Pêcher (Cazin 1868)
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Nom accepté : Prunus persica
Malus persica. C. Bauh., Tourn. — Persica vulgaris. Mell. Persica. Fuchs.
ROSACÉES. — AMYGDALÉES. Fam. nat. — ICOSANDRIE MONOGYNIE. L.
Le pêcher, arbre de moyenne grandeur, originaire de la Perse, est cultivé partout à cause de son excellent fruit, qui mûrit vers la fin de juillet et fait les délices de nos tables. Il est loin de posséder, dans le pays natal, les avantages qu'une longue culture lui a acquis en Europe et surtout en France. La pêche dite de Montreuil est la plus belle parmi les nombreuses variétés que l'on a obtenues.
Description. — Racines et tiges dures et ligneuses ; écorce blanchâtre et cendrée, verte sur les rameaux. — Feuilles simples, alternes, pétiolées, vertes, glabres, oblongues, lancéolées, accompagnées de deux stipules linéaires, caduques.— Fleurs sessiles, solitaires, d'un rose tendre, très-agréable, paraissant avant les feuilles (mars-avril). — Calice à cinq divisions. — Corolle à cinq pétales. — Etamines nombreuses. - Fruit : drupe ovale ou arrondie, renfermant un noyau très-dur, ligneux, crevassé ou réticulé à sa superficie et renfermant la semence.
Parties usitées. — Les fleurs, les feuilles, les bourgeons, les semences.
Récolte. — Les feuilles doivent être récoltées entre le printemps et l'automne. Au printemps, elles n'ont pas encore assez d'action ; en automne, elles n'en ont presque plus. Elles perdent un peu de leur amertume et de leur vertu par la dessiccation ; cependant, séchées avec soin et renfermées ensuite dans des boîtes, ainsi que le pratiquaient Coste et Wilmet, elles conservent une énergie constatée par leur effet purgatif et vermifuge. Les fleurs deviennent inodores et restent très-amères, avec la saveur particulière de l'amande de noyau de pêche. Ce caractère les fait reconnaître quand elles sont sèches. On y laisse le calice, comme partie la plus énergique de la fleur. On emploie toujours les fleurs fraîches pour faire le sirop.
[Les fruits destinés à être mangés doivent être récoltés à leur maturité. Ceux qui doivent être conservés confits dans l'eau-de-vie, ou qui sont destinés à être confits ou à préparer des marmelades doivent être cueillis avant la complète maturité.]
[Culture. — Il existe un nombre considérable de variétés de pêchers que l'on peut diviser en quatre races : 1° peau velue, chair fondante, se détachant du noyau ; 2° peau velue, chair ferme et adhérente au noyau ; 3° peau lisse, chair fondante quittant le noyau ; 4° peau lisse, noyau adhérent à la chair.
Le pêcher exige une terre douce, profonde, substantielle ; on le multiplie par semis ou par greffe. Il exige des binages et des fumures répétées. L'année où on le fume, on doit le tailler long, afin que l'abondance de sève trouve une issue et ne produise pas de gomme. L'amandier à coque dure, à amande douce, est le meilleur sujet pour greffer ; on le préfère aux autres amandiers parce qu'il est moins sujet à la gomme, à la cloque et à la perte des branches. Dans les terrains peu profonds et humides, on greffe sur pruniers ; la greffe se fait en écusson du 15 juillet au 15 septembre à 1 mètre 50 centimètres à 2 mètres de hauteur, si l'arbre est en plein vent, et à 10 à 16 centimètres au-dessus du collet si l'on veut diriger en espalier. Les précoces et les tardifs doiven être exposés au midi et les autres à toutes les expositions, excepté celle du nord : le pêcher est sujet à un grand nombre de maladies.]
Propriétés physiques et chimiques. — Les fleurs de pêcher ont une odeur douce très-faible. Les feuilles sont inodores. Les feuilles, les fleurs et l'amande ont une saveur amère analogue à celle des feuilles de laurier-cerise, qu'elles doivent à la présence de l'acide prussique.
(Les feuilles et les noyaux contiennent une huile essentielle qui se rapproche énormément de celle d'amandes amères.)
On confit les pêches à l'eau-de-vie, on en fait des compotes, des marmelades: on les sèche au four, etc. : mais ces préparations ne leur conservent qu'une faible partie de leur qualité. Aux Etats-Unis, on en fait une sorte de vin appelé vin de pêche, et qui est un objet de commerce. On tire de ce vin un alcool. Le bois du pêcher, veiné de rouge, est très-propre à être employé en marqueterie. Il suinte de ce bois une gomme qui a quelque analogie avec la gomme arabique.
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A L'INTÉRIEUR. - Feuilles en infusion, 15 ou 44 gr. pour 1/2 litre d'eau ou de lait. |
semblable à celle des autres parties. On en peut faire un sirop purgatif et amer ayant la saveur et l'odeur de l'amande amère. |
A grande dose, les feuilles, les fleurs et l'amande du pêcher peuvent, par l'acide cyanhydrique qu'elles contiennent, produire l'empoisonnement. Bertrand a vu mourir un enfant de dix-huit mois, au milieu de convulsions et de vomissements, pour avoir pris une forte décoction de ces fleurs que sa mère lui avait donnée comme vermifuge.
Le Journal de la Société de médecine de Nantes (1836) relate un cas d'empoisonnement chez un homme de trente ans, où les accidents, caractérisés par des phénomènes graves, rappelant ceux produits par l'acide cyanhydrique, cédèrent cependant à l'emploi des opiacés.
Les fleurs fraîches agissent quelquefois assez vivement sur le tube digestif. « J'ai voulu, dit Roques, éprouver sur moi-même l'action purgative de ces fleurs. J'en ai pris une bonne pincée mêlée avec une petite salade de chicorée sauvage. Quatre heures après, j'ai eu des tranchées, des évacuations énormes et des sueurs froides. Il a fallu de l'éther et de l'opium pour faire cesser ces accidents. » Peut-être Roques s'est-il donné une indigestion en suspendant la sensibilité de l'estomac par l'action de l'acide cyanhydrique, ce qui rendrait ce fait peu concluant. Toutefois les feuilles, les fleurs et l'amande de pêcher doivent être administrées avec circonspection, surtout aux enfants.
Les fleurs et les feuilles de cet arbre sont purgatives, anthelminthiques et diurétiques. La propriété laxative du sirop de fleurs de pêcher a été célébrée outre mesure par Guy-Patin, Riolan, Simon Piètre, et une foule d'autres auteurs. Le calice est la partie des fleurs du pêcher dans laquelle paraît résider plus particulièrement leur principe actif. Coste et Wilmet employaient les bourgeons et les jeunes feuilles de cet arbre, récoltés au printemps, infusés pendant la nuit et ensuite décoctés, à la dose de 15 à 45 gr. dans 300 gr. d'eau, avec addition de 30 gr. de sirop de fleurs de pêcher, ou d'une petite quantité de miel ; ils donnaient la veille, selon la force du sujet, 12 à 24 décigr. d'extrait aqueux de bourgeons, saturé de la poudre des fleurs de pêcher desséchées. Coste et Wilmet ont vu rendre plus de soixante vers à un jeune homme d'une quinzaine d'années, peu d'heures après l'ingestion du premier bol de cet extrait. Dans l'espace de douze jours, cet enfant prit 30 gr. d'extrait en 24 doses, et trois potions dans lesquelles les feuilles de pêcher étaient entrées jusqu'à 30 gr. Il était d'un tempérament assez robuste, difficile à évacuer. Il eut quatre à cinq selles chaque fois, et ordinairement quatre ou cinq vers dans les premières ; il a été parfaitement guéri sans autre secours.
Burtin a confirmé les observations de Coste et Wilmet sur plus de vingt malades. Loiseleur-Deslongchamps employait un sirop fait avec une suffisante quantité de miel et une décoction saturée de feuilles de pêcher, et il en obtenait toujours des effets analogues à ceux de la manne. Dans les campagnes, on fait quelquefois prendre aux enfants, comme purgatif et
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- ↑ Journal analytique des sciences médicales, t. I, p. 338.
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vermifuge, du bouillon de veau dans lequel on a fait infuser légèrement et à une douce chaleur, une petite poignée de fleurs de pêcher. L'infusion des feuilles et des fleurs dans le lait est aussi administrée avec succès aux petits enfants.
Bodart employait les feuilles fraîches de pêcher comme succédanées du séné, à la dose de 30 gr. pour deux verres de decoctum, à vase fermé ; les fleurs à la dose de 15 gr. Il donnait, aux femmes délicates et aux enfants, le sirop des fleurs à la dose d'une cuillerée à bouche, toutes les demi-heures, jusqu'à ce que le remède commençât à agir.
(C'est le même moyen qu'on emploie communément, à la dose d'une cuillerée à café et plus, pour faciliter l'évacuation du méconium chez les nouveau-nés.)
L'infusion et la décoction des feuilles de pêcher ont été vantées dans la néphrite, l'hématurie et plusieurs autres affections des voies urinaires. Dower, au rapport de Vogel, les regardait comme un spécifique contre les calculs urinaires. Ettmuller accorde aussi cette vertu à l'infusion des amandes contenues dans le noyau de la pêche. Les Anglais joignent l'eau distillée d'amandes amères à l'infusion des feuilles de pêcher, et emploient ce mélange pour faciliter la sécrétion et l'excrétion des urines, apaiser les douleurs néphrétiques et vésicales. Ce moyen, que j'ai mis en usage plusieurs fois, calme promptement les souffrances des malades atteints de spasme ou d'irritation à la vessie, favorise l'émission des urines dans le catarrhe vésical chronique et soulage les calculeux.
Dougos[1] a guéri la coqueluche en quelques jours au moyen de l'infusion de feuilles de pêcher. Antony[2] dit avoir obtenu de très-bons effets de cette infusion, dans une épidémie de fièvre très-grave, à type rémittent, compliquée d'irritation gastrique. Les feuilles qui avaient servi à cette infusion lui ont été fort utiles en application sur l'abdomen. Le même moyen lui aurait également réussi contre le vomissement dans deux cas de choléra.
Comme les amandes amères, les amandes de pêche peuvent être employées pour les émulsions en les associant en petite quantité aux autres semences émulsives. Seules, et à une certaine dose, il est à présumer qu'elles auraient une action analogue à celle des feuilles, comme purgatives et anthelminthiques.
Burtin prescrivit à un pauvre, atteint de fièvre intermittente, deux poignées de feuilles de pêcher infusées dans 2 kilogr. de bière brune bouillante, à prendre dans l'espace de vingt-quatre heures dans l'apyrexie. La fièvre disparut après la seconde dose. Encouragé par ce succès, il employa le même moyen chez plus de vingt malades atteints de fièvres intermittentes de divers types, et tous furent entièrement guéris. Il donnait avec le même avantage, dans l'apyrexie, la poudre des feuilles, à la dose de 30 gr. divisée en plusieurs prises. Le même auteur dit qu'il a connu, dans sa jeunese, une personne qui employait, en en faisant un secret, la poudre du bois des noyaux de pêche, à la même dose que le quinquina, contre la fièvre intermittente. Amatus Lusitanus[3] recommande ce remède dans la fièvre quarte. Crouseille[4] a fait connaître les succès qu'il a obtenus de l'usage des feuilles de pêcher à titre de fébrifuge. Il a signalé dans ces feuilles un principe amer auquel elles doivent leur propriété, et non, ainsi qu'on le croyait, à l'acide cyanhydrique qu'elles contiennent. L'écorce est fébrifuge. Dans les campagnes, on emploie simplement, pour couper les
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- ↑ Gazette médicale, 1837, p. 299.
- ↑ Ibid.
- ↑ Lib. IV, p. 564.
- ↑ Journal de chimie médicale, 1831, t. VII, p. 22.
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fièvres d'accès, du vin blanc dans lequel on a fait infuser la seconde écorce du pêcher.
J'ai employé les feuilles de pêcher pilées en cataplasme sur l'abdomen, chez des enfants d'un à deux ans, et j'ai obtenu un effet anthelminthique qui, dans quelques cas, ne m'a laissé aucun doute. Ce topique m'a paru aussi calmer les coliques. On applique avec avantage ces mêmes feuilles sur les inflammations externes, les dartres enflammées et douloureuses, les ulcères cancéreux, les douleurs locales, etc.
La pêche est, quoi qu'en disent Galien et l'École de Salerne, un fruit très-agréable, nourrissant, rafraîchissant et adoucissant ; elle convient parfaitement aux tempéraments sanguins et bilieux, soit dans l'état de santé ; soit dans les maladies accompagnées de chaleur et d'irritation. Toutefois, les personnes faibles ou sédentaires peuvent, par l'usage trop abondant ou trop longtemps prolongé des pêches, éprouver de la débilité d'estomac, des flatuosités et même la diarrhée. On évite ces inconvénients en leur associant du sucre ou du vin généreux.