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Marronnier (Cazin 1868)

Marjolaine
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Marrube


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Nom accepté : Aesculus hippocastanum


MARRONNIER D'INDE. Æsculus Hippocastanum. L.

Castanea folio multifido. C. Bauh. — Hippocastanum vulgare. Tourn. - Castanea equina. Dod.

Châtaignier, — châtaigne chevaline, — châtaigne de cheval.

HIPPOCASTANÉES. Fam. nat. — HEPTANDRIE MONOGYNIE. L.


Ce bel arbre, originaire de l'Asie, apporté en France en 1515 par le doc-


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teur Bachelier, maintenant naturalisé dans toute l'Europe, ombrage les places et les avenues, orne les jardins publics et les parcs. Ses feuilles desséchées plaisent aux cerfs. Les abeilles puisent en abondance dans ses fleurs. Les fruits, quoique d'une âpreté repoussante, sont mangés par les chèvres et les brebis.

Parties usitées. — L'écorce et le fruit.

Récolte. — On récolte l'écorce au printemps sur les jeunes branches de deux ou trois ans ; après l'avoir mondée, on la porte au séchoir ; lorsqu'elle est sèche et dépouillée de son épiderme, elle est en morceaux roulés, assez épaisse, de couleur gris-brunâtr en dehors, d'un jaune fauve en dedans, à cassure fibreuse. Les fruits sont mûrs en automne.

[Culture. — Plante très-rustique, se propage par graines ou par éclats de pieds, vient partout, mais elle préfère un terrain frais et substantiel ; on sème en place ou en rigole pour repiquer ensuite en pépinière ; il supporte la taille et la tonte ; il y a une variété à feuilles panachées.]

Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. - L'écorce de marronnier d'Inde est d'une saveur astringente et un peu amère. Son infusion aqueuse rougit la teinture de tournesol, précipite la gélatine, ne précipite pas l'émétique, précipite par les acides, par la baryte et par la chaux, fournit un précipité vert par le sulfate de fer, ne précipite pas par la potasse, qui lui donne une couleur bleue intense. Elle contient, d'après Pelletier et Caventou, une matière astringente rougeâtre, une huile verdâtre, une matière colorante jaune, un acide, de la gomme, du ligneux. Le fruit (marron d'Inde, castanea equina) a une saveur très-désagréable. Il contient, d'après Caizonnéri, une substance alcaloïde presque insoluble, brune et d'une saveur douceâtre, qu'il a nommée esculine. Minor, Trommsdorff, et tout récemment Mouchon, se sont occupés de l'extraction de ce produit. Ce dernier[1] l'a obtenu par des procédés qui lui sont particuliers et qui en garantissent la pureté. L'esculine de ce pharmacien distingué est une matière blanche, amorphe, d'une amertume très-prononcée, d'une pulvérisation facile, d'une odeur presque nulle, à réaction alcaline, d'une solubilité plus facile dans l'alcool bouillant que dans l'alcool froid, beaucoup moins facile dans l'eau que dans l'alcool, faible ou fort, surtout à froid (donnant avec l'acide sulfurique des sels cristallisables. Ce corps, qui a pour formule C16 H9 O10, a été aussi appelé polychrome et énallochrome, bicolorine, parce qu'on lui attribuait la production des phénomènes de dichroïsme que présentent les infusions d'écorce de marronnier d'Inde.) Lepage, pharmacien à Gisors[2], a trouvé dans les marrons décortiqués, et venant d'être récoltés, la composition suivante rapportée à 100 parties : eau, 45.00 ; tissu végétal, 8.50 ; fécule, 17.50 ; huile douce saponifiable, 6.50 ; glucose ou sucre analogue, 6.75 ; substance particulière d'une saveur à peine douceâtre, 3.70 ; saponine ou principe amer, 4.45 ; matière protéique (albumine et caséine), 3.35 ; gomme, 2.70 ; acide organique déterminé et substance minérale (potasse, chaux, magnésie, chlore, acide sulfurique et phosphorique, trace de silice), 1.55. Il contient une grande quantité de fécule combinée à un principe âcre, dont on peut le débarrasser par un procédé proposé par Parmentier et rappelé par Flandrin, dans un mémoire lu à l'Académie des sciences en 1848. Ce procédé consiste à mêler 100 kilogr. de pulpe de marrons, avec 1 ou 2 kilogr. de carbonate de soude, à laisser macérer pendant quelque temps, puis à laver et passer au tamis ; on obtient, par ce moyen, une fécule très-pure qui peut remplacer celle de la pomme de terre, et lui est même préférable, s'il faut en croire Mérat et Delens. « Il serait facile, dit Raspail, d'utiliser les fruits de marronnier et d'en obtenir 30 sur 100 de fécule, tandis que la pomme de terre n'en donne que 22 pour 100. Il suffirait de râper les marrons comme on le fait pour la pomme de terre, de laver le dépôt avec de l'eau très-légèrement acidulée par l'acide sulfurique, ou plutôt, comme le recommande Baume, avec de l'eau alcalinisée avec la potasse, de laver ensuite à grande eau pour enlever toute âcreté : la fécule serait ainsi dépouillée de tout ce qui peut ia rendre désagréable et nuisible. »

[Remilly et Thibierge, de Versailles, ont publié un travail très-intéressant sur les applications économiques et industrielles du marron d'Inde.]

Les marrons d'Inde râpés et macérés dans l'eau servent dans quelques pays au blan-

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  1. Monographie des principaux fébrifuges indigènes, p. 92. Lyon, 1856.
  2. Académie de médecine, séance du 18 mars 1856.


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chissage au lieu de savon. La farine de ces marrons est quelquefois usitée comme cosmétique en place de pâte d'amande. Elle sert aussi à faire une excellente colle dont l'amertume écarte les insectes rongeurs. Les bougies qu'on a essayé d'en faire en la mêlant au suif, qu'elle rendait plus solide, éclairant mal et étant peu économiques n'ont eu qu'une vogue passagère.


PREPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — Décoction, 30 à 60 gr. et plus (écorce) par kilogramme d'eau.
Poudre, 1 à 4 gr. comme tonique, 15 à 50 gr. comme fébrifuge.
Extrait aqueux, 75 centigr. à 1 gr., en pilules, potion, etc.
Extrait alcoolique, 30 centigr. à 1 gr. et plus, en pilules, potion, etc.
Vin (30 à 60 gr. d'écorce par kilogramme de vin blanc, en macération), 60 à 100 gr.
Teinture alcoolique : écorce, 125 gr. ; alcool à 21 degrés, 500 gr. — Concassez l'écorce, mettez-la en contact avec le véhicule, agitez de temps en temps, et après quinze jours de macération, filtrez. — Une cuillerée à bou-

che à jeun ou avant le principal repas le plus souvent dans une tasse de tisane amère. (Jobert, hôpital Saint-Louis.) Élixir fébrifuge de Reil : extrait d'écorce, 4gr. ; eau-de-vie, 30 gr. ; 10 gouttes toutes les trois heures. (August, pharm. extemp.)

A L'EXTÉRIEUR. — En décoction, plus ou moins concentrée, pour lotions, fomentations, injections, etc.
(Esculine, 50 centigr. à 2 gr., comme fébrifuge.
Sirop (Mouchon) : esculine en poudre, 125 gr. ; alcool à 56 degrés, 2,500 gr. ; sirop de gomme, 8,000 gr.)


L'écorce de marronnier d'Inde est tonique et astringente. A forte dose, elle détermine du trouble dans le tube digestif, occasionne ordinairement de l'oppression et quelques autres effets sympathiques. Elle a été proposée comme fébrifuge en 1720 par le président Bon[1]. Pontedera[2] et Zanicelli[3] l'administraient en cette qualité à la dose de 8 gr. répétée trois ou quatre fois dans l'intervalle des accès. Leidenfrost[4] annonça qu'il l'avait employée avec succès sur une vingtaine de malades. William Peiper mentionne, dans un ouvrage publié à Duisbourg en 1763, plus de vingt cas de guérison de fièvres intermittentes par cette écorce. Sabarot[5], Turra[6], Eberhard de Hall[7], Cusson[8], en obtinrent aussi des succès très-nombreux et la regardèrent comme un bon succédané de l'écorce du Pérou. D'autres praticiens, tels que Bucholz, Junghans, Desbois, de Rochefort, Coste et Wilmet, Hufeland, etc., constatèrent la propriété fébrifuge du marronnier d'Inde.

Cette écorce était tombée dans l'oubli, lorsque la guerre continentale de Napoléon Ier obligea de chercher parmi nos productions indigènes des succédanés au quinquina, devenu rare et d'un prix très-élevé. Ranque, d'Orléans[9], publia un des premiers ses observations. Elles constatent quarante-trois guérisons de fièvres intermittentes par cette écorce administrée en poudre à la dose de 12 à 15 gr. par jour. Lacroix, dans une épidémie de fièvre intermittente qui régna dans quelques communes du département de Loir-et-Cher, administra ce fébrifuge avec succès à plus de deux cents malades. Les résultats heureux que nous venons de rapporter n'ont pas été confirmés par d'autres essais.

Wauters l'employa chez douze fébricitants : six furent complètement guéris ; deux en obtinrent un léger soulagement ; chez un troisième, le succès ne fut que momentané, les autres n'en éprouvèrent aucun effet. Gasc donna sans succès un mélange d'écorce de marronnier, de racine de bis-

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  1. Mémoires de la Société royale de Montpellier, t. II, p. 57.
  2. Dissertation botanique. Padoue, 1720 et 1732.
  3. Intorno facolta dell' Ipocastano. Venise, 1731.
  4. De succis herb. recent., etc. Duisbourg, 1752.
  5. Ancien Journal de médecine, t. XLVII, p. 324.
  6. Osservaz. di botan. Venise, 1765.
  7. De nuce vom. et cort. Hippocast. vert. med., 1770.
  8. Annales de la Société de médecine de Montpellier.
  9. Bulletin des sciences médicales de la Société d'émulation, 1868, t. II, p. 560.


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torte et de gentiane. Bourges[1], Bourgier[2], Zulatti[3], Bretonneau, qui expérimenta sur une grande échelle à l'hôpital de Tours en 1816, n'eurent pas plus à se louer de l'écorce de marronnier d'Inde dans le traitement des fièvres-intermittentes. « Sans doute, elle a pu, disent Loiseleur-Deslongchamps et Marquis, de même que plusieurs plantes et les écorces de divers arbres de nos contrées, contribuer à la guérison de quelques fièvres intermittentes ; mais elle ne suffit ordinairement que pour celles qui, telles que beaucoup de fièvres printanières, n'offrent aucun symptôme alarmant et s'arrêtent d'elles-mêmes au bout d'un certain nombre d'accès, par le seul effort de la nature. C'est dans de pareils cas, qui sont vraiment du domaine de la médecine expectante, que l'écorce de marronnier a paru produire d'heureux effets. On s'est pressé de lui attribuer des résultats où elle n'avait sûrement que peu de part, et de lui faire une réputation médicale qui n'a pu résister à l'épreuve d'une observation sévère et sans préjugé[4].

Ces opinions contradictoires, fondées sur des faits recueillis par des praticiens éclairés et dignes de foi, ont laissé une grande incertitude sur les effets fébrifuges de l'écorce du marronnier d'Inde. Pour mon compte, je dirai que dans les quelques cas où je l'ai employée, elle ne m'a donné un résultat appréciable que deux fois. C'était dans une fièvre tierce, coupée après la deuxième dose de ce médicament (30 gr. en poudre en 2 prises), et dans une fièvre double tierce automnale, dont les accès diminuèrent graduellement et cessèrent enfin le sixième jour de l'administration quotidienne de 30 gr., et ensuite de 45 gr. d'écorce pulvérisée.

L'écorce du marronnier d'Inde, douée de propriétés astringentes réelles, a été employée avec succès dans les hémorrhagies passives et les flux muqueux atoniques. Jobert[5] obtient tous les jours, à l'hôpital Saint-Louis, les meilleurs résultats de l'usage de la teinture alcoolique de cette écorce chez les femmes affectées de gastralgie atonique. Ce médicament paraît agir sur le système nerveux en vertu d'une huile volatile associée au principe amer.

A l'extérieur, l'écorce de marronnier d'Inde peut être employée comme tonique, détersive et antiseptique. Coste et Wilmet l'ont substituée au quinquina dans une menace de gangrène au bas de la jambe d'un hydropique, et la décoction qui en a été faite dans le vin a été aussi efficace que celle d'écorce du Pérou. Le marron d'Inde, réduit en poudre, a été préconisé comme sternutatoire dans les céphalalgies, dans les diverses autres affections cérébrales, même dans l'épilepsie. On fait avec ce fruit des pois à cautère qui peuvent remplacer ceux d'iris dans les cas où la légère irritation que produisent ces derniers n'est pas nécessaire.


L’ESCULINE a été employée avec succès par Durand, de Lunel, dans trois cas de fièvre intermittente à type quotidien.

Diday[6] a recueilli l'observation d'une fièvre quotidienne chez une dame âgée de vingt-six ans qui n'avait pu supporter le sulfate de quinine, chez laquelle des lavements de quinquina usèrent à la longue plus qu'ils ne coupèrent la maladie périodique. Prise ensuite d'une nouvelle série d'accès plus graves, cette dame fut complètement guérie après trois jours de l'usage de l'esculine donnée à la dose de 6 gr. divisés en 12 paquets, dont elle prenait 3 par jour, dans un morceau d'hostie, à huit heures, neuf heures et onze heures du matin.

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  1. Journal général de médecine, t. XXXV, p. 34.
  2. Thèse de Caillard, 27 avril 1809.
  3. Journal général de médecine, t. XXXVI, p. 328.
  4. Dictionnaire des sciences médicales, t. XXXI, p. 55.
  5. Journal de médecine et de chirurgie pratiques, janvier 1849.
  6. Monog. des fébrifuges indigènes, p. 106.


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Mouchon a lui-même administré l'esculine avec un plein succès dans deux cas de fièvre intermittente ; il l'associe à l'eau de menthe, à l'eau de tilleul et au sirop d'écorce d'orange, en potion.

Dans quelques essais qui n'ont pas complètement répondu à son attente, Vernay, habile praticien de Lyon, accorde néanmoins une certaine valeur à l'esculine. « Ces essais, dit Vernay, sont peu nombreux, il est vrai, ne dépassant pas le nombre de six ; toutefois ils suffisent pour prouver : 1° la tolérance de l'économie pour l'esculine à la dose de 2 gr., qui est la plus forte que j'aie employée ; pas de nausées ni de diarrhée, pas d'accidents cérébraux ; 2° l'utilité de ce nouveau moyen pour guérir la fièvre paludéenne ; 3° sa puissance est sans doute inférieure à celle de la quinine, mais elle est réelle ; 4° l'esculine, à la dose de 1 gr., m'a paru plus efficace que l'extrait de marron à la dose de 4 gr. que j'ai essayé deux fois. Peut-être, en associant cet extrait au carbonate de soude, à la rhubarbe et au tartre stibié, comme les anciens ont fait pour le quinquina, ajouterait-on à son efficacité. On pourrait aussi l'administrer en électuaire, avec une préparation ferrugineuse dans les cachexies paludéennes[1].

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  1. Mouchon, Monographie des fébrifuges indigènes, p. 10S.