Bouleau (Cazin 1868)

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Bouillon-blanc
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Bourdaine


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Nom accepté : Betula pubescens


BOULEAU. Betula alba. L.

Betula dodonei. J. Bauh., T. — Betula. Black.

Bouleau blanc, — bouleau commun, — arbre de la sagesse, — sceptre des maîtres d'école, — boule, — biole, — bouillard, — bois néphrétique d'Europe.

Amentacées. — Bétulacées. Fam. nat. — Monœcie tétrandrie. L.


Cet arbre, très-commun dans nos bois, est généralement connu. Suivant le climat ou le terrain, il s’élance à la hauteur de 50 à 60 pieds, ou bien il ne forme qu’un arbrisseau. Spontané dans le nord de l'Europe et en France, il croît dans tous les terrains, dans les marais, sur les montagnes, sur les coteaux arides, sablonneux, et jusque dans la fente des rochers.

Parties usitées. — L'écorce, les feuilles, la sève.

[Culture. — Peu difficile sur le choix du sol, le bouleau végète bien dans les creux, les sables, dans les terrains arides et pierreux ; il pousse jusqu’au fond du Groenland ; il résiste à toutes les intempéries ; on le propage par graines semées en pépinière que l’on repique plus tard, ou par boutures, qui prennent assez difficilement.]

Récolte. — L'écorce et les feuilles se récoltent comme celles des autres arbres. La sève se tire au printemps, avant le développement des feuilles, de la manière suivante : « Dès les premiers jours de mars, on va dans la forêt voisine choisir un bouleau de moyenne taille, on y fait avec une vrille grosse comme une plume à écrire, un trou horizontal à la hauteur de 3 ou 4 pieds du sol ; dans ce trou, un peu profond, on place un tuyau de paille qui sort de trois ou quatre travers de doigt, pour servir de conducteur à l’eau qui va s'écouler au-dessous et à terre ; on dispose un récipient quelconque que l'on couvre d'un linge clair et propre, afin d'arrêter les petits insectes ou les ordures qui pourraient y tomber. Ce récipient se remplit bientôt ; on ne fait cette perforation qu’une ou deux fois sur le même arbre, et, au bout de peu de jours, on passe à un autre, afin de ne pas trop le fatiguer. On a soin, quand on fait ce changement, de boucher le trou avec un fosset, sans quoi le bouleau, continuant à donner plus ou moins d’eau, souffrirait, sans toutefois en périr, tant cet arbre est dur et vivace. » (Percy.) Quelquefois on se contente d'inciser verticalement le tronc ou bien on coupe l'extrémité des branches, et on laisse couler la liqueur dans des vases destinés à la recevoir. L'arbre donne d'autant plus de sève que l'hiver a été plus rigoureux.

Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques. — Les feuilles ont une odeur agréable et une saveur amarescente. La sève est acidule et plaît au goût. Marggraaf avait prétendu qu’en réduisant ce suc à consistance de sirop, et en l’exposant dans un lieu frais, on en obtenait une espèce de sucre ou de manne. Vauquelin a fait vainement plusieurs essais pour retirer du sucre blanc et cristallisé de la sève du bouleau ; ce qui le porte à croire que la matière sucrée n’y existe pas à l'état d'un véritable sucre. L'extrait qui se trouve en outre dans cette sève doit être considéré comme une matière colorante.

[D'après Biot, la sève de la partie inférieure du tronc du bouleau dévie à gauche le plan de polarisation de la lumière, tandis que les parties supérieures le dévient à droite.]

En Suède, on prépare avec la sève du bouleau un sirop qui peut remplacer le sucre pour plusieurs usages domestiques.


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Lorsqu'on a rassemblé une grande quantité de sève, on en fait du vin en y ajoutant du miel, des raisins secs et quelques aromates. On laisse fermenter ce mélange dans un tonneau bien fermé, pendant trois ou quatre semaines. On soutire alors la liqueur et on la met dans des bouteilles. Elle est pétillante, sucrée, légèrement acide : c'est presque du vin de Champagne. Pourquoi n'en fabrique-t-on pas en France comme dans le Nord, où l'on s'en régale pendant l'été ?

Les Suédois et les Lapons tirent un grand parti du bouleau. Son écorce, qui souvent survit longtemps à la destruction complète de l'intérieur de l'arbre, sert à la couverture des cabanes ; on en fait des corbeilles, des chaussures nattées, des cordes, des filets, des bouteilles, des assiettes. Lorsqu'elle est encore remplie de ses sucs à demi résineux, elle fournit des torches qui éclairent bien ; on en retire, à l'aide du feu, une huile poisseuse qui donne aux cuirs de Russie une qualité supérieure et une odeur particulière. Enfin, les Kamtchadales trouvent dans cette écorce un aliment et une boisson ; ils la mêlent à leur caviar, et en préparent une sorte de bière. L'épiderme sert encore de papier à divers habitants du Nord, comme il en servait plus généralement à nos ancêtres. (Duchesne.) Dans le Nord, on retire des chatons du bouleau une espèce de cire.

Les jeunes bouleaux courbés graduellement servent à faire des jantes de roues ; âgés de dix ans, ils donnent des arceaux pour les futailles ; un peu plus forts on les emploie à relier des cuves, et les gros sont mis en oeuvre par les sabotiers. Les menues branches sont employées à faire des balais et des verges.


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L’INTÉRIEUR. — Sève 100 gr. aux enfants ; 180 à 200 gr. aux adultes.
Feuilles en décoction, 30 à 60 gr. par kilogramme d'eau.
Ecorce en décoction, 30 à 60 gr. par kilogramme d'eau.

Ecorce en poudre, 15 à 45 gr. par jour, en électuaire, dans le vin, etc.
A L'EXTÉRIEUR. — Décoction de l'écorce ou des feuilles en lotions, fomentations, etc.
Huile empyreumatique, en frictions, embrocation, etc.


Sans croire aux merveilleuses vertus que les peuples du Nord ont accordées à la sève du bouleau, on ne peut non plus les révoquer tout à fait en doute. Cette sève, qui est très-abondante, a été vantée, comme dépurative, contre les éruptions cutanées, dartreuses et psoriques, par Salzmann, Riedlin, Pauli, Werg; comme diurétique et lithontriptique, par Matthioli, Charleton, Bartholin, Davel, Boyle, Van Helmont, Lange ; comme vermifuge, par Rosen et Bergius. Percy en parle en ces termes :

« Dans tout le nord de l'Europe, à commencer par nos départements du Rhin jusqu'aux confins de la Russie la plus septentrionale, l'eau de bouleau est l'espoir, le bonheur et la panacée des habitants riches et pauvres, grands et petits, seigneurs et serfs...

« Les maladies de la peau, les boutons, dartres, couperoses, etc., lui résistent rarement. C'est un remède précieux dans les affections rhumatismales, dans les reliquats de goutte, dans les embarras de la vessie, et dans une foule de maux chroniques, contre lesquels la science médicale est si sujette à échouer, etc. »

« L’écorce du bouleau, dit Biett[1], a quelquefois été administrée dans les fièvres intermittentes accompagnées d’une disposition scorbutique ; on loue les effets de la décoction de cette écorce employée en lotions dans les vieux ulcères. » Bergius assure que l'épiderme du bouleau, porté dans les souliers, détermine une sueur des pieds qui peut devenir salutaire dans plusieurs maladies chroniques. L'infusion des feuilles est utile contre les maladies de la peau et même contre la goutte. Les paysans affectés de douleurs rhumatismales, arthritiques, ou atteints d'engorgements séreux, œdémateux, se couchent dans un lit bien bassiné et rempli de feuilles de bouleau, afin de provoquer la sueur. Ce moyen les soulage.

Les paysans du Boulonnais emploient la pommade suivante contre la gale : Ecorce de bouleau et poudre à canon, parties égales ; broyez dans un

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  1. Dictionnaire des sciences médicales, t. V, p. 278.


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mortier avec suffisante quantité de crème pour donner au mélange la consistance de pommade. Deux ou trois frictions suffisent pour la guérison. On se nettoie ensuite la peau avec du savon vert et de l'eau. J'ai été plusieurs fois à même de constater l'efficacité de ce traitement.

L'emploi des bourgeons de bouleau contre les engorgements scrofuleux est populaire en Russie. On recueille au printemps les plus petits bourgeons résineux de cet arbre, on les met dans un vase de verre et on les couvre d’huile d'olives ; le vase étant bien fermé au moyen d'un couvercle, ou chauffe sur un feu modéré, et quand le mélange est chaud on le passe avec expression et on l'étend sur des morceaux d'étoffe que l'on applique sur les parties engorgées. Duré[1] assure que pendant un long séjour qu'il a fait en Russie, il a souvent vu employer ce moyen avec le plus grand succès.

L'huile empyreumatique de bouleau, employée sous le nom d’oleum rusci, a été recommandée par Heim contre le psoriasis. Suivant Blasius de Halle[2], son action dans l’eczéma chronique est bien plus efficace. Il faut frictionner les parties malades avec de l'huile pure, les envelopper d'un linge de toile, et, au bout de quelques jours, les laver dans l'eau de savon, pour recommencer de nouvelles frictions huileuses. On continue ainsi, non-seulement jusqu'à ce qu'il ne se produise plus de vésicules, et que tout suintement ait cessé, mais même jusqu'à ce que la peau ait repris sa couleur et son aspect normal.

L'huile de bouleau est employée à l'intérieur et à l'extérieur par le peuple russe contre la blennorrhagie et les ulcères vénériens.

(Dans une campagne éloignée, je me suis servi d'un fragment d'écorce de bouleau, maintenu avec de la ficelle, comme gouttière, dans un cas de fracture de l'humérus à son tiers inférieur. Je réalisais ainsi, en partie, un appareil amovo-inamovible bivalve de Seutin.)

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  1. Journal de la Société des sciences médicales de Bruxelles, vol. XXI, p. 155, année 1855.
  2. Deutsche Klinik et Gazette médicale de Paris, 1854.