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Morelle (Cazin 1868)

Monarde
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Moscatelline
PLANCHE XXVI : 1. Ményanthe. 2. Mercuriale. 3. Millefeuille. 4. Millepertuis. 5. Morelle.


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Nom accepté : Solanum nigrum


MORELLE. Solanum nigrum. L.

Solanum officinarum. C. Bauh., Tourn. — Solanum hortense. Dod. - Solanum. Off.

Moreile noire, — morelle officinale, — mourelle, — morette, — crève-chien, — herbe aux magiciens, — raisin de loup, — herbe à gale, — herbe maure.

SOLANACÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE MONOGYNIE. L.


La morelle (Pl. XXVI), plante annuelle, est très-commune dans les lieux cultivés, les terrains incultes, les décombres, le long des murs, sur le bord des chemins, dans les jardins négligés, etc.

Description. — Racine longue, fibreuse, chevelue. — Tige anguleuse, herbacée, glabre, rameuse, longue d'environ 50 centimètres. — Feuilles d'un vert noirâtre, lisses, pétiolées, ovales-aiguës, dentées ou anguleuses à leurs bords. — Fleurs monopétales, blanches, disposées en petits corymbes pendants (juillet-août). — Calice à cinq découpures ovales, persistant. — Corolle blanche, petite, divisée en cinq segments aigus, souvent rabattus en dehors. — Cinq étamines de la longueur du style, à anthères oblongues. — Fruit : petites baies globuleuses, vertes d'abord, puis noires à l'époque de la maturité.

Parties usitées. — L'herbe entière, les baies.

Récolte. — Elle doit se faire à l'automne, lorsque les fruits sont mûrs ; la plante jouit alors de toute son énergie. Cette énergie augmente même après la dessiccation. On la fait sécher à l'étuve.

[Culture. — La morelle noire est très-commune dans les champs, sur les bords des chemins ; on la propage par semis pratiqués au printemps.]

Propriétés physiques et chimiques. — La morelle noire a une saveur herbacée et fade ; son odeur est légèrement fétide. Desfosses, de Besançon, a trouvé dans le suc exprimé des baies mûres une substance alcaloïde à laquelle il a donné le nom de solanine. (Voyez DOUCE-AMÈRE.)


PREPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — (N'a presque jamais été employée.) Poudre ou extrait, 5 à 20 centigr.
A L'EXTÉRIEUR. — Décoction, 30 à 60 gr. par kilogramme d'eau, pour lotions, injections, bains.

Pulpe des feuilles, en cataplasme.
Extrait, 4 à 8 gr. par 30 gr. d'axonge, en pommade.
Huile (1 de feuilles sur 2 d'huile d'olive), 30 à 60 gr. pour liniment.


La morelle est émolliente lorsqu'elle est jeune et pendant la floraison, narcotique lors de la maturité des baies. La plante avec ses baies est utile, à l'extérieur, comme sédative dans les névralgies, le cancer, certaines leucorrhées, la métrite chronique, quelques inflammations et éruptions cutanées douloureuses.

Je n'ai jamais administré la morelle à l'intérieur. Les auteurs sont si peu d'accord surles qualités délétères de cette plante, que de nouveaux essais pourraient seuls éclairer le praticien. Un état de stupeur, le coma, et une violente douleur épigastrique avec fièvre ont été observés par Alibert chez un enfant de huit ans qui avait avalé des fruits de morelle. Wepfer parle de trois enfants chez qui les fruits de cette solanée ont occasionné le délire, la cardialgie et la distorsion des membres.

Dans les expériences faites par Orfila, on voit plusieurs chiens périr au bout d'environ quarante-huit heures après avoir pris 24 à 28 gr. d'extrait aqueux de morelle ; 8 gr. du même extrait, dissous dans 6 gr. d'eau et appliqués sur le tissu cellulaire de la cuisse d'un chien, le firent mourir à peu près dans le même espace de temps. — Un berger (en août 1826) ayant mené paître ses moutons dans un champ rempli de morelle, vit une effrayante mortalité sévir sur son troupeau, dont il perdit les deux tiers dans l'espace de quelques jours. Ils offraient divers symptômes nerveux, tels que vertiges, etc., et, après la mort, une violente phlogose des voies digestives et


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de la vessie, qui était de plus fortement contractée. Les saignées, les purgatifs, les émollients échouèrent. Le berger en sauva quelques-uns en leur faisant boire du lait en abondance[1].

On oppose à ces faits des observations et des expériences qui tendent à représenter la morelle comme dépouillée de toute espèce de qualités narcotiques et délétères. Ainsi Spielmann a avalé en infusion 45 centigr. de cette plante sèche sans en éprouver aucun effet : il a vu donner à un épileptique jusqu'à 8 gr. de son extrait sans qu'il en fût résulté le moindre danger.

L'infusion de cette plante, bue par Guérin[2], ne produisit aucun effet remarquable. Le suc de l'herbe, donné à la dose de 12 gr. à des malades ne parut pas en produire davantage ; 8 gr. de suc des baies, administrés à trois convalescents, ne firent qu'augmenter les urines. Dunal, qui a fait prendre à différents animaux jusqu'à cent baies de morelle noire, et qui lui-même en a pris un nombre assez considérable sans en éprouver le moindre inconvénient, pense que dans la plupart des empoisonnements attribués aux baies de cette plante, les accidents ont été produits par les fruits de la belladone, qu'on désigne aussi quelquefois sous le nom de morelle.

Cette différence dans les effets de la morelle sur l'économie vient, sans doute, de ce que les expérimentateurs ont employé la poudre ou l'extrait préparés avec la plante encore jeune, en fleur, ou avec des fruits non mûrs. On sait aujourd'hui qu'elle contient un principe actif (solanine) après sa complète fructification, en assez grande quantité pour causer les accidents les plus graves, étant administrée à l'intérieur à dose toxique.

Quoi qu'il en soit, la morelle, autrefois employée à l'intérieur contre la cardialgie, les tranchées et diverses affections nerveuses, l'ischurie, la strangurie, les douleurs néphrétiques, n'est plus mise en usage qu'à l'extérieur. On applique les feuilles récentes pilées sur les ulcères douloureux, le cancer, les fissures du mamelon, les hémorrhoïdes, etc. La décoction sert à laver les parties enflammées, tuméfiées, irritées, douloureuses ; on en fait des fomentations, des lotions, on en baigne les parties malades, on en donne en injection, etc. On s'en sert aussi en décoction ou en cataplasme sur les furoncles, le panaris, le phlegmon, le chancre vénérien, les brûlures, les contusions, la strangurie, et, suivant Alibert, sur les dartres vives et rongeantes. Si, dans l'érysipèle qui survient aux plaies, il y a dureté, on broie, dit Celse, des feuilles de solanum, on les incorpore dans l'axonge de porc, on étend ce mélange sur un linge, et on l'applique sur le mal. Borie[3] est parvenu à calmer entièrement un tic douloureux de la face qui avait résisté à tous les autres moyens, par l'application de cataplasmes préparés avec la morelle.

Dunal a remarqué que le suc de la morelle noire, appliqué sur les yeux, occasionnait une légère dilatation de la pupille, et rendait, pendant plusieurs heures, l'œil insensible à l'impression d'une vive lumière. Quoique cet effet soit moins prononcé que celui qui est produit par la belladone, on peut, à défaut de cette dernière, se servir de la morelle pour préparer l'organe à l'opération de la cataracte.

Les anciens employaient à l'extérieur, dans les cancers, une pommade faite avec le suc de morelle et d'axonge battus et mêlés dans un mortier de plomb. Percy a renouvelé cette méthode pour les feuilles de bardane. Je pense que cette trituration végéto-minérale peut être avantageuse. J'ai quelquefois mêlé le suc de morelle avec le jaune d'œuf comme tonique anodin. J'ai aussi employé, faute d'autres moyens, la décoction et quelquefois le suc tiède de morelle sur les hémorrhoïdes douloureuses. Je me suis bien trouvé,

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  1. Journal de chimie médicale, de pharmacie et de toxicologie, 1827, p. 542.
  2. De Veget. venenat. Alsatiæ, p. 66.
  3. Des maladies nerveuses. Paris, 1830, p. 215.


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pour calmer les douleurs du rhumatisme articulaire aigu, de la morelle noire broyée, et appliquée tiède sur la partie malade. Ce calmant, qu'il est toujours si facile de se procurer lorsque la plante est en pleine vigueur, m'a réussi. Le médecin est heureux de trouver, dans l'isolement des hameaux, les plantes que la Providence lui offre si généreusement pour soulager le pauvre qui réclame ses secours.


SOLANINE. — Voyez l'article DOUCE AMÈRE.