la sève est prête de s'arrêter, les ont brunes, longues de cinq à six lignes au plus ; les branches, au contraire, qui poussent dans le temps de la force de la sève, en Juillet & Août, produisent de ces mêmes épines longues de deux pouces à deux pouces & demi sur une ligne de diamètre, & d'un jaune de bois.
De l'aisselle de chaque feuille & de chaque paire d'épines, sortent deux têtes de fleurs jaunes, comparables en quelque sorte à celles du trèfle des prés, sphériques, de sept lignes environ de diamètre, portées sur un péduncuie trois fois aussi long, articu!é à son milieu, d'où part une membrane cylindrique en forme de gaine couronnée de quatre denticules ; ce péduncule, avec sa tête, est presque une fois plus court que les feuilles : chaque tête est formée par l'assemblage de soixante fleurs très-rapprochées & contiguës, quoique séparées les unes des autres par une écaille deux fois plus longue que large, d'un tiers plus courte que le calice, figurée en palette orbiculaire, velue, bordée de poils, & dont la grande moitié inférieure forme un pédicule extrêmement mince.
En détachant chacune de ces fleurs, on voit qu'elle est hermaphrodite, composée d'un calice d'une seule pièce en entonnoir, d'un tiers plus long que large, incarnat, tout couvert de poils courts dentés, couchés en tous sens, & partagé jusqu'au tiers de sa hauteur en cinq denticules égaux triangulaires, une fois plus larges que longs, convexes à leur face extérieure, & concaves à l'intérieure. Du fond de ce calice sort une corolle une fois & demie plus longue que lui, de même forme, mais marquée extérieurement de cinq angles qui font l'alternative avec les cinq dentelures dont elle est couronnée, & qui sont triangulaires, une fois plus longues que larges, concaves à leur face intérieure, & trois fois plus courtes que le tube qui lui-même a une fois plus de longueur que de largeur. Les étamines, au nombre de
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soixante-d!x à quatre-vingts, sortent disposées sur cinq rangs circulaires, d'une espèce de disque creusé en hémisphère qui s'élève du fond du calice en touchant la corolle, & en laissant un petit espace vide autour de l'ovaire ; elles sont assez égales entr'elles, une fois plus longues que la corolle, lisses, luifantes & épanouies comme un faisceau dont les filets ne divergent que de quinze degrés ou environ ; ces filets sont cylindriques, très-fins, comme articulés ou composés d'anneaux chagrinés de petits tubercules, pointus à leur extrémité, quinze fois plus longs & deux fois plus étroits que les anthères ; celles-ci sont sphéroïdes, marquées, sur la face intérieure qui regarde le pistile, de trois sillons longitudinaux, dont les deux collatéraux s'ouvrent, imprimées sur la face opposée d'une petite cavité par laquelle elles sont implantées sur les filets, & ornées à ieur extrémité d'un petit globule blanc trois fois plus petit qu'elles, hérissé de denticules coniques & porté sur un petit filet assez long : la poussière séminale qui sort de ces anthères est composée d'une prodigieuse quantité de petits globules de couleur d'or, lisses & luisans.
Du milieu du vide que laisse le disque des étamines au centre du calice s'élève le pistile qui égaie la longueur des étamines, & qui est composé d'un ovaire cylindrique deux fois plus long que large, porté sur un pédicule cylindrique menu, égal à la corolle, huit fois plus court que lui, trois fois plus étroit & terminé par un stile cylindrique, lisse, luisant, tortillé, trois fois plus long & trois fois plus étroit que lui, qui sort d'un de ses côtés, & qui a pour stigmate à son extrémité tronquée horizontalement, une petite cavité toute hérissée de petites pointes coniques qui ne sont bien apparentes qu'avec le secours d'un verre lenticulaire de deux à trois lignes de foyer : l'ovaire en mûrissant, devient un légume plat, droit, long de quatre à cinq pouces, huit à dix fois pius étroit, vert-brun, lisse, luisant, composé de six à dix articles discoïdes si étranglés qu'ils paroissent attachés bout-à-bout, comme par un collet qui n'a souvent pas une ligne de diamètre ; son écorce est assez épaisse & contient
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entre les deux épidermes un parenchyme gommeux rougeâtre & luisant : les articulations ne se réparent pas naturellement ; elles contiennent chacune une semence elliptique obtuse, gris-brun, longue de deux lignes, imprimée sur chacune de ses faces d'un sillon qui enferme un grand espace pareillement elliptique, & qui est attaché au bord supérieur du légume par un filet extrêmement court.
Les feuilles de l'acacia mâchées ont, ainsi que son écorce, une faveur stiptique trè-amère ; il rend naturellement sans incision, de diverses parties de ton tronc & de ses branches, après la saison des pluies, & vers le temps de sa fleuraison, c'est-à-dire, depuis les mois de Septembre & d'Octobre, une gomme rougeâtre, en larmes ou en boules, qui ont depuis six lignes jusqu'à un pouce & demi de diamètre. Cette gomme est transparente & d'une saveur amère.
Les Nègres oualofs du Sénégal, font moins de cas de cette gomme, à cause de son amertume, que de la blanche, dont nous parlerons ailleurs, mais ils l'emploient par préférence à elle dans plusieurs maladies, parce qu'elle est beaucoup plus astringente. Ils la font avaler seule ou dissoute dans une légère décoction de la racine d'une plante malvacée, qu'ils appellent Laff (a), non-seulement dans les maladies vénériennes, mais encore pour arrêter les écoulemens les plus invétérés, après avoir néanmoins favorisé d'abord ces écoulemens, ou disposé le corps à l'action de ce remède, par des apéritifs qu'ils regardent comme appropriés à ces cas tels que la racine d'une argemone & les branches d'une plante de la famille des Solanons, qu'ils appellent Dimeli & qui a beaucoup de rapport avec le dulcamara de l'Europe, autrement nommé vigne grimpante ou vigne de Judée. Cette gomme passe encore pour le spécifique des débordemens de bile & des maladies du foie qui en sont les suites : pour cet effet, les Sénégalois en boivent une once le matin, à jeun,
(a) Voyez les principaux caractères de cette plante, dans nos Familles des Plantes IIe partie, page 400.
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& autant le soir dissoute dans un demi-setier de limonade faite avec le tamarin aiguisé d'un peu de sucre qui en relève la fadeur : l'acide du limon est trop tranchant, trop incisif & corrosif, il ne rempliroit pas aussi-bien l'objet du tamarin qui est un acide astringent. Celui-ci tempère l'ardeur de la bile, pendant que la gomme lubréfie & ferme les plaies du foie ulcéré par la chaleur de cette bile ; cette gomme en adoucit les douleurs, elle nourrit mieux qu'aucun consommé, en même temps qu'elle guérit ; enfin ce consommé végéta! est plus favorable dans les maladies bilieuses que le consommé animal qui est toujours alkalin : aussi les Nègres évitent-ils alors toute nourriture tirée des animaux; ils se bornent à celle des végétaux, tels que le riz, ou la crème de riz lorsque leur estomac ne peut pas supporter davantage. Les Nègres mâchent les feuilles de l'acacia, ou à leur défaut, son écorce ou ses gousses, comme un détersif astringent, dans toutes les affections scorbutiques. La décoction de ses légumes entiers, ou l'infusion de leur poudre dans l'eau froide, s'emploie dans les maladies des yeux, qui ont pour cause le relâchement des fibres. Le parenchyme gommeux, qui est contenu entre les épidermes de ses gousses, ainsi que son écorce intérieure, qui est rouge, soit récente, soit sèche, infusée dans l'eau, à froid ou en décoction, donne une teinture rouge-pâle ; son écorce sert particulièrement à tanner les peaux de mouton & de chèvre, en façon des plus beaux marroquins, dont la perfection est vraisemblablement due aux Sénégaiois ou aux Maures qui fréquentent les bords du Niger.
Nous savons par les Anciens, & sur-tout par Théophraste, Dioscoride & Pline, que l'acacia d'Arabie & d'Égypte rend naturellement une gomme que l'on retire outre cela de ses gousses humectées d'eau de pluie broyées avant leur maturité & exprimées, un suc qui, épaissi par la chaleur du Soleil ou par l'ébullition, se réduit en masses arrondies, jaunes ou rougeâtres, dures, s'amollissant dans la bouche, d'un goût austère un peu désagréable, du poids de quatre à huit onces, qu'on enveloppe dans des vessies minces ; que ce suc
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est rouge-brun ou noirâtre lorsque les gousses dont on le tire, sont pius avancées & proches de leur maturité ; qu'on en retire aussi de ses feuilles, mais qu'on ne l'estime pas plus que la gomme de l'acacia de Galatie, parce qu'il est brun-noir comme elle ; que celle qui est jaunâtre ou purpurine, qui se dissout facilement dans l'eau, est préférée ; qu'elle est extrêmement rafraîchissante, épaississante ou incrassante & astringente ; qu'à cause de ces propriétés, on l'emploie par préférence à toute autre drogue dans les maladies des yeux, de la bouche & des génitoires, dans les chutes de la matrice & du fondement, dans les pertes des femmes & autres hémorragies, dans les dissenteries & cours de ventre ; que son bois qui est noirâtre & incorruptible dans l'eau, est employé pour cette raison pour faire des membrures de vaisseaux ; qu'enfin ses gousses servent au lieu de la gale du chêne, appelée noix de gale, pour tanner & perfectionner les cuirs. Voyez Hippocrate, livre XXI, section V, page 130. Théophraste, livre IV, chapitre III, lui donne le nom de gomme Thébaïque, & dit qu'il y en a une grande forêt dans le champ de Thèbes. Ce que Dioscoride dit, livre I, chapitres CXXXIII & CXXXIV ne peut s'appliquer qu'à cette espèce. Acacia est arbor, aliis frutex, nascitur in calidioribus ut in Ægypto, &c. unde septentrionale frigus perferre nequit ; gummi ex eâ promanans Arabicum gummi officinarum est. Succus ejus in usu quoque est. Vis ei spissandi & refrigerandi, ad ignem sacrum, ulcera serpentia, oculorum affectus, &c. C'est cette espèce que Pline désigne particulièrement, livre XXIV, chapitre XII de son Histoire naturelle, quand il dit : Est & acaciæ spina. Fit in Ægypto alba nigrâque arbore ; item viridi, sed longè melior e prioribus. Fit & in Galatiâ tenerrima spinosiore arbore. Semen omnium lenticulæ simile, minore est tantùm grano & folliculo. Colligitur autumno, ante collectum nimio validius. Spissatur succus ex folliculis auqâ cœlesti perfusis ; mox in pilâ tusis exprimitur organis : tunc densatur in sole mortariis in pastillos. Fit & ex foliis minùs efficax. Ad coria perficienda semine pro gallâ utuntur. Foliorum succus & Galatiacæ acaciæ nigerrimus improbatur, item qui valde rufus.
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Purpurea aut Leucophœa & quæfacillimè diluitur, vi summâ ad spissandum regrigerandumque est, oculorum medicamentis ante alias utiles. Lavantur in eos usus pastilli ab aliis, torrentur ab aliis. Capillum tingunt. Sanant ignem sacrum, ulcera quæ serpunt, & humida vitia corporis, collectiones, articulos contusos, perniones, pterygia. Abundantiam mensium fœminis sistunt, vulvamque & sedem procidentes. item oculos, oris vitia & genitalium.
Belon, le plus ancien, & en même-temps le plus savant des Voyageurs modernes qui ont été dans l'Égypte, nous apprend, dans la relation de son voyage imprimé en 1553, que les déserts stériles de l'Arabie, sur les bords de la mer rouge, ne produisent pas d'autres arbres que ceux de l'acacia, qui y sont si abondans que les Arabes ne s'occupent presque que du soin d'en recueillir la gomme qui porte le nom de gomme d'Arabie ; & cette gomme que l'on nomme encore gomme de Babylone contient souvent des épines & des graines si semblables à celles du Nebneb du Sénégal, que l'on ne peut douter que l'acacia vrai ne soit la même espèce. Shaw dit à peu-près la même chose. Rauwolf qui a voyagé après Belon, dans le Levant, est le premier qui ait occasionné une confusion qui ne peut avoir lieu lorsqu'on compare le Nebneb du Sénégal avec l'acacia décrit par les Anciens & par les Modernes qui l'ont précédé : cet auteur dit, en 1582, qu'il a vu autour d'Alep, le long du fleuve du Tigre dans ia Mésopotamie, & de l'Euphrate dans l'Arabie déserte, une espèce d'acacia appelée schack par les habitans de ce pays, & schamutk par les Arabes, qui est le nom corrompu de sant selon Celse ; que l'on trouve en vente, chez les marchands d'Alep, des gousses apportées d'Égypte, sous le nom de cardem, que quelques personnes croient être l’acacia de Dioscoride & des Anciens ; que ces gousses sont d'un brun-châtain, partagées en deux à trois loges en forme de sacs comprimés, contenant chacun une semence rougeâtre, semblable à celle de la Balsamine mâle, c'est-à-dire, de la pomme de merveille, momordica ; mais ces deux plantes diffèrent beaucoup de l'acacia vrai. Le
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voyage de Prosper Alpin en Égypte, a contribué, à certains égards, à augmenter la confusion. Ce botaniste dit, en 1592, que l'on trouve dans l'Égypte, deux espèces d'acacia, l'un mâle, l'autre femelle ; que le mâle est hérissé d'épines, & ne porte aucuns fruits ; que la femelle au contraire a des épines plus molles, en moindre quantité ; qu'elle fleurit en Novembre & en Mars, & fructifie de même deux fois l'an ; qu'enfin elle croît abondamment sur les montagnes de Sinaï, qui bordent la mer rouge. Prosper Alpin est le premier & le seul auteur qui ait dit que l'acacia a deux individus, dont l'un est mâle & sans fruits ; il a voulu sans doute parler de quelqu'autre plante épineuse ou de quelque individu qui par hasard s'est présenté à lui sans fruits, car tous les gommiers connus sont hermaphrodites, à moins que transportés dans des climats froids ou seulement moins chauds, ils ne deviennent stériles, ce qui pouroit bien être arrivé à certains pieds de gommier d'Arabie, transplantés en Égypte : mais ce qui lève tous les doutes, & qui nous assure que Prosper Alpin a observé l'acacia vrai des Anciens qu'il appelle acacia fœmina, c'est la figure qu'il a donnée des gousses, des grains & de la gomme de cet arbre, qui ne diffèrent en rien de celles du Nebneb du Sénégal. Shaw remarque fort à-propos, ce me semble, que cet acacia qui est celui dont parle Belon, étant presque le seul qui croisse dans l'Arabie pétrée, & le seul qui puisse fournir des planches, est sans contredit l'arbre désigné dans l'Écriture sainte, sous le nom de schittim. Pour ne rien omettre de ce qui regarde l'histoire de l'acacia, nous ne devons pas laisser ignorer l'opinion de M. Grangé, qui s'est fait quelques partisans ; voici la note que je tiens de M. Bernard de Jussieu à ce sujet, ce voyageur, de retour de l'Égypte, dit à M. de Jussieu que le suc de l'acacia n'étoit pas tiré de l'acacia qui donne la gomme arabique, mais de l'autre espèce appelée sant, qui rend une gomme rougeâtre, nommée gomme thurique & dont les gousses sont longues & très-étroites : on verra ci-après à l'article du sant, le peu de probabilité de cette opinion qui au reste n'infirme en
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aucune manière mes Observations particulières sur le gommier d'Arabie.
Tout ce que les Modernes nous ont appris de plus que les Anciens, sur l'acacia, c'est que cet arbre se trouve aujourd'hui au Caire ; que son suc analysé, rend une portion médiocre de sel acide, fort peu de sel alkali, beaucoup de terre stiptique, & une grande quantité d'huile ou subtile ou grossière ; qu'on l'ordonne depuis la dose d'une demi-dragme jusqu'à une dragme, soit en poudre, soit en bol, soit dissous dans une liqueur appropriée ; que cette dernière manière est la plus usitée chez les Égyptiens qui en ordonnent un gros tous les matins, à ceux qui crachent le sang. M. Hasseiquist, Élève de M. Linné, qui fut envoyé par la Suède, le 7 Août de l'année 1749, pour faire un voyage de deux ans & demi dans la Palestine, & qui alla au Caire, dans le dessein d'y examiner & décrire entr'autres plantes fameuses dans le Commerce, le gommier d'Arabie, nous a seulement confirmé ce qu'on savoit avant lui, que cet arbre ne produit point de gomme dans la basse Égypte, qu'il n'y paroît point naturel, mais y avoir été semé de main d'homme, ou par les oiseaux qui y transportent ses graines : si ce Voyageur eût fait attention, que c'est pour suppléer à cette gomme que les habitans en font avec ses gousses, une artificielle qui passe pour le spécifique des crachemens de sang, il se fût sans doute préservé ou guéri de cette maladie, dont il mourut à Smyrne, le 9 Février de l'année 1752.
Au-reste, Hasselquist ignoroit encore alors, qu'avant même qu'il partît de la Suède, j'avois découvert au Sénégal, non-seulement ce gommier rouge mais encore toutes les autres espèces qui fournissent la gomme Arabique, parmi lesquelles le gommier blanc, qui paroît n'avoir pas encore été aperçu en Égypte, ni en Arabie, tient le premier rang dans le Commerce : & c'est parce que ni cet auteur, ni personne avant moi, n'en avoit donné les détails botaniques, que j'ai cru devoir faire une description complette de toutes les parties, c'étoit le seul moyen de pouvoir le faire reconnoître
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dans des pays moins ardens que l'Arabie ou le Sénéga!, où il ne produit pas plus de gomme que dans la basse Égypte, par le seul défaut d'une chaleur suffisante.
Quoique la description d'Hasselquist ne soit pas assez circonstanciée pour nous assurer que son Mimosa nilotica soit le gommier d'Arabie, cependant les propriétés, les usages & les autres qualités, que nous en ont rapportées les Anciens, & qui se trouvent parfaitement semblables dans le gommier rouge, que les Nègres oualofs Nebneb appellent au Sénégal, ne nous laissent aucun lieu de douter de l'identité de ces deux arbres. Mais il faut se garder de confondre avec cette espèce, le gommier blanc, comme avoit fait M. Linné, dans ses Species plantarum, page 521, ou comme M. Gronovius, dans le flora orientalis de Rauwolf, le sant & le cardem, qui sont trois autres espèces fort différentes de l'acacia en question.
Le nom de mimosa Nilotica, que M. Linné donne aujourd'hui à cet arbre, n'est pas trop exact ; car 1° ses feuilles quoique sujettes comme celles de la plupart des plantes légumineuses, à se plier en éventail toutes les nuits ou toutes les fois que le so!eil reste long-temps caché, n'ont pas au contact, cette espèce de sensibiiité & de mouvement qui a fait donner le nom de mimosa à la sensitive ; en second lieu, cet arbre n'étant pas aussi naturel, aussi commun aux bords du Nil qu'en Arabie ne pouvoit être désigné qu'improprement, par l'épithète ou le surnom de Nilotica, de sorte qu'il nous paroît plus à propos de lui conserver son ancien nom d’acacia ou acacia Arabica.
DEUXIÈME ESPÈCE
Nom accepté : Vachellia nilotica subsp. tomentosa
Le Sénégal produit une seconde espèce de gommier rouge, que les Nègres du pays d'Oualo, connoissent sous le nom de Gonakè ; cet arbre diffère du précédent, qu'ils appellent Nebneb, en ce qu'il croît moins volontiers dans les sables mouvans
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de la côte maritime, mais plus communément dans les terres moitié sablonneuses, moitié argileuses, rougeâtres, qui commencent à huit ou dix lieues de la mer, & s'étendent jusqu'à soixante lieues dans le continent, où il compose la plus grande partie des forêts qui couvrent généralement tout le pays du Sénégai.
Le gonakè s'élève communément à vingt-cinq ou trente pieds de hauteur. Son tronc est droit, haut de dix pieds, sur un pied & demi d'épaisseur, couronné de branches ouvertes, sous un angle de quarante-cinq degrés, & dont le bois est comme celui du Nebneb, blanc-sale ou grisâtre, pendant qu'il est encore humide, mais devient en séchant d'un beau rouge foncé. Ses jeunes branches sont d'abord anguleuses, d'un gris blanchâtre, puis elles s'arrondissent, deviennent gris-brun & sont couvertes de poils courts fort serrés & couchés en différens sens. Ses feuilles diffèrent de celles du Nebneb, en ce qu'elles n'ont que quatre paires de pinnules, composées chacune de douze à seize paires de folioles : on remarque deux glandes sur leur pédicule, comme dans le Nebneb, mais disposées différemment, l'une entre la première paire de pinnules, qui termine son extrémité, l'autre entre la troisième paire en descendant. Ses têtes de fleurs, sortent au nombre de quatre de l'aisselle de chaque feuille ; la gousse qui leur succède, est longue de six à sept pouces, un peu courbe, large de huit à neuf lignes, d'un brun-noir, terne, couverte de poils comme les jeunes branches, marquée non pas d'étranglemens à collet, mais de douze à treize nœuds, dont les enfoncemens alternatifs, indiquent les séparations d'autant de cellules qui renferment chacune une graine de cinq lignes de longueur.
Sa gomme est plus rouge, plus amère, & pour le moins aussi abondante que la précédente, aussi entre-t-elle pour une bonne partie dans le Commerce qui se fait de la gomme au Sénégal.
Son écorce intérieure, donne, ainsi que fa gousse, une teinture rouge, mais plus foncée, & à laquelle on donne une préférence sur celle du Nebneb. Son écorce est aussi préférée
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pour tanner les cuirs destinés à faire le marroquin. Son bois est extrêmement dur, d'une couleur rouge-foncé, agréable, & très-propre aux ouvrages de marqueterie.
Cette espèce n'a point encore été décrite dans aucun ouvrage de Botanique.
TROISIÈME ESPÈCE
Nom accepté : Vachellia tortilis subsp. raddiana
Celle-ci est encore une espèce du vrai acacia, qui n'a été décrite ni figurée nulle part, & qui croît plus volontiers dans les terres argileuses que dans les sables. J'en ai observé beaucoup dans les forêts du milieu du continent, & même autour du Cap-vert. C'est un arbre rarement plus haut que vingt-cinq pieds, & d'une forme singulière, qui le fait remarquer par-tout où il est. Sur un tronc de dix à douze pieds de hauteur, s'élèvent des branches de vingt pieds de longueur, qui s'étendent horizontalement, de manière que l'arbre entier, se présente de loin sous la forme d'un parasol. J'en ai vu qui représentoient la forme de divers animaux, & il y en a un qui sert de reconnoissance au cap Manuel en venant du côté de l'île Gorée, & que l'on nomme le Chameau, parce qu'il a la figure de cet animal. Ses jeunes branches sont brunes comme les vieilles, couvertes de feuilles solitaires, mais rassemblées six à huit en faisceau sur les vieilles ; chaque feuille porte quatre à six, & plus communément quatre pinnules, composées chacune de douze paires de folioles : le pédicule commun qui soutient les pinnu!es, ne montre aucune glande, mais à son origine, on voit deux épines courtes coniques, longues de deux lignes, noirâtres, courbées en dessous.
Du milieu de chaque faisceau de feuilles, sortent comme dans le Nebneb, des têtes composées chacune de cinquante fleurs blanches, longues de deux lignes, & accompagnées d'une écaille une fois plus courte que le calice ; celui-ci ne diffère de celui du Nebneb, qu'en ce qu'il est vert gai, de moitié
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plus court que la corolle ; ses découpures ont extérieurement une petite bosse très-~sensible. Les découpures de sa corolle, sont elliptiques, une fois plus longues que larges ; ses étamines au nombre de trente seulement & son pistile ressemblent à celles du Nebneb, mais son ovaire est une fois plus long que large, sessile sans pédicule, surmonté d'un stile deux fois plus long. En mûrissant, cet ovaire devient une gousse presque cylindrique un peu aplatie, à écorce épaisse, avec un parenchyme charnu, de quatre à cinq pouces de longueur, étroite, douze à quinze fois plus longue que large, lisse, luisante, vert-brun, de douze à quinze loges, contenant chacune une graine longue de trois lignes, & d'ailleurs semblable à celle du Nebneb.
Le siung rend une gomme blanchâtre, mais peu abondante & en petites larmes, qui se recueille sans aucune distinction avec les autres : ses feuilles mâchées ont une saveur douce.
Ses racines sont si longues, si égales, si dures, si souples, si difficiles à se rompre, & d'un rouge-brun si agréable à la vue, que ies Nègres en font les manches de leur zagayes, auxquels ils donnent communément six à sept pieds de longueur, sur huit à neuf lignes au plus de diamètre. Ils boivent l'infusion à froid des plus jeunes de ces racines dans les maladies scorbutiques. Ses fruits, ou plutôt les graines contenues dans ses gousses, sont la nourriture la plus ordinaire des singes verts appelés golo, & des perruches connues sous le nom de kueïl au Sénégal.
Je réserve pour un second Mémoire la description & l'histoire du gommier blanc, appelé gommier du Sénégal, & la manière dont on recueille la gomme.