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Renouée (Cazin 1868)

Renoncules
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Réséda


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Nom accepté : Polygonum aviculare


RENOUÉE. Polygonum aviculare. L.

Polygonum latifolium. C. Bauh. — Polygonum mas. Dod. — Sanguinalis maxima. Gesn. — Centinodia. Brunf.

Centinode, — renouée des oiseaux, — aviculaire, — herbe à cent nœuds, — herbe des Saints-Innocents, — herbe de pourceau, — langue de passereau, — sanguinaire, — traînasse, — trame, — fausse senile, — herniole, — tire-goret.

POLYGONACÉES. Fam. nat. — OCTANDRIE TRIGYNIE. L.


Cette plante annuelle est très-commune ; on la trouve partout, dans les champs, sur le bord des chemins, dans les lieux incultes, et même dans les places peu fréquentées des villes, où elle pousse entre les pavés. Le nom d'aviculaire lui a été donné parce qu'elle est très-recherchée des petits oiseaux. Les lapins en sont très-friands.

Description. — Racine longue, rougeâtre, chevelue, rampante. — Tiges herbacées, simples ou rameuses, couchées, noueuses et renflées à chaque articulation. - Feuilles alternes, peu pétiolées, ovales-lancéolées, entières, vertes et glabres. — Fleurs blanches ou rougeâtres, presque sessiles, solitaires ou réunies deux ou quatre dans les aisselles des feuilles (juin-septembre). — Calice à cinq découpures profondes, ovales, blanches ou rougeâtres. — Point de corolle. — Huit étamines plus courtes que le calice. — Trois styles courts à stigmates arrondis. — Fruits : akènes triangulaires, pointus, rougeâtres.

Parties usitées. — L'herbe et les fruits.

Récolte. — La récolte ne présente rien de particulier.

[Culture. — La renouée n'est cultivée que dans les jardins botaniques. Elle demande une terre sèche, chaude et une bonne exposition. Elle se propage elle-même par semis et par rejetons.]

Propriétés physiques et chimiques. — La renouée est inodore ; sa saveur est légèrement astringente. Sa décoction, qui est d'un goût fade, noircit légèrement par l'addition du sulfate de fer. (Elle donne 27 pour 100 d'un extrait contenant une assez forte proportion de tannin.) — Thunberg[1] prétend qu'au Japon on retire du polygonum aviculare une couleur bleue, qu'il compare à l'indigo.

Il serait à désirer que les chimistes s'occupassent de l'analyse de la semence de cette plante, afin de distinguer quelle est la partie qui contient le principe actif. De Candolle[2] se demande si ce principe ne résiderait pas dans le spermoderme, et si on retrouverait pas dans le même organe des autres espèces.

Les anciens employaient la renouée dans le crachement de sang, les flux de ventre, le vomissement, etc. Camerarius la recommande contre l'hématé-

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  1. Voyage, t. IV, p. 48.
  2. Essai sur les propriétés médicales des plantes, p. 246.


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mèse ; Scopoli et Chomel assurent l'avoir employée avec succès dans les diarrhées et les dysenteries chroniques. Wilmet[1] dit que les vétérinaires font un secret de l'emploi de cette plante contre l'hématurie des vaches. Je l'ai vu mettre en usage avec succès dans ce dernier cas par les habitants de la campagne. Poiret[2] dit que la renouée traînasse, quoique dédaignée, foulée aux pieds, assez souvent couverte de poussière et de boue, n'en est pas moins une plante des plus intéressantes, et qui mérite, par ses grands services, une place honorable parmi les végétaux utiles.

La renouée était tombée dans l'oubli, comme tant d'autres plantes utiles dont on avait exagéré les propriétés, lorsque des praticiens l'ayant de nouveau soumise à l'expérimentation, l'ont trouvée digne de figurer avec avantage dans la matière médicale indigène.

Dans une note lue à la Société de médecine de Lyon, et consignée dans le journal de cette Société (1843), Levrat-Perroton cite trois cas de diarrhée qui, après avoir résisté à l'eau de riz, aux fécules et au laudanum, cédèrent à une forte décoction de renouée sucrée. Le même succès a été obtenu par ce médecin dans beaucoup de flux diarrhéïques qui se sont présentés à son observation pendant les chaleurs de l'été de 1842.

Dubois, de Tournai, rapporte cinq cas de diarrhée évidemment guéris dans l'espace de peu de jours au moyen de la décoction de renouée (2 poignées pour 1 à 2 kilogr. d'eau). Ce médecin recommande vivement cette plante à l'attention du praticien des campagnes ; elle lui sera d'autant plus utile qu'elle est plus fréquente, et que la maladie qu'elle est appelée à combattre se rencontre chaque jour dans la pratique.

J'ai employé ce remède, en 1846, chez une femme qui, atteinte de diarrhée depuis près de deux mois, avait inutilement employé les opiacés, la rhubarbe, le cachou, le diascordium, l'extrait de ratanhia ; une forte décoction de centinode, prise pendant huit à dix jours, arrêta graduellement ce flux. Je ferai remarquer, à cette occasion, que les astringents les plus énergiques, en supprimant trop promptement la supersécrétion de la muqueuse intestinale, n'ont qu'un effet momentané et ne sont pas toujours employés sans inconvénients, tandis que les astringents plus doux, mais dont l'action est continuée, soutenue pendant huit à quinze jours, ramenant peu à peu à leur état normal les fonctions sécrétoires altérées, ont un résultat plus certain et peuvent toujours être administrés sans danger.

Les semences de la renouée, réduites en poudre, ont une odeur nauséeuse et sont, dit-on, fortement émétiques et purgatives ; mais on manque, dit Loiseleur-Deslongchamps, d'observations positives pour apprécier cette propriété à sa juste valeur.

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  1. Flore économique.
  2. Histoire des plantes de l'Europe.