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Pavot (Cazin 1868)

Patience
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Pêcher
PLANCHE XXX : 1. Pavot blanc. 2. Pavot cornu. 3. Persicaire. 4. Petit Houx. 5. Phellandrie.


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Pavot

Nom accepté : Papaver somniferum


PAVOT. Papaver somniferum. L.

Papaver hortense, semine albo. C. Bauh., Tourn. — Papaver sativum. Matth. - Papaver album et nigrum. Off.

Pavot somnifère, — pavot des jardins, — pavot blanc, — pavot noir, — pavot pourpre, - pavot d'opium.

PAPAVÉRACÉES. Fam. nat. — POLYANDRIE MONOGYNIE. L.


Le pavot somnifère (Pl. XXX), généralement connu, originaire de l'Asie, croît spontanément dans l'Europe méridionale, et est cultivé dans nos jardins pour l'usage pharmaceutique. On le cultive en grand dans les champs en Allemagne, en Flandre, dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, en Alsace, etc., pour extraire des semences une huile connue dans le commerce sous le nom d'huile d'œillet ou d'œillette.

On distingue deux variétés de pavot somnifère : le pavot blanc (papaver somniferum album) et le pavot noir (papaver somniferum nigrum). Il y a une sous-variété de ce dernier à pétales pourpres. Ce sont les capsules du pavot blanc (têtes de pavot) qu'on emploie ordinairement en médecine.

Dans nos départements méridionaux, on cultive dans la campagne le pavot blanc à grosse tête oblongue pour l'usage médical. Les capsules, recueillies un peu avant la maturité, séchées à l'ombre et mises en caisse, se vendent comme têtes de pavot blanc du Levant.

Description. — PAVOT BLANC. — Racine pivotante, grosse comme le doigt, contenant un suc lactescent amer. — Tiges d'environ 1 mètre, peu rameuses, glauques, cylindriques. — Feuilles alternes, amplexicaules, glauques, dentées inégalement, glabres à leurs deux faces. — Fleurs fort grandes, terminales, solitaires (juin-septembre). — Calice à deux sépales très-glabres, concaves, caduques. — Corolle à quatre pétales fort grands, arrondis, d'une couleur pourpre-violette ou blanche, marqués vers leur base d'une tache noirâtre. — Etamines très-nombreuses à anthères jaunes. — Huit ou quinze stigmates disposés en rayons et soudés au sommet de l'ovaire. Fruit : capsules globuleuses, très-grosses, glabres, ovales, indéhiscentes, remplies d'une multitude de semences petites, réniformes, noires, quelquefois blanches, dont le nombre a été évalué de 12,000 à 32,000[1]. — PAVOT NOIR. — Pétales purpurins, marqués d'une tache noire à la base. — Capsules, moins grosses, globuleuses, s'ouvrant par des pertuis au-dessous du stigmate. — Graines noirâtres.

(Le pavot pourpre, papaver orientale, L., pavot oriental, est cette belle espèce cultivée dans les jardins. C'est une simple variété ; rien ne justifie la préférence que lui accorde Aubergier pour l'extraction de l'opium indigène.)

Parties usitées. — Les capsules ou têtes, les graines, les feuilles, les fleurs.

Récolte. — Le pavot somnifère, cultivé en Orient pour le suc qu'on en retire sous

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  1. On a calculé qu'au bout de peu d'années, un seul pied de pavot couvrirait la surface de la terre, si toutes les semences fructifiaient ; ce qui justifie l'exclamation d'Ovide : Quotque soporiferum grana papaver habet ! (Trist. v, el. 1.)


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le nom d’opium, est cultivé dans le Midi pour l'usage pharmaceutique de ses capsules. Ces dernières (têtes de pavot blanc) doivent être récoltées avant la maturité des graines, lorsqu'elles sont encore très-succulentes. Les capsules du commerce sont récoltées trop tard lorsque les graines ont mûri aux dépens du suc du péricarpe : elles contiennent par conséquent moins de principes actifs. La substitution des fruits verts et succulents du pavot aux capsules sèches du commerce a quelquefois produit des accidents graves. On croyait autrefois que les têtes de pavot expédiées du Midi de la France étaient plus riches en principes médicamenteux que celles que l'on récolte dans les jardins du Nord, et surtout dans les lieux humides. Aujourd'hui on emploie indifféremment ces capsules, sans distinction de provenance (quoique celles du Midi soient en effet plus actives).

[Culture. — Le pavot est multiplié de graines semées en place dans tous les terrains. Le semis d'automne fleurit en juin et juillet ; celui de février et mars, un peu plus tard. Il existe deux variétés de pavot somnifère : l'une à tête longue, l'autre à tête ronde, depressum. La première est, dit-on, plus active. Pour l'extraction de l'huile, on cultive le pavot noir ou à œillette, qui se distingue par ses capsules, plus nombreuses, plus petites, et qui sont déhiscentes. Pour la récolte de l'opium, le pavot doit être cultivé en planches étroites, séparées par un espace suffisamment large pour permettre le passage d'un ouvrier. Les plates-bandes ne doivent pas être trop larges ; il faut que l'ouvrier, en étendant le bras, puisse facilement atteindre au milieu. Ces exercices se pratiquent après la chute des pétales, avant que la capsule jaunisse. En Turquie, on laisse dessécher l'opium sur les capsules, puis on racle les larmes ; en France, à cause des brouillards et de l'inconstance du temps, on est obligé de recueillir le suc liquide. Cette opération se pratique avec le doigt, et le suc est rassemblé dans des vases ; on le fait évaporer au soleil ou à l'étuve.]

Propriétés physiques et chimiques. — Les capsules de notre pavot paraissent contenir les mêmes principes que l'opium, mais en moindre proportion. En Perse, en Asie-Mineure, en Egypte et dans l'Inde, on pratique à la tige et aux capsules du pavot somnifère, avant la maturité, des incisions obliques et superficielles, par lesquelles coule un suc qui se concrète bientôt en larmes, qu'on agglomère et qui constituent l'opium.

Cette substance nous est ordinairement apportée en pains orbiculaires, pesant de 125 à 440 gr., aplatis, rougeâtres à l'extérieur, d'un brun noirâtre intérieurement, d'une cassure brillante et compacte, d'une odeur vireuse, d'une saveur âcre et amère. Elle est très-souvent falsifiée : des pierres, du sable, de la terre, de la bouse de vache, des morceaux de plomb, des huiles, des résines et beaucoup d'autres substances s'y trouvent mêlées en plus ou moins grande quantité. On y introduit quelquefois beaucoup d'extrait de pavot cornu. « Mais une fraude plus sérieuse, dit Dorvault, est celle qui consiste à épuiser l'opium de la morphine et à lui rendre son aspect primitif. On a vu des opiums refaits qui imitaient les opiums vierges de manière à tromper les plus fins connaisseurs. »

Les anciens (Dioscoride, Pline) appelaient meconium l'opium obtenu par la contusion, l'expression des capsules et des feuilles de la plante. Ce produit, qui, dit-on, est encore fourni seul ou mêlé à l'opium par incision, est plus faible et explique naturellement les différences que l'on observe entre les opiums du commerce. On ne trouve guère en France que trois espèces commerciales d'opium, qu'il est important de distinguer, à cause de la différence très-grande de leur richesse en morphine : l'opium de Smyrne, qui est le plus pur et le plus riche en morphine ; l'opium de Constantinople ; celui d'Egypte, qui a reçu le nom de thébaïque. L'opium a été analysé par plusieurs chimistes. Il contient : la morphine, la codéine, la narcotine, l'acide méconique, un acide extractif brun, la résine, l'huile grasse, la thébaïne ou paramorphine, la narcéine, la bassorine, la gomme, du caoutchouc, du ligneux, un principe vireux volatil, et sans doute de l'albumine végétale.

L'eau dissout environ les deux tiers de la substance de l'opium. Le résidu consiste principalement en résine, narcotine, caoutchouc. L'alcool en dissout les quatre cinquièmes. L'éther a peu d'action sur les principes constitutifs de l'opium, si ce n'est sur la narcotine. Une douce chaleur le ramollit et lui fait perdre de 6 à 15 pour 100 d'humidité.

Les principes les plus actifs de l'opium sont au nombre de six : la morphine, la codéine, la narcéine, la narcotine, la thébaïne, la papavérine. Nous ne citerons que pour mémoire l’opianine, trouvée dans l'opium d'Egypte par Hinterberger, et se rapprochant de la morphine sous tous les rapports ; la porphyroxine, qu'on suppose exister dans celui du Bengale ; la pseudo-morphine, dans celui du Levant.


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La MORPHINE (C55 H20 Az O6 + 2 HO)[1] est une substance alcaline, blanche, cristallisant en aiguilles à quatre faces, inodore, d'une saveur amère, insoluble dans l'eau froide, soluble dans 92 parties d'eau bouillante, dans 40 d'alcool anhydre ; très-peu soluble dans l'éther, se dissolvant dans les corps gras, les huiles volatiles, les alcalis caustiques formant avec les acides des sels définis, donnant avec les sels de fer peroxydés et l'acide iodique une coloration bleue ou violette ; l'acide azotique la colore en rouge, Cet alcaloïde se rencontre dans l'opium à l'état de méconate de morphine, et s'y trouve dans la proportion de 2 à 10 pour 100 en moyenne.

On peut s'assurer de la richesse de l'opium en morphine en versant de l'ammoniaque faible dans un soluté d'opium. L'opium qui donne le précipité le plus abondant et le moins coloré est le meilleur. On arrive par des procédés qui ressortent de la pharmacie[2] au dosage rigoureux de cet alcaloïde.

Les sels de morphine employés en médecine sont le chlorhydrate, l'acétate, le sulfate ; le plus usité est le chlorhydrate, lequel est inodore, incolore, d'une saveur extrêmement amère, en poudre fine ou en cristaux très-déliés. Sa solubilité dans 16 parties d'eau froide et à poids égal dans l'eau bouillante, le fait préférer à la morphine. Le sulfate est plus soluble, mais n'est pas aussi universellement usité.

La CODÉINE (C35 H20 Az O5), découverte par Robiquet en 1832, est en cristaux volumineux et transparents, octaédriques, solubles dans l'eau, l'alcool et l'éther (ce qui la différencie de la morphine ; elle est lævogyre, amère et franchement alcaline. Elle n'est colorée ni par l'acide azotique, ni par le perchlorure de fer ; elle est insoluble dans les alcalis. Elle forme avec les acides des sels cristallisables ; c'est en effet du chlorhydrate double de morphine et de codéine (sel de Gregory) qu'on l'extrait. La teinture de noix de galle précipite abondamment les sels de codéine, ce qui a lieu d'une manière moins complète pour les sels de morphine. La codéine existe dans l'opium dans une proportion de 1/2 à 1 pour 100.

La NARCÉINE (C32 H24 Az O16), découverte par Pelletier en 1832, se présente sous la forme d'une matière blanche, neutre, très-amère, soyeuse, en aiguilles fines allongées formant des prismes à quatre pans ; peu soluble dans l'eau froide, plus dans l'eau bouillante, un peu davantage dans l'alcool, insoluble dans l'éther. Les acides la colorent en bleu, à l'exception de l'acide nitrique, qui lui donne une teinte jaune. Légèrement lævogyre, elle est fusible à 72 degrés. Les acides étendus se combinent avec la narcéine et donnent, entre autres sels, un chlorhydrate, un sulfate, un nitrate encore peu étudiés.

La NARCOTINE (C46 H25 Az O14), connue aussi sous le nom de sel de Derosne, du nom du chimiste qui l'a découverte en 1803, est une matière solide, blanche ou un peu jaunâtre, inodore et insipide, cristallisant en prismes droits à base rhomboïdale, fusible, insoluble dans l'eau froide, très-soluble dans l'éther, l'alcool et les huiles volati!es ; sa solution est neutre aux couleurs végétales. Elle se combine avec les acides, et forme avec eux des sels très-amers. L'opium en contient de 1 à 8 pour 100.

La THÉBAÏNE (C25 H14 Az O3, suivant Kane; C38 H21 Az O6, suivant d'autres auteurs), découverte par Thiboumery, forme des cristaux blancs en aiguilles courtes, solubles dans l'eau, l'alcool froids et dans l'éther. Elle est plus âcre qu'amère, alcaline, fusible à 130 degrés ; elle ne rougit pas par l'acide nitrique, ne donne pas de coloration bleue avec les sels de fer peroxydés. Elle forme avec les acides dilués des combinaisons cristallisables encore peu connues.

La PAPAVERINE (C40 H21 Az O8), découverte en 1848 par Merk, de Darmstadt, ressemble à la narcotine, et bleuit par l'acide sulfurique concentré.)

Substances incompatibles avec l'opium. — L'ammoniaque, les carbonates de soude et de potasse, le bichlorure de mercure, le nitrate d'argent, l'acétate de plomb, les sulfates de cuivre, de zinc et de fer, l'infusion de noix de galle, le café.

Les semences de pavot somnifère, qui ne possèdent point les propriétés du péricarpe et sont même inusitées en pharmacie, fournissent au commerce l'huile d'œillette (altération du mot oliette (de l'italien olietto, ou olevette, ou petite huile), dont les qualités,

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  1. Il faut noter qu'il existe entre les chimistes de grandes dissidences pour les formules des alcaloïdes de l'opium. Le Codex de 1866 donne la suivante à la morphine, C34 H19 Az O6, 2 HO, et à la codéine C36 H21 Az O6, 2 HO. Ces deux équivalents d'eau indiquent que le corps a été obtenu par voie aqueuse ; mais la solution dans l'éther absolu laisse déposer des cristaux anhydres.
  2. Voyez Annuaire de Bouchardat, 1858, p. 5.


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pour les usages alimentaires, se rapprochent de l'huile d'olive. D'une belle couleur blonde, d'une saveur agréable, elle ne rancit pas et se conserve plus longtemps que l'huile d'olive, à laquelle on la mêle en plus ou moins grande quantité ; on l'emploie même exclusivement dans le Nord, sans s'en douter. Il est très-facile de reconnaître cette fraude. L'huile d'olive se coagule dès que le thermomètre est à 8 ou 10 degrés au-dessus de zéro, tandis que celle d'œillette ne se congèle qu'à 10 degrés au-dessous de zéro. Les traités de chimie indiquent plusieurs moyens de reconnaître ces falsifications.

L'huile d'œillette, étant siccative, ne peut servir à l'éclairage ; mais les peintres s'en servent quelquefois et augmentent encore ses propriétés siccatives en la faisant cuire avec un nouet contenant de la litharge. Le marc qui reste après l'expression de l'huile sert à nourrir les vaches, les porcs et les oiseaux de basse-cour.

Les anciens rangeaient les semences de pavot parmi les substances alimentaires. Elles sont encore employées dans différents mets à Trente, en Pologne, en Hongrie et dans diverses parties de l'Orient. En Italie, et surtout à Gênes, on en faisait de petites dragées que les dames, au rapport de Tournefort, aimaient beaucoup. Ces semences, purement oléagineuses et féculentes, pourraient être employées comme alimentaires. (Cependant, selon Meurein (de Lille), elles contiendraient de la morphine dans l'épisperme.)

OPIUM INDIGÈNE. — On peut obtenir du pavot de nos contrées tempérées un opium dont les qualités ont été constatées par l'analyse chimique et par l'expérimentation thérapeutique. Belon a eu la première idée de l'extraction de cette substance du pavot somnifère. « Nous sommes persuadé, dit Bodart, qu'il est possible d'extraire de l'opium des têtes de pavot cultivé en France, et surtout dans nos départements du Midi... La Calabre, certaines parties de l'Italie, la Toscane, où nous avons vu des champs entiers de pavots portant des têtes extrêmement grosses ; l'Espagne, le Portugal, les départements du Midi, et surtout celui de Vaucluse, de la Drome, des Bouches-du-Rhône, sont les lieux où il conviendrait de renouveler les essais avec la précision convenable... Les expériences de Falk, à Stockholm ; d'Alston, à Edimbourg, qui, dans l'espace d'une heure, recueillit 1 gros d'opium ; de Charas, de Dillen, de Haller, à Gottingue ; de Tralles, en Silésie, doivent encourager à tenter de nouveaux essais pour obtenir un véritable opium indigène, soit par le choix du terrain ou du climat, soit par la manière de le préparer et de l'administrer. » Bella ou Ball, comme l'appelle Simpson, présenta des échantillons d'opium récolté en Angleterre, à la Société d'encouragement, en 1796, peu inférieur à l'opium oriental.

Loiseleur-Deslongchamps a conclu d'expériences nombreuses, faites avec autant de soin que d'exactitude : 1° que l'opium indigène retiré du suc qui s'écoule des têtes de pavot égalait en vertu l'opium gommeux, et pouvait être donné aux mêmes doses ; 2° que l'extrait retiré du suc provenant de la contusion et de l'expression des têtes de pavot vertes et des pédoncules doit être employé à double dose de l'opium gommeux ; 3° que l'extrait obtenu du suc vert des tiges et des feuilles du même pavot doit être employé à dose quadruple de l'extrait gommeux du commerce ; 4° que l'extrait des têtes de pavot obtenu par décoction n'a pas plus de vertu que le précédent et exige une dépense double pour la manipulation ; 5° que l'extrait retiré par la décoction des têtes sèches offre le même inconvénient et est encore plus faible ; il en faut 8 grains pour équivaloir à 1 grain d'extrait gommeux ; cependant on peut en préparer pour utiliser les têtes de pavot, qu'on jette après en avoir retiré la graine pour fabriquer l'huile d'œillette.

[Malgré les efforts de Petit (de Corbeil), d'Aubergier (de Clermont), de Bénard et de Descharmes (d'Amiens), etc., la culture du pavot, au point de vue de la production de l'opium, n'est pas faite et est improductive. D'un autre côté, il est bien démontré aujourd'hui que le pavot pourpre, auquel Aubergier donne la préférence, pas plus que tout autre pavot, ne donne l'opium à un titre fixe, et le prétendu opium titré à 10 pour 100 n'est qu'un opium fait de toutes pièces par le mélange de divers opiums. Ajoutons enfin que nous ne voyons aucune nécessité à adopter le nom d’affium (nom persan de l'opium) pour désigner l'opium indigène.

Hardy et d'autres expérimentateurs ont obtenu en Algérie de bons opiums du pavot blanc, titrant 8 à 9 Pour 100 de morphine. Quant à l'opium du pavot-œillette, il résulte des recherches de Descharmes, Bénard, Acar, Mialhe, Guibourt, Réveil, etc., qu'il contient habituellement de 18 à 26 pour 100 de morphine.]


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


PAVOT. — A L'INTÉRIEUR. — Décoction ou infusion des capsules, 2 à 30 gr. pour 500 gr. d'eau.
Extrait alcoolique (1 de capsule sur 4 d'al-

cool à 22 degrés), de 15 à 20 centigr. (équivalant à la dose de 25 milligr. à 5 centigr. d'extrait aqueux d'opium).
Sirop (sirop diacode) (1 d'extrait alcoolique


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sur 8 d'eau et 100 de sirop bouillant), de 15 à 60 gr. (30 de sirop contiennent 30 centigr. d'extrait de pavot.
On préparait autrefois ce sirop avec des capsules de pavot que l'on faisait digérer dans l'eau ; on ajoutait le sucre et l'on évaporait en consistance de sirop. Cette préparation fermente avec une extrême facilité. On ne peut éviter cet inconvénient qu'en faisant évaporer en consistance d'extrait et en faisant dissoudre celui-ci dans un peu d'eau froide, pour l'ajouter ensuite au sirop de pucre. Mais le sirop fait avec l'extrait hydroalcoolique, plus actif, doit être préféré.
Les pharmaciens substituent quelquefois au sirop diacode le sirop d'extrait d'opium du Codex. Ce sirop, à dose égale, est beaucoup plus actif que le sirop de pavot, et peut causer des accidents mortels, surtout chez les enfants, auxquels on administre souvent le sirop de pavot blanc. Cette dernière dénomination devrait être adoptée comme plus précise, dans les prescriptions médicales. (Cela est devenu d'autant plus nécessaire que, pour des raisons que nous ne saurions définir, probablement pour avoir un produit à titre fixe, le nouveau Codex de 1866 recommande de faire le sirop diacode avec l'extrait d'opium, en l'employant dans les proportions suivantes : extrait d'opium, 50 centigr. ; eau distillée, 4 gr. 50 centigr. ; sirop de sucre, 995 gr. ; 20 gr. de sirop contiennent 1 centigr. d'extrait d'opium.)
Huile des graines (huile d'œillette), de 30 à 60 gr., comme adoucissante, laxative, altérante.
A L'EXTÉRIEUR. — Décoction, pour lavements, lotions, fomentations, cataplasmes, etc.
Huile d'œillette, de 60 à 100 gr., pour lavements, liniments, etc.

OPIUM. — A L'INTÉRIEUR. — Opium brut, 2 à 10 centigr. et plus, en pilules, en poudre, etc. (rarement moitié moins actif que l'extrait).
Eau distillée d'opium (opium brut, 1 partie ; eau, Q. S.), de 5 à 10 gr. (inusitée).
Extrait thébaîque (opium purifié, extrait aqueux, muqueux ou gommeux), 1 à 10 centigr., eu pilules (mieux en pilules qu'en solution).
Extrait alcoolique, mêmes doses.
Extrait vineux (laudanum opiatum), opium brut épuisé par le vin blanc et évaporé, — préparation ancienne, oubliée, — mêmes doses que les autres extraits.
Extrait acétique ou extrait d'opium de Lalouette (opium brut traité par le vinaigre et évaporé), mêmes doses. — Peu usité.
Extrait d'opium privé de narcotine, mêmes doses. (Suivant Magendie, l'extrait débarrassé de narcotine serait sédatif et non excitant.) — Inusité.
Tablettes d'opium : extrait, 1 partie ; sucre, 60 ; mucilage de gomme adragant, Q. S. ; divisez en tablettes de 30 centigr. ; chacune contient 1/2 centigr. d'extrait d'opium ; dose : 1, 2, 3 et plus.
Vin d'opium composé ou laudanum liquide de Sydenham (opium choisi, 64 gr. ; safran, 32 ; cannelle, 4 ; girofle, 4 ; vin de Malaga, 500. Macérer quinze jours, passer, exprimer for-

tement et filtrer), 20 gouttes représentent 5 centigr. d'extrait (un peu plus), 10 à 20 gouttes dans une potion.
Laudanum de Rousseau ou vin d'opium par fermentation (opium choisi, 125 gr. ; miel blanc, 375 gr. ; eau chaude, 1,875 gr., levûre de bière fraîche, 8 gr. Procéder suivant le Codex), 1 gr. représente environ 1 décigr. d extrait gommeux d'opium.
Gouttes blanches de Rousseau (l'eau distillée qui se produit dans la préparation du laudanum de Rousseau se conserve mieux que l'eau distillée d'opium), 8 gouttes et plus. — Les formulaires n'en parlent pas.
Vinaigre d'opium ou teinture acétique (opium, 32 gr. ; vinaigre très-fort, 192 gr. ; alcool à 80° cent. — 31° cart., 125 gr. Diviser l'opium dans le vinaigre, ajouter l'alcool, laisser macérer pendant huit à dix jours, passer avec expression et filtrer au papier). Cette formule est celle de la pharmacopée d'Edimbourg, où elle sert à remplacer les gouttes noires (black drops, gouttes de Lancastre, gouttes des quakers, essence noire anglaise), remède patenté dont on ne connaissait pas bien la composition. La voici :
(Gouttes noires anglaises : opium dur, 100 gr. ; vinaigre, 600 gr. ; safran, 8 gr. ; muscades, 25 gr. ; sucre, 50 gr. Pulvérisez grossièrement l'opium, les muscades et le safran ; faites macérer huit jours avec les trois quarts du vinaigre ; chauffez une demi-heure au bain-marie ; passez, exprimez et ajoutez le reste du vinaigre sur le marc ; après vingt-quatre heures, exprimez de nouveau, réunissez les liqueurs, filtrez et ajoutez le sucre; faites réduire au bain-marie jusqu'à 200 grammes ; le liquide doit marquer 31° Baumé. 1 partie équivaut à 2 de laudanum de Rousseau et à 4 de laudanum de Sydenham.)
Liqueur de Porter (de Bristol) : opium, 125 gr. ; incisez et faites digérer pendant vingt-quatre heures dans : acide nitrique, 64 gr. ; ean bouillante, 500 gr. ; filtrez. - En grande vogue aux Etats-Unis pour remplacer les gouttes noires.
Teinture alcoolique (extrait, 10 gr. ; alcool à 60 degrés, 120 gr. Faire dissoudre et macérer suffisamment), 15 gouttes contiennent 5 centigr. d'extrait d'opium. - Peu usité en France ; très-usité en Angleterre.
Teinture ammoniacale ou élixir parégorique (formule de la pharmacopée d'Edimbourg) (opium choisi, 8 gr. ; fleurs de benjoin, 12 gr. ; safran, 12 gr. ; huile volatile d'anis, 2 gr. ; ammoniaque liquide, 150 gr. ; alcool à 86° centigrades (34 cart.), 350 gr. - Macérer pendant huit jours, filtrer, 50 centigr. à 1 gr. en potion.
Teinture d'opium camphrée ou élixir parégorique de la pharmacopée de Londres et de Dublin, opium, acide benzoîque et huile volatile d'anis, de chaque 3 gr. ; camphre, 2 gr. ; alcool, 650 gr. ; 10 gr. contiennent 5 centigr. d'opium), 4 à 20 gr.
Sirop d'extrait d'opium : extrait, 2 gr. ; eau distillée, 8 gr. ; sirop de sucre, 990 gr. (20 gr. contiennent 4 centigr. d extrait). - Très-usité.
Sirop de Karabé (sirop d'opium, 100 gr. ; es-


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prit volatil de succin, 50 centigr.), 20 à 30 gr., en potion.
Liqueur sédative de Battley. — C'est une solution aqueuse d'opium, très-usitée en Angleterre, dont la composition est secrète. On suppose qu'elle répond à la suivante : Prenez, opium de Smyrne en poudre, 1 partie ; sable bien lavé, 2 parties. Mêlez et mouillez avec de l'eau ; introduisez dans un appareil à déplacement et versez eau distillée à 15 degrés, jusqu'à ce que l'eau qui passe ait perdu toute couleur et toute senteur. Evaporez la liqueur (à la vapeur ou au bain-marie) jusqu'à consistance pilulaire. Prenez de cet extrait 3 onces (96 gr.), et eau distillée 30 onces fluides. — Mêlez. - Faites bouillir deux minutes ; laissez refroidir ; filtrez. — Ajoutez 6 onces d'esprit de vin et eau distillée Q. S. pour faire environ 40 onces ; doses, de 10 à 40 gouttes (40 gouttes équivalent à 60 gouttes de laudanum). (Cooley.)

MORPHINE. - Acétate, citrate, sulfate ou chlorhydrate, 1, 2 et progressivement 3, 4, à cause de leur solubilité, 5 centigr., en potions, poudre, pilules. — Plus souvent employés par la voie endermique.
Sirop de morphine : acétate, sulfate ou chlorhydrate de morphine, 20 centigr. ; sirop simple blanc, 500 gr. (30 gr. contiennent un peu plus de 1 centigr. de sel de morphine), 20 à 30 gr., en potion ou par cuillerées à café d^heure en heure. — Très-empioyé.

CODÉINE (médicament cher). — Poudre, 2 à 10 centigr. progressivement, en pilules, potion.
Chlorhydrate et azotate de codéine, 5 centigr. progressivement, en potion, pilules.
Sirop de codéine. — Contient 10 centigr. de codéine par 30 gr. — Particulièrement employé chez les enfants, à la dose d'une à deux cuillerées à café par jour.

NARCÉINE (médicament cher). — Sirop de narcéine (narcéine, 25 centigr. ; sirop simple,

500 gr. ; acide citrique, Q. S. pour dissoudre ; 20 gr. contiennent l centigr. de narcéine), de 1 à 10 centigr.
A L'EXTÉRIEUR. — Extrait d'opium, 10 à 60 centigr. par 30 gr. d'eau, pour fomentation, injection, gargarisme, collyre, etc. ; 1 à 2 sur 30 d'axonge, pour pommade.
Teinture et laudanum de Sydenham, de 3 à 5 sur 30 de liquide, pour lotions, fomentations, etc., ou de cérat, pour liniment, pommade.
Morphine et ses sels en poudre, 2 à 10 centigr. par la méthode endermique ou en solution dans 100 gr. d'eau, pour injections, lotions, fomentations ; 1 sur 20 d'axonge, pour pommade.
(Solution de chlorhydrate de morphine (le sel le plus soluble) au vingtième, pour injections sous-cutanées. On emploie aussi le sulfate, mais plus rarement. On peut commencer par 1/2 centigr. et aller à 5 centigr., et même au delà, suivant la tolérance ou les indications.
Bricheteau[1] adopte une solution aussi concentrée que possible : 20 centigr. pour 4 gr. d'eau (1 goutte contient 1/4 de centigramme de la substance active ; un tour de piston en injecte 1 goutte. (Pour tout ce qui concerne les injections sous-cutanées, voyez page 789-93.)
Solution de chlorhydrate de CODÉINE au vingtième, pour injections sous-cutanées (Pied-vache), de 10 à 30 divisions et plus progressivement.
Narcéine (solution pour injections sous-cutanées, 30 centigr. pour 30 gr. de véhicule), de 3 à 20 centigr. dans les vingt-quatre heures. — On a aussi prescrit le chlorhydrate de narcéine, en solution au dixième ou au cinquième, à la dose de 10 à 40 centigr. (Behier.)
L'opium entre dans la composition des pilules de cynoglosse, qui contiennent un huitième de leur poids d'extrait, de la poudre de Dower, de la thériaque, du diascordium, préparations encore employées, et dans celles de beaucoup d'autres plus ou moins oubliées.


Capsule de pavot

La capsule du PAVOT, ainsi que nous l'avons dit plus haut, contenant en moindre proportion les mêmes principes que l'opium, jouit à un plus faible degré des mêmes propriétés, et est employée dans les mêmes cas que ce dernier. Mais son action est plus incertaine que celle de l'opium, et il est difficile d'établir avec certitude des rapports de thérapeutique entre eux, à cause des variations qui se rencontrent dans la composition des têtes de pavot, suivant le climat où la plante est venue (les pavots du Midi contenant plus de principes actifs que ceux du Nord), l'époque de leur récolte, la température plus ou moins élevée qui a régné, les soins apportés à leur dessiccation, etc.

Je donne à l'intérieur l'infusion de têtes de pavot sèches à la dose de 2 à 6 gr. pour 500 gr. d'eau. J'augmente cette dose selon les effets produits. Cetee infusion miellée ou sucrée est calmante, et convient, prise par demi-tasses, dans les affections catarrhales, les toux nerveuses, les irritations intestinales, les diarrhées, la dysenterie, les vomissements spasmodiques, les fièvres intermittentes et éruptives, les douleurs du cancer, la blennorrhagie, le catarrhe, etc.


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Il est prudent de n'administrer d'abord les préparations de têtes de pavot à l'intérieur qu'à petites doses, que l'on augmente graduellement, Alors elles provoquent le sommeil, causent des rêvasseries, de la pesanteur de tête. A dose plus élevée, elles déterminent de l'assoupissement, des hallucinations. Il n'est pas rare de voir des accidents se développer, des symptômes de narcotisme survenir à la suite de l'ingestion du sirop de pavot blanc ou de l'administration d'un lavement fait avec une seule capsule de cette plante. Petit a vu une sorte d'empoisonnement par des têtes de pavot vertes, administrées de cette manière[2]. Louyer-Villermay a signalé plusieurs cas semblables à l'Académie de médecine. Rouxel, médecin à Boulogne-sur-Mer, m'a cité un cas de narcotisme suivi de mort chez une dame, par l'effet d'un lavement préparé avec une seule tête de pavot blanc. J'ai vu un enfant de deux ans, jouissant de la meilleure santé, succomber au narcotisme avec congestion considérable au cerveau, à la suite de l'administration de 12 à 15 gr. de sirop de pavot blanc, que la veuve d'un pharmacien avait donné au lieu de sirop de coquelicot, pour calmer une toux causée par la dentition. Les nourrices emploient quelquefois la décoction de tête de pavot dans le lait ou dans la bouillie des enfants pour les endormir. Wendt[3] a cité des exemples d'enfants empoisonnés par cette coupable manœuvre. J'en ai observé un cas à Saint-Pierre-lès-Calais, en 1818, chez un enfant de cinq mois, auquel on avait donné le soir de la décoction de tête de pavot dans le lait, et qui est mort dans la nuit même. J'ai vu des enfants qui, ne pouvant plus dormir sans l'emploi journalier et progressivement augmenté de la décoction ou du sirop de pavot, étaient tombés, par l'altération des fonctions assimilatrices et par une sorte d'intoxication lente, dans l'amaigrissement et le marasme.

Les inflammations internes, les fièvres continues, les accidents de la dentition, contre-indiquent presque toujours l'usage du pavot. Quand on le donne dans ces cas, pour modérer la douleur ou calmer des symptômes nerveux, il faut préalablement employer les émissions sanguines. De même que l'opium, il est nuisible dans les coliques et les affections gastro-intestinales résultant d'une indigestion ou de l'accumulation de matières saburrales dans l'estomac ou dans les intestins. On peut établir, comme règle générale, que le pavot et ses préparations sont contre-indiqués chez les sujets disposés aux congestions cérébrales, ou d'un tempérament sanguin, dans les réactions fébriles très-intenses, la constipation, les sueurs excessives, et pendant qu'une évacuation critique s'opère.

A l'extérieur, on emploie la décoction de tête de pavot en lavement dans les inflammations abdominales, les coliques nerveuses, pour calmer les douleurs (trop souvent on ordonne aux enfants, en lavements, la décoction d'une tête de pavot, laquelle empoisonne invariablement si elle est gardée) ; en fomentation, en bain, en gargarisme, en cataplasme avec la farine de graine de lin ou la racine de guimauve, contre les inflammations externes. Le suc des feuilles de pavot, appliqué sur la piqûre des guêpes et des abeilles, fait cesser la douleur presque instantanément.


Huile d'œillette

L’HUILE D'ŒILLETTE peut remplacer en thérapeutique les huiles d'olive, d'amande douce, de lin et de noix.

Wauters, dans une dissertation en langue flamande, sur les huiles indigènes[4], rapporte avoir prescrit plusieurs fois à une femme de la campagne atteinte de constipation, 4 onces d'huile de semences de pavot obtenue par expression à froid, et avoir provoqué chaque fois deux ou trois selles. Le ricin, que l'on cultive maintenant en France, nous fournit une huile efficace,

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  1. Bulletin général de thérapeutique, 1865.
  2. Journal de chimie médicale, 1827, t. III, p. 4.
  3. Bulletin des sciences médicales de Férussac, 1824, p. 148 et 231.
  4. Bruxelles, 1788, p. 6.


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tant comme laxative que comme vermifuge ; mais, à défaut de celle-ci, l'huile douce de moutarde, celles d'œillette, de navette ou de lin, peuvent être employées.

Dubois, de Tournai, a substitué l'huile d'œillette, dont la saveur est douce et qu'on trouve partout à bon marché, à l'huile de foie de morue, dont le goût est désagréable et le prix souvent élevé dans certaines localités. Ce médecin pense que la plupart des huiles, soit animales, soit végétales, jouissent de propriétés plus ou moins analogues à celle de foie de morue. Il ne croit pas que ce soit à l'iode, que cette dernière contient, que l'on doive attribuer les propriétés dont elle jouit. « Autant vaudrait dire, s'écrie-t-il, qu'avec deux ou trois grains d'iode (l'huile de foie de morue en contient autant par litre) administrés en cinq ou six mois, on peut guérir les affections les plus rebelles, telles que le rachitisme et les scrofules ! Si c'est à l'iode qu'on doit attribuer les propriétés médicales de l'huile de morue, alors à quoi bon recourir à une substance dégoûtante, trois fois plus détestable à prendre, quand il s'agit d'administrer tout simplement-une dose infiniment petite d'un médicament qui ne répugne à personne ? »[1]

L'auteur rapporte vingt-quatre observations détaillées dans lesquelles l'huile ide pavot, donnée à la dose d'une ou deux cuillerées à café matin et soir, et portée graduellement jusqu'à 2 onces par jour, a été suivie d'heureux résultats. Les malades appartenaient tous à la classe indigente ; ils habitaient des réduits obscurs, peu aérés, et se nourrissaient de mauvais aliments, circonstances qui prouvent plus clairement l'efficacité de l'huile d'œillette, et tendent à faire voir que c'est exclusivement à son usage qu'ont doit attribuer les succès obtenus. (Telle est aussi l'opinion de Bagot et Stapleton[2], Duncan et Nunn[3]. Nous ne nions pas que l'élément gras joue un grand rôle dans l'action régénératrice de l'huile de foie de morue. Mais il y a aussi la présence de substances actives, intimement combinées avec lui. L'effet thérapeutique n'est pas plutôt produit par l'iode que par l'élément gras ; il résulte de l'ensemble de ces deux principes unis par la nature à l'état de combinaison vivante, si je puis m'exprimer ainsi. Au point de vue de la faculté d'assimilation, on ne peut, en outre, comparer l'huile de foie de poisson à des huiles végétales. On sait que les huiles animales sont absorbées avec plus de rapidité et assimilées avec plus de facilité.) (Voyez le rapport du docteur H. Cazin, sur les opérations de la 4e section du jury de l'Exposition internationale de pêche de Boulogne-sur-Mer. Asselin, éditeur, 1867.)


Opium

L’OPIUM est un poison narcotique violent et un médicament précieux. Introduit à petite dose dans les voies digestives, il produit une excitation plus ou moins énergique, mais instantanée. Le pouls est plus fréquent, plus élevé, la face plus colorée, l'imagination plus éveillée, la chaleur générale plus prononcée, les fonctions de la peau plus actives, la respiration moins libre. A ces phénomènes succèdent bientôt un état de calme et un sommeil tranquille ou plus ou moins agité. A dose un peu plus forte, il agit comme stimulant très-énergique du système circulatoire ; il augmente la force, la fréqunce et la plénitude du pouls, ainsi que la chaleur animale. Il y a exaltation des fonctions intellectuelles, puis de l'inquiétude, de la pesanteur de tête, un affaissement général, et un sommeil agité et non réparateur.

A grande dose, l'opium produit, peu après son ingestion, des nausées et quelquefois des vomissements, un état d'affaissement et de somnolence, et même le coma le plus profond, l'insensibilité à toute espèce de stimula-

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  1. Annales de la société de médecine de Gand, 1844.
  2. Dublin med. Press, mars 1850.
  3. London med. Gazette, février 1850.


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tion. La face est pâle, la physionomie calme, les pupilles ordinairement contractées, presque insensibles à la lumière ; la peau a sa chaleur naturelle et est même quelquefois froide ; le pouls est développé, plein, large fort ou petit, serré et très-accéléré. Des mouvements convulsifs ont lieu dans quelques parties du corps, ainsi que quelques tremblements passagers. Dans certains cas, et surtout chez les jeunes enfants, on observe des convulsions générales, des symptômes de congestion au cerveau manifestés par le gonflement de la face et du cou, les yeux proéminents, fixes, immobiles ecchymosés. La teinte bleuâtre de la peau, la tension et la dureté de l'abdomen, le relâchement des muscles du tronc et des membres, l'affaiblissement du pouls, la respiration interceptée, pénible, suspirieuse, stertoreuse ; l'expulsion de matières visqueuses par la bouche et le nez, enfin le refroidissement, la pâleur, la mort, tels sont les symptômes qui complètent le tableau de l'empoisonnement par l'opium.

(La mort arrive par congestion cérébrale.)

Parmi ces symptômes, les uns sont plus prononcés que les autres, suivant les dispositions individuelles.

Il s'écoule ordinairement, suivant Christison[1], de sept à douze heures entre le moment où le poison a été pris et celui où la mort a lieu, Un grand nombre de ceux qui survivent après douze heures se rétablissent, bien que l'on cite plusieurs cas devenus funestes après un temps plus long. Quelquefois aussi la mort arrive bien plus tôt, par exemple, en six, en quatre, et même en trois heures.

Lorsque cet empoisonnement n'est pas suivi de mort, les symptômes diminuent graduellement après douze, vingt-quatre ou quarante-huit heures, et se terminent par une sueur générale et le rétablissement des excrétions supprimées. Le malade sort comme d'un rêve, et croit quelquefois que son sommeil n'a été que de courte durée.

Après la mort, le corps se putréfie promptement ; il y a engorgement des vaisseaux cérébraux, les poumons sont rouges ou violacés, plus denses, plus serrés, plus gorgés de sang ; le cœur et les gros vaisseaux veineux sont pleins d'un sang noir. La membrane muqueuse de l'estomac et de l'intestin est quelquefois enflammée ; mais cette phlegmasie a pu être produite, du moins en partie, par quelques-uns des moyens employés pour combattre les symptômes de l'empoisonnement, ou même n'avoir jamais existé qu'en apparence, l'injection passive survenue après la mort pouvant la simuler. Quelquefois on ne trouve aucune lésion sensible après la mort.

La quantité d'opium nécessaire pour faire naître l'appareil des symptômes de l'empoisonnement est relative à l'âge, au tempérament, à l'idiosyncrasie du sujet, au genre de maladie dont il peut être affecté, et à diverses autres circonstances. Une très-petite quantité de cette substance peut produire le narcotisme chez certaines personnes, tandis que chez d'autres 23 centigr. et plus ne déterminent aucun symptôme grave. Zacutus Luzitanus rapporte qu'un individu, tourmenté d'une douleur d'oreille qui l'empêchait de se livrer au sommeil, se mit, par le conseil d'un charlatan, un morceau d'opium dans l'oreille. Le malade dormit ; mais il eut à son réveil quelques mouvements convulsifs, devint fou, stupide, imbécile, et mourut bientôt après. Gaubius dit qu'un malade fut endormi et mourut pour avoir pris un lavement dans lequel on avait fait entrer 4 grains d'opium. Quarin a vu un seul grain d'opium, ou 20 gouttes de laudanum liquide de Sydenham, donné dans un lavement, produire un malaise remarquable et un commencement de paralysie des extrémités inférieures. Monro cite un cas où un emplâtre opiacé, appliqué aux tempes, a rendu furieux et déterminé des spasmes dans la bouche. J'ai été témoin d'un état de somnolence qui a duré vingt-

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  1. On poisons, p. 623.


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quatre heures, chez une dame qui s'était introduit dans une dent cariée un peu de coton imbibé de laudanum liquide.

Des accidents graves et même la mort ont souvent lieu chez les enfants, et surtout chez les nouveau-nés, par la dose la plus légère d'opium ; il produit chez eux l'assoupissement, l'insensibilité et les convulsions.

(Claude Bernard, dans des expériences dont nous reproduisons plus loin (p. 785) les résultats, a établi que les jeunes animaux étaient aussi beaucoup plus sensibles aux effets des alcaloïdes de l'opium. Dans ses leçons cliniques, Trousseau insistait avec énergie sur l'ignorance où sont encore beaucoup de médecins, quant à cette excessive susceptibilité des enfants pour l'opium ou ses préparations. On ignore trop souvent, disait-il, qu'à l'âge d'un an, par exemple, une seule goutte de laudanum de Sydenham, c'est-à-dire un vingt-deuxième de grain d'opium, est un narcotique qui stupéfie l'enfant pour deux jours. L'Annuaire de Bouchardat (1858) relate, page 7, un cas d'empoisonnement mortel d'un enfant de quatre jours par environ deux gouttes de laudanum.)

Chez les vieillards, l'opium, même en très-petite quantité, favorise les congestions cérébrales ou anéantit promptement le principe vital déjà très-affaibli. J'ai vu le sirop diacode, donné le soir à la dose de 30 gr. à un vieillard de soixante-dix-neuf ans, pour calmer la toux, causer promptement le narcotisme et la mort.

De hautes doses d'opium peuvent être supportées quand on y est arrivé par degrés, et que l'habitude a produit l'émoussement. (Cependant il arrive un moment où l'organisme se révolte de ces perturbations. Nous trouvons un exemple de cette non-tolérance dans la dégradation physique et morale dans laquelle tombent les fumeurs et les mangeurs d'opium en Chine, où, malgré les décrets condamnant à mort ceux qui fument ou vendent l'opium, un bon fumeur en consomme environ 3 gr. par jour ; mais quelquefois la dose s'élève jusqu'à 100 gr. Suivant Libermann[1], la vie de ce malheureux se divise en trois phases : une phase préparatoire où l'économie se débat avant de s'habituer au narcotique ; une seconde où, l'habitude prise, il ne ressent que les sensations agréables ; enfin une dernière et terrible période où éclatent les suites déplorables de cette funeste passion par une intoxication lente, le narcotisme chronique, par une désorganisation graduelle, finissant par amener la mort.

Nous regrettons que le cadre, déjà trop grand, de ce livre ne nous permette pas de reproduire ici une partie de cette étude remarquable à plus d'un titre. Lisez ce travail d'un médecin philosophe ; suivez avec lui l'affaissement graduel de l'être, d'excitation en excitation, poussé à la dépravation, au suicide, etc. Nous devons cependant tout particulièrement signaler à votre attention l'insensibilité cutanée soutenue, qui succède à l'usage prolongé de la fumée de l'opium et se manifeste même en dehors de la durée de l'ivresse opiacée. Des fumeurs parfaitement éveillés peuvent garder sur un point de leur corps, pendant quelques minutes, un charbon ardent sans s'en apercevoir. Nous aurons à établir un point de comparaison entre ces phénomènes et l'application de l'opium à l'anesthésie chirurgicale).

Lorsqu'un état morbide p'articulier l'exige, les doses d'opium peuvent être singulièrement élevées ; dans ce dernier cas, les narcotiques sont d'autant plus facilement supportés et produisent d'autant moins d'effet que la douleur est plus vive, que le spasme est plus prononcé, que le système nerveux est plus exalté. L'administration de l'opium à grande dose dans le tétanos en est une preuve. Oh a donné dans cette affection jusqu'à 30 gr., et même beaucoup plus, de laudanum liquide de Sydenham dans les vingt-quatre heures, sans pro duire la sédation du système nerveux.

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  1. Les Fumeurs d'opium en Chine. Paris, 1802, V. Rozier, gr. in-8°.


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Un spasme local avec éréthisme général, exaltation de la sensibilité, tension du système nerveux, peut diminuer l'effet de l'opium et des stupéfiants en général. J'ai rapporté à ce sujet un fait très-curieux à l'article BELLADONE.

Les effets de l'opium sont les mêmes, quelle que soit la voie par laquelle on l'introduit ; mais ils se manifestent avec plus ou moins de rapidité et d'intensité, à dose égale, par une voie ou par une autre ; 5 centigr. d'un sel de morphine sur le derme dénudé causent presque immédiatement la soif, les vomissements, la somnolence, la pesanteur de tête, le trouble de la vision. Si ce sel a été pris par la bouche, les symptômes ne se développent qu'après une, deux ou trois heures, et les vomissements n'ont lieu ordinairement qu'après un, deux ou trois jours. Nous avons déjà fait remarquer à l'article DIGITALE que les médicaments pris en lavements agissent plus énergiquement que lorsqu'ils sont introduits par l'estomac, pourvu, toutefois que leur séjour soit aussi prolongé dans le premier cas que dans le second. Cette différence dépend, non de la plus grande force d'absorption dans le gros intestin, mais de l'impossibilité où est cet organe d'altérer par la digestion les substances soumises à son action. (En outre, le médicament, dans le cas d'affection douloureuse des organes du bassin ou de l'abdomen, a infiniment plus d'efficacité, lorsqu'on l'administre sous forme de lavements, que quand on le fait prendre par la bouche.

Les méthodes iatraleptique, endermique, hypodermique, recevront, dans le courant de cet article, les développements dans lesquels nous ne pouvons rentrer ici, même d'une façon générale.)

Dans l'empoisonnement par l'opium, on doit : 1° provoquer l'expulsion des restes du poison au moyen de l'eau tiède, des titillations de la luette, de l'émétique, ou même du sulfate de cuivre à petites doses. Cette indication est d'autant plus importante à remplir que le temps écoulé depuis l'ingestion du poison est moins considérable ; 2° faire prendre une dissolution de tannin (6 gr. pour 250 gr. d'eau sucrée), ou de la décoction de noix de galle, et provoquer ensuite de nouveau les vomissements ; 3° combattre actuellement les symptômes en raison de leur nature : le narcotisme, par le café administré en lavement, soit en infusion, soit en décoction, d'autant plus concentrées que le malade est plus âgé ; par l'eau vinaigrée, la limonade citrique, dans laquelle on aura même exprimé du suc de citron pour la rendre plus active ; par des frictions sur toute la surface du corps ; par tous les genres de stimulation, tels que le réveil fréquent, la marche forcée, afin de s'opposer à la stupeur continuelle.

(Dans certains cas, l'excitation cutanée sera entretenue par des piqûres, des flagellations ou le pincement. La Gazette des hôpitaux (mars 1858) relate une remarquable observation de guérison par ce moyen. On arrivera au même but, et, avec plus de certitude, avec la faradisation. Consultez, à ce sujet, la relation d'un cas intéressant publié par le Dublin med. press (novembre 1864). Ce moyen peut être utile dans les cas graves pour rétablir les fonctions respiratoires dans leur jeu physiologique ; on pourra aussi avoir recours à la respiration artificielle.)

S'il y a diminution notable de la chaleur de la peau et de la sensibilité, on appliquera des sinapismes aux mollets, sur les coudes-pieds ; on repassera les membres avec des fers chauds, on mettra un corps chaud à la plante des pieds. (On appliquera même le marteau de Mayor.) Existe-t-il de la fréquence et de la dureté dans le pouls, avec des symptômes de congestion cérébrale, on saignera le malade. Il a été observé que dans un grand nombre de cas les saignées ont été très-utiles[1].

Giacomini considère la saignée comme le remède par excellence dans

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  1. Devergie, Médecine légale.


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l'intoxication par l'opium, quelles que soient son intensité et sa période. Suivant cet auteur, elle a réussi, tant au début de l'empoisonnement, alors qu'il y avait surexcitation manifeste, qu'à une époque où les malades présentaient tous les symptômes de l'oppression, de l'asphyxie. (Dans l'empoisonnement par les opiacés, la saignée est une arme à deux tranchants, dont il ne faut user qu'avec une extrême circonspection et seulement pour répondre à une indication pressante ou parer un danger réel imminent.)

L'emploi de la belladone à doses toxiques, proportionnées à l'intensité des symptômes d'empoisonnement causés par l'opium, a combattu les effets de ce-dernier par l'antagonisme qui existe entre ces deux agents. (Ce serait ici le lieu de revenir sur cette question si controversée, et qui, depuis quelques années, occupe si vivement le monde médical. A l'article BELLADONE, nous avons déjà cherché à établir l'antagonisme réciproque des deux agents. De nouveaux faits, des études et des expérimentations sérieuses, ont, depuis l'impression de cette partie de notre ouvrage, apporté de nouveaux documents à l'élucidation de cette importante question. Nous préférons en faire, à la fin de l'article OPIUM, l'objet d'une étude spéciale. (Voyez p. 797).

Comment agit l'opium ? Considéré comme agent thérapeutique, est-il exclusivement sédatif, narcotique, tonique ou excitant ? L'opinion que l'opium agit uniquement en produisant l'expansion du sang a régné longtemps, et a été presque entièrement adoptée par Frédéric Hoffmann. Cullen rapportait tous les effets de ce médicament au système nerveux. Brown le regardait comme le plus puissant stimulant de tout l'organisme: Opium, me hercle ! non sedat, s'écriait-il. Suivant cet auteur, la vive réaction qu'il provoque amène l'épuisement des forces, la faiblesse indirecte. Ainsi que Brown, l'école italienne considère l'opium comme hypersthénisant, et l'asthénie apparente qu'il finit par produire, comme résultant de l'oppression des forces. Suivant Wirtensohn et Barbier, d'Amiens, ce médicament affaiblit la sensibilité, diminue la vitalité des organes, et s'il y a activité de la circulation, fréquence et développement du pouls, congestion sanguine au cerveau, etc., c'est parce que le sang, ne pouvant plus franchir les capillaires débilités, frappés de stupeur, reflue dans les vaisseaux, fait réagir le cœur, qui par des efforts redoublés, mais inutiles, le repousse vers ces mêmes capillaires, où il devient de plus en plus stagnant. Brachet, comme Cullen, attribue les effets de l'opium à la sédation exclusive du système nerveux. D'après Stahl et Bosquillon, cette substance est à la fois stimulante et sédative. Hufeland adopte et développe cette opinion : il distingue dans l'opium l'effet sédatif et l'effet excitant, et la seule explication satisfaisante qu'on puisse donner, suivant lui, de sa manière d'agir, consiste à dire qu'il est une combinaison particulière et intime d'un principe narcotique et d'un principe excitant, d'une substance qui agit d'une manière spéciale sur le système nerveux, et d'une autre dont l'action porte particulièrement sur le système sanguin. « L'opium, dit ce célèbre médecin, appartient à la catégorie des médicaments dont le mode d'action ne peut point s'expliquer, comme celui des autres, par les idées reçues de stimulus, d'irritation, d'excitement ; semblable aux agents supérieurs de la nature, à la chaleur, à la lumière, à l'électricité, il agit immédiatement sur la vitalité elle-même, et sur tous les points, détermine des modifications et des manifestations de cette vitalité, la pénètre et la remplit, avec cela de particulier qu'il exalte la sphère organico-végétative de la vie, le travail fondamental de la vie plastique, tandis qu'au contraire il déprime la sphère de la sensibilité. »

Giacomini, après avoir exposé Ies effets de l'opium sur l'organisme, conclut : 1° que le tab!eau de ces effets représente l'hypersthénie à tous les degrés ; 2° que, dans le commencement de son action, l'opium donné à doses progressives est un hypersthénisant cardiaco-vasculaire et céphalique ; 3° que l'action céphalique de l'opium, cependant, est la plus saillante dans


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la généralité des cas, parce qu'elle porte sur l'appareil sensorial. « On comprendra maintenant, dit cet auteur, pourquoi la sensibilité générale, étant la première à être excitée sous l'influence de l'opium, est aussi la première à être embarrassée, oppressée, suspendue, si l'action est excessive ; d'où il résulte un sommeil forcé, un calme passif, une sorte de stupeur pathologique, etc. »

Tout porte à croire que l'opium, regardé à tort par beaucoup de médecins comme irritant primitivement le système entier, et produisant les effels narcotiques comme conséquence de la surexcitation, est simultanément et puissamment sédatif du système nerveux et excitant du système sanguin. Cette opinion, fondée sur l'observation, n'est pas nouvelle. La propriété à la fois sédative et excitante de l'opium n'a pu échapper à l'admirable sagacité de Sydenham : Rudis enim sit oportet et parum compertam habent hujus medicamenti vim, qui idem sopori conciliando demulcendis doloribus, et diarrhæa sistendæ applicare tantum novit, cum ad alia plurima, gladii instar Delphici, accommodari possit, et præstantissimum sit remedium, cardiacum unicum pene dixerim, quod in rerum natura hactenus est repertum[1]

(Nous verrons plus loin, en reproduisant le résultat des expériences de Cl. Bernard, p. 785, comment le mode d'action des divers alcaloïdes de l'opium, considérés isolément, rend compte des effets complexes de cette substance.)

A dose thérapeutique, ces effets sur l'économie sont les suivants :

  • Sur le cerveau et le système nerveux, il émousse la sensibilité, provoque le sommeil, calme la douleur et produit quelquefois des rêvasseries, des songes agréables ; il n'y a ni délire violent, ni cris, ce qui, avec le resserrement des pupilles, établit une différence bien tranchée entre les effets des préparations d'opium et ceux des solanées, telles que la jusquiame, la belladone, la stramoine ; appliqué localement, il engourdit la partie, la rend insensible, fait cesser la douleur ou le spasme dont elle est atteinte ;
  • Sur le système circulatoire, il élève le pouls, qui devient plus plein, plus fort, avec légère accélération dans l'état de la santé : mais avec ralentissement et régularité s'il était accéléré auparavant par la débilité. La turgescence vitale, manifestée par l'expansion, la raréfaction du sang, est considérée par Hufeland comme un effet spécial de l'opium, effet qui se fait remarquer, même dans les cas de débilité extrême, d'anémie. Cet état constitue une pléthore artificielle, qui produit, comme conséquence nécessaire, l'accroissement de la chaleur vitale ;
  • Sur les surfaces exhalantes du tube digestif et des voies aériennes, il diminue la sécrétion de ces surfaces, en engourdissant les vaisseaux excréteurs, et donne ainsi lieu à la perversion des digestions, à la sécheresse de la gorge, à la soif, à la suspension ou à la suppression de l'expectoration, a la constipation ; à dose un peu forte, il produit le vomissement ou de simples envies de vomir ;
  • Sur le système cutané ou les vaisseaux capillaires, il produit, d'une part, en raison de l'activité artérielle, l'accroissement du mouvement vers la périphérie (manifesté souvent par un prurit insupportable et caractéristique), et, de l'autre, par l'effet sédatif, la cessation du spasme de la peau, le relâchement des orifices vasculaires ; de là, l'augmentation de la perspiration, la diaphorèse, l'éruption miliaire. Les sueurs sont toujours plus abondantes chez la femme que chez l'homme ;
  • Sur l'appareil génito-urinaire, il stimule l'action des organes qui composent cet appareil, produit des rêves voluptueux, des érections, des éjaculations.

{Ces phénomènes paraissent plutôt devoir être attribués à des suscepti-

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  1. Sydenham, Opera univers., edit. tertia. London, MDCCV, p. 148.


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bilités individuelles, à la prédominance d'un tempérament porté aux jouissances matérielles ; nous trouvons la justification de cette remarque, dans l'effet bien incertain de la fumée d'opium sur l'excitation des organes génitaux.

Favorise-t-il la sécrétion urinaire, ou ne fait-il qu'exciter la vessie, qui se débarrasse alors de l'urine qu'elle contient ? La diminution de l'urine s'observe beaucoup plus souvent que l'augmentation. Cette dernière a plus fréquemment lieu chez l'homme.

(Ces variations d'action, qui pourraient impliquer une idée d'effet contradictoire, tiennent évidemment aux doses employées : à haute dose, l'urine devient rouge et rare ; l'expulsion de ce liquide réclame souvent des efforts considérables, tandis qu'une dose minime est souvent suivie d'un véritable flux.)

L'exhalation menstruelle est quelquefois modifiée. En général, elle est augmentée, ou hâtée. On l'a vue, après avoir cessé depuis quelque temps, se rétablir pendant l'usage de l'opium. Smith[1] signale cinq cas où les règles furent supprimées pendant l'usage de cette substance ; dans quatre il avait été donné comme calmant, dans le cinquième pour remédier à une menstruation trop abondante, et dans cinq cas la suppression ne fut suivie d'aucun accident. Chez deux les règles revinrent aussitôt qu'on cessa l'usage de l'opium ; dans le dernier, où cet usage fut continué un an à l'insu du médecin, les règles, après avoir graduellement diminué, cessèrent complétement au bout de l'année.

Tels sont les effets de la médication opiacée ; ils sont tels, que l'un est inséparable de l'autre, et que le médecin ne saurait les obtenir isolément. Toutefois, ils n'ont pas une égale constance. La propriété narcotique, qui est la plus remarquable, ne se manifeste pas toujours ; certains sujets, au lieu d'éprouver un effet sédatif, sont surexcités par l'opium, tandis que chez d'autres, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, il détermine, à très-petites doses, un narcotisme profond. Il produit parfois, sans autre effet, des vomissements violents ou un délire qui peut aller jusqu'à la fureur. J'ai rendontré des femmes chez lesquelles il faisait naître des symptômes d'hystérie. Ces effets exceptionnels, qui attestent, tantôt une réaction vive et anomale, tantôt un système nerveux très-facile à déprimer, sont tout à fait idiosyncrasiques, et n'infirment en rien ce que nous avons dit de l'action ordinaire de l'opium.

(Nous verrrons bientôt, en reproduisant les expériences de Claude Bernard sur les alcaloïdes de l'opium, que cet illustre physiologiste a pu assigner à chacun d'eux un rôle particulier dans la production des phénomènes si complexes de l'action de l'opium.)

De cette action bien appréciée découlent les indications et les contre-indications de l'emploi thérapeutique de ce médicament. Exposons à ce sujet quelques préceptes généraux.

L'opium est indiqué :

  • 1° Dans l'état morbide dit nerveux ou spasmodique, pourvu qu'avec l'exaltation de la sensibilité il y ait en même temps diminution de l'énergie du système sanguin. Plus ce désaccord est prononcé, plus l'opium convient. En conséquence, il est toujours donné avec succès dans les cas qui en réclament l'emploi, lorsque des pertes abondantes d'humeurs ou des émissions sanguines ont préalablement amené l'affaiblissement de la vie organique ;
  • 2° Dans les douleurs, dont il est le spécifique, surtout quant elles sont essentiellement nerveuses, comme dans les névralgies, la gastralgie, la colique, etc. La douleur qui tient à toute autre irritation ou à l'inflamma-

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  1. Annuaire de thérapeutique, 1845, p. 3.


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tion, est moins sûrement dissipée par ce médicament, à moins qu'elle ne persiste après un traitement antiphlogistique ;
  • 3° Dans l'insomnie, dont il est le remède spécial, quand elle est exclusivement nerveuse ; il serait nuisible dans l'insomnie causée par une irritation inflammatoire : il produirait alors des troubles, de l'anxiété, de la stase ou des congestions sanguines. Après avoir provoqué le sommeil pendant plusieurs jours au moyen de l'opium, la cessation de ce médicament est ordinairement suivie d'une insomnie qui peut durer plusieurs semaines.

L'opium est contre-indiqué :

  • 1° Dans la pléthore et l'état inflammatoire ou les inflammations, surtout quand les émissions sanguines n'ont pas été préalablement et suffisamment employées. Il augmente l'irritation phlegmasique et porte le sang à la tête. Ainsi, le début des fièvres étant toujours un mouvement de réaction inflammatoire, on devra, dans ce cas, s'en abstenir, de même que dans le cours de toute maladie fébrile où l'angioténie domine.
  • 2° Lorsqu'il y a des aliments dans l'estomac ou accumulation de matières muqueuses, bilieuses, ou des vers dans le tube digestif. Dans ces cas, l'opium produit les accidents de l'indigestion, ou retient les matières saburrales, dont l'évacuation est de toute nécessité. Cette règle admet une exception. Lorsque, dans une indigestion, le spasme et la douleur de l'estomac, portés à un haut degré, viennent enrayer la contractilité de cet organe et s'opposent au vomissement, j'emploie l'opium avec le plus grand succès. En faisant cesser promptement ces deux symptômes, il débarrasse l'estomac des aliments qu'il contient ; il agit alors indirectement comme vomitif, même après l'emploi du tartre stibié, qui, en pareil cas, est sans effet ou aggrave l'état du malade, ainsi que j'ai eu maintes fois l'occasion de l'observer. [Il n'y a pas de point 3. ]
  • 4° Chez les nouveau-nés et chez les enfants en général, surtout pendant la dentition, à cause du peu d'énergie du principe vital chez les premiers, et de la tendance aux congestions cérébrales chez les seconds. Cette contre-indication ne saurait être absolue. Seulement, il faut, autant que possible, chez les enfants, s'abstenir de l'usage des opiacés, ou ne les administrer qu'avec beaucoup de prudence. Je n'ai pu, dans quelques cas, faire cesser des diarrhées qui avaient amené un épuisement effrayant chez des enfants dans les premiers mois de la vie (ce qui arrive surtout chez ceux qui sont artificiellement allaités), qu'en leur administrant, à des intervalles plus ou moins rapprochés, une goutte de laudanum dans un lavement mucilagineus. (voyez pages 755 et 756.) Lorsque je suis forcé d'administrer l'opium pendant la dentition, je fais presque toujours appliquer préalablement les sangsues derrière les oreilles et donner quelques bains tièdes.
  • 5° Chez les vieillards, en raison du décroissement de la puissance nerveuse, de la sensibilité, de la vie, et, par conséquent, en raison de la tendance à la stase du sang, aux congestions vers le centre circulatoire et le cerveau. Lorsque dans la vieillesse l'emploi de l'opium est impérieusement commandé, on ne doit l'administrer qu'avec une grande circonspection et d'abord à dose très-minime.

En général, ainsi que nous l'avons dit plus haut, l'opium sèche la langue, provoque des nausées, de la sueur et retient les excrétions alvines et urinaires. L'abus de cette substance porte à l'hypochondrie, au marasme, et jette dans de grands maux signalés par Horn et Timmermann. Stahl, détracteur outré de l'opium, lui a reproché d'entraver la marche des maladies, de suspendre les mouvements salutaires et de ne produire souvent qu'un calme perfide. « Quant à l'abus que les malades en peuvent faire, disent Trousseau et Pidoux, il y a cela de grave qu'ils sont obligés d'user de doses successivement croissantes, et qu'invités sans cesse par le bien-être momentané qu'ils en éprouvent, ils finissent par se tenir dans un état perpétuel


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d'ivresse, et tombent bientôt dans ce marasme physique et moral où sont plongés les Orientaux, que les voyageurs nous dépeignent. »

Malgré les inconvénients, et les dangers même qu'entraîné l'usage ou plutôt l'abus de l'opium, il n'est pas moins démontré que ce médicament héroïque, manié avec sagesse, rend à la thérapeutique les plus grands services. « Ce remède, dit Sydenham, est si nécessaire à la médecine, qu'elle ne saurait absolument s'en passer : Quinimo ita necessarium est in hominis periti manu organum, jam laudatum medicamentum, ut sine illo manca sit ac claudicet medicina ; qui vero eodem instructus fuerit, majora præstabit quam quis ab uno remedio facile speraverit[1].

Tour à tour vanté avec exagération et blâmé sans réserve, suivant son application judicieuse ou irréfléchie, son emploi mesuré ou abusif, l'opium est, pour me servir de l'expression d'Hufeland, une épée à deux tranchants, un don divin dans la main du maître, un poison redoutable dans celle de l'homme sans expérience. Aucun autre agent thérapeutique, si ce n'est la belladone, ne peut lui être comparé dans les affections douloureuses et les altérations graves du système nerveux, dans ces angoisses qui brisent pour ainsi dire les liens de la vie et plongent dans le désespoir. Ne serait-il même qu'un remède palliatif, qu'on devrait encore le considérer comme un des plus beaux présents de la Divinité, puisqu'il nous reste comme une dernière ressource pour calmer la douleur, consoler le malade, relever son courage, et le conduire, bercé par l'espérance, jusqu'aux dernières limites de la vie.

Retracer les éloges et rappeler l'espèce de culte dont l'opium a été l'objet, exposer les théories qui l'ont fait considérer tantôt comme une panacée universelle, tantôt comme un médicament dangereux ; signaler les cas nombreux dans lesquels il a été employé avec succès, et ceux où il s'est montré nuisible, serait faire à la fois l'histoire de la médecine et passer en revue toute la pathologie. Un tel travail dépasserait beaucoup le but tout pratique que je me suis proposé, et serait d'ailleurs au-dessus de mes forces. Je me contenterai donc de jeter un coup d'œil rapide sur les principales circonstances dans lesquelles l'opium est mis en usage avec succès, et celles où il est inutile ou nuisible.

Névroses

NÉVROSES. - Ici, l'action de l'opium est d'autant plus efficace qu'elle est directement portée sur le système qui est le siège de la maladie. Ce médicament est d'une grande utilité dans l'insomnie nerveuse, les névralgies, les vomissements et les toux spasmodiques, en un mot, dans la plupart des névroses. Cependant, certaines affections nerveuses résistent à l'effet de l'opium, ou même empirent sous son influence : telles sont, dans certaines circonstances, l'hystérie, la chorée, l'épilepsie et autres affections convulsives. C'est que, dans la plupart de ces cas, la maladie est subordonnée à une lésion locale d'où partent les irradiations ou les sympathies que l'on regarde à tort comme idiopathiques. L'irritation phlegmasique ou la lésion organique d'un point de la matrice produisant tous les symptômes de l'hystêrie, en fournit un exemple qui se présente fréquemment à l'observation.

C'est donc contre l'affection locale, cause efficiente des symptômes nerveux, qu'il faut diriger la médication. Malheureusement, il est souvent difficile de découvrir le siège et la nature de cette affection, et plus difficile encore de la détruire, surtout si déjà elle est passée à l'état de lésion organique.

L'opium ne peut, comme on voit, produire d'heureux effets dans les affections nerveuses qu'autant qu'elles sont essentielles, et que l'on a préalablement combattu les contre-indications qui s'opposent à son emploi.

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  1. Sydenham, Opere citato, p. 148.


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Tétanos. — Cette affection nerveuse par excellence réclame, ainsi que nous l'avons dit plus haut, l'emploi de l'opium à dose élevée et proportionnée à l'intensité de la maladie. « Littleton (in Mérat et Delens) assure que, si on ne guérit pas plus souvent le tétanos avec l'opium, c'est qu'on n'en donne pas assez ; il dit avoir fait prendre une once (30 gr.) de laudanum liquide par jour à un enfant de dix ans qui a guéri, et 14 gros (56 gr.) à un autre sujet, en douze heures de temps, conjointement avec le jalap et le calomel ; ce qui fait dire à Bégin que dans cette maladie l'estomac digère l'opium. C'est surtout dans le tétanos traumatique que l'effet narcotique et antispasmodique de l'opium ne peut se manifester qu'autant qu'on l'administre à doses énormes. Cependant, dans les hôpitaux militaires de la Grande Armée, et notamment pendant la campagne de 1809, en Autriche, si désastreuse par la gravité des blessures, j'ai vu l'opium, administré même aux doses les plus élevées, échouer le plus souvent contre cette cruelle affection.

Coindet, de Genève (in Mérat et Delens), a injecté avec succès une solution d'opium dans les veines d'un tétanique. Guérin a également réussi en en frottant les gencives d'un autre tétanique. On le donne en lavement quand la déglutition ne peut avoir lieu. Hufeland préfère cette voie dans tous les cas. On a quelquefois administré des bains d'opium, en faisant dissoudre plusieurs onces de cette substance dans l'eau du bain. (Moyen très-dispendieux.) Voyez MORPHINE.

Chorée. — Trousseau et Pidoux vantent beaucoup l'opium à haute dose dans cette névrose. « Dans les cas les plus rebelles, disent ces auteurs, nous avons d'abord tenté, en désespoir de cause, de hautes doses d'opium, et nous sommes arrivés à des résultats si extraordinaires et si satisfaisants, que nous avons depuis lors traité un grand nombre de chorées par cette méthode. Mais quand la chorée est très-grave, l'opium doit se donner à des doses considérables de 5 centigr. à 1 gr. par jour : à l'Hôtel-Dieu nous avons porté chez une femme la dose de sulfate de morphine jusqu'à 40 centigrammes (8 grains) dans les vingt-quatre heures. En un mot, nous faisons donner 25 milligrammes (1/2 grain) d'opium d'heure en heure, jusqu'à ce que les mouvements convulsifs soient notablement calmés, et qu'il y ait commencement d'ivresse ; puis nous entretenons toujours le malade dans le même état d'intoxication pendant cinq, six et même huit jours; nous nous arrêtons alors pour donner quelques bains et faire reposer le malade. Puis, nous recommençons quelques jours après. Il est rare qu'au bout de quinze jours la chorée ne soit pas tellement modifiée, que la nature achève elle-même la guérison en peu de temps. » Trousseau et Pidoux auraient dû ajouter que l'opium est toujours nuisible dans les cas de chorée où il y a congestion sanguine au cerveau. Dans un cas de cette espèce, que j'ai observé l'année dernière, chez un garçon de dix ans, à tête volumineuse, à face turgescente et très-colorée, l'opium administré par un médecin de campagne, d'après la méthode de Trousseau et Pidoux, produisit immédiatement des accidents tels qu'une abondante hémorrhagie nasale put seule le sauver d'un danger imminent. Si, à côté de l'éloge de l'opium contre la chorée, Trousseau et Pidoux eussent placé les contre-indications de son emploi dans cette maladie, l'erreur que nous venons de signaler n'eût pas été commise.

Chorée alcoolique ou delirium tremens, avec ou sans délire, ou avec délire sans tremblement. L'opium à petites doses fréquemment répétées, et porté même progressivement à une dose très-élevée, est d'une efficacité reconnue dans cette affection, que l'on considère aujourd'hui comme essentiellement nerveuse, et contre laquelle on emploie bien rarement la saignée, qui, plus souvent, s'est montrée nuisible : 5 à 15 centigr. peuvent être donnés toutes les heures jusqu'à ce que le malade s'endorme profondément.


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J'ai administré, en pareil cas, lorsque l'affection était portée à un haut degré d'intensité, jusqu'à 2 gr. d'extrait d'opium dans les vingt-quatre heures avant d'obtenir l'effet désiré. L'opium réussit également dans la paralysie des ivrognes.

Tremblement mercuriel, chorée mercurielle. — Trousseau et Pidoux ont guéri très-rapidement, à l'Hôtel-Dieu de Paris, plusieurs chorées mercurielles fort graves, en administrant l'opium comme dans le delirium tremens ; mais ils ont remarqué que, dans ce cas spécial, le délire succédait quelquefois à cette médication, et persistait pendant quelques jours.

Hystérie. — L'opium est regardé par un assez grand nombre de praticiens comme généralement utile dans l'hystérie, surtout lorsqu'il existe des douleurs aiguës, telles que le clou hystérique, les crampes. Les topiques opiacés rendent alors de grands services. Bichat[1] conseillait, dans l'hystérie, les injections vaginales avec des préparations d'opium. Uni aux antispasmodiques, disent Trousseau et Pidoux, l'opium est évidemment utile dans l'hystérie ; une mixture dans laquelle entrent l'opium, l'assa fcetida et l'éther, nous a paru convenir à la plupart des phénomènes hystériques. « De tous les agents thérapeutiques, il n'en est aucun, dit Gendrin, qui soit plus approprié à la curation de l'hystérie que l'opium à haute dose. En commençant par 50 centigr. par jour, on arrive à 60, 75 centigr., progressivement, avant d'avoir un effet narcotique ; dès que cet effet se produit, tous les accidents hystériques décroissent, et l'on est obligé de diminuer chaque jour les doses d'opium qui provoquent alors la somnolence. Je guéris par ce moyen plus de la moitié des hystériques[2]. » Opposons à cette opinion celle de Landouzy : « J'ai vu, dit ce praticien, comme le médecin de la Pitié, des hystériques supporter sans narcotisme plus de 25 centigr. de chlorhydrate ou d'acétate de morphine par jour ; mais j'en ai vu bien davantage chez lesquels les opiacés excitaient des vomissements constants, quoique l'estomac fût en bob état ; j'en ai vu surtout un grand nombre chez lesquels l'opium, administré à dose forte ou minime, produisait des syncopes incessantes, et je suis très loin de le regarder comme pouvant guérir la moitié des hystériques. Malgré tout le mérite des travaux de M. Gendrin, on peut penser qu'il se sera laissé illusionner par une série de faits que le hasard n'aura pas assez variés, car l'observation est là, et, après elle, l'appréciation étiologique, pour montrer que l'opium, à quelque dose qu'il soit administré, doit être considéré comme un calmant momentané, et non comme le remède spécifique de l'hystérie[3]. »

Epilepsie. - L'opium ne peut être utile dans cette affection qu'autant qu'il existe des convulsions prolongées, ou des accès en quelque sorte subintrants dont la violence menace la vie. Dans ces cas même, la belladone est beaucoup plus efficace, et est indiquée, en outre, comme remède curatif de cette névrose.

Convulsions des enfants. — Les indications curatives dans ces affections sont aussi variables que les causes qui produisent les affections elles-mêmes. Celles-ci sont quelquefois très-obscures. On fait alors la médecine symptomatique, et si, après s'être assuré qu'il n'existe point de congestion cérébrale, ou lorsque celle-ci a été préalablement combattue par une application de sangsues au cou ou derrière les oreilles, les convulsions persistent, on peut recourir à l'opium. On donne ordinairement le laudanum en lavement. Guérin, de Bordeaux (in Mérat et Delens), a guéri des convulsions, en

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  1. Matières médicales manuscrites.
  2. Note lue à l'Académie royale de médecine, le 11 août 1846.
  3. Traité complet de l'hystérie, 2° édit., p. 310, note.


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appliquant de l'opium sur les plaies dénudées des vésicatoires. Ce moyen exige beaucoup de circonspection chez les enfants.

Aliénation mentale. — L'opium est surtout utile dans les vésanies, lorsqu'elles sont essentiellement nerveuses, accompagnées de débilité ou qu'elles ont pour cause l'abus des spiritueux, des plaisirs de l'amour, etc. Quand il y a excitation vasculaire du cerveau, ou des engorgements abdominaux, ainsi qu'on en observe quelquefois dans la mélancolie, l'opium ne peut que nuire. En Angleterre, des aliénistes distingués ont vanté les bons effets de la médication stupéfiante dans certaines formes de l'aliénation. Elle était tombée en France, lorsque Michéa[1] l'a reprise. Ce médecin en a obtenu les résultats les plus satisfaisants. Sur dix-sept aliénés traités par l'opium, onze ont guéri, et il y a eu amélioration chez trois autres. Les cas de folie plus ou moins circonscrite étaient au nombre de cinq. Or, sur les onze aliénés guéris, il y avait sept monomaniaques et quatre maniaques : l'opium a donc réussi complètement dans les quatre cinquièmes des cas de délire général, et dans un peu plus de la moitié des cas de folie partielle. Parmi les trois malades dont l'état fut seulement amélioré, il y avait deux monomaniaques et un maniaque. Les sujets chez lesquels la médication a échoué étaient des monomaniaques. Les préparations que Michéa a employées sont l'extrait gommeux d'opium et le chlorhydrate de morphine, mêlés dans du vin, du chocolat, du café au lait, du bouillon ou des potages, de manière à les dérober à la vue et au goût des malades. Les quantités les plus fortes d'extrait gommeux d'opium, pour toute la durée du traitement, ont été de 9 gr. 8 centigr. ; les plus faibles, de 3 gr. 9 décigr. ; les moyennes, de 7 gr. Les doses les plus élevées de chlorhydrate de morphine ont été de 1 gr. 21 centigr. ; les plus faibles, de 57 centigr. ; les moyennes, de 1 gr. 17 centigr.

Colique métallique, colique de plomb. — L'opium calme toujours les symptômes nerveux de cette affection, et peut souvent la guérir. Tronchin la traitait par l'opium uni au camphre. Stoll employait une mixture composée de 50 centigr. d'opium, de 180 gr. de sirop de camomille, de 6 gr. d'extrait de fleurs de camomille, et de 45 gr. de fleurs de cette même plante. Cet auteur affirme que le plus souvent il n'est pas besoin de donner de laxatif, l'opium suffisant seul à résoudre le spasme. On sait, d'ailleurs, que l'usage longtemps continué de l'opium détermine la diarrhée. Dehaen donnait 5 centigr. d'opium toutes les trois heures. Brachet, de Lyon[2], approuve cette métbode et cite des faits à l'appui. Bricheteau a employé, pendant près de vingt ans, l'opium à dose progressive, en commençant par 10 centigrammes à prendre à deux heures d'intervalle, avec lavements laudanisés, emplâtres opiacés sur le ventre, sans jamais avoir recours aux éméto-cathartiques[3]. Bouvier et Martin Solon emploient le chlorhydrate de morphine à dose progressive, en commençant par 1 centigr. jusqu'à 35 centigr. dans les vingt-quatre heures. Tanquerel[4] a vu donner l'opium et le chlorhydrate de morphine seuls dans quatre-vingt-quatre cas. Dans les cas les moins intenses, la guérison a eu lieu dans l'espace de cinq à six jours ; ceux d'intensité moyenne ont résisté de six à sept jours ; les graves n'ont cédé, terme moyen, qu'au bout de huit à dix jours. Sur ces quatre-vingt-quatre cas, il y a eu occasion d'observer cinq rechutes, quatre paralysies, trois encéphalopathies. Dans vingt-cinq cas d'intensité variable, la maladie a résisté à cette médication ; mais, dans huit cas de colique violente, et deux d'intensité moyenne, les opiacés ont fait cesser en quelques jours la colique après

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  1. Gazette médicale de Paris, mars 1853.
  2. De l'emploi de l'opium dans les phlegmasies, etc., p. 187.
  3. Archives générales de médecine, 1832, t. XXXI, p. 332.
  4. Traité des maladies de plomb, t. I, p. 374 et suivantes.


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l'emploi infructueux des vomi-purgatifs. Enfin, Tanquerel regarde le traitement de la colique saturnine par les opiacés comme étant supérieur à tous ceux qui ont été employés jusqu'à ce jour.

Thiherti, de Milan[1], donne l'opium à 15 centigr. par jour, contre la colique métallique, qu'il guérit en trois ou quatre jours avec 45 à 60 centigrammes, parfois 75 centigr. d'opium en tout ; chaque dose doit être divisée en six portions par jour, en faisant boire, après chacune, de l'émulsion d'amandes douces édulcorée avec 60 gr. de sirop diacode par 500 gr. et par jour.

Hydrophobie. — Nugent cite un cas de guérison d'hydrophobie, par l'emploi de l'opium à haute dose, et Whytt en rapporte un autre ; mais Franck n'en a retiré aucun avantage dans cette affreuse maladie. Dans de nouvelles expérimentations on devra l'administrer à grandes doses, comme dans le tétanos. Braves et Breschet ont injecté, sans succès, dans les veines, des solutions d'opium chez un enragé.

Asthme, emphysème pulmonaire. — L'opium peut être fort utile dans ces maladies comme palliatif. Whytt l'a vanté dans l'asthme comme calmant. Il réussit assez bien en fumigation dans une cigarette. On l'unit souvent à la belladone, dont l'efficacité dans cette affection est connue.

Gastralgie, entéralgie, colique. — « Dans quelques gastralgies violentes et rebelles, disent Trousseau et Pidoux, on se trouve bien quelquefois de l'emploi d'une très-petite dose d'opium donnée un quart d'heure avant ou après le repas. Cela suffit pour faire passer les douleurs et rendre faciles les digestions devenues presque impossibles. » Ce moyen m'a fréquemment réussi. Sandras prescrit la potion suivante : chlorhydrate de morphine, 5 centigr., eau distillée de tilleul, 60 gr., sirop de fleur d'oranger, 15 gr., à prendre une ou deux cuillerées à café. La colique, abstraction faite de sa cause, est promptement calmée par l'opium. Ce médicament a l'inconvénient d'augmenter la constipation, qui accompagne presque toujours les névroses des voies digestives. La belladone, dont l'efficacité dans ces affections est généralement reconnue, n'a pas cet inconvénient et favorise au contraire les déjections alvines.

Coliques néphrétique et hépatique. — Cette colique est fréquemment causée par la présence d'un ou de plusieurs calculs dans le rein ou dans l'uretère, l'opium agit ici à la fois contre la douleur et contre le spasme qui retient les calculs. Nous avons rapporté, à l'article BELLADONE, des faits constatant les avantages des extraits combinés d'opium et de belladone dans le traitement des douleurs causées par les calculs retenus dans les voies urinaires. Il en est de même de celles produites par les calculs biliaires. La belladone l'emporte en efficacité contre ces accidents. En pareils cas, j'emploie avec avantage et simultanément l'opium à l'intérieur, et la belladone à l'extérieur en cataplasmes, fomentations, pommade, etc.

L’hépatalgie essentielle, maladie que je n'ai observée que trois fois dans le cours de ma longue pratique, et que l'on peut facilement confondre avec celle qui est due à la présence de calculs dans les voies biliaires, cède à l'opium donné à doses proportionnées à l'intensité du mal.

Vomissement. — Le symptôme vomissement cède souvent à l'emploi de l'opium ; mais il ne faut pas oublier que cette substance détermine elle-même le vomissement, dès qu'il survient par son usage quelques accidents nerveux. On l'a vu produire cet effet à des doses bien minimes. Mais c'est là une exception. En général, il réussit dans les vomissements nerveux et dans ceux des femmes enceintes, bien que la belladone dans ces cas doive lui être préférée.

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  1. Gazette médicale de Milan, t. III, p. 63, en italien.


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Iléus, étranglement interne. — L'opium, jadis employé dans cette affection, y est moins efficace que la belladone, dont l'action à la fois stupéfiante et relâchante est plus appropriée à ce genre d'affection. On peut en dire autant de l'étranglement herniaire.

Coqueluche, toux nerveuses. — L'usage de l'opium dans la coqueluche exige de la prudence, à cause de l'afflux congestif du sang vers la tête. Lorsque celui-ci n'est pas à craindre ou qu'on y a préalablement remédié par les saignées locales, on s'est quelquefois bien trouvé de l'administration de légères doses d'opium, et particulièrement du sirop de codéine à la dose d'une cuillerée à café, matin et soir. Le professeur Forget, de Strasbourg[1] se trouve fort bien du mélange suivant, qui, sous une apparence polypharmaque, répond à plusieurs indications rationnelles : sirop d'acétate de morphine, de belladone et d'éther à parties égales, dont on donne une, deux ou trois cuillerées à café dans les vingt-quatre heures, surtout pendant la nuit. La belladone, toutefois, doit être préférée dans le plus grand nombre des cas, contre cette affection, où elle agit avec une sorte de spécificité que l'expérience a sanctionnée. Dans les toux essentiellement nerveuses, ou même symptomatiques, l'opium apporte un calme qu'aucun autre moyen ne saurait produire aussi promptement.

Angine de poitrine. — Dans cette névrose si douloureuse, si insidieuse et si redoutable, l'opium s'est montré très-efficace, sinon comme remède curatif, au moins comme palliatif.

Dysménorrhée, hystéralgie. — Le laudanum, administré dans de petits lavements, calme presque immédiatement les douleurs qui précèdent ou accompagnent la menstruation, qu'elle favorise en même temps. Les douleurs utérines en général, même pendant la grossesse, sont le plus souvent calmées par ces lavements. Mais il faut quelquefois porter la dose à 20 et 30 gouttes pour obtenir l'effet désiré. Il est à remarquer que les femmes enceintes, comme celles qui sont dans leurs règles, tolèrent plus facilement l'opium.

Affections nerveuses traumatiques ; — délire des blessés ; accidents divers ; - suites de blessures. — « Lorsque après avoir reçu une blessure grave ou perdu beaucoup de sang, dit Hufeland, le malade est étendu sur son lit en proie à des spasmes, raide et à demi mort, ou, lorsque, dans de semblables circonstances, les douleurs deviennent excessivement violentes au second ou au troisième jour ; le pouls et tout l'extérieur annoncent un état nerveux, l'inflammation n'a point une couleur vive, et la suppuration est plus ichoreuse que purulente ; il n'y a que l'opium qui puisse changer la scène avec rapidité, parce que, d'un même coup, il apaise la douleur, fait cesser le spasme, relève la force vitale, et corrige le travail de l'inflammation et de la suppuration par son action toute spéciale sur le système sanguin et la plasticité du sang. »

Suivant Padioleau[2], Malgaigne[3] et Maclachlan[4], l'inflammation traumatique, qui succède aux grandes opérations chirurgicales, se compose de deux éléments : l'élément nerveux, ou la douleur, et la fluxion sanguine. Ils pensent qu'en paralysant le premier, on arrive à modérer le second, et, par conséquent, à le rendre beaucoup moins grave.

Malgaigne faisait un fréquent usage de l'opium à l'hôpital Saint-Louis, et, quelque élevées que soient les doses auxquelles il le donnait, il n'observait jamais le moindre accident.

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  1. Bulletin général de thérapeutique, t. XLIX, p. 148.
  2. Gazette médicale, 19 septembre 1840.
  3. Bulletin général de thérapeutique, t. XIII, p. 290.
  4. Gazette médicale, 1837, n° 48.


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« Chez les opérés, comme chez les blessés, pour calmer la douleur et provoquer le sommeil dans les cas de diarrhées, et, en général, dans toutes les circonstances où elles sont indiquées, Malgaigne administre les préparations d'opium de la manière suivante :

« Il prescrit une pilule d'extrait gommeux d'opium de 5 centigr., de trois heures en trois heures, et plus ordinairement de quatre heures en quatre heures, jusqu'à production d'effet ; ou bien une potion de 120 gr. contenant de 30 à 60 gouttes de laudanum de Sydenham, à prendre par cuillerées à bouche dans les vingt-quatre heures...

« Une chose singulière, c'est que l'opium à cette dose fait peu dormir ; il produit plutôt un sentiment de bien-être qui se réfléchit sur la figure des malades ; il éveille aussi l'appétit et semble être, comme le dit Malgaigne, un excellent digestif. Nous avons eu une preuve de tout cela chez un blessé de juin, atteint dans les parties molles par un biscaïen. Cet homme prit 8 grains d'opium par jour pendant six jours, sans fermer l'œil, mais aussi sans souffrir. Le septième jour, il dormit, et son sommeil fut calme, presque normal. L'appétit revint, le malade mangea, digéra bien tout en prenant son opium, et il alla à la garde-robe sans être obligé de recourir aux lavements.

« Malgaigne prescrit aussi, avons-nous dit, le laudanum à haute dose. Il le préfère dans les cas de dévoiement ou diarrhée. Le laudanum renferme, outre l'opium, une petite proportion de safran, qui, quelque minime qu'elle soit, pourrait néanmoins expliquer la différence des résultats qu'on obtient avec l'extrait d'opium et le laudanum administrés séparément. Le fait est que nous avons vu un homme dont le dévoiement avait résisté à 4 décigr. d'extrait gommeux d'opium, donné par pilules de 5 centigr. toutes les trois heures, et qui fut supprimé complètement au moyen d'une potion contenant 40 gouttes de laudanum de Sydenham. Au reste, dans les diarrhées rebelles, Malgaigne associe les deux préparations, mais alors le laudanum est donné en lavement. Ainsi, chez un blessé, dont on voulait à tout prix arrêter le dévoiement, nous avons entendu prescrire pour la journée et la nuit suivante, jusqu'à effet : six quarts de lavement avec 6 gouttes de laudanum chaque et 8 pilules d'extrait gommeux d'opium de 5 centigr. Le malade prit tout et les selles furent supprimées[1].


NÉVRALGIES, DOULEURS. — C'est surtout depuis la découverte des sels de morphine et de leur emploi par la méthode endermique, que l'opium a fourni une précieuse ressource contre les névralgies. En appliquant sur le derme dénudé l'hydrochlorate, le sulfate ou l'acétate de morphine, le plus près possible du point d'origine du nerf douloureux, on obtient, quand la névralgie est superficielle, un soulagement très-prononcé après un quart d'heure. Ce soulagement ne dure guère moins de douze heures et plus de vingt-quatre. Il est donc nécessaire de renouveler l'application deux fois par jour. (Voyez MORPHINE.)

Lorsque la névralgie occupe les rameaux qui se distribuent aux dents, ou même quand elle attaque les nerfs de la tempe et du cou, on fait frictionner les gencives et la face interne de la joue du côté malade avec de l'extrait d'opium mêlé avec un peu d'eau, ou avec une solution assez concentrée de sulfate de morphine. On obtient ainsi des effets thérapeutiques très-puissants et même un peu de narcotisme par l'absorption du médicament, bien que la salive qui en est imprégnée n'ait point été avalée. Dans les otalgies, dans les odontalgies, on applique avec avantage les sels de morphine sur le derme dénué, derrière les oreilles. Dans les névralgies, la dose de l'opium doit être graduellement augmentée et proportionnée à l'intensité de la douleur, surtout dans le tic douloureux.

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  1. Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. XX, p. 21 et 22.


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L'opium est utile dans les affections douloureuses quelconques, surtout quand l'élément douleur prédomine, ainsi qu'on l'observe dans les fissures à l'anus, les hémorrhoïdes douloureuses, le rhumatisme articulaire aigu, la goutte, les cancers ulcérés, l'orchite, le panaris, la brûlure, etc. L'opium en topique, ajouté aux pommades, aux liniments, aux cataplasmes, aux fomentations, apporte, dans ces cas, comme la belladone et la jusquiame, un soulagement qui seul suffit pour prévenir ou même dissiper les accidents résultant de l'intensité des douleurs.

(DE L'EMPLOI DE L'OPIUM DANS L'ANESTHÉSIE CHIRURGICALE.— La pensée d'abolir ou de diminuer la douleur causée par une action traumatique ou chirurgicale remonte à une époque très-reculée. (Voyez MANDRAGORE, p. 611.) L'usage de l'opium, dans ce cas, n'a été sérieusement expérimenté que vers la fin du dernier siècle. Sassard[1] est le premier qui l'ait proposé scientifiquement. Les faits se sont multipliés depuis. Hermann Demme[2] a pratiqué une désarticulation coxo-fémorale chez une femme narcotisée à l'aide de l'opium. La malade dormit tout le temps de l'opération et ne poussa qu'un léger cri plaintif. Dauriol affirme, dans cinq cas, avoir obtenu une anesthésie complète[3]. En donnant l'extrait d'opium, pendant dix jours, à la dose progressive de 5 à 50 centigr., Scrive[4] put disséquer une tumeur éléphantiasique du scrotum, sans que le malade manifestât la moindre douleur. Nous avons, du reste, signalé l'anesthésie particulière de la surface cutanée chez les fumeurs d'opium depuis longtemps adonnés à cette habitude fatale.

Jusque-là, les tentatives d'action anesthésique avec l'opium avaient eu des résultats douteux, et l'infidélité même du moyen en avait empêché la vulgarisation ; mais où l'opium ne réussissait pas d'une façon constante comme agent exclusif, Nussbaum l'utilisa comme adjuvant anesthésique. L'influence prolongée du chloroforme présente des dangers ; il tenta le premier d'y suppléer en pratiquant l'injection sous-cutanée d'une solution de 5 centigr, d'acétate de morphine. Il est bon de noter que, dans les cas cités par ce praticien, ainsi que dans les expériences instituées par Rabot près de la Société de médecine de Versailles[5], les injections, faites en dehors de l'état d'anesthésie chloroformique, ont complètement échoué, ou n'ont amené qu'une ivresse, une torpeur momentanées, tandis qu'avec l'anesthésie préalable le sommeil se prolonge plusieurs heures.

Liegard[6], pour obvier aux douleurs intolérables que détermine trop sonvent la compression digitale dans les anévrysmes, propose d'avoir recours à l'anesthésie ainsi prolongée.)


RHUMATISME. — Le rhumatisme articulaire apyrétique, quelque douloureux qu'il soit, est rapidement guéri par l'application de la morphine sur le derme dénudé. Deux ou trois pansements suffisent ordinairement. Ce moyen, préconisé par Trousseau et Pidoux, est cependant peu employé. L'opium, à l'intérieur et à dose élevée, produit souvent le même effet, mais avec moins de certitude.

Trousseau et Pidoux ont vu le rhumatisme aigu céder quelquefois avec une grande facilité aux applications locales de sel de morphine ; mais, disent-ils, faire deux fois par jour des pansements avec le plus grand soin ; multiplier les vésicatoires ammoniacaux en raison de la multiplicité des

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  1. Dissertation sur les moyens de calmer les douleurs, in Journal de physique, 1781.
  2. Cité par Courty, Thèse de concours, p. 17. Montpellier, 1849.
  3. Journal de médecine et de chirurgie de Toulouse, 1847.
  4. Ga&ette des hôpitaux, 1863, n" 67.
  5. Union médicale, 1863, p. 23 et 60.
  6. Gszette des hôpitaux, 1864, p. 110.


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articulations envahies, et seconder l'emploi de ce moyen par l'administration des purgatifs pendant le cours de la maladie et après que les accidents sont entièrement dissipés. Corrigan[1] préfère l'usage interne et à haute dose de l'opium. I1 en donne de 50 à 60 centigr. par jour. Il fait en même temps sur les articulations douloureuses, des embrocations avec l'huile de térébenthine chaude, l'eau-de-vie camphrée ou une simple décoction de pavots. Quand la fièvre tombe et que les douleurs prennent un caractère erratique, il associe l'opium au sulfate de quinine.

Rhumatisme aigu. — Après la saignée répétée, et lorsque l'état inflammatoire est considérablement diminué, j'emploie toujours avec succès l'opium dans le rhumatisme aigu. Je donne 5 centigr. d'extrait aqueux de cette substance toutes les deux heures ; il ne provoque pas le sommeil, mais il calme la douleur et produit une transpiration continuelle qui donne quelquefois lieu à une éruption cutanée, ordinairement de forme miliaire. Lorsque j'ai trop à craindre l'action stimulante de l'opium sur le système sanguin, je joins à l'usage de ce médicament celui du tartre stibié à dose contro-stimulante. Je donne alternativement 5 centigr. de ce dernier et autant d'extrait gommeux d'opium, toutes les trois heures d'abord, ensuite toutes les deux heures, et même toutes les heures. Lorsque le tartre stibié ne provoque pas d'évacuations alvines, je fais administrer l'huile de ricin tous les deux jours. Ce traitement, en diminuant à la fois l'activité du système sanguin et l'éréthisme nerveux, tandis qu'il stimule au contraire le système cutané, dont il favorise les fonctions sécrétoires, prévient la rétrocession de l'affection sur le péricarde, modère les symptômes et abrège considérablement la durée de la maladie.


GOUTTE. — Lorsque les douleurs de la goutte sont violentes, soutenues, et qu'elles épuisent les forces, l'opium employé avec prudence et à doses réglées, suivant le degré d'irritation, l'âge et le tempérament du malade, produit quelquefois des effets merveilleux. Sydenham veut que l'on prenne tous les soirs un peu de laudanum, lorsque les douleurs articulaires sont intolérables. Il le conseille également lorsqu'il survient des tranchées violentes, une diarrhée excessive, des vomissements accompagnés de faiblesse. Il ne faut pourtant pas trop se fier à l'opium dans les attaques de goutte. Les narcotiques, appliqués dans un moment inopportun, peuvent bien faire cesser l'irritation articulaire et la douleur, mais alors le principe goutteux envahit des organes plus importants, et cette métastase a été plus d'une fois mortelle. Cette affection demande un régime doux, des boissons relâchantes et diaphorétiques, du courage, de la patience et peu de remèdes. Les premiers accès sont cuisants, terribles, si le malade est d'une forte constitution et d'un âge peu avancé ; mais peu à peu les symptômes s'amendent, s'adoucissent sous l'influence d'un régime tempérant et du calme de l'esprit, bien plus que par l'usage des narcotiques.


INFLAMMATIONS INTERNES. — L'opium, en principe général, est nuisible dans les inflammations. Cependant, ainsi que le fait judicieusement remarquer Hufeland, quand, après avoir convenablement insisté sur les émissions sanguines générales et locales, on voit les symptômes de l'inflammation persister, comme cela arrive quelquefois dans la pleurésie à l'égard du point de côté, de la toux et de la difficulté de respirer, avec pouls fébrile, petit et ne permettant plus la saignée, l'opium est l'unique remède : il éteint l'excès de sensibilité, le spasme, et rend en même temps aux vaisseaux le degré d'énergie nécessaire à la résorption du sang stagnant dans la partie affectée. Quatre saignées, au rapport d'Huxam, n'avaient pas guéri complètement

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  1. Gasette médicale, 2e série, 1840, t. VIII, p. 168.


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une fièvre avec violente douleur de côté. Le laudanum et le sirop diacode, à dose élevée, calmèrent la douleur d'abord, et ensuite les autres svmptômes. « J'ai éprouvé, dans une multitude de cas, ajoute le même auteur, que cette méthode est très-efficace et très-salutaire. » Quand, après les émissions sanguines suffisantes, la douleur conservait son intensité, Sarconne donnait de l'opium toutes les trois heures jusqu'à ce que le calme fût revenu. Mais il ne faut pas perdre de vue que les opiacés ne conviennent que lorsque l'état purement inflammatoire primitif est presque entièrement dissipé, et qu'il a fait place à la débilité générale, avec persistance d'un état nerveux ou spasmodique. Toutefois, ne laissons pas ignorer qu'il y a des pleurésies dans lesquelles l'inflammation est subordonnée, dès le principe, à la douleur, à l'élément essentiellement nerveux, et qui sont efficacement combattues par l'opium quand les saignées générales et locales ont été tout à fait infructueuses.

Le praticien ne confondra point l'oppression des forces, que l'on observe quelquefois dans l'inflammation portée à un haut degré, comme dans quelques cas de pneumonie et de pleuropneumonie, avec la débilité réelle : cette apparence de faiblesse est combattue rationnellement par la saignée, tandis que l'opium ne fait que l'aggraver en procurant un calme trompeur : la douleur cesse, mais l'inflammation, au lieu de se terminer par résolution, passe à la gangrène, à l'engorgement chronique, ou à la suppuration.

Je n'ai jamais rencontré l'indication de l'opium dans la pneumonie franche, où il pourrait, d'ailleurs, avoir le fâcheux inconvénient de supprimer l'expectoration ; mais je l'ai souvent associé au tartre stibié ou au kermès, employés, soit à petites doses pour calmer la toux et favoriser en même temps l'expectoration dans la période de résolution, soit pour établir plus facilement la tolérance dans l'administration à dose contro-stimulante de ces préparations antimoniales.

L'état de débilité et de spasme douloureux, qui en réclamerait l'usage exclusif, ne pourrait être que le résultat d'un traitement purement antiphlogistique et surtout de l'emploi des saignées coup sur coup, méthode qui ne m'a pas réussi chez les paysans, et que je n'emploie ni à la campagne ni à la ville depuis que l'expérience m'a démontré l'excellence de la doctrine de Rasori contre la pneumonie. La prompte résolution opérée par l'émétique â dose contro-stimulante, après toutefois avoir pratiqué, dans la plupart des cas, une ou deux saignées, suivant l'âge, le tempérament du malade ou l'intensité de la maladie, m'a presque toujours dispensé de l'emploi de tout autre moyen. Je puis assurer, comme Munaret, avoir obtenu par cette méthode onze guérisons complètes sur douze malades, malgré les complications ou les circonstances les plus défavorables. Chez les sujets débiles et les vieillards, je m'abstiens même des émissions sanguines ; je m'en tiens à 1'émétique à haute dose, et je réussis dans ces fluxions de poitrine, qui autrefois étaient mortelles par défaut de réaction, par engouement des organes respiratoires.

Le praticien prendra pour guide, dans les cas de phlegmasie qui semblent indiquer l'emploi de l'opium, l'état du pouls. Il faut qu'il soit mou et faible : si, sous l'influence du médicament, il redevient dur et fréquent, c'est qu'il reste encore un état inflammatoire qui en interdit l'usage.

Dans la pleurésie aiguë, disent Trousseau et Pidoux, nous avons souvent combattu le point de côté par des applications locales de morphine sur le derme dénudé ; et, dans un grand nombre de cas, cette médication si simple a suffi pour faire disparaître et la douleur et la fièvre. Quant à l'épanchement, il se résorbait tantôt rapidement, tantôt avec lenteur, sans qu'il fût possible de déterminer l'influence que l'opium avait pu avoir sur la résorption.


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Boudin et Sandras[1] ont essayé l'opium à des doses successivement croissantes dans la méningite épidémique ou cérébro-spinale, maladie qui paraît avoir plus d'affinité avec les névroses qu'avec les inflammations. Ces médecins affirment avoir obtenu la guérison de cette affection d'une manière plus rapide et plus complète que par tout autre médication. — Dans deux épidémies qui eurent lieu à Avignon, à un intervalle de six mois, on ne compta presque aucune guérison dans tout le cours de la première et de la seconde. Sauffard (in Valleix) eut alors recours à l'opium à haute dose ; dès lors, non-seulement dans la plupart des cas la maladie fut guérie, mais dans ceux mêmes où l'on n'obtenait pas ce résultat favorable, il survenait du moins une amélioration marquée après l'administration du remède. — Les observations de Forget et Tourdes ne sont pas tout à fait aussi concluantes. Cependant les faits observés par ces auteurs montrent que, sous l'influence de cette médication, la mortalité a été un peu moindre ; mais les cas qu'ils citent sont malheureusement très-peu nombreux.

J'ai vu les cris dits hydrencéphaliques, causés par la méningite tuberculeuse et arrachés au malade par la violence de la douleur, se calmer presque immédiatement par l'emploi de l'opium, après, toutefois, avoir diminué la congestion cérébrale au moyen des saignées locales, des affusions froides, de la glace, etc. Chez une petite fille âgée de cinq ans et demi, atteinte de méningite tuberculeuse depuis sept jours, et se trouvant dans les conditions que je viens de signaler, le laudanum donné à la dose de 5 gouttes, de trois heures en trois heures, a amené un soulagement tel que la malade, après vingt-quatre heures de l'usage de ce moyen, avait recouvré sa connaissance ; les symptômes nerveux et l'agitation étaient considérablement diminués, le pouls plus développé, etc. Je donnais en même temps le calomel, dont l'action s'opposait à la constipation, qui accompagne toujours cette affection. La malade a succombé le quatorzième jour, mais avec beaucoup moins de souffrance que si elle n'avait point été sous l'influence sédative de l'opium. Je n'ai jamais vu, dans le cours d'une pratique de quarante-cinq ans, un seul cas de guérison radicale de méningite tuberculeuse. Après avoir combattu l'inflammation, qui n'est ici qu'un effet, il resterait toujours la lésion principale, incurable, la tuberculisation des méinges.

(En Angleterre, on emploie communément dans ces cas de méningite avec cris hydrencéphaliques, le sel de Grégory (chlorhydrate double de morphine et de codéine).

Graves, de Dublin[2], a obtenu les plus heureux effets de l'administration des opiacés à hautes doses dans deux cas de péritonites très-intenses survenues à la suite de la paracentèse. Dans un autre cas de péritonite causée par la rupture d'un abcès du foie dans le ventre, le même médecin [3] vit les symptômes de l'inflammation disparaître complètement et en peu de jours par l'emploi de très-fortes doses d'opium et l'application de vésicatoires pansés avec la morphine. Dans un rapport à la Société de médecine de Boston[4], Jackson signale les succès qu'il obtint par l'emploi de l'opium à hautes doses dans la péritonite. Les effets de ce médicament sont tels à ses yeux qu'il n'hésite pas à proposer l'application de ce traitement aux autres maladies inflammatoires, telles que la pleurésie, le rhumatisme, etc. Trousseau et Pidoux révoquent en doute les guérisons de péritonites dues à la perforation de l'intestin, et que Pétrequin, de Lyon[5], et Stokes, de

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  1. Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 15 février 1854.
  2. Gazette médicale, 1835, p. 167.
  3. Ibid.
  4. Bulletin général de thérapeutique, 1855.
  5. Gazette médicale, t. V, p. 187.


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Dublin[1], ont cru obtenir dans plusieurs cas aussi graves. Il est probable, disent Trousseau et Pidoux, que ces praticiens avaient fait quelque erreur de diagnostic. Cependant, comme l'art ne possède aucune autre ressource contre ce redoutable accident, on devra essayer l'emploi de l'opium à haute dose, afin de s'opposer autant que possible aux sécrétions et excrétions intestinales.

Garsthore, Hecquet, Armstrong (in Mérat et Delens) prescrivirent l'opium dans les phlegmasies abdominales, suite de l'accouchement ou dépendantes de la grossesse ; Mackentosh emploie avec succès la méthode de ce dernier qui consiste à donner 20 centigr. d'opium, après une saignée copieuse, dans la péritonite des nouvelles accouchées.

Brachet (in Mérat et Delens) prescrit l'opium dans les phlegmasies des membranes muqueuses, surtout dans la trachéite, où la toux est sans relâche. Dans les affections catarrhales pulmonaires, comme dans les autres phlegmasies, l'opium est nuisible dans la période inflammatoire du catarrhe pulmonaire aigu ; mais il peut être très-utile associé aux expectorants, tels que l'ipécacuanha, le narcisse des prés, la bryone, l'arum, le kermès, le tartre stibié, dans la période d'atonie et dans la bronchite chronique. J'ai vu des bronchites chroniques graves, qu'on aurait pu prendre, avant l'emploi de l'auscultation et de la percussion, pour des phthisies confirmées, céder à l'usage de l'opium associé au tartre stibié, et administré à petites doses fréquemment répétées.

Bow[2] a publié six observations sur l'emploi de l'opium à l'extérieur chez les enfants atteints de catarrhe bronchique ou d'angine laryngée.

On a tiré parti de l'opium dans la cystite et le catarrhe vésical. Cependant la sensibilité de la vessie peut être exaspérée par l'effet de l'opium. On lui substituera alors avec avantage la belladone.


HÉMORRHAGIES. — Ce que nous avons dit des inflammations par rapport à l'usage de l'opium peut s'appliquer aux hémorrhagies actives. Il est nuisible dans tous les cas où il y a état phlegmasique ou pléthorique, soit général, soit local ; mais lorsque cet état a été combattu par les saignées, et que des symptômes nerveux ou spasmodiques avec débilité existent, l'opium peut être utilement employé. Il est même des hémorrhagies primitivement et exclusivement causées par le spasme ou l'irritation nerveuse, qui cèdent à l'opium. Voyez plus bas l'emploi de l'opium dans l'avortement.

Dans l'hémoptysie, lorsque la pléthore et le molimen hémorrhagique ont été suffisamment combattus, l'opium peut, en diminuant l'irritation des bronches et la toux, empêcher l'afflux du sang et l'hémorrhagie qui en est la conséquence.


FIÈVRES ÉRUPTIVES. — « Lorsque, dans une petite vérole maligne, nerveuse, la suppuration ne fait point de progrès, vers le cinquième ou sixième jour après l'éruption, qu'elle dégénère en une sécrétion séreuse, ichoreuse, que les boutons ne se remplissent point, qu'ils prennent même un aspect livide, et semblent sur le point de tomber en gangrène, avec prostration extrême des forces et violente fièvre typhoïde, je ne connais pas de moyen qui soit plus apte que l'opium à rétablir la suppuration, à compléter la crise, et par conséquent à sauver la vie du malade. » (Hufeland.) — Sydenham recommandait l'emploi de l'opium dans les varioles confluentes accompagnées d'ataxie. Il donnait 14 gouttes de laudanum liquide, ou 1 once de sirop diacode dans l'eau de fleurs de primevère ou autres, tous les soirs, depuis le sixième jour jusqu'à la fin de la maladie. Quand il y a en même temps de la diarrhée, il vaut mieux le donner en lavement. J'ai vu plusieurs fois le

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  1. Gazette médicale, 1835, p. 166.
  2. London medical and physic. Journ., t. LVIII, p. 23.


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délire le plus violent, les symptômes ataxiques les plus graves accompagnant la variole confluente, céder comme par enchantement à l'administration par la bouche ou en lavement peu volumineux, de 8, 15 ou 20 gouttes de laudanum chaque jour.

La toux qui accompagne ordinairement la rougeole, et qui est quelquefois d'une fréquence qui fatigue beaucoup le malade, est constamment calmée et cesse même par l'emploi de l'opium. Dans ce cas, je donne, à l'exemple de Sydenham, le sirop diacode, surtout pendant la nuit.

La même médication convient lorsque la rougeole, ainsi que cela arrive souvent dans la période de l'invasion de cet exanthème, s'accompagne d'une forte diarrhée. Mais la diarrhée qui s'observe au début, de l'éruption et qui ne dure ordinairement qu'un ou deux jours, ne réclame l'usage de l'opium que lorsqu'elle est par trop abondante ou qu'elle persiste au delà de quarante-huit heures.

Dans la fièvre scarlatine, où l'éruption a presque toujours besoin d'être plutôt modérée que favorisée, où des symptômes inflammatoires ou nerveux les plus redoutables se montrent dès le début et persistent, l'opium serait évidemment funeste. Cependant, dans certaines épidémies et chez des sujets débiles, atteints dès le début de vomissements, de diarrhée, et chez lesquels l'éruption est irrégulière, compliquée de bronchite, de toux fréquente, de divers symptômes nerveux, je me suis bien trouvé de l'opium uni à l'acétate d'ammoniaque et aux boissons diaphorétiques, telles que l'infusion de coquelicot, de sureau, de bourrache, etc. C'est surtout dans les épidémies que les indications se modifient ou changent même complètement.


FIÈVRES INTERMITTENTES. — Avant la découverte du quinquina, l'opium passait pour un des meilleurs fébrifuges. Paracelse, Horstius, Wédelius, Ettmuller, le donnaient un peu avant l'accès. Sydenham l'a employé à doses plus ou moins élevées pour combattre les fièvres intermittentes, qui, à cause d'un état nerveux plus prononcé, cèdent souvent à ce médicament après avoir résisté au quinquina. Berryat (in Trousseau et Pidoux), qui, le siècle dernier, a remis en vogue l'administration de l'opium comme fébrifuge, donnait, une heure à peu près avant l'accès, 6 à 8 gouttes de laudanum de Sydenham aux enfants de trois à cinq ans, 10 à 12 gouttes à ceux de dix ans, et l8 à 30 gbuttes aux adultes. — Il ne faut donner l'opium que peu de temps avant le moment où le frisson doit arriver (une, deux ou trois heures au plus), afin d'agir sur l'éréthisme nerveux. Il serait très-nuisible, à grande dose, s'il agissait longtemps avant l'apparition de la fièvre, lorsque le sujet est dans son état normal. « J'ai vu une femme, dit Mérat[1], à la clinique interne de la Faculté, à qui j'avais prescris 80 gouttes de laudanum pour combattre une fièvre intermittente grave ; malgré ma recommandation, on les lui fit prendre aussitôt la distribution des médicaments, tandis que son accès ne devait venir que le soir, et elle périt de narcotisme. » Fallope ayant obtenu, pour ses dissections, le corps d'un homme qu'on devait supplicier et qui avait une fièvre intermittente quarte, voulait le faire mourir avec de l'opium : 2 gros (8 gr.), que le condamné prenait vers l'accès, ne produisaient aucun effet ; la même dose, prise après le paroxysme, le fit succomber[2]. Ces faits s'expliquent par le degré d'éréthisme du système nerveux, et rentrent ceux dont nous avons déjà parlé.

L'opium peut être très-utile contre les symptômes nerveux d'une fièvre intermittente pernicieuse, tels que ceux, par exemple, qui simulent l'apoplexie et qui sont loin de céder à Ia saignée. Hufeland, en administrant pendant l'apyrexie, 30 gr. de quinquina comme antipériodique, ajoutait toujours 5 centigr. d'opium.

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  1. Dictionnaire des sciences médicales, t. XXXVII, p. 486 et 487.
  2. Houllier, De morbis intern., lib. I.


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Je pourrais rapporter ici de nombreux cas de fièvres pernicieuses cardialgiques ou cholériques, observés dans les marais du Calaisis, et dans lesquels l'opium a pu seul, en dissipant les symptômes effrayants de l'accès, me mettre à même d'en prévenir le retour au moyen du quinquina donné à grande dose pendant l'apyrexie. Combien de fois n'ai-je pas vu, dans ces cas, un vomissement continuel, avec douleur aiguë ou déchirante de l'estomac, altération des traits, petitesse du pouls, sueur glutineuse, anxiété extrême, épuisement des forces, céder à l'emploi simultané des révulsifs à l'extérieur, tels que sinapismes, vésicatoires, frictions avec l'alcool camphré et l'ammoniaque, etc., et de l'opium gommeux administré à doses croissantes et fréquemment répétées.


FIÈVRE TYPHOÏDE, FIÈVRE NERVEUSE, TYPHUS. — L'opium est constamment nuisible dans ces fièvres, lorsqu'il existe à la fois congestion sanguine et phlegmasie cérébrale. « Il y a quatre cas, suivant Hufeland, dans lesquels l'opium est salutaire, même indispensable, chez les malades atteints de fièvres nerveuses ou typhoïdes : 1° quand la maladie est purement nerveuse par causes débilitantes, ou survenue chez un sujet déjà nerveux, et qui n'offre simultanément aucun signe d'inflammation ; 2° lorsqu'après avoir suffisamment employé les émissions sanguines, le froid et les évacuants, les signes de la congestion disparaissant, le délire persiste ou même dégénère en fureur ; dans ce cas, Hufeland conseille d'associer l'opium au calomélas ; 3° lorsque dès le principe il y a diarrhée, dysenterie ou choléra, afin de calmer l'irritation du tube digestif et d'arrêter des évacuations qui épuisent les forces ; lui seul, dit Hufeland, a été efficace dans le typhus qui ravagea la Prusse en 1806 et 1807, et dont la diarrhée était la compagne essentielle ; 4° lorsque les forces sont au plus bas, et que les excitants les plus énergiques ne peuvent relever le pouls. Je ne connais pas, dit l'auteur que nous venons de citer, de meilleur moyen que d'ajouter du laudanum aux autres stimulants, par petites doses fréquemment répétées. Pour apprécier cet estimable don du ciel, il faut l'avoir vu, en une seule nuit, rendre calme, plein et fort le pouls qui était petit et fréquent, faire cesser le délire, rendre la connaissance au malade, arrêter les évacuations épuisantes, en un mot, produire une métamorphose véritablement miraculeuse. »

Cullen et Gland (in Trousseau et Pidoux) ont, comme Hufeland, conseillé l'opium dans les maladies typhoïdes. Bretonneau, Chomel, et un grand nombre d'autres praticiens, l'ont formellement repoussé. « Quant à nous, disent Trousseau et Pidoux, nous l'avons quelquefois administré dans la dothinentérie, et toujours nous nous en sommes mal trouvés, excepté dans les cas de perforation intestinale dothinentérique, où il est utile en calmant les douleurs de la péritonite, et en modérant les contractions intestinales ; mais pendant la convalescence de ces maladies, alors que les symptômes nerveux ont cédé et qu'il ne reste plus qu'une diarrhée rebelle, 1'association de l'opium au sous-nitrate de bismuth ou au quinquina peut amener une convalescence plus rapide et plus franche. »

Forget[1] considérant la diarrhée dite typhoïde comme le produit de l'inflammation et de l'ulcération des intestins, et rejetant les purgatifs comme dangereux dans ce genre de diarrhée, veut qu'on la supprime le plus possible, sans toutefois y substituer la constipation, qu'il faut, dit-il, combattre également, mais par les moyens les plus doux. « Dans la diarrhée typhoïde, comme dans tout autre, ajoute ce judicieux observateur, l'opium est le remède qu'il faut préférer. Mais, dira-t-on, il y a des accidents nerveux : coma, subdélire, et l'opium, qui porte à la tête, va les aggraver. Ainsi parle la théorie, mais les faits disent autrement. Nous avons vu Sydenham recommander l'opium dans le délire, même dans le délire coma-

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  1. Bulletin général de thérapeutique, t. XLIX, p. 57.


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teux » A l'appui de cette pratique, Forget rapporte un cas de fièvre typhoïde, avec délire furieux et prolongé, où 15 centigr. d'extrait d'opium, pris en-trois heures, firent tomber l'exaltation et procurèrent un sommeil calme qui dura jusqu'au lendemain. L'opium est continué à la dose de 20 centigr. en vingt-quatre heures : nouveau sommeil ; même effet jusqu'au jour suivant, où le malade se réveille dans une douce quiétude. La liberté du ventre est entretenue par des lavements miellés et lactés. Le malade est au vingt-deuxième jour, la fièvre est presque nulle, la langue se nettoie, l'appétit renaît : convalescence le vingt-cinquième jour.

Ce fait rentre dans ceux que signale Hufeland comme devant être combattus par l'opium ; mais dans la fièvre typhoïde, forme putride ou mucoso-putride, ce médicament est le plus souvent nuisible, tandis que les purgatifs, en débarrassant le tube intestinal des matières âcres et fétides qu'il contient, enlèvent une cause secondaire d'irritation locale et d'intoxication qui aggrave la maladie. J'ai vu maintes fois en pareil cas le météorisme se dissiper, la tête se débarrasser, le pouls se développer après l'usage des purgatifs salins ou acides. Dans la fièvre typhoïde, les éléments morbides étant très-variables, et les symptômes qu'ils produisent très-différents, la plupart des nombreuses médications proposées contre cette maladie ont pu réussir, suivant l'opportunité de leur application.


AVORTEMENT, ACCOUCHEMENT, ÉTAT PUERPÉRAL. — L'opium est un remède précieux pour prévenir l'avortement. Il fait cesser les contractions prématurées de l'utérus. J'ai eu à me louer de son emploi dans un grand nombre de cas où l'avortement semblait imminent. Je donne le laudanum liquide dans une potion ou dans un tiers de lavement émollient, après, toutefois, avoir vidé le gros intestin au moyen de lavements simples et entiers. Cette dernière précaution est d'autant plus nécessaire que souvent la constipation suffit seule pour produire l'avortement[1].

Le professeur Dubois et Guillemot ont employé le laudanum avec un succès remarquable pour enrayer les contractions utérines et prévenir l'avortement. Ce moyen, précédé de la saignée quand il y a pléthore locale ou générale, convient dans les cas où les symptômes d'avortement sont déterminés par des excitants extérieurs, l'irritation d'un organe voisin de la matrice, un coup, une chute, une commotion, une impression morale profonde et subite. L'opium convient encore, aidé du repos et de la position horizontale, pour prévenir les fausses-couches qui se succèdent, par une sorte d'ha-

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  1. Une accumulation considérable de matières fécales peut se former dans le dernier intestin, provoquer un travail semblable à celui de l'enfantement et produire même un accouchement prématuré. Je rapporterai, à cette occasion, comme très-remarquable, le fait suivant : Mme Mignien, de Saint-Pierre-lez-Calais, âgée de quarante ans, d'un tempérament lymphatico-sanguin, d'une forte constitution, enceinte, pour la première fois, de six mois et demi environ, éprouvait, disait-on, les douleurs de l'enfantement depuis la veille au soir, lorsque, le 26 décembre 1818, à sept heures du matin, je fus appelé pour lui donner mes soins. L'augmentation considérable des douleurs expultrices, une grande agitation, un pouls accéléré, des vomissements violents et répétés, semblaient, en effet, annoncer un accouchement prochain. Voulant, par le toucher, m'assurer de l'état des choses, je rencontrai un obstacle insurmontable à l'introduction du doigt ; une tumeur très-volumineuse, formée par une grande quantité de matières fécales durcies et agglomérées dans le rectum, qu'elles avaient énormément dilaté et portées en avant et en bas, effaçait presque complètement le vngin. J'avais commencé à vider ce sac stercoral au moyen d'une petite cuillère en fer enduite de graisse et introduite dans l'anus, lorsque, par de fortes contractions et pendant des efforts de vomissements, presque toute la masse fut violemment expulsée. Le calme, avec affaissement, succéda comme après l'accouchement le plus laborieux ; le col utérin, effacé, attestait un commencement de travail mécaniquement provoqué ; mais une saignée, indiquée par le développement et la dureté du pouls, un lavement émollient qui entraîna le reste de l'accumulation fécale, et, enfin, un quart de lavement avec 15 gouttes de laudanum, firant rentrer tout dans l'ordre. On prévint ultérieurement la constipation, la grossesse marcha sans trouble, et l'accouchement eut lieu au terme naturel.


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bitude, presque aux mêmes termes de la grossesse[1]. Il est évident que l'avortement qui reconnaît pour cause la mort du fœtus, des lésions graves de ses annexes, des altérations pathologiques de l'utérus, etc., est inévitable et même nécessaire. Mais alors, direz-vous, comment distinguer ces cas de ceux dont nous venons de parler, et contre lesquels l'opium agit efficacement ? Le doute ici ne doit point arrêter le praticien ; si l'opium suspend un travail nécessaire, la nature, plus puissante que la médication, reproduit ses efforts conservateurs et met fin, en expulsant les produits de la conception, à une grossesse devenue impossible. Le laudanum administré en lavement agit plus efficacement, suivant le professeur Dubois, pour prévenir l'avortement, que lorsqu'il est donné par la bouche.

Après la saignée, Deventer donnait souvent l'opium pendant les douleurs de l'accouchement, soit pour calmer l'irritation, soit pour mûrir le travail. Ce moyen peut être utile lorsqu'il y a rigidité spasmodique du col de la matrice. Une femme qui était en travail depuis quarante-huit heures fut mise, par le conseil du professeur Alphonse Leroy, dans le bain après avoir été saignée deux fois ; il lui fit prendre de l'alcali volatil avec du laudanum : la femme s'endormit, et la matrice reprenant de l'énergie, l'accouchement fut heureux. J'ai employé avec avantage, dans les cas où la débilité générale de la femme rendait le travail long et très-pénible, la teinture ammoniacale d'opium. Sous l'influence de ce médicament, le pouls se relevait, le courage renaissait, les contractions utérines se reproduisaient plus fortes, et l'accouchement s'opérait. Ce stimulant ne produit pas le même effet que le seigle ergoté. Ce dernier a une action prompte, fugace et spéciale sur l'utérus tombé dans l'inertie ; tandis que l'opium, uni à l'ammoniaque, a des effets plus durables et est plus particulièrement indiqué dans la débilité réelle et générale.

Il n'est pas d'accoucheur qui n'ait été à même de reconnaître le bienfait de l'opium administré après un accouchement très-douloureux et qui a jeté le trouble dans toutes les fonctions ; il rend le calme au système nerveux et rétablit en même temps le rhythme naturel de la circulation et l'harmonie organique.

Dans la vive irritation locale pouvant faire craindre une métrite et une péritonite, suite de manoeuvres pratiquées sur l'utérus, l'opium à haute dose agissant puissamment et promptement sur le système nerveux, enraie les accidents bien mieux que la saignée.

Lorsque les tranchées qui suivent l'accouchement sont trop violentes, l'opium seul peut les calmer ; on donne alors le sirop diacode ou le laudanum liquide en potion à prendre par cuillerées de temps en temps.


DYSENTERIE. — I1 ne faut donner l'opium dans la dysenterie que lorsqu'il y a absence d'inflammation ou d'état bilieux, saburral. Dans la première période, la dysenterie se manifeste souvent par des symptômes inflammatoires ou bilieux, qu'il faut d'abord combattre dans le premier cas par les antiphlogistiques, telles que la saignée, les sangsues sur le bas-ventre ou l'anus, et dans le second par l'ipécacuanha. Ce dernier peut être remplacé par la racine de bryone, le narcisse des prés, l'asaret ou la racine de violette. Je fais toujours précéder de l'un de ces vomitifs l'administration de l'opium. Celui-ci ramène ensuite le calme en faisant cesser l'irritation intestinale qui provoque les évacuations ; mais cet effet ne doit avoir lieu que graduellement et au moyen de petites doses souvent répétées. Une suppression trop brusque de la sécrétion du mucus et de l'écoulement du sang peut avoir des inconvénients. C'est surtout dans les dysenteries épidémiques que l'opium triomphe. On le donne alors par la bouche ou en lavement, associé aux mucilagineux. « L'effroyable dysenterie rhurnatismale, causée

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  1. Archives générales de médecine, 1836, t. XI, p. 294.


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par l'humidité et le froid, qui fit tant de ravages dans l'armée prussienne en 1792, tant qu'on la combattit, comme c'était alors l'usage, par la rhubarbe en poudre, ne redevint curable et ne cessa que quand on lui opposa généralement l'opium. En Algérie, nos soldats atteints de dysenterie sont traités, après que l'on a combattu l'inflammation, par l'ipécacuanha et l'opium : ce dernier médicament est le plus souvent administré en lavement.

Sydenham, et, après lui, Sennert, Brunner, Wepffer et Ramazzini, ont préconisé l'opium dans le traitement de la dysenterie. Degner, Pringle, Young, Zimmermann l'ont regardé comme dangereux dans cette maladie. Il suffit de lire l'histoire des épidémies de dysenterie, observées par Stoll, pour se convaincre que ces opinions contradictoires, émises par des médecins également recommandables, tiennent à ce qu'ils ont eu à traiter des dysenteries dont le génie épidémique était différent.


DIARRHÉE. — Dans les diarrhées, l'opium agit comme dans la dysenterie et exige dans son emploi les mêmes précautions. Il serait nuisible dans la diarrhée critique, qui soulage toujours le malade et souvent le guérit. On peut en dire autant de tout autre hypersécrétion qui aurait le même caractère. - Dans la diarrhée aiguë, l'opium, administré en potion, en lavement ou en fomentation dans des véhicules appropriés, suffit ordinairement comme moyen curatif. Mais, dans la diarrhée chronique, il n'a qu'un effet palliatif et momentané. On l'associe alors avec avantage aux astringents, au sous-nitrate de bismuth, etc., ou l'on met alternativement en usage ces diverses substances suivant les indications.


CHOLÉRA. — Dans la diarrhée prémonitoire ou qui précède le choléra, le laudanum en potion et en lavement, simultanément employés, m'a presque toujours réussi chez les malades qui ont eu la précaution de se tenir au lit et d'exciter la transpiration au moyen de l'infusion chaude de menthe, ou de thé légèrement alcoolisée, prise par tasses fréquemment répétées.

Dans le choléra, l'opium doit être administré dès le début et à haute dose, parce que dans cette affection le trouble nerveux prédomine. Dans un cas de choléra avec convulsions horribles, vomissement affreux, sueur froide, pouls à peine sensible, Sydenham donna d'abord 25 gouttes de son laudanum dans une cuillerée d'eau de cannelle spiritueuse ; il se tint ensuite l'espace d'une demi-heure auprès du malade, et voyant que cette première dose ne suffisait pas pour arrêter le vomissement et apaiser les convulsions, il fut obligé de réitérer plusieurs fois le remède et d'en augmenter toujours la dose, ayant soin de laisser assez d'intervalle entre chaque prise, pour voir ce qu'il pouvait espérer de la précédente avant que d'en donner une nouvelle. Par ce moyen, les symptômes se calmèrent. Cependant, afin de prévenir la rechute, Sydenham fit encore prendre de temps en temps du laudanum, à doses décroissantes, et recommanda le repos le plus absolu durant quelques jours.

En employant ainsi l'opium, j'ai réussi, dans le choléra épidémique de 1832, à arrêter la marche si rapide de cette affection chez quelques malades. Comme Sydenham, je l'administrais toujours avec une très-petite quantité de véhicule. Dans le choléra algide, j'employais de préférence la teinture ammoniacale d'opium (élixir parégorique du Codex), afin, tout en calmant les symptômes nerveux, d'exciter plus promptement le système circulatoire et de provoquer ainsi une réaction plus prompte. Je tenais en même temps le ventre libre au moyen de lavements composés de miel de mercuriale et de sel de Glauber, parce que j'avais remarqué que la suppression subite des selles augmentait l'intensité de la maladie.

(Dans l'épidémie de 1866, il a été d'observation constante, que si les opiacés calmaient les phénomènes au début, en atténuaient l'intensité, leur


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emploi prédisposait singulièrement aux congestions réactionnelles cérébro-méningées. C'est ce dont j'ai pu me convaincre auprès du nombre considérable de cholériques que j'ai soignés à Boulogne et dans les environs. Au bout de quinze jours, j'ai dû en restreindre énormément l'usage et surtout en diminuer les doses. L'opium qui, dans la même localité, avait réussi en 1849 et en 1854, dans une constitution médicale différente, est devenu, dans la dernière apparition du fléau, d'un emploi dangereux et d'une indication difficile. A la fin de l'épidémie, j'en étais arrivé à ne plus prescrire les opiacés que comme médication adjuvante. Le choléra ne se présentait pas avec le même caractère ; le génie épidémique n'était plus le même.)


GLUCOSURIE ou DIABÈTE SUCRÉ. — AEtius, Willis, Waren, Rollo, Hufeland, Moncy et d'autres auteurs, ont vanté les bons effets de l'opium dans cette maladie. Moncy[1] veut qu'on élève progressivement la dose de ce médicament jusqu'à en prescrire 1 gr. 20 centigr. par jour. Tommasini a été jusqu'à 3 gr. dans les vingt-quatre heures. Marsh, Carter et Prout assurent[2] avoir retiré dans le diabète des avantages de l'opium, qui, suivant eux, diminue l'abondance de l'urine et y appelle l'urée. La plupart des médecins qui ont employé ce médicament, dans le diabète, l'ont donné à des doses considérables et sont allés même jusqu'à produire le narcotisme. Dans un cas de diabète sucré, le professeur Forget, de Strasbourg, a donné journellement 2 gr. d'opium sans aucun inconvénient. Ce médicament est le seul qui ait diminué la quantité des urines. Toutefois, on ne doit arriver à de telles quantités que graduellement et avec beaucoup de prudence (sans oublier pourtant que, l'excessive excrétion dans cette maladie causant une élimination rapide des principes actifs de l'opium, il devient logique d'en élever la dose).

« Parmi tous les médicaments opposés au diabète, dit Canstatt[3], l'opium jouit jusqu'à présent de plus de confiance ; ce médicament enraye la faim et la soif, ainsi que la sécrétion urinaire. Si le sucre ne disparaît pas complètement des urines, au moins en voit-on diminuer le chiffre d'une manière notable, etc. » Reynold Kœler[4] dit que ce médicament constitue pour la maladie en question un des meilleurs palliatifs.

« Ce remède, dit Valleix[5], n'est pas sans nullité ; mais si l'on examine attentivement les cas de guérison rapportés par les auteurs, on voit qu'il s'agit d'une simple polyurie, ou qu'il n'y a eu qu'amélioration passagère, et l'efficacité de l'opium devient très-contestable sous ce rapport. » Ormerod[6] n'a pas obtenu par l'opium de résultat favorable ; l'urine était journellement analysée. Suivant Grisolle[7], l'opium n'est qu'un palliatif, car il n'existe encore, dit-il, aucun cas de guérison bien constaté, qui ait été opéré par lui.

(Les uns expliquent l'action de l'opium en le considérant comme astringent. Suivant Anstie[8], c'est par une paralysie du système nerveux et des nerfs vaso-moteurs qu'elle se produit. Pecholier[9] affecte à l'opium la propriété de ralentir, de retarder, d'arrêter le mouvement de désassimilation nutritive. Donné à haute dose, n'arrêtera-t-il pas dans ses effets secondaires ce mouvement de décomposition, cette perte considérable et presque continue, sans assimilation équivalente, qui constituent la glucosurie. On l'a pensé,

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  1. Med. chirurg. trans. of Lond., 1814.
  2. Journal général de médecine, t. LXXXV, p. 106.
  3. Pathologie spéciale.
  4. Traité de thérapeutique spéciale.
  5. Guide du médecin praticien, 1re édit., t. VII, p. 396. Paris, 1846.
  6. Edimb. Journ., 1847.
  7. Traité de pathologie, 1855.
  8. The Lancet, 1865, p. 602.
  9. Bulletin de thérapeutique, mai 1865.


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et quelques faits sont là pour donner raison à cette supposition. Malheureusement on a souvent le grand tort de proclamer une amélioration presque aussi haut qu'une guérison, et l'on peut bien même avoir affaire, pendant le traitement, à une de ces phases d'amélioration dont les médecins qui ont observé beaucoup de diabétiques ont eu souvent l'occasion de constater l'apparition spontanée. La raison qui, dans les cas que j'ai eu à traiter, m'a empêché de continuer ou de prescrire l'opium, est que ce médicament détruit l'appétit et enlève aux malades la faculté de résister, par l'ingestion d'une alimentation appropriée, à la perturbation de nutrition qui les épuise... Mais voici des preuves plus accablantes contre cette médication.)

Il résulte de recherches auxquelles s'est livré tout récemment Coze, agrégé à la Faculté de médecine de Strasbourg[1], que, sous l'influence de la morphine, la quantité du sucre du foie augmente de plus du double, et que la quantité de sucre dans le sang artériel augmente aussi du double ; ce qui est un argument, dit ce médecin distingué, contre l'emploi de l'opium dans le traitement du diabète, et explique les insuccès de ce traitement constatés par beaucoup de médecins.


SYPHILIS. — L'opium n'est pas, comme quelques auteurs l'ont cru, un remède spécifique contre la syphilis. Son efficacité dans cette maladie n'est que relative. Il s'est montré très-utile : 1° contre les symptômes douloureux de cette affection ; 2° quand le mercure ne produit plus d'effet contre des symptômes dont la persistance ne peut être attribuée qu'à une irritation sourde, ou à l'éréthisme du système nerveux ; 3° en l'associant au mercure pour rendre les effets de ce dernier plus rapides, plus énergiques, prévenir en même temps l'irritation gastro-intestinale et la salivation ; 4° pour favoriser l'impulsion vers la périphérie et provoquer ainsi des sueurs qui éliminent à la fois le principe morbifique et l'agent métallique hétérogène, dont le séjour trop longtemps prolongé dans l'économie peut occasionner des accidents plus ou moins graves ; 5° quand ces derniers accidents existent, qu'il y a des reliquats vénériens, vérole dégénérée et en même temps maladie mercurielle, dyscrasie toute spéciale avec anémie, atonie des organes. J'ai vu maintes fois l'opium produire, en pareil cas, des effets merveilleux et que favorisaient dans quelques circonstances les préparations de salsepareille, et, comme succédanées de cette dernière, les décoctions concentrées de racines de bardane, de tiges de douce-amère, de brou de noix, d'écorce de mézéréum, etc.

Rodet[2] a fait connaître les bons effets de l'opium à haute dose dans les ulcères syphilitiques irrités, douloureux, ayant une tendance au phagédénisme. Le mercure, dans ces cas, est toujours nuisible ; il exaspère ces ulcères. L'opium, au contraire, est toujours utile, en calmant la douleur, en apaisant l'irritation et en modifiant avantageusement la suppuration. Mais c'est surtout contre les ulcères syphilitiques, phagédéniques et serpigineux qui succèdent ordinairement à un bubon virulent, que l'opium agit en quelque sorte comme spécifique. Chez tous les malades auxquels Rodet a administré l'opium à haute dose, la constitution s'est rapidement améliorée.


PTYALISME MERCURIEL. — L'opium administré à l'intérieur s'est montré utile dans cette affection. Hunter prescrivait des gargarismes et des collutoires fortement opiacés. Dans ce cas, j'emploie les gargarismes de sulfate

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  1. Mémoire présenté à l'Académie des sciences. (Gazette médicale de Strasbourg, 20 septembre 1857.)
  2. Mémoire présenté à la Société de médecine de Lyon et Bulletin général de thérapeutique, t. XLIX, p. 529.


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d'alumine fortement chargés d'opium. (Le chlorate de potasse trouve aussi dans ce dernier un précieux adjuvant.)


GANGRÈNE EXTERNE. — L'opium convient dans la gangrène qui dépend essentiellement d'un défaut de vitalité, telle que celle qu'on observe chez les vieillards (gangrène sénile), quand, toutefois, la tendance à la congestion cérébrale, si fréquente à cet âge, n'en contre-indique pas l'emploi,

Taylor[1] donne l'opium dans la gangrène sénile, à dose modérée (2 centigr. 1/2 par jour, qu'on augmente les jours suivants) ; en même temps il fait garder le lit au malade, et enveloppe la partie affectée de flanelles épaisses, parce qu'il a remarqué que la chaleur aide plus puissamment à la guérison que l'opium même. Il cite un cas où le gros orteil, pâle, livide, froid, avec une rougeur qui s'étendait plus loin, fut ramené à la chaleur et à la concentration du mal, qui se borna à cet orteil, lequel tomba, et la plaie se cicatrisa.

Mais c'est surtout contre la gangrène de Pott, ordinairement caractérisée par des douleurs extrêmement vives, que l'opium s'est montré presque toujours efficace.

L'action simultanée de ce précieux médicament sur le système nerveux comme sédatif et sur le système sanguin comme excitant, est ici de la dernière évidence, puisque, en effet, peu de temps après son administration, les douleurs cessent en même temps que le pouls se relève, et que la réaction organique arrête la gangrène. Entre plusieurs exemples que je pourrais citer à cette occasion, je rapporterai le suivant :

Fourcroy, mégissier à Samer, d'un tempérament lymphatico-sanguin, ayant toujours joui d'une bonne santé, avait été atteint, à cinquante ans, de congélation au gros orteil du pied gauche, lequel était resté, depuis lors, dans un état d'engourdissement, de fourmillement douloureux qui augmentait par la fatigue, les variations atmosphériques et surtout par l'impression du froid. A l'âge de soixante-dix ans (vingt ans après), les douleurs de l'orteil deviennent continuelles, le sommeil et l'appétit se perdent, les forces diminuent ; un point brun noirâtre, de la grandeur d'une lentille, se montre à l'extrémité, s'étend et annonce bientôt une véritable gangrène, qui, en peu de jours, envahit la moitié de l'orteil. L'emploi du quinquina à l'intérieur et à l'extérieur n'a produit aucun effet. A mon arrivée (10 juin 1837), je trouve le malade dans l'état suivant : l'orteil est sphacélé, sec, et la gangrène gagne la partie supérieure du pied ; les parties environnantes sont tuméfiées et d'un rouge bleuâtre vers le point affecté. Des douleurs déchirantes partent de ce point et s'irradient sur toute l'étendue du pied ; le pouls est petit et fréquent (86 pulsations) ; le malade qui, depuis quinze jours, n'a pu goûter un seul instant de repos, est découragé et invoque la mort comme terme de ses horribles souffrances.

Me rappelant les succès obtenus par Pott en pareil cas, je fais aussitôt remplacer les applications toniques par des émollients, et je prescris l'extrait gommeux d'opium à la dose de 5 centigr. de trois heures en trois heures. Dès la nuit suivante, et, après l'administration de 25 centigr. de ce médicament, la douleur se calme, le pouls est moins fréquent (80 pulsations) et se développe. Le lendemain, la même dose d'opium est donnée de deux heures en deux heures. Après quarante-huit heures, les douleurs cessent presque entièrement, et le malade, tranquille, joyeux même, n'a eu cependant que deux heures de sommeil. Le pouls est relevé et a son rhythme presque normal (75 pulsations) ; la chaleur de la peau est halitueuse, une inflammation franche se manifeste autour de la partie malade et borne la gangrène. Au bout de quelques jours, le sommeil revient, une suppuration

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  1. (1) Abeille médicale, mai 1846.


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de bonne nature s'établit, les forces se réparent ; les doses d'opium sont graduellement éloignées, de manière qu'après le huitième jour le malade n'en prend plus qu'une matin et soir. La séparation spontanée de l'orteil s'opère peu à peu, et, après la chute totale de ce dernier, il reste inférieurement un lambeau qui, ramené et maintenu sur la surface articulaire du premier os métatarsien, au moyen de bandelettes agglutinatives, diminue considérablement l'étendue de la plaie et en facilite ainsi la cicatrisation.

Nous rapprocherons de ce fait celui observé par MacDowel et relaté dans Dublin hospital Gaz., 1854.

PLAIES ET ULCÈRES. — « L'opium, dit Hufeland, possède une aptitude spéciale à favoriser la suppuration et à faire naître un pus de bonne qualité. On peut tirer un parti avantageux de cette propriété dans une foule de circonstances. » Il convient, par conséquent, dans les ulcères sordides, ichoreux, putrides, gangreneux, dans la pourriture d'hôpital, etc. J'ai employé avec succès l'opium à l'intérieur et à l'extérieur contre les ulcères rouges, extrêmement sensibles, d'un caractère éréthique.

W. H. Roberts[1] considère l'opium donné à l'intérieur à petites doses stimulantes, comme très-efficace dans le traitement des ulcères rebelles. Il se contente de l'emploi de l'eau froide. Skey[2], et, après lui, Mayor, proposent de traiter les ulcères par l'emploi de l'opium. Ce médicament active tellement la circulation, qu'il suffisait pour faire éviter le froid aux pieds à un homme qui en souffrait habituellement. Quelquefois Skey donne 8 gouttes de teinture d'opium, prises en deux fois dans la journée. Le plus souvent, il commence par 2 centigr. 1/2 ou 3 centigr., élevant successivement la dose jusqu'à 10 centigr. d'opium, soir et matin. Ce médicament augmente les forces et améliore l'appétit. Le pansement se fait simplement avec de la charpie mollette. Ce traitement convient dans toutes les espèces d'ulcères, excepté dans ceux qui sont inflammatoires. Skey rapporte seize observations de guérison d'ulcères chroniques cicatrisés par cette méthode, et il assure que, depuis plusieurs années, il a obtenu ainsi de très-nombreux succès dans des cas où toutes les autres médications avaient échoué.


ASSOCIATION DE L'OPIUM A D'AUTRES SUBSTANCES. — On a pour but dans cette association, ou de favoriser, de rendre plus efficace l'action d'un autre médicament, ou de mettre l'organisme en état de le supporter. Ainsi on mêle l'opium aux antispasmodiques, tels que le castoréum, la valériane, le camphre, l'éther, etc.

(De ce que l'on a reconnu l'antidotisme de l'opium et de la belladone, il n'en faut pas conclure pour cela que les formules où entrent ces deux substances doivent être rejetées. Elles répondent à un besoin ; elles constituent une médication sûrement calmante dans laquelle l'action trop excitante de la belladone est mitigée, modifiée par l'action narcotique de l'opium. La réunion de ces deux agents opposés détruit ce qu'il y a d'exagéré dans l'un et dans l'autre. La Société de pharmacie aurait pu s'abstenir de déclarer les deux agents incompatibles ; mais elle aurait dû spécifier les cas où leur association pouvait être utile ou entraver la manifestation des effets attendus. Si l'on veut produire le sommeil, il ne faut pas associer la morphine à une solanée vireuse ; mais on peut très-bien obtenir un effet sédatif de l'union des deux agents ; ce qui est indubitable, c'est que leur action toxique est presque annihilée : un enfant âgé de neuf ans (cas cité par Benjamin Bell) avala, sans presque en éprouver aucun effet, deux suppositoires contenant chacun 10 centigr. d'opium et autant d'extrait de belladone.)

On unit l'opium au quinquina, au sulfate de quinine, agents médicamen-

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  1. Union médicale, 1855.
  2. Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. IX, p. 255.


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teux principaux, pour en faire tolérer l'action sur un estomac trop irritable, et éviter le vomissement ; au tartre stibié dans la médication contro-stimulante pour obtenir aussi la tolérance du médicament principal ; aux astringents, tels que le ratanhia, le cachou, l'écorce de chêne, les racines de tormentille et de bistorte, le tannin, etc., pour en rendre l'action supportable dans les cas de diarrhée, de dysenterie, d'hémorrhagie passive, etc.

On combine l'opium et le mercure dans le traitement de la syphilis. (Voyez plus haut SYPHILIS.) Pour les cas de scrofules ulcérées, l'association de l'opium à l'iode, recommandée par Le Masson[1], donne aux préparations iodurées une vertu qu'elles n'avaient pas, soit que l'opium agisse alors par ses propriétés toniques, soit qu'il diminue les sécrétions, soit que l'union de ces médicaments exalte leur action réciproque.

La thériaque, assemblage bizarre de quatre-vingts substances diverses dont on a exagéré les vertus, et que l'on a conservée dans la thérapeutique moderne, parce qu'elle y rend des services réels, doit une partie de ses propriétés à l'opium qu'elle contient. « La thériaque, disent Trousseau et Pidoux, est particulièrement conseillée dans les fièvres de mauvais caractère, dans les varioles confluentes, la rougeole, lorsque l'éruption s'affaisse et que de graves désordres surviennent, soit du côté de la tête, soit du côté de la poitrine, ou bien encore lorsque, au début de l'éruption, une violente diarrhée jette le malade dans l'affaiblissement et ne lui laisse plus assez de force pour suffire à l'élimination du principe morbifique. La thériaque est encore préférée à l'opium dans le traitement des gastralgies et des entéralgies, de celles surtout qui sont liées à l'état de chlorose ; unie aux médicaments ferrugineux, elle le fait mieux tolérer et complète une guérison que le fer n'eût pu obtenir. Dans cette circonstance, la thériaque est donnée ou associée au fer lui-même, à la dose de 1 à 2 gr. ; ou seul, en un bol de 1 gr., une ou deux fois par jour, et notamment le matin à jeun, et le soir au moment où le malade se couche. Lorsque l'usage interne de la thériaque répugne trop aux malades, ou qu'elle trouble leurs digestions, on applique le médicament sur le creux de l'estomac, ou sur le ventre, sous forme d'emplâtre.

Le diascordium, électuaire opiacé astringent, composé d'une vingtaine de substances, a été aussi conservé dans nos officines. Tous les praticiens le conseillent dans la diarrhée et dans la dysenterie, lorsque les symptômes inflammatoires sont dissipés. C'est surtout dans la diarrhée chronique qu'il est d'une grande utilité. On commence par une dose légère (1 à 2 gr.), et l'on augmente graduellement jusqu'à celle de 4 et même de 6 gr. Cet électuaire agit à la fois comme calmant et comme astringent.


EMPLOI DE L'OPIUM A L'EXTÉRIEUR. — MÉTHODES IATRALEPTIQBE ET ENDERMIQUE. Nous avons déjà parlé de divers modes d'emploi de l'opium à l'extérieur. Le plus ordinairement, dans ce cas, on a pour but unique de calmer la douleur locale, bien que par cette voie, l'on puisse obtenir des effets semblables à ceux que produit l'ingestion de l'opium dans les voies digestives. Cependant, sous ce dernier point de vue, l'opium, employé par la méthode iatraleptique, a des effets plus ou moins incertains, car on ne peut jamais s'assurer de la quantité exacte du médicament absorbé, les conditions d'absorption de la peau variant sans cesse dans les diverses circonstances de santé ou de maladie. Il résulte de cette variation, que des applications de préparations opiacées sur la peau ont souvent donné lieu à des empoisonnements mortels, surtout chez les enfants. J'ai vu l'application sur l'abdomen, d'une compresse imbibée d'eau tiède avec addition de 15 gouttes de laudanum liquide, chez un enfant de dix-huit mois atteint de coliques, produire un assoupissement inquiétant, qui, heureusement, s'est dissipé

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  1. Mémoire sur l'emploi de l'opium joint à l'iode. Paris, 1831.


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après l'application de deux sangsues derrière chaque oreille. Le pansement des brûlures avec le cérat laudanisé peut aussi produire le narcotisme. Le Journal de chimie (1836) rapporte un cas de narcotisme très-grave survenu chez un enfant âgé de deux mois et quelques jours, par l'application, pendant vingt-quatre heures, d'un mélange de cérat et de 13 gouttes de laudanum liquide sur une excoriation très-douloureuse située à la naissance du cou. Les symptômes de narcotisme ne disparurent complètement que le troisième jour.

L'emploi de l'opium à l'extérieur, par la méthode endermique, est beaucoup plus sûr que par la méthode iatraleptique. On met surtout cette méthode en usage dans les cas où il est nécessaire d'enlever promptement une douleur vive, ou lorsque l'estomac ne peut supporter aucune préparation opiacée. On se sert aujourd'hui de préférence, pour cela, des sels de morphine, dont l'absorption est prompte et l'effet instantané. (Voyez plus bas Morphine.)

Les bains opiacés, ainsi que nous l'avons dit à l'article NÉVROSE, ont été employés dans le tétanos. On fait dissoudre plusieurs onces d'opium dans l'eau du bain, et on y tient le malade pendant une ou deux heures, suivant l'effet observé. (Ce traitement d'un résultat plus que douteux aurait l'inconvénient d'être excessivement dispendieux, et à peine à la portée des bourses riches.)

Si l'opium, administré en lavement, a paru produire moins d'effet que par la bouche, c'est, comme nous l'avons déjà dit, parce que l'injection étant ordinairement rendue de suite, l'absorption n'a pas le temps de s'opérer. Quand elle est retenue, l'effet du narcotique, nous le répétons, est très-prononcé ; à dose élevée, il peut, par cette voie, comme par la bouche, causer l'empoisonnement.

On se sert de l'opium à l'extérieur en lotions, fomentations, injections, liniments, pommade, teinture, ou en topique étendu sur la toile, à la surface d'un cataplasme, etc. ; dans les affections rhumatismales et névralgiques, la pleurodynie, l'odontalgie, l'otite, les hémorrhoïdes douloureuses, le panaris à son début, les affections cancéreuses, les pustules muqueuses syphilitiques, les chancres douloureux, la chaude-pisse cordée, la blennorragie aiguë chez les femmes (associé aux injections émollientes).

Il faut que l'application de ce médicament se borne à la place occupée par la douleur, et qu'on la cesse aussitôt qu'elle est calmée, afin de prévenir une absorption qui pourrait devenir dangereuse surtout chez les femmes et les enfants.

L'opium en injection dans l'urètre et le cathétérisme opiacé a été mis en usage dans quelques affections douloureuses de la vessie et des autres organes abdominaux. On a aussi proposé ce moyen dans le choléra, lorsque les vomissements et les selles sont tellement abondantes qu'elles s'opposent à l'administration de l'opium à l'intérieur.

On sait combien sont atroces les douleurs qui accompagnent la période aiguë de l'orchite et de l'épididymite blennorrhagique. Voillemier[1] les dissipe en quelques heures en enveloppant le testicule d'une compresse imbibée de laudanum pur, et recouverte d'un morceau de taffetas gommé. L'organe est comme stupéfié, et le travail inflammatoire enrayé par ce topique. J'ai obtenu le meme effet, en pareil cas, des cataplasmes de feuilles de jusquiame.

L'opium est fréquemment employé dans les collyres contre l'ophthalmie (surtout lorsqu'elle est très-douloureuse ou photophobique), la kératite, les ulcères de la cornée, etc. Le laudanum est d'une efficacité reconnue contre les taies de la cornée.

Forget, professeur à la Faculté de médecine de Strasbourg[2], emploie

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  1. Gazette des hôpitaux, 1848.
  2. Bulletin général de thérapeutique, t. XLIX, p. 53.


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comme remède abortif du coryza, une solution d'opium (10 centigr. par 15 gr. d'eau) que le malade renifle de deux en deux heures. Lombard, de Genève[1] a utilisé l'opium en fumigation dans les névralgies de la face et dans le coryza, il fait diriger vers les fosses nasales la vapeur de l'opium. Le médicament pénètre ainsi dans les replis de la muqueuse et est absorbé d'une manière bien plus efficace que sous forme de poudre ou d'injection. Lombard fait pulvériser 10 centigr. d'opium brut avec parties égales de sucre pilé, et après avoir fait rougir au feu une petite plaque de tôle, une pelle à feu, par exemple, il projette cette poudre par petites pincées sur le fer rougi ; aussitôt il s'en dégage une vapeur épaisse que le malade aspire avec la bouche et surtout avec le nez. D'autres fois il trempe de petits morceaux d'agaric dans une forte solution d'opium, et, après les avoir fait sécher, il les fait brûler sous le nez des malades. Le soulagement est presque immédiat. C'est surtout dans le coryza aigu ou chronique accompagné de douleurs très-vives dans les fosses nasales, qu'il a employé ce moyen. Il le prescrit aussi dans certaines céphalalgies, accompagnées ou non de catarrhe nasal. Ces fumigations réussissent également dans les névralgies continues et dans les névralgies intermittentes, tenant à des causes fort diverses, S'il n'obtient pas une guérison complète, il soulage beaucoup ses malades, et n'a jamais à se repentir d'avoir employé cette médication. Non-seulement j'ai employé ces fumigations avec succès dans les cas cités par Lombard, mais aussi dans les névroses des organes respiratoires, dans la bronchite et dans tous les cas où une toux incessante fatigue le malade.

L'effet prolongé de l'opium à l'extérieur sur certaines excroissances, telles que les polypes du nez, du conduit auditif, du vagin, etc., a pour résultat la flétrissure, et enfin la guérison de ces productions morbides. C'est un moyen trop négligé et que l'on devrait toujours employer avant de se décider à pratiquer une opération plus ou moins douloureuse : Quæ medicamenta non sanant, ea ferrum sanat. (Hipp.)

L'application topique d'une solution aqueuse d'extrait d'opium sur les plaies récentes, faites par lacération, contusion ou érosion, avant que la période inflammatoire ait commencé à se manifester, a eu, dans les mains de Bégin, le succès le plus heureux[2]. Cette solution calme immédiatement la douleur, diminue considérablement l'inflammation suppurative et la tuméfaction environnante, et si on ne lève l'appareil que très-tard, on a lieu d'être étonné des progrès rapides déjà faits vers la guérison. Ne pourrait-on pas employer avec avantage ce topique après une opération chirurgicale pour prévenir la douleur, la violence de l'inflammation et la réaction fébrile qui en est la conséquence ?

Verdier[3] a retiré de grands avantages du pansement des plaies traumatiques avec le cérat opiacé. L'action de ce topique, comme celle de la solution d'opium, atténue dans la blessure et les tissus voisins la douleur, la congestion sanguine, l'inévitable inflammation et la fièvre de réaction qui s'ensuit. On applique autour des parties blessées, et même sur la moitié du membre, jusqu'au pli du coude, par exemple, si la plaie est à la main, des bandes chargées de cérat opiacé. Verdier préfère ce mode d'agir a celui des médecins de Montpellier, qui donnent dans ce cas l'émétique à haute dose, comme contro-stimulant, afin d'empêcher le développement de l'inflammation.


ALCALOÏDES DE L'OPIUM. — PHYSIOLOGIE ; Etude générale et comparative. — Nous avons vu, p. 748, que l'opium donnait à l'analyse chimique

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  1. Gazette médicale de Paris, 1854.
  2. Application de la doctrine physiologique à la chirurgie. Paris, 1823.
  3. Journal de la Société de médecine de Montpellier, avril 1846, p. 454.


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une grande quantité de corps particuliers. Nous avons donné les caractères chimiques des six alcaloïdes les plus connus. Mais tous n'ont pas été, jusqu'à présent, suffisamment étudiés au point de vue physiologique et thérapeutique. L'opium n'est pas seulement complexe dans sa composition ; on sait bien qu'il est complexe daus son action, et la prédominance de tel ou tel principe peut rendre compte des irrégularités dans les effets du corps composé. Cl. Bernard a recherché quelle était la part d'action de six des principes les plus actifs. Nous avons assez insisté sur l'action narcotique d'une part, et l'action excitante de l'autre, pour que le lecteur sache qu’à priori, on a admis dans l'opium des agents narcotisants et des agents convulsivants. Cl. Bernard[1], par d'habiles expériences, a étudié d'une façon générale et comparative les propriétés de la morphine, de la narcéine, de la codéine, de la narcotine, de la papavérine et de la thébaïne. Il existe dans ces alcaloïdes trois propriétés principales : une action soporifique, une action excitante, une action toxique. Cette dernière n'offre aucune relation avec les deux premières : par exemple, la toxicité est indépendante du degré de soporificité de l'alcaloïde. Les substances soporifiques sont, en les classant par intensité d'action, la narcéine, la morphine, la codéine ; l'action excitante ou convulsivante suit la proportion décroissante suivante : thébaïne, papavérine, narcotine, codéine, morphine, narcéine. En dernier lieu, d'après leur degré d'action toxique, les alcaloïdes peuvent être distribués ainsi : thébaïne, codéine, papavérine, narcéine, morphine, narcotine.

Ces appréciations résultent d'expériences répétées, faites au moyen de l'injection dans les veines ou dans le tissu cellulaire sous-cutané d'une solution titrée de l'alcaloïde.

De son côté, Ozanam[2] a reconnu qu'au point de vue thérapeutique, l'opium contient des substances calmantes (morphine, opianine, narcéine) ; des substances excitantes (thébaïne, narcotine); des substances mixtes alternativement excitantes ou calmantes (codéine). Si, par cette division, l'auteur que nous citons s'éloigne peu de l'opinion du professeur du collège de France, il n'en est plus de même lorsqu'arrivent les conclusions à tirer de cet ordre de faits. Pour Cl. Bernard, en effet, il devient préférable d'employer isolément chacun des principes étudiés, d'après la connaissance de son action et selon les effets que l'on veut produire ; on y gagne la certitude de la constance des résultats, et, au point de vue vraiment scientifique, on possède une source plus exacte d'expérimentations physiologico-pathologiques. Ozanam, au contraire, pense que, dans l'opium en nature, l'action de l'un des principes contre-balance ou atténue celle des autres. Chacun des éléments, pris isolément, pourrait avoir des effets trop déprimants ou trop excitants. L'alliance intime des alcaloïdes devient le correctif naturel de la prédominance de l'un d'entre eux.

Il ne nous appartient pas de juger le différend. Nous serions pourtant portés à adopter l'opinion de Cl. Bernard, qui tend à se répandre de plus en plus. Ce n'est pas à dire pour cela qu'il faille abandonner l'usage de l'extrait thébaïque ; mais, nous le répétons, toutes les fois qu'on voudra répondre à une indication précise, il nous paraît plus sûr de recourir à un principe à action définie.

Nous allons maintenant étudier, au point de vue physiologique et thérapeutique, chacun des alcaloïdes considérés isolément.


Morphine

MORPHINE. — ACTION PHYSIOLOGIQUE. — A. Sur les animaux. — Cl. Bernard a expérimenté l'action de cet alcaloïde en en injectant 1 centigr. ou la

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  1. Comptes-rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, 1864, p. 406 et suivantes.
  2. Ibid., p. 464.


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même dose d'un sel de morphine, comme plus soluble, dissous dans un centimètre cube d'eau dans le tissu cellulaire sous-cutané, de préférence à l'administration par le tube digestif, où les substances subissent nécessairement des réactions et des lenteurs d'action qui en modifient les effets. Il a obtenu des résultats identiques sur les chats, les chiens, les rats, les cochons d'Inde, les grenouilles, les moineaux, etc., etc.

La morphine est un narcotique puissant. Le sommeil qu'elle procure est lourd ; mais il peut être momentanément interrompu par une cause extérieure, un bruit fort, par exemple ; les extrémités ne tardent pas à devenir presque insensibles aux excitations. Le réveil est caractéristique : les chiens soumis à l'expérience sont effarés, leurs yeux sont hagards, le train postérieur surbaissé et à demi-paralysé ; l'animal ne reconnaît plus son maître, il fuit à son appel. Ces troubles intellectuels durent environ douze heures.

Suivant Ozanam, la morphine porte spécialement son action sur les hémisphères cérébraux qu'elle congestionne. En dernier lieu, l'excitation gagne la moelle. Lorsque la dose a été toxique, la mort est accompagnée de convulsions tétaniques plus ou moins violentes.

B. Sur l'homme. — La première manifestation de l'introduction d'une dose légère de morphine dans l'économie par voie d'injection sous-cutanée est un sentiment de chaleur, bien décrit pour la première fois par Piedvache[1], déjà signalé pourtant par Lafargue comme consécutif aux inoculations, partant de la partie piquée pour gagner la tête et tout le corps. Puis la sensibilité dans le pourtour du lieu ponctionné ne tarde pas à diminuer, ce dont on peut se convaincre au moyen d'un compas ; la face rougit souvent un peu, d'autres fois elle pâlit légèrement ; toute la surface cutanée se couvre quelquefois d'une sueur légère ou abondante. Cette production de chaleur, dit l'auteur que nous venons de citer, témoigne encore de la rapidité de l'absorption qui force l'organisme à réagir contre la modification qui lui est imprimée tout d'un coup.

Il se produit ensuite une période d'excitation peu marquée, amenant à sa suite une certaine activité intellectuelle, une perfection plus grande des sens, avec impossibilité de trouver le sommeil, mais avec un sentiment de bien-être parfait et de force physique plus grande. En même temps, la bouche se sèche, les mâchoires et les tempes sont le siège d'un sentiment de resserrement. Il se produit quelquefois, surtout chez les femmes, quelques vomissements passagers ; les membres, le tronc sont parfois le siège de démangeaisons assez vives, puis le calme vient, précédé ou non d'un peu de céphalalgie ou de vertige ; la pupille se contracte légèrement et le sommeil arrive ; quelquefois il est accompagné de quelques rêvasseries sans caractère particulier ; le réveil, aux doses usuelles, n'offre rien de spécial. I1 arrive cependant qu'il se produit quelques convulsions peu tenaces. La durée de l'effet est de trois à vingt heures ; à dose plus élevée, ou lorsque l'injection, rencontrant une veine sous-cutanée, passe d'emblée dans le torrent circulatoire, les phénomènes s'accusent davantage. Nussbaum a suivi sur lui-même la marche des accidents. Après l'injection de 10 centigr. d'acétate de morphine, il a observé les symptômes suivants résultant de la pénétration de la solution narcotique dans une veine :

« Pendant plusieurs minutes, je me crus mort, dit-il ; une douleur lancinante, une sensation de brûlure des plus fortes me parcoururent pendant deux secondes, comme un éclair, toute la surface du corps de la tête aux pieds ; puis un goût manifeste de vinaigre me remplit la bouche ; la figure se colora d'un rouge foncé pareil à peu près à celui des lèvres ; des bruissements d'oreille, des éblouissements, de fortes douleurs du cuir chevelu se déclarèrent au bout de quatre secondes environ après l'injection, en même

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  1. Etude sur les injections narcotiques sous-cutanées, thèse inaugurale de Paris, 1865.


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temps que la sensation insupportable de brûlure et le goût acide diminuaient. Le symptôme qui me fut le plus désagréable fut la force et la rapidité des battements du cœur. Chez vingt-cinq mille malades environ que j'ai soignés je n'ai jamais rencontré un pouls pareil au mien en ce moment. Il devait battre au moins 160 à 180 fois à la minute. Les carotides n'avaient pas le temps de se désemplir et étaient dures comme du fer ; extrêmement gonflés, on les voyait trembler des deux côtés du cœur. Je sentais parfaitement le cœur et les artères du corps battre comme si j'avais la main posée sur eux ; les artères de l'oreille et de l'œil se faisaient surtout reconnaître, et le globe de l'oeil me paraissait menacé d'être projecté hors de l'orbite à chaque ondée sanguine. Un anévrysme n'aurait certes pas résisté à la force de la circulation. Cet état anxieux dura, à un degré élevé, pendant environ huit minutes, accompagné de gêne de la respiration ; la lividité de la face lui succéda et se maintint une heure, tandis qu'une forte céphalalgie concomittente disparut au bout d'un quart d'heure. Pendant toute la durée de cet accès, je n'avais pas perdu un seul instant ma présence d'esprit, seulement rester debout et parler m'étaient excessivement difficile ; le froid, sous forme de lavage, d'aspersion et de compresses, m'a soulagé beaucoup. Deux heures après, tous ces symptômes alarmants avaient disparu sans laisser de trace. »

Administrée à l'intérieur, la morphine et ses sels donnent des effets analogues à ceux que nous venons de décrire ; mais avec des variations tenant à la voie différente d'absorption ; les susceptibilités individuelles sont peut-être ici plus marquées. Je m'explique. On peut dire que presque tous les individus sont égaux devant l'injection sous-cutanée. Dans l'estomac, l'activité ou la paresse organiques modifient singulièrement la marche des phénomènes, et ces conditions peuvent rendre compte, soit des lenteurs, soit de l'absence presque complète de leur apparition. Il est probable que les exemples d'individus réfractaires à l'opium cités par les auteurs seraient actuellement ramenés à la loi commune, grâce au niveau de l'injection sous-cutanée.

En résumé, à dose thérapeutique, la morphine produit d'abord des phénomènes d'excitation, et secondairement le narcotisme. Le réveil est souvent suivi de nausées, de céphalalgie et de paresse intellectuelle.

(THÉRAPEUTIQUE. Il ressort des faits que nous venons d'exposer, que la morphine ne représente pas à elle seule le principe actif de l'opium, comme beaucoup d'auteurs l'avaient cru jusqu'à présent. Elle n'en reproduit pas le mode d'action d'une façon complète. Elle peut cependant remplacer l'opium dans presque tous les cas où ce dernier est indiqué, et nous en avons plusieurs fois parlé à l'occasion des diverses indications où les deux substances trouvaient leur application. Dans l'étude thérapeutique que nous avons faite de l'opium, nous avons implicitement fait celle de la morphine.

Il nous restera peu de choses à dire sur son usage à l'intérieur.) Les sels, l'acétate, le sulfate, le chlorhydrate sont plus fréquemment employés que l'alcaloïde lui-même, à cause de leur plus grande solubilité, qui permet tous les modes possibles d'administration, tandis que la morphine, étant insoluble, ne peut être introduite par la méthode endermique ; on ne peut guère la prescrire qu'en pilules ou en poudre, associée à une substance appropriée. La dose de la morphine ou de ses sels ne doit être au début que de 1 ou 2 centigr., que l'on peut répéter une ou plusieurs fois dans les vingt-quatre heures, mais qu'il ne faut augmenter qu'à quelques jours d'intervalle, l'habitude n'en émoussant que peu l'action. En général, on ne dépasse pas 5 ou 10 centigr. par jour. J'ai pu néanmoins, dans un cas de cancer utérin, arriver progressivement à la dose de 30 centigr. d'acétate de


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morphine dans les vingt-quatre heures. Néanmoins, losqu'un sel de morphine cesse de produire l'effet ordinaire, il vaut mieux avoir recours à une autre espèce de sel de la même base, qui agit alors, sans qu'il soit nécessaire d'élever la dose, que d'augmenter beaucoup la quantité de celui qu'on a primitivement employé.

Le sulfate, l'acétate, le chlorhydrate de morphine s'emploient en pilules, en potion, en sirop (contenant 12 milligr. par chaque 30 gr. de sirop). (Le sulfate mérite la préférence à cause de sa solubilité plus grande ; il est pourtant d'un usage moins répandu que le chlorhydrate ; l'acétate doit être peu recherché à cause de son peu de stabilité. Nous renverrons à l'article OPIUM pour tout ce qui concerne l'emploi intérieur de la morphine et de ses sels.)

On fait usage à l'intérieur d'une pommade avec un des sels de morphine (de 10 à 30 centigr. pour 8 gr. d'axonge ou de glycérolé d'amidon), en frictions contre les douleurs, les névralgies, le lombago, la goutte, le rhumatisme, les douleurs qui succèdent au zona, le ténesme, etc., etc.

Le chlorhydrate double de morphine et de codéine (sel de Grégory), plus en usage en Angleterre qu'en France, et qu'on administre comme les précédents, jouit, dit-on, de propriétés plus sédatives que les sels de morphine simples. (Nous avons déjà eu l'occasion de citer son emploi fréquent en Angleterre pour diminuer l'intensité des cris hydrencéphaliques de la méningite tuberculeuse.

Nous signalerons pour mémoire le biméconate de morphine, employé par Scanzoni en injections sous-cutanées dans un cas d'éclampsie puerpérale ; le citrate de morphine préconisé par plusieurs médecins anglais, et le camphorate de morphine, un des plus puissants antispasmodiques, malheureusement encore peu étudié. J'ai expérimenté l'action de ce sel, et j'ai eu à me louer de son emploi en injections sous-cutanées dans le traitement d'une affection nerveuse du larynx et du pharynx, véritable chorée partielle, se présentant avec des phénomènes des plus bizarres, d'aboiements, de cris, d'inspirations à timbre musical, etc., chez la jeune M., âgée de onze ans, non réglée. Il n'y avait pas eu de sommeil depuis huit jours ; les accès d'aboiement se renouvelaient toutes les dix ou douze minutes. Dès la première injection qui fut faite, au niveau de la mâchoire inférieure, avec 1 centigr. de camphorate de morphine, il y eut une modification marquée. D'abord, cinq à six minutes après l'injection, sensation pénible d'étouffement, commencement d'accès suivi d'oppression simple ; au bout de dix minutes, lourdeurs de tête, un peu de délire, mouvements convulsifs des extrémités, un ou deux sifflements trachéaux, tendance au sommeil, puis assoupissement accompagné de rêves pénibles, qui dura trois heures et amena une légère diminution de la fatigue ; les accès ne reprirent qu'une demi-heure après le réveil et se reproduisirent tous les trois quarts d'heure environ ; la nuit il y eut un peu de sommeil. Les injections répétées chaque jour amenèrent graduellement un sommeil de plus en plus calme ; les accès s'éloignèrent, et au moment où j'écris ces lignes ils se réduisent à deux ou trois par jour : au début on pouvait à peine apprécier leur nombre.)

Emploi des sels de morphine par la méthode endermique. — Cette méthode consiste à appliquer le sel de morphine sur le derme dénudé au moyen d un vésicatoire, de la pommade de Gondret ou de tout autre vésicant. Le contact du sel cause d'abord sur la partie dénudée une douleur assez vive ; mais, après cette première impression, l'absorption s'opère de suite et l'effet narcotique ne tarde pas à se faire sentir.

Cet effet s'aflaiblit à mesure que l'on répète les applications sur la même partie, à cause des modifications vitales apportées par l'inflammation et la suppuration qui s'établissent à la surface du derme. Quand on n'a besoin que


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d'un effet lent et modéré, on peut continuer longtemps l'application des sels de morphine sur la surface bien nettoyée et vive d'un vésicatoire ; mais lorsque l'intensité de la douleur réclame une action énergique du médicament, on est obligé de soulever chaque fois l'épiderme au moyen d'un vésicatoire nouveau ou de la pommade ammoniacale. Il faut, du reste, placer le vésicatoire le plus près possible du siège de la douleur, puis répandre directement et sans mélange le sel pulvérisé sur la plaie ; car si on le mêle à un corps gras ou qu'on en soupoudre un emplâtre ou un cataplasme, l'effet devient incertain.

La morphine, vu son insolubilité, ne peut être convenablement employée par la méthode endermique.

Emploi de la morphine par l'inoculation. — Lafargue, de Saint-Emilion, expérimente, depuis plus de dix ans, une nouvelle méthode d'introduction des médicaments dans l'économie : celle qui consiste à les insinuer dans l'épaisseur de la peau à l'aide d'une lancette. Ses recherches ont tour à tour porté sur nos agents les plus actifs. « Si, après avoir délayé un peu de morphine avec de l'eau pour en faire une pâte, on charge de ce mélange l'extrémité d'une lancette à vacciner, et qu'on l'introduise presque horizontalement sous l'épiderme, à 3 millimètres de profondeur, on observe aussitôt un peu de gonflement et une teinte rosée autour de la piqûre. Un léger prurit et de la chaleur se développent en même temps. Si on pratique plusieurs piqûres à peu de distance les unes des autres, la peau rougit partout et la chaleur est plus vive. L'absorption de la morphine s'annonce bientôt par de la céphalalgie, des bâillements, de la sécheresse de la bouche.

Cette nouvelle méthode remplace avec avantage celle des frictions, si souvent inefficaces, et surtout celle des vésicatoires volants, à l'aide desquels on favorise l'absorption cutanée, mais au risque de produire des ulcérations et des cicatrices. Cette dernière considération est très-importante pour les névralgies de la face, particulièrement chez les femmes. Avec l'inoculation, pas de cicatrice, pas de douleur, possibilité d'application sur tous les points de l'économie.

« Afin de rendre l'absorption de la morphine plus complète, M. Lafargue humecte à plusieurs reprises les surfaces inoculées avec une solution narcotique.

« Dans le traitement de la sciatique aiguë, M. Lafargue combine très-heureusement l'action des ventouses scarifiées et celle des narcotiques. Dès qu'il ne sort plus de sang par les incisions, on introduit au fond des plaies de la pâte de morphine. La guérison s'obtient ainsi avec une promptitude remarquable.

« L'inoculation procure un soulagement immédiat dans les cas de démangeaisons rebelles des parties génitales, de douleurs vives succédant au zona. Pratiquée sur les gencives ou sur les joues pour conjurer l'odontalgie, elle calme comme par enchantement les douleurs les plus aiguës. De nombreuses piqûres pratiquées sur une surface cutanée endolorie, qu'on va couvrir d'un cataplasme laudanisé, favorisent singulièrement l'action de la liqueur narcotique.

« Il est des personnes, enfin, qui ne peuvent supporter les préparations d'opium introduites sous l'épiderme ou déposées dans l'estomac. On pourra essayer chez elles l'inoculation de la morphine, à dose infiniment petite d'abord. M. Lafargue est parvenu, par ce moyen, à obtenir la tolérance[1]. »

(Injections sous-cutanées, méthode hypodermique. — C'est à Cassargues qu'il faut attribuer l'honneur d'avoir inventé ce mode d'introduction des médica-

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  1. Journal des connaissances médico-chirurgicales, 1848, t. XXXI, p. 30 et 31.


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ments actifs dans l'économie[1] ; mais, en fait, Al. Wood, d'Edimbourg[2], employa pratiquement le premier les sels de morphine par la méthode hypodermique. Il serait de peu d'utilité de citer tous les auteurs qui ont suivi son exemple ; nous mentionnerons Bertrand, de Schlangenbad[3] ; Courty, de Montpellier[4] ; Bell[5] ; Erlenmeyer[6], de Neuwied ; Bois[7] ; et enfin particulièrement pour les narcotiques, la thèse de mon ancien collègue et ami d'internat Piedvache[8], à laquelle nous avons fait plus d'un emprunt,

Il convient, en outre, de dire que c'est le professeur Behier qui, dans ces derniers temps, a le plus contribué à la vulgarisation de cette méthode. Nous n'insistons pas sur ce point, parce que c'est surtout avec l'atropine qu'opérait ce savant clinicien.

A propos des injections sous-cutanées des sels de morphine, nous croyons devoir entrer dans quelques détails sur le manuel opératoire des injections sous-cutanées en général, qui s'appliqueront à d'autres substances, aconitine, atropine, colchicine, digitaline, conicine, hyosciamine, vératrine, daturine, nicotine, ergotine, acide acétique, acide cyanhydrique, etc. (voyez ces mots), ainsi qu'aux autres alcaloïdes de l'opium.

L'instrument mis en usage est la petite seringue de Pravaz, améliorée par Charrière. Elle consiste en un corps de pompe en verre, uniformément calibré, dans lequel se meut un piston à vis ; un tour de vis pousse au dehors une goutte de liquide ; un demi-tour laisse échapper une demi-goutte, etc.; de sorte qu'avec une solution parfaitement titrée, à tant par goutte, on connaît exactement la dose de substance active injectée; un petit trocart a pour but de ponctionner la peau ; le trocart retiré, la canule, restée en place, reçoit une seconde canule très-fine, fixée à la seringue qui porte ainsi la solution médicamenteuse au contact même du tissu cellulaire. Par suite de la manoeuvre de la vis, le liquide ne s'épanche dans le tissu que successivement et pour ainsi dire goutte à goutte. Luer, pour simplifier le procédé, remplace le trocart par une aiguilie effilée et creuse que l'on introduit sous la peau ; on y ajuste la seringue par juxta-position ; la tige du piston porte des degrés qui répondent chacun à la capacité d'une goutte de liquide ; une virole mobile sur cette tige permet de s'arrêter au chiffre des gouttes que l'on veut injecter. Ce liquide est ainsi projecté d'un seul mouvement, et non goutte à goutte, comme par l'appareil précédent.

Le manuel opératoire est des plus simples : on forme un léger pli à la peau de l'endroit choisi ; on y enfonce la pointe du trocart ou de l'aiguille creuse, suivant l'instrument qu'on emploie, en ayant soin de bien pénétrer dans le tissu cellulaire sous-cutané. Quand le pli est effacé, on applique exactement la peau autour de la canule, de manière à prévenir le retour du liquide, on introduit la seringue remplie dans la canule ou l'aiguille, et l'on fait agir le piston suivant la quantité que l'on veut injecter. Il est certain qu'il faut éviter les gros et petits vaisseaux, même, si faire se peut, les veines sous-cutanées et les ramifications nerveuses. Si on peut choisir le point où l'injection doit être pratiquée, il vaut mieux la faire à une place où un os est situé peu profondément sous la peau. Cette précaution a pour but d'éviter l'hémorrhagie légère qui se produit quelquefois, et de faciliter par la pression des doigts sur un plan résistant la diffusion de la solution médicamenteuse dans le tissu cellulaire.

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  1. Mémoire présenté à l'Académie de médecine en 1836.
  2. Edimb. med. Journal, april 1855.
  3. Feuille de correspondance pour la psychentrie, 1857, p. 12.
  4. Edimb. med. Journal, july 1058.
  5. Montpellier médical, 1859, p. 289.
  6. Die subcutanen Injectionen der Armeimittel. Neuwied et Leipsick, 1864, in-8° de 23 pages.
  7. Des injections narcotiques, Paris, 1864.
  8. Etude sur les injections narcotiques sous-cutanées, thèse inaugurale. Paris, 1865.


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Le professeur Nusbaum, pour obvier à l'accident dont il a failli être victime (voyez p. 786), recommande de pousser l'injection très-lentement et de s'arrêter aussitôt que les phénomènes se prononcent.

Quant à la fixation de la dose, « l'absorption sous-cutanée étant plus sûre et plus rapide, il y a plus de substance active réellement introduite, réellement agissante ; il faut donc une moindre dose que si l'on donnait le médicament en potions, car, dans ce cas, une partie des médicaments échappe à l'absorption et est rendue par les excrétions[1]. »

Certains auteurs recommandent un tiers de la dose prise à l'intérieur, d'autres la moitié. Erlenmeyer préconise la solution de 5 centigr. de sel de morphine dans 4 gr. d'eau distillée, afin de pouvoir à volonté élever la proportion suivant la susceptibilité des malades. Il commence par 5 gouttes de cette solution et augmente peu à peu (voir Préparations et doses, p. 751). Nous avons dit que Piedvache recommande la solution au 20e ; Bricheteau[2] a adopte une solution très-concentrée afin d'injecter le moins de liquide possible, 20 centigr. dans 4 gr. d'eau distillée ; chaque goutte contient 1/4 de centigr. de la substance active.

La morphine n'est employée pure qu'avec addition d'un peu d'acide acétique ; mais cette addition rend l'opération beaucoup plus douloureuse ; on a surtout recours au chlorhydrate, plus rarement au sulfate ; la dose varie de 1/4 de centigr. à 5 centigr. ; on peut même pousser jusqu'à 10 centigr., et, dans quelques cas graves ou exceptionnels, au-delà, suivant le degré de tolérance[3] ou à cause de la nécessité rare d'obtenir le narcotisme thérapeutique.

Pour ce qui concerne le choix du point où se pratiquera l'injection, il doit dépendre de l'idée que l'on se fait du mode d'action de l'alcaloïde ou de ses sels déposés dans le tissu cellulaire. Evidemment, il n'en faut pas douter, il y a un effet général ; mais, dans les névralgies, par exemple, la sédation de la douleur est-elle un fait direct, et doit-on, par conséquent, opérer le plus près possible du nerf affecté, ou bien le calme est-il un effet commun à la sédation de l'organisme entier ? Bois dit nettement que l'action locale lui paraît être la principale raison d'être des injections sous-cutanées. Ch. Hunter prétendait que l'action générale était tout et l'effet local nul[4]. S'appuyant sur l'expérience de Muller, qui faisait perdre à un nerf son irritabilité par le contact direct des préparations opiacées, Wood admet une action mixte. Du reste, on a trouvé que la douleur est déjà apaisée avant l'apparition des premiers troubles fonctionnels. Mais, si l'on en croit Piedvache[5], cela se produit aussi et de la même manière lorsque le sel de morphine est déposé aussi loin que possible du foyer douloureux. Cet auteur a, dans ces circonstances, obtenu constamment le même effet que si les sels avaient été introduits au niveau du point malade.

Tout en reconnaissant de quelle importance est ce fait démontré solidement par les minutieuses expériences de Piedvache et confirmé par les observations antérieures de Warren [6], il n'en faut pas moins, lorsque faire se peut, pratiquer l'opération aux endroits où la douleur se fait sentir le plus vivement, aux points douloureux, aux régions qui sont en rapport avec le nerf malade sortant d'un conduit osseux ou d'un fascia ; car d'autres observateurs ont insisté sur la puissance plus sédative des injections pratiquées dans ces conditions.

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  1. Jousset (de Bellesme), Des injections sous-cutanées, 1865, in-8°.
  2. Bulletin de thérapeutique, 1865, 1er semestre.
  3. Jousset (de Bellesme), Des injections sous-cutanées, 1865, in-8°.
  4. Cité par Piedvache, Etude sur les injections narcotiques sous-cutanées, thèse inaugurale. 1865, p. 9.
  5. Etude sur les injections narcotiques sous-cutanées, thèse inaugurale. 1865.
  6. Amer. med. Times, 1864.


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Cette action générale de la morphine lui doit faire donner la préférence contre les douleurs profondes et inaccessibles, réservant l'atropine dont l'action calmante est plus locale pour les douleurs superficielles. L'emploi de cette dernière est, du reste, plus souvent accompagné de phénomènes d'intoxication qui, quelque légers qu'ils soient, sont difficilement supportés par les malades. De plus, on ne peut pas toujours compter sur la fidélité de son action.

Les effels physiologiques consécutifs à l'introduction des sels de morphine dans le tissu cellulaire ont été étudiés dans un des paragraphes précédents.

Les injections sous-cutanées de morphine, si utiles pour l'étude physiologique, sont indiquées toutes les fois que se produit l'élément douleur. Elles ont surtout pour spécialité le traitement des névralgies de toute espèce de tout siège, et particulièrement des névralgies rhumatismales. Leur effet est curatif ou seulement palliatif. Dans ce dernier cas, il faut, pour des raisons variables, l'ancienneté de la maladie, ou la persistance de la cause productrice, par exemple, il faut répéter l'opération jusqu'à ce que l'organisme se trouve dans de meilleures conditions. Quelquefois aussi, quand l'affeclion est d'une extrême violence, ou liée aune dégénérescence du nerf ou à une compression, il y a plutôt diminution, engourdissement de la douleur que cessation complète. Les recueils périodiques contiennent un nombre déjà considérable d'observations où le procédé des injections narcotiques hypodermiques a produit des effets remarquables.

Quand l'effet palliatif, par ses répétitions, ne finit pas par amener la disparition graduelle des accès névralgiques, il faut quelquefois avoir recours à la section des nerfs ; il arrive alors, malgré cette opération, comme le fait remarquer Erlenmeyer, qu'il revient encore de temps en temps de légers paroxysmes isolés. Le retour aux injections de morphine après la section, est le plus sûr moyen de dissiper entièrement toute trace de douleur.

Toutes les affections douloureuses, nous le répétons, peuvent réclamer l'emploi des injections hypodermiques. Nous citerons le rhumatisme articulaire, le cancer, la pleurésie, la péritonite, les douleurs consécutives aux accouchements, voire même les douleurs succédant aux contusions graves[1]. Ici, encore plus que dans les névralgies, ce n'est qu'un traitement palliatif, qui, en donnant au malade du calme, modère l'intensité des phénomènes réactionnels et inflammatoires : Ubi dolor, ibi affluxus.

Dans les états spasmodiques locaux ou généraux, le même moyen compte de nombreux succès. La chorée, l'hystérie, le tétanos ont été toujours heureusement modifiés, quelquefois guéris. En un mot, toutes les névroses, sans omettre l'angine de poitrine, peuvent trouver dans cette méthode un soulagement marqué.

En chirurgie, on a préconisé les injections de morphine contre les douleurs succédant aux blessures, contusions, fractures[2]. La réduction des fractures ou des luxations est moins pénible, si on la fait précéder d'une injection sous-cutanée de l'agent narcotique. Les douleurs des panaris sont aussi très-bien calmées par ce moyen.

Nous avons vu, p. 768, le parti que l'on en pouvait tirer en combinant son action à celle du chloroforme, pour l'anesthésie chirurgicale.

Le professeur de Graefe[3] a fait en 1863 une série de leçons sur l'emploi des injections sous-cutanées d'acétate de morphine (20 centigr. pour 1 gr. 771 d'eau distillée) dans les affections oculaires. Le point le plus favorable pour pratiquer l'opération est la partie moyenne de la tempe.

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  1. Auer, in Baur's Intelligenz-Blatt, 1864, p. 7.
  2. Dublin medical press, août 1865.
  3. Bulletin de thérapeutique, 15 janvier 1864.


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L'action sur l'iris a été étudiée avec soin. Souvent, au bout d'une minute, quelquefois dans l'espace d'un quart d'heure, la contraction spéciale de cette membrane (opium-myosis) se manifeste ; cette contraction s'observe mieux en comparant les dimensions des pupilles à une lumière modérée. Le degré et la durée de la myose varient d'une façon extraordinaire ; le plus souvent elle persiste, bien marquée, pendant plusieurs heures et disparaît lentement. Parfois, chez les sujets très-irritables et lorsque la dose a été élevée, il se produit un spasme du muscle d'accommodation. Quand ce phénomène se présente, c'est à une période avancée, à la fin de la phase d'irritation.

Ces détails intéressants peuvent servir de complément à ce que nous avons dit pages 786-87 des effets physiologiques des injections de sels de morphine. Leurs indications thérapeutiques dans les affections oculaires sont les suivantes : 1° dans les cas d'accidents traumatiques ayant intéressé le globe oculaire, peu après le début, lorsqu'il y a une douleur intense ; 2° après les opérations pratiquées sur l'œil, quand elles sont aussitôt suivies de douleurs vives ; 3° dans les névroses du plexus et des nerfs ciliaires qui accompagnent l'eritis, la choroïdite glaucomateuse et plusieurs formes de kératite ; 4° dans diverses formes de spasmes réflexes, tels que le spasme des paupières dans cette dernière inflammation.

Outre les services que les injections sous-cutanées rendent à la médecine et à la chirurgie, et que nous venons de passer rapidement en revue, la méthode hypodermique a encore un grand avantage : elle permet d'obtenir l'administration des médicaments actifs chez les personnes qui s'y refusent, les aliénés, par exemple. Je m'en suis très-bien trouvé chez un individu furieux affecté d'alcoolisme aigu. Une seule injection de 5 centigr. de sulfate de morphine a amené huit heures d'un sommeil d'autant plus désiré qu'il ne s'était pas montré depuis quatre jours.

Nous devons signaler le parti que le professeur Friedreich, d'Heidelberg, a tiré des injections de morphine pour tuer le fœtus dans une grossesse extra-utérine, et prévenir ainsi les accidents redoutables qui seraient infailliblement survenus ultérieurement[1] ; mais cette conduite ne doit être suivie qu'avec une extrême prudence, car, outre la difficulté d'un diagnostic précis, la question du fœticide est assez grave par elle-même et par les dangers qui le compliquent souvent, pour que l'hésitation soit permise en pareil cas.


Codéine

CODÉINE. — ACTION PHYSIOLOGIQUE. — A. Sur les animaux. — 5 centigr. de chlorhydrate de codéine injectés sous la peau suffisent pour endormir un jeune chien de moyenne taille : dans tous les cas, et augmentât-on la dose à cause de la force et l'âge du sujet, on ne parvient jamais à obtenir un sommeil aussi profond qu'avec la morphine. Le pincement des extrémités réveille l'animal, qui a plutôt l'air d'être calmé que véritablement endormi (Cl. Bernard). La sensibilité est moins émoussée qu'après l'usage de la morphine, et les nerfs sont rendus moins paresseux. Le réveil diffère totalement. Les animaux codéinés se réveillent sans effarement, sans paralysie postérieure et avec leur humeur naturelle ; ils ne présentent pas ces troubles cérébraux qui succèdent à l'emploi de la morphine. La codéine est à la fois narcotique et convulsivante ; si la dose devient toxique, la mort survient à la suite de convulsions tétaniques. Ozanam localise son action dans le cervelet et le bulbe rachidien.

B. Chez l'homme. — Les expérimentateurs ont présenté, quant à l'action de la codéine, des divergences d'opinion qui ne peuvent s'expliquer que par un esprit de système ou l'emploi d'une préparation impure. Il ressort des

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  1. Archiv für pathologische Anatomie, t. XXIX.


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recherches récentes, que, « prise à haute dose (15 à20 centigr.), elle produit un sommeil lourd, paraissant causé par une sorte d'ivresse ; au réveil, la sensation persiste, le cerveau continue à être frappé d'engourdissement et à ne plus être complètement maître de lui-même ; une fois sur cinq il y a eu nausées et vomissements. Si, au contraire, on ne l'administre qu'à la dose de 20 ou 30 milligr., les phénomènes de stupeur disparaissent pour faire place à une sorte de bien-être et de calme d'autant plus sensible que la personne soumise à l'expérience est d'un tempérament plus nerveux et plus irritable. Le sommeil est doux et paisible ; au réveil, le cerveau, loin de remplir péniblement ses fonctions, semble rajeunir par un repos réparateur[1]. »

Berthé[2] exprime la même pensée en disant qu'à la suite du calme et du sommeil provoqués par cet alcaloïde, les malades se trouvent soulagés et joyeux.

THÉRAPEUTIQUE. — Magendie qui, un des premiers, a recommandé l'emploi régulier de la codéine, la regarde comme moins active que la morphine et la recommande à dose double dans les mêmes cas (2 à 10 ou 15 centigr. en poudre ou en pilules). On en prépare un sirop qui contient 10 centigr. de substance active sur 30 gr. de véhicule, et que l'on donne à la dose de 8 à 30 et même 45 gr., par petites cuillerées, étendu dans une potion ou dans une tisane appropriée.

On préconise surtout cet agent contre les bronchites, les gastralgies et toutes les affections où domine l'élément douleur ; mais il présente un réel inconvénient que les travaux de Claude Bernard ont mis en lumière. Comme son administration est assez rarement accompagnée de vomissements, et que le narcotisme est quelquefois difficilement obtenu, on ne se méfie pas assez, et il peut arriver qu'il se déclare des phénomènes d'empoisonnement au moment où on s'y attend le moins. En effet, nous avons vu que c'était le plus toxique des alcaloïdes de l'opium communément employés.

Le chlorhydrate et l'azotate de codéine sont plus actifs que la codéine elle-même. Magendie en a obtenu de bons effets, surtout du chlorhydrate, dans certains cas de névralgies faciales et sciatiques rebelles. On les administre à la dose de 1 à 5 centigr., progressivement, en pilules ou en potions.

La codéine a été très-peu employée comme hypnotique sous la forme d'injections sous-cutanées. Jousset de Bellesme, dans son travail sur la pharmacologie des injections sous-cutanées, dit qu'elle n'a pas encore été essayée chez l'homme. A notre connaissance, Piedvache est le premier qui l'ait expérimentée cliniquement[3]. Lorsque la morphine, à cause de susceptibilités particulières, ne peut être tolérée, on peut y avoir recours en doublant la dose. L'injection n'est pas suivie de sensation de chaleur, comme cela a lieu pour la morphine ; il ne se développe, avant quinze minutes environ, aucun trouble physiologique appréciable ; mais, à partir de ce moment, le sommeil se produit dans la grande majorité des cas, et il est continu et tranquille. Les observations ne sont pas encore assez nombreuses dans la science pour que nous puissions être certain de la constance de l'effet narcotique obtenu par cette voie. Malheureusement, la codéine est une substance moins calmante que la morphine et plus toxique que cette dernière, nous l'avons déjà dit. Il en résulte que si, d'une part, on est dans la nécessité d'élever la dose, de l'autre on éprouve la crainte de provoquer

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  1. E. Robiquet, Note sur l'action thérapeutique, etc., de la codéine, in Journal de pharmacie et de chimie, janvier 1857, p. 11.
  2. Comptes-rendus de l'Académie des sciences, 1864, p. 914.
  3. Etude sur les injections narcotiques sous-cutanées, Thèse de Paris, 1865.


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dés phénomènes d'empoisonnement. Ces considérations devront fatalement restreindre le nombre de cas où on remplacera la morphine par la codéine.


Narcéine

NARCÉINE. — ACTION PHYSIOLOGIQUE. — A. Sur les animaux. — « La narcéine est la substance la plus somnifère de l'opium ; à doses égales, avec la narcéine, les animaux sont beaucoup plus profondément endormis qu'avec la codéine, mais ils ne sont pourtant pas abrutis par un sommeil de plomb comme avec la morphine. Leurs nerfs de sensibilité, quoique émoussés, ne sont pas frappés d'une paresse très-appréciable, et les animaux manifestent assez vite les sensations douloureuses à la suite du pincement des extrémités. Mais ce qui caractérise plus particulièrement le sommeil narcéique, c'est le calme profond et l'absence de l'excitabilité au bruit que nous avons remarqué dans la morphine et trouvé au summum d'intensité dans la codéine. Au réveil, les animaux endormis par la narcéine reviennent très-vite à leur état naturel. Ils ne présentent qu'à un beaucoup moindre degré la faiblesse du train postérieur et l'effarement, et en cela le réveil de la narcéine se rapproche de celui de la codéine[1]. »

On le voit, le sommeil produit par la narcéine participe en même temps de la nature du sommeil de la morphine et de la codéine, et cependant il en diffère par certains côtés. Ce sommeil se prolonge pendant plusieurs heures. La narcéine occupe, suivant Claude Bernard, le quatrième rang dans l'ordre des effets toxiques. Suivant Ozanam[2], elle porterait spécialement son action sur la portion lombaire de la moelle. En dernière analyse, la narcéine n'est ni excitante, ni convulsivante ; portée à dose toxique, les animaux meurent dans le relâchement, ce qui n'arrive par aucun des autres alcaloïdes de l'opium.

B. Chez l'homme. — Debout[3] a étudié sur lui-même les effets de cet alcaloïde ; il commença par de petites doses et atteignit 7 centigr. ; l'effet hypnotique ne se montra que quand la dose du soir arriva à 3 centigr. ; le sommeil était en rapport avec l'élévation de la dose. « D'après ce que nous avons éprouvé, dit ce regretté praticien, le sommeil est toujours calme, jamais accompagné de rêves pénibles ; le moindre bruit l'interrompt, mais on se rendort aussitôt ; au réveil, il n'est pas suivi de cette pesanteur de tête qu'on observe après l'emploi de la morphine. »

Behier, Laborde[4], Liné[5] ont suivi Debout dans l'étude de l'action de l'alcaloïde qui nous occupe. Nous allons résumer l'ensemble des travaux des quatre observateurs :

A la dose de 5 à 7 centigr., la narcéine ne détermine pas de troubles sensibles du côté des voies digestives ; on n'observe que rarement la soif, le dégoût, l'inappétence. Les nausées et les vomissements si fréquents, après l'usage de la morphine, se rencontrent parfois, mais avec une fréquence et une intensité beaucoup moindres. Debout a éprouvé un peu de constipation. Liné cite, au contraire, un peu de diarrhée à la suite de l'administration de la narcéine, soit par l'estomac, soit par la voie du tissu cellulaire.

La transpiration est notablement augmentée, sans cependant atteindre une véritable diaphorèse. La sécrétion urinaire est modifiée dans sa quantité ; il y a anurie presque complète ; l'émission de la petite quantité sécrétée est difficile ; le besoin n'en est pas douloureux, mais il y a impossibilité de satisfaire l'envie éprouvée ; on est même obligé, dans certaines circonstances,

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  1. Cl. Bernard, Comptes-rendus de l'Académie des sciences, 1864.
  2. Comptes-rendus de l'Académie des sciences, 1864, p. 464.
  3. Bulletin général de thérapeutique, 30 août 1864.
  4. Etude sur les effets physiologiques de la narcéine et sur son action thérapeutique dans quelques maladies chez les enfants. (Bulletin de la Société médicale d'observation et Gazette des hôpitaux, 1865, n° 38.
  5. Etude sur la narcéine et son emploi thérapeutique. Paris, 1865.


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ou quand la dose a été trop forte, d'en appeler au cathétérisme. Il paraît, du reste, qu'une petite dose de morphine suffit pour faire cesser cette dysurie.

J. Laborde a reconnu l'identité des symptômes produits par l'administration de la narcéine chez les enfants avec ceux observés chez l'adulte. I1 est aussi un fait sur lequel cet auteur a appelé l'attention : c'est la résistance de certains sujets véritablement réfractaires à l'action de la narcéine. Tous ces phénomènes sont en général plus marqués chez la femme que chez l'homme (Liné).

THÉRAPEUTIQUE. — C'est primitivement contre les bronchites chroniques (Debout), les phthisies pulmonaires (Behier) que l'action calmante et hypnotique de la narcéine a été dirigée. Le médicament a été administré sous forme de sirop (voyez Préparations et doses) ; sous celle de pilules ou en injections sous-cutanées, au trentième, au dixième, au quinzième ; mais la solution au trentième est la plus fréquemment mise en usage. Dès les premières doses de 2 ou 3 centigr., la toux se calme et l'expectoration diminue chez les phthisiques. L'état général ne tarde pas à s'améliorer un peu ; dans plusieurs cas, la diarrhée qui existait depuis plusieurs mois a été suspendue.

Laborde a vu la narcéine, tout en amenant le sommeil, calmer le subdelirium. Chez les enfants il élève la dose progressivement jusqu'à 2, même 3 centigr. Si l'effet n'est pas alors produit, il faut recourir à un autre agent.

Ce succès dans la toux nocturne des phthisiques a fait songer d'en étendre l'emploi à la coqueluche. Les essais faits à l'hôpital des Enfants sont de nature à engager les thérapeutistes à multiplier les expérimentations, qui se recommandent du reste par leur innocuité.

Liné cite des observations remarquables, entre autres celle d'une colique de plomb très-grave, où l'usage de la narcéine produisit un effet sédatif, mais passager, puis plusieurs cas de névralgies anciennes dont les injections sous-cutanées de narcéine ont assez promptement triomphé.

Le même auteur dit, page 68 de son mémoire, en parlant de l'anurie que détermine l'ingestion de la narcéine : « Peut-être pourrait-on utiliser cette particularité d'action de la narcéine chez les enfants, qui, par une cause encore mal connue, urinent toutes les nuits au lit. »

Ayant, il y a quelques mois, à donner mes soins à un garçon de six ans, affecté de cette pénible incontinence, je mis à exécution l'idée de mon ami Liné. Depuis plus d'un mois, le fils de M. G... urinait au lit quatre ou cinq nuits par semaine. Après m'être assuré que le fait n'était pas le résultat de la paresse, comme je l'ai vu quelquefois, je fis administrer tous les soirs d'abord une cuillerée à café du sirop de Debout ; aucun effet produit ; au bout de quatre jours, une cuillerée à potage répondant à 1 centigr. de narcéine ; cette nuit il n'y eut pas d'incontinence. Le soir suivant, même prescription, il y eut une légère émission d'urine. Le traitement fut continué pendant dix jours ; toutes les nuits furent bonnes. Je fais cesser le traitement ; au bout de trois jours, il se montra de nouveau une légère incontinence. Je fis reprendre le traitement pendant huit jours. Dès ce moment, aucun accident de même nature ne se reproduisit ; le seul inconvénient avait été un peu de dysurie pendant le jour. J'ai mis le même mode de traitement en usage chez le jeune de R..., jumeau un peu délicat, affecté d'incontinence depuis quinze jours : en quinze jours la guérison fut complète.

En résumé, la narcéine jouit de deux propriétés non douteuses : « l'une, hypnotique, peut être plus prononcée que celle de la morphine, mais certainement moins souvent accompagnée de ces sensations pénibles, douloureuses et fatigantes, qui sont l'escorte presque constante du sommeil opiacé ; l'autre, sédative, pouvant comme l'opium exercer son action sur les diffé-


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rents systèmes de l'économie et remplacer ce nouvel agent, lorsque, par une cause quelconque, son effet calmant est épuisé (Liné). »

Malgré ces effets incontestables, malgré cette supériorité sur les autres alcaloïdes de l'opium, la narcéine n'est pas encore entrée dans la pratique usuelle ; cela tient peut-être à son prix élevé. Quand les pharmaciens et les chimistes seront parvenus à la livrer à meilleur compte, il n'est pas douteux qu'elle prendra dans la matière médicale la place qu'elle y mérite par son action calmante et soporifique si prononcée.


Narcotine

NARCOTINE. — Cet alcaloïde ne paraît pas doué de propriétés hypnotiques. Suivant Claude Bernard, nous avons vu qu'il possédait une action excitante prononcée. C'est la troisième substance dans l'ordre convulsivant et la dernière dans l'ordre de l'action toxique. Ozanam pense que l'excitation se localise principalement dans les hémisphères cérébraux. Du reste, il faut le dire, les effets de cette substance sont bien loin d'avoir été suffisamment étudiés.

Nous ne pensons pas qu'en France la thérapeutique ait mis la narcotine en usage. En Angleterre, Roots[1] prescrit le sulfate de narcotine jusqu'à la dose de 1 gr., comme succédané du sulfate de quinine dans le traitement des fièvres d'accès. Dans l'Inde, il est employé sur une grande échelle par O'Shaughnessy pour arrêter les paroxysmes de fièvres intermittentes et rémittentes.


Thébaïne

THÉBAÏNE. — La thébaïne est la substance la plus toxique que contienne l'opium : 1 décigr. de chlorhydrate de thébaïne dissous dans 2 centimètres cubes d'eau distillée et injecté dans les veines d'un chien du poids de 7 à 8 kilogr. le tue en cinq minutes ; la mort arrive à la suite de convulsions tétaniques violentes. Ces convulsions sont suivies de l'arrêt du cœur et d'une rigidité cadavérique rapide, comme cela arrive pour les poisons musculaires (Cl. Bernard). Suivant Ozanam, la thébaïne porte surtout son action sur la partie supérieure ou cervico-dorsale de la moelle.

Cette action excitante, complètement libre d'action soporifique, car la thébaïne n'est nullement hypnotique, n'a été, jusqu'à présent, jamais utilisée dans la thérapeutique.


Papavérine

PAPAVÉRINE. — Nullement calmante, venant en second rang comme excitante et en troisième comme toxique, la papavérine se rapproche beaucoup de la thébaïne dans son mode d'action. C'est l'alcaloïde de l'opium qui a donné lieu à moins de travaux et de recherches.)

(ANTAGONISME RÉCIPROQUE DE L'OPIUM ET DES SOLANÉES VIREUSES, ET SPÉCIALEMENT DE LA BELLADONE. — En traitant de la belladone, nous nous sommes étendu sur cette question ; mais il nous a paru nécessaire de revenir ici sur ce sujet d'un si grand intérêt scientifique et pratique. Pendant le cours de la publication de ce Traité, de nouveaux matériaux sont venus grossir la somme des preuves à l'appui de l'existence réelle de cette opposition d'action. Mais il faut bien le dire, des opinions diamétralement opposées se sont aussi fait jour ; de sorte qu'actuellement, malgré les efforts de plusieurs physiologistes et de bon nombre de thérapeutistes, la loi d'antagonisme, bien qu'admise par la majorité, n'est pas unanimement acceptée.

L'ensemble des faits cliniques dont nous donnons[2] en note l'énuméra-

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  1. Cité dans A Manual of materia medica and therapeutics, etc., by J. Forbes Royle, and Frederic Headland. London, 1865.
  2. Pena et Math. de Lobel, Stirpium adv. nova. Londres, 1570. — Prosper Alpin, De Plantis Ægypti, Venise, in-4°, 1592 — Horstius, Op. med., 1661. — Faber, Strychnomania, 1677, p. 87. - Boucher (de Lille), in Journal de médecine, 1766. — Lippi, De ven. bacc. bellad. prod. atque opii in eo usu. Tübingen, 1810. — Corrigan, 1838, cité par Benjamin Bell. — Giacomini, Traité philosophique et expérimental de matière médicale et de thérapeutique, traduction Mojon et Rognetta, 1839, p. 573. — 1843 ; Angelo Poma, cité par la Gazette médicale du 10 août 1863. — Rognetta, Traité philosophique et clinique d'ophthalmologie. Paris 1844, p. 231 — 1849 ; Cazin, Traité des plantes médicinales indigènes, lre édition, p. 365, fait recueilli en 1839 (voyez l'article BELLADONE). — 1853 ; Anderson, in Edimb. med. Journal. — 1854 ; Garrod, Leçon d'ouverture à l'University College, cité par B. Bell. — 1855 ; Lindsey, in Edinb. med. Journal, et cité par Cazin, 2e édition, page 170. — 1856 ; Mussey, in Boston med. and surg. Journal. — 1857 ; Wharton Jones, Med. Times and Gaz., january 1858. — B. Bell, Des rapports thérapeutiques de l'opium et de la belladone, mémoire reproduit et traduit par l’Union médicale, 17 février 1859. — 1859 ; Scaton (de Seed), Memorial Times, décembre - Behier, Mémoire sur l'antagonisme, etc., in Union médicale, 2 juillet. — 1860 ; la Société de pharmacie déclare les deux agents incompatibles. (Bulletin de thérapeutique, 1860, t. LIX, p. 423.) — Anderson, in Union médicale du 27 octobre. — 1861 ; cinq observations de Lee et Norris, in Archives générales de médecine, 1864, et Bulletin de thérapeutique, 1862. -1862 ; Lopex (de Mobile), in Union médicale. — Quatre observations de Norris, Blake, Dunkan, reproduites par les Archives générales de médecine, 1864. — 1863 ; Mac Namara, in Dublin Quarterly Journal, 1863. — Mémoire de Behier, in Union médicale, juillet. — 1864 ; Mémoire de Follin et Lassègne, dans les Archives générales de médecine, mai 1864. — Observations de de Schmid, in Klinische Monatsblætter fur Augenheilkunde. — Onsum, in J'ordhandlinger i dat Nonke medicinske selskab, 1864, p. 188, et Schmid's Jahrbücher, décembre 1865. — 1865 ; deux observations de Blondeau, in Archives générales de médecine. — Deux observations d'empoisonnement par les semences de jusquiame, guéris par les injections hypodermiques d'acétate de morphine, par Rezek, in Allgemeine Wiener medizinische Zeitung. — Lubelski, Gazette hebdomadaire. — Dodeuil, Bulletin de thérapeutique. — Davaine et Testelin (de Lille, in Bulletin médical du nord de la France, octobre, p. 349. — Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, art. ANTIDOTE (Gûbler), t. V, p. 317. — Camus, Thèse inaugurale de Paris et Gazette hebdomadaire, août.— G. Lemattre, Recherches expérimentales et cliniques sur les alcaloïdes de la famille des solanées. (In Archives générales de médecine, juillet et août.) - 1866 ; Relations d'expériences et d'observations d'Erlenmeyer. (In Archives générales de médecine, mars.) — Constantin Paul, De l'antagonisme en pathologie et en thérapeutique, thèse de concours pour l'agrégation. Asselin, éditeur. — 1867 ; Observation d'empoisonnement par le laudanum (30 gr. environ), antagonisme par la belladone (14 gr. de teinture de belladonne en dix heures), guérison ; par Constantin Paul, professeur agrégé de la Faculté de médecine. (In Bulletin de thérapeutique, t. LXXII, p. 320.)


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tion aussi complète qu'il nous a été possible, porte : 1° sur des empoisonnements par l'opium, avec antagonisme par la belladone ; 2° sur des empoisonnements par la belladone, le stramonium ou la jusquiame, avec antagonisme par l'opium ; 3° sur l'action de la belladone et de l'opium administrés en même temps. Telle est la division que Constantin Paul a choisie pour l'étude de cette question assez complexe.

Le cadre de notre travail ne nous permet d'envisager le sujet qu'au point de vue général.

Dans la grande majorité des cas, dans un empoisonnement par la belladone, par exemple, si on donne l'opium, ce dernier ne paraît pas d'abord produire son effet accoutumé, le poison continuant à manifester son action, sans que cependant les symptômes s'aggravent ; mais, au bout d'un temps plus ou moins long, surtout si on continue l'administration de la substance antagoniste, les effets de cette dernière se produisent ; la contraction pupillaire dans le cas qui nous occupe est l'indice de l'action du contre-poison, et la guérison marche dès lors en général assez rapidement. Il faut faire observer que l'antidote doit être administré à doses fractionnées et souvent répétées ; car il n'est pas rare de voir les symptômes de l'empoisonnement qui s'étaient effacés sous l'influence d'une première prise de la substance antagoniste reprendre leur cours après la cessation de l'emploi de ce dernier, et ce retour de l'action du poison se manifester sur la pupille d'une façon plus ou moins appréciable.

Du reste, c'est cette action sur la pupille, dilatation pour la belladone, contraction pour l'opium, qui est une des manifestations les plus saillantes de l'antagonisme. C'est sur l'apparition des symptômes spéciaux à l'antidote, et spécialement sur l'état de la pupille, qu'il faut se guider pour en continuer ou en suspendre l'emploi.

Lorsque la pupille a été dilatée sous l'influence de la belladone, l'emploi de la fève de Calabar (voyez BELLADONE) fait cesser cette dilatation et amène


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même le rétrécissement ; mais dès qu'on cesse l'emploi de la fève de Calabar, la belladone reprend le dessus, et la pupille se dilate de nouveau jusqu'à l'épuisement de l'influence de l'atropine. Il n'en est pas de même pour l'opium, la dilatation pupillaire cède, de même que tous les autres accidents, à un emploi continué quelque temps, mais pour ne plus revenir. (Testelin.)

Nous avons vu à l'article BELLADONE, que les vertus antagonistiques se produisent de même lorsque les deux agents n'ont qu'une action locale. (Wharton Jones.)

L'âge n'est pas une contre-indication à l'emploi des antidotes réciproques. La question qui soulève quelques difficultés est de connaître les proportions relatives suivant lesquelles l'agent thérapeutique doit être opposé à l'agent toxique ; cette valeur relative doit évidemment changer suivant les sujets, leur âge, ou les circonstances ressortissant de leur état de santé, leurs habitudes, etc. « La détermination des équivalents dynamiques des substances antagonistes et antidotiques et des lois de leurs variations réclame encore de longues recherches[1]. » Il est d'observation qu'il faut une dose plus élevée d'opium pour détruire les effets d'une dose donnée d'atropine ou de belladone ; de même qu'il faut relativement peu de ce dernier agent pour conjurer les symptômes produits par l'opium ou la morphine.

On était en droit d'attendre que les expérimentations sur les animaux jetteraient une vive lumière sur cette question; car, de fait, les expériences devaient avoir d'autant plus de valeur que, ainsi que le fait judicieusement remarquer Constantin Paul, l'empoisonnement se présente, en somme, dans les mêmes conditions biologiques que l'expérience elle-même.

Les expériences de Camus, celles d'Onsum, celles tentées antérieurement par B. Bell, faites sur le moineau, le lapin, le chat et la grenouille, sont négatives ; mais les uns ont pris un terme de comparaison peu stable ; les autres ont opéré avec des idées préconçues. En supposant qu'elles aient été faites avec toute la rigueur désirable, il ne faudrait pas se hâter de conclure des animaux à l'homme, pour ce qui concerne les phénomènes toxiques. Au point de vue physiologique, il est évident que des symptômes analogues doivent s'observer pour les poisons dans toute la série animale, ou tout au moins chez les vertébrés, avec une différence d'intensité due à la différence même des organismes. La similitude dans les effets de l'agent modificateur doit exister. Cl. Bernard l'a nettement établi.

Mais il n'en est peut-être pas de même lorsqu'il s'agit de la résistance à la mort, ainsi que l'a très-justement avancé Constantin Paul.

La distinction proposée par Cl. Bernard de l'action toxique des substances actives nous avait même inspiré l'idée de réserver le mot d’antagonisme pour la neutralisation réciproque de l'effet de deux corps agissant physiologiquement et l’antidotisme, lorsque deux agents annihilaient mutuellement leur action toxique.

Tout récemment, Erlenmeyer a repris l'étude de ce sujet si attrayant, et, dans des expérimentations nombreuses sur les animaux, il a obtenu des résultats incontestables.

Du reste, on ne saurait révoquer en doute un fait appuyé sur des observations nombreuses, authentiques, bien prises par des praticiens éclairés et consciencieux. Dans la plupart d'entre elles, il a été donné une dose énorme de la substance antagoniste, qui, sans l'ingestion antérieure du poison à neutraliser, aurait certainement produit des accidents d'intoxication ; il est évident que la scène changerait, si, comme on a pu l'avancer, les deux substances agissaient isolément sans se contre-balancer.

La neutralisation des poisons l'un par l'autre est la seule explication pos-

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  1. Gubler, Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, art. ANTIDOTE, t. V, p. 319.


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sible pour ces faits où l'on prend, par exemple, en vingt-quatre heures, 60 gr. de laudanum, 30 gr. de teinture de belladone et 80 centigr. d'extrait de la même plante ; si ces poisons devaient ajouter leur action l'une à l'autre, la mort devrait être foudroyante. (Constantin Paul.)

Dans une observation récente, l'auteur que nous venons de citer a pu faire cesser presque à volonté tous les phénomènes de l'empoisonnement de l'opium, et cela sans produire les effets toxiques de la belladone.

Ainsi que nous le faisions remarquer au commencement de ce paragraphe, des rechutes passagères ont été observées dans ce cas, et l'antidote a dû contre-balancer l'action du poison à six reprises différentes et avec une énergie graduellement plus efficace.

Toutes les observations ne trouvent d'explication plausible que dans l'admission de l'antagonisme. Cazin père, dans la deuxième édition de ce Traité, p. 170, avait déjà dit, à propos des faits de Lindsey : « Il est à remarquer dans ces faits que la belladone a été administrée à dose toxique proportionnée à celle de l'opium dont elle a combattu les effets. Si l'action de la belladone sur le cerveau n'avait été contre-balancée par celle de l'opium, l'empoisonnement aurait été indubitablement le résultat de l'emploi de la solanée vireuse à une dose aussi élevée (pour un des cas 30 gr. de teinture de belladone, puis 8 gr. une demi-heure après) ; cette médication est donc fondée sur l'antagonisme qui existe entre l'action de l'opium et celle de la belladone physiologiquement manifestée sur la pupille, que le premier resserre et que l'autre dilate. »

Voilà la question résumée et jugée en quelques lignes. Dans les cas où la dose du poison ingéré n'est pas mortelle, on pourrait objecter que la guérison se serait produite d'elle-même ; mais la rapidité insolite de disparition des phénomènes toxiques vient encore plaider en faveur de l'action neutralisante. Wannebroucq[1] a souvent injecté le sulfate d'atropine dans la pleurodynie ; il a vu quelquefois se développer quelques accidents d'intoxication ; mais ils ont toujours été dissipés par une simple potion opiacée.

Pour nous, l'antagonisme est indubitable ; l'antidotisme doit être établi en loi thérapeutique ; mais il faut se garder de l'enthousiasme, et peut-être y a-t-il eu une certaine exagération dans les espérances que l'on a fondées sur cette médication. Nous pensons avec Bouchardat[2] que, tout en la mettant en vigueur, il ne faudrait pas négliger les autres moyens, tels que les frictions, la faradisation, etc. Ce dernier auteur insiste beaucoup sur la nécessité d'empêcher le malade de se livrer au sommeil. En second lieu on n'a guère publié que les succès, comme cela arrive trop souvent ; les revers ont été oubliés. Chez une jeune femme, j'ai pu une fois, par une injection d'atropine, conjurer les accidents les plus redoutables causés par l'ingestion de 1 once 1/2 de laudanum. J'ai été moins heureux dans le cas suivant, où l'âge du malade et le temps écoulé entre l'empoisonnement et le début du traitement ont dû jouer un certain rôle. Au mois de septembre 1855, je fus appelé pour un enfant de quatre mois, appartenant à M. Delattre, boucher à Saint-Martin-lès-Boulogne. Cet enfant avait été pris de convulsions à sept heures du matin. Il était dix heures. Une bonne lui avait administré, vers cinq heures et demie, une cuillerée à café de laudanum Sydenham, croyant avoir affaire à du sirop de chicorée. Je le trouvai dans l'état suivant : face alternativement pâle et congestionnée ; peau couverte d'une sueur froide et visqueuse ; contracture des extrémités fortement fléchies ; cette contracture fait de temps en temps place à des mouvements convulsifs accompagnés de cris plaintifs ; impossibilité d'écarter les mâchoires ; paupières fermées ; pupilles très-contractées ; pouls très-fréquent et dur ; respiration suspirieuse et entrecoupée. Il n'y avait pas à douter de

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  1. Bulletin médical du nord de la France, octobre 1865, p. 351.
  2. Annuaire de thérapeutique, 1866, p. 15.


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l'extrême gravité de la situation ; je fis prendre un bain tiède, puis je mis en usage les révulsifs de toute sorte ; un lavement purgatif fut administré ; on pratiqua continuellement des frictions sèches surtout le corps ; je fis ensuite injecter par l'anus, dans un véhicule peu abondant, 1 gr. de teinture de belladone ; au bout de deux heures, la pupille était fortement. dilatée ; les membres commençaient à tomber dans le relâchement ; le pouls était moins fréquent, il s'était assoupli ; la respiration était plus régulière, moins suspirieuse ; il y avait en somme de la détente dans l'ensemble de l'organisme. Je commençais à concevoir un peu d'espérance. Je fis continuer les frictions sèches ; je revis le petit malade vers quatre heures du soir. Il y avait eu quelques convulsions passagères ; je fis donner toutes les heures 2 gouttes de teinture de belladone, car l'enfant pouvait alors avaler un peu de liquide ; mais les convulsions ne tardèrent pas à prendre le dessus ; la dilatation pupillaire perdit de son intensité. On vint me dire que l'enfant avait succombé à neuf heures dans une convulsion.

(Pour l'opposition d'action de l'opium et de la belladone administrés ensemble, voyez p. 781.)

Une dernière question bien intéressante que soulève l'étude de l'antagonisme qui nous occupe est celle-ci :

L'antagonisme existant entre l'opium et la belladone existe-t-il entre l'atropine et les alcaloïdes du premier ?

Entre l'extrait thébaïque et l'atropine, entre l'extrait de belladone et la morphine, cela est indubitable, quoi qu'ait avancé Bois d'Aurillac[1] : ce dernier prétend que l'antagonisme n'existe qu'entre l'opium et la belladone avec tous leurs principes constituants, et non entre les alcaloïdes dont nous venons de parler. Malheureusement pour lui, des faits cliniques irréfutables sont là pour prouver le contraire.

La morphine est antagoniste de toutes les préparations qui ont pour origine la belladone. Cela est un fait établi ; mais l'antagonisme se manifestera-t-il de même avec les autres alcaloïdes de l'opium considérés isolément ? Ces derniers, en effet, offrent entre eux des actions pour ainsi dire opposées, et il n'est pas probable que l'antagonisme observé entre la belladone et l'opium ait lieu pour tous les alcaloïdes de ce dernier, la thébaïne, par exemple. La narcéine n'agit en aucune façon comme la morphine ; tout fait donc prévoir que l'opposition d'action n'aurait pas lieu, du moins d'une façon aussi sûre, entre la narcéine et l'atropine qu'entre cette dernière et la morphine.

Par cette raison que l'extrait thébaïque, qui contient la morphine, la codéine, la narcotine, la papavérine, la thébaïne, etc., fait équilibre aux préparations belladonées, il ne s'ensuit pas pour cela que, considérés individuellement, ces alcaloïdes jouissent tous du même privilège.

C'est là une voie à exploiter. J'ai regretté que le temps ne me permît pas de me livrer à des recherches, à des expériences dans ce sens.


ANTAGONISME DE L'OPIUM ET D'AUTRES SUBSTANCES. — Nous avons rapporté à l'article Aconit un cas d'empoisonnement où l'opium avait amené la guérison : cet agent a aussi été efficace dans un empoisonnement par l'arnica. (Voyez ce mot.)

L'opium corrige l'action du tartre stibié : celui-ci peut, jusqu'à un certain point, annihiler les effets excitants et hypnotiques de l'opium, mais ces faits ne peuvent être considérés comme se rapportant à l'antagonisme vrai. Le café fait opposition aux opiacés. Cahen a cherché à établir l'action neutralisante réciproque de l'opium et de l'arsenic.

L'opium a été proposé comme antidote de la noix vomique. Une observa-

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  1. Cité par Garnier, Dictionnaire annuel des progrès des sciences et des institutions médicales, 1866, p. 70.


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tion concluante, publiée par la Gazette médicale de Berlin, septemb. 1854[1] en fait foi. Pelletier et Caventou ont signalé cet antagonisme entre l'opium et les strychnos et ont observé que les doses d'opium doivent dépasser celles du poison ingéré si l'on veut obtenir une neutralisation complète. Gübler[2] dit « que c'est là un des premiers faits d'antidotisme, relevé, du reste, par Guérard dans un chapitre de sa thèse de concours (1839), intitulé : Des incompatibilités thérapeutiques, où ce praticien faisait déjà pressentir l'importance de cet ordre de faits. »

C'est à Gübler que nous devons la connaissance de l'opposition d'action de l'opium et du sulfate de quinine. Voici une partie des conclusions du travail qu'il a présenté à la Société de médecine des hôpitaux, le 10 février 1858 : à l'inverse de l'opium, qui exalte les fonctions organiques (congestion sanguine et caloricité), le sulfate de quinine agit sur les centres nerveux, en y condensant les forces, de telle sorte qu'il enchaîne les actions organiques, sources de dépenses, et réduit, autant que possible, l'appel sanguin dans les parties phlogosées ; — le sulfate de quinine et l'opium ayant une action antagoniste ne doivent pas être administrés simultanément ; — ces deux agents peuvent se servir d'antidote l'un à l'autre. — Dans son article Antidote que nous avons déjà cité, il complète ces données, et ajoute : « Il faut plus de sulfate de quinine pour détruire les effets toxiques de l'opium chez un sujet prédisposé aux hypérémies encéphaliques par son âge, l'enfance, ou la maladie, la paralysie générale. »

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  1. In Journal des connaissances médico-chirurgicales, 2e année, 1834-35.
  2. Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, t. V, p. 322.


Pavot cornu

Nom accepté : Glaucium flavum


PAVOT CORNU (Pl. XXX). GLAUCIER JAUNE, GLAUCIET JAUNE. — Chelidonium glaucium, L. — Papaver corniculatum luteum, C. Bauh. — Glaucium flore luteo, Tourn. — Le pavot cornu, plante annuelle, croît dans diverses parties de la France, dans les plaines sablonneuses près de la mer. Je l'ai trouvé en abondance dans la plaine des Pierrettes, à Saint-Pierre-lès-Calais, à Wimereux près de Boulogne, à Saint-Valery-sur-Somme. Je l'ai vu aussi dans les endroits sablonneux, au bois de Boulogne, à Saint-Germain.

Description. — Racine pivotante, petite. — Tiges grosses, un peu rameuses, glabres. — Feuilles épaisses, amplexiçaules, glauques ; les radicales découpées, à lobes ovales, anguleux, dentés ou incisés ; les supérieures dentées, incisées seulement. - Fleurs jaunes, grandes (juin-juillet-août), quatre pétales, dont deux plus grandes. - Fruit : siliques allongées, grosses comme une plume à écrire, longues de 10 à 20 centimètres.

Parties usitées. — L'herbe.

[Culture. — Cette plante vient partout ; elle préfère les terrains sablonneux ; elle pousse même dans les cailloux. On la propage de graines semées au printemps.]

Récolte. — La récolte peut se faire pendant tout le temps de la floraison. Comme toutes les plantes succulentes, elle exige des soins pour sa dessiccation.

Propriétés physiques et chimiques. — Le glaucier est d'une odeur faible, un peu vireuse, d'une saveur un peu amère et piquante. Il parait contenir des principes analogues à ceux de l'opium, qu'il a souvent servi à falsifier. Landerer 3[1] a appris de personnes très-dignes de foi, et entre autres d'un pharmacien très-accrédité de Smyrne, que les fabricants d'opium de cette ville emploient dans la confection de ce narcotique les deux espèces de glaucium et surtout le rouge [glaucium rubrum phœniceum), qui ressemble beaucoup, par sa forme extérieure, au papaver rheas, et que presque tout l'opium qui se vend dans les bazars de Smyrne n'est qu'un extrait de ces plantes. De même toute la thériaque, que l'on peut également se procurer dans les bazars pour quelques paras, se prépare au moyen de ce prétendu opium.

Cet extrait du glaucium exhale une odeur narcotique et présente un goût amer sem-

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  1. Buchner's Repertorium fur die Pharmacie. (Répertoire de pharmacie, novembre 1848, p. 145.)


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blable à celui de l'opium ; il ressemble beaucoup à l'opium de Smyrne de mauvaise qualité. On peut donc, d'après cette substitution opérée dans le commerce, considérer le pavot comme un succédané de l'opium, et se livrer à des essais comparatifs concernant son usage à l'intérieur.

[Toutefois comme cet extrait ne renferme pas de morphine et qu'il est loin de posséder les propriétés de l'opium, le mélange de ces deux substances ou la substitution de la première à la seconde doit être considérée comme une fraude.]

(Le pavot cornu contient, comme la chélidoine (voyez ce mot), de la chélidonine et de la chelerythrine. En outre, Probst en a isolé un alcaloïde particulier, la glaucine, et une substance blanche très-amère, la glaucopicrine. Les graines contiennent une quantité considérable d'huile fixe, analogue à celle d'œillette ; elle pourrait être extraite et vendue bon marché, à cause de la culture facile du glaucier qui supporte les terrains les plus incultes.)

Le payot cornu est un poison narcotique. On rapporte, dans les Transactions philosophiques, que Charles Worth, prenant cette plante pour un chou marin, en fit faire un pâté, qu'il n'eut pas plus tôt mangé, que ses domestiques et lui en furent tous plus ou moins incommodés et atteints de délire ; ils eurent tous une altération de l'organe de la vue qui leur faisait prendre pour de l'or tout ce qu'ils touchaient.

Garidel rapporte qu'en Provence les paysans se servent des feuilles de glaucier pilées pour déterger les ulcères qui succèdent aux contusions et aux écorchures des bêtes de charge, notamment les enflures et engorgements dans les jambes des chevaux qui proviennent de foulures. « Quelque grosses et dures qu'elles soient, dit-il, le suc de cette plante les guérit infailliblement, pourvu que le mal ne soit pas trop invétéré. »

Les feuilles de pavot cornu, pilées avec quelques gouttes d'huile d'olive, et appliquées sur la partie malade, sont tout aussi efficaces que l'opium contre les contusions, les plaies avec déchirures, le panaris commençant, les piqûres de sangsues enflammées, l'irritation phlegmasique des vésicatoires, les brûlures, etc. Comme, dans les campagnes, une décoction d'opium n'est pas à la portée de tout le monde, on peut se servir avantageusement et gratuitement de cette plante. Girard, de Lyon, a rapporté[1] plusieurs observations qui constatent les bons effets de cette plante dans les cas que nous venons de citer, et je l'ai employée moi-même avec succès sur des plaies contuses avec déchirement, et surtout dans un cas de douleurs hémorrhoïdales atroces contre lesquelles on avait inutilement mis en usage les bains, les sangsues, les émollients. J'ai fait cesser dans l'espace de quinze jours une constriction spasmodique de l'anus, sans fissures, qui datait de douze ans, chez une femme de Saint-Pierre-lès-Calais, au moyen d'onctions faites deux fois par jour, avec un mélange de 16 gr. de suc de glaucier jaune, de 12 gr. de suc de jusquiame et d'un jaune d'œuf.

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  1. Journal général de médecine, 2e série, t. XXV, p. 354.

Pavot douteux

Nom accepté : Papaver dubium


PAVOT DOUTEUX. — Papaver dubium, L. — Ce pavot, qui diffère peu du coquelicot (papaver rheas, L.), se rencontre dans les champs, les moissons, surtout dans les terrains maigres et sablonneux. Il a les fleurs petites d'un rouge pâle (juin-juillet).

Loiseleur-Deslongchamps a obtenu du suc exprimé des feuilles, des tiges et des capsules, un extrait épaissi dont il a constaté l'action anodine dans plusieurs maladies. Il le donne ordinairement sous la forme de teinture ainsi préparêe. Pr. extrait de pavot douteux 125 gr. ; faites fondre dans 1,500 gr. de vin muscat ; dose, 50 à 100 gouttes. Avec cette teinture il a guéri des diarrhées chroniques, des coliques plus ou moins violentes, dissipé des insomnies opiniâtres. On peut préparer une teinture semblable avec le coquelicot.