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If (Cazin 1868)

Hyssope
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Impératoire


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Nom accepté : Taxus baccata


IF. Taxus baccata. L.

Taxus. C. Bauh., Tourn. — Smilax Dioscoridis.

CONIFÈRES. — TAXINÉES. Fam. nat. — DIŒCIE SYNGÉNÉSIE. L.


Cet arbre, à feuilles persistantes, croît spontanément sur les montagnes de l'Italie, de la Suisse et des départements du midi de la France. On le cultive dans les jardins.

Description. — Tige s'élevant jusqu'à 10 mètres et souvent plus, à écorce raboteuse, s'exfoliant comme celle du platane. — Feuilles persistantes, d'un vert sombre, linéaires, aiguës, rangées sur deux côtés opposés. — Fleurs petites, peu apparentes, presque sessiles, axillaires, les mâles nombreuses, les femelles plus rares, ayant l'aspect d'un petit bourgeon verdâlre. — Fruit : petit cône drupoïde, composé des écailles devenues charnues, succulentes, sphérique, d'un rouge vif, contenant en grande partie un noyau monosperme.

[Parties usitées. — Les feuilles, les bois, les fruits.

Récolte. — Les feuilles d'if se conservent parfaitement ; elles peuvent être récoltées toute l'année ; le bois est coupé l'hiver, il est très-recherché des luthiers, des ébénistes et des tourneurs.

Culture. — L'if est propagé de graines et de marcottes ; il est cultivé dans les jardins d'agrément où on le tourmente de mille manières pour lui donner les formes plus bizarres.

Propriétés physiques et chimiques. — Le principe toxique de l'if n'est pas connu ; Chevallier et Lassaigne ont trouvé dans le fruit une matière sucrée


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fermentescible, de la gomme, des acides malique et phosphorique et une matière grasse d'un rouge carmin][1].

Galien, Pline, Dioscoride, Matthiole, regardent l'if comme ayant des qualités délétères. Théophraste dit que les feuilles sont un poison pour les chevaux, mais qu'elles n'empoisonnent pas les ruminants. Le suc d'if servait, dit Strabon, à empoisonner les flèches des Gaulois. Si l'on en croit les Commentaires de César, Cativulcus, roi des Eburoniens, se serait empoisonné avec le suc des feuilles de cet arbre. Jean Bauhin affirme que des animaux ont péri après avoir mangé des feuilles d'if. On a été jusqu'à dire que l'ombre de cet arbre pouvait donner la mort. Ray assure que les jardiniers employés à tondre un if très-touffu du jardin de Pise ne purent rester plus d'une demi-heure à faire ce travail sans être atteints de violentes douleurs de tête. Bulliard, au contraire, s'est tenu longtemps, et dans les grandes chaleurs, dans les lieux plantés d'ifs nouvellement taillés, sans avoir éprouvé la moindre incommodité. Gérard, botaniste anglais, dit aussi s'être souvent endormi à l'ombre de l'if sans ressentir de mal de tête ni aucune autre incommodité, et en avoir mangé plusieurs fois les fruits sans qu'il en fût résulté le moindre dérangement dans ses fonctions ordinaires. D'un autre côté, une jeune fille de vingt-six ans, au rapport de Harmand de Montgarny, s'étant endormie un soir sous un if, y passa toute la nuit ; le lendemain, à son réveil, son corps était couvert d'une éruption miliaire très-abondante ; et pendant les deux jours qui suivirent, elle demeura dans une sorte d'ivresse. Suivant l'auteur que nous venons de citer[2], l'extrait ou la poudre de l'écorce ou des feuilles, à forte dose, produit des nausées quelquefois suivies de vomissements ; une diarrhée ordinairement copieuse, accompagnée de ténesme ; des vertiges momentanés, un assoupissement de quelques heures ; la difficulté d'uriner, une salive épaisse, salée et quelquefois âcre ; des sueurs gluantes, fétides, avec une vive démangeaison à la peau ; un engourdissement avec une sorte d'immobilité dans les extrémités.

Dujardin, médecin-vétérinaire à Bayeux[3], appelé pour constater la mort de deux juments qui avaient péri la veille, pendant qu'elles étaient attelées à la même voiture, reconnut, par l'autopsie, qu'elles avaient succombé pour avoir mangé des feuilles d'if. Dujardin ayant fait manger à un cheval des feuilles du même arbre, vit l'animal tomber comme foudroyé, environ une heure et demie après avoir commencé à manger, et lorsque de légers signes de coliques s'étaient à peine manifestés. Il a été porté à la connaissance du même vétérinaire que des moutons, des vaches et autres bêtes à cornes, des ânes, ont péri subitement dans des herbages où se trouvaient des ifs.

Chevalier, Duchesne et Reynal[4], citent un grand nombre de faits recueillis par divers auteurs, et établissent les preuves incontestables de l'action toxique de cette plante sur les animaux et sur l'homme. Mais l'if était encore inconnu dans les fastes judiciaires comme substance abortive, et n'avait pas été signalé par les auteurs comme ayant cette propriété. Chevallier, Duchesne et Reynal, rapportent deux faits très-intéressants de tentative d'avortement qui ont amené la mort, sans que l'action abortive ait eu lieu. Les auteurs que nous venons de citer se proposent d'essayer de nouveau cette substance à moindre dose, afin d'établir si l'on doit redouter la découverte d'une nouvelle préparation propre à faciliter les avortements.

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  1. Journal de pharmacie, 1818, t. IV, p. 558.
  2. Observations sur l'if, Journal de médecine, 1790, vol. LXXXI, p. 77 et suivantes.
  3. Journal de chimie médicale, 1854.
  4. Mémoire sur l'if et sur ses propriétés toxiques, extrait des Annales d'hygiène et de médecine légale, 2e série, t. IV.


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« Si l'on observe attentivement les effets produits par l'ingestion de l'if, on remarque d'abord qu'il exerce une action notable sur la respiration et la circulation, en augmentant les battements du pouls et les mouvements respiratoires ; il irrite violemment l'estomac et tout le tube digestif, en occasionnant souvent des vomissements et des évacuations alvines, et en laissant presque constamment des traces inflammatoires trop évidentes de son séjour et de son passage : il agit donc alors comme toutes les substances âcres et irritantes.

« Le deuxième effet, très-caractérisé, c'est l'action narcotique et stupéfiante produite par le poison, aussitôt que l'absorption commence à se faire. On observe alors l'action sur le système nerveux : inquiétude vague, altération notable de la vision, éblouissements remarquables, même chez les animaux ; diminution de la circulation, respiration plus rare et plus profonde, syncope, coma, et enfin anéantissement complet et instantané du principe de la vie. Les victimes tombent comme frappées de la foudre pour ne plus se relever.

« Dans la première période, il faut, aussitôt qu'on le peut, et sans perdre de temps, provoquer le vomissement par une potion vomitive, par la titillation de la luette, pour expulser le plus qu'il sera possible de la substance toxique ; puis employer les adoucissants, comme le lait, les décoctions émollientes et mucilagineuses.

« Dans la deuxième période, il faut chercher à combattre l'action produite sur tout le système nerveux par les boissons acides, le café noir, les lavements de tabac, d'eau vinaigrée, et donner ensuite les soins appropriés à l'état général du malade[1]. »

Tout ce qui a été dit de l'if prouve que cet arbre doit être mis au rang des poisons. Il est certain, toutefois, que dans nos contrées les fruits sont dépourvus des qualités délétères contenues dans les feuilles et les rameaux. Ils causent tout au plus une légère diarrhée lorsqu'on en mange avec excès. Percy[2], qui en a étudié les effets, les a reconnus adoucissants, béchiques, laxatifs, et en faisait préparer un sirop et une gelée qu'il donnait par cuillerées dans les toux chroniques, la coqueluche, la gravelle, le catarrhe de vessie, etc.

On a recommandé l'extrait d'if dans les affections rhumatismales, dans les cachexies avec chlorose, l'aménorrhée, dans les fièvres intermittentes, le rachitisme et les affections scrofuleuses, le scorbut. D'après plusieurs faits rapportés par Harmand de Montgarny, plusieurs épileptiques auraient été guéris par l'extrait aqueux des feuilles d'if, et trois fièvres quartes auraient cédé à un opiat préparé avec la poudre d'écorce et de feuilles incorporées dans son extrait vineux. Ce médecin dit aussi avoir guéri un rachitisme par l'infusion de l'écorce dans l'eau. Dans tous les cas, il en donnait d'abord une petite dose, et il augmentait graduellement jusqu'à ce que les malades eussent ressenti quelques-uns des effets généraux de cette substance. La plus forte dose à laquelle il a porté la poudre d'écorce et de feuilles d'if a été celle de 8 gr. par jour, en une ou plusieurs prises, et il a donné l'extrait aqueux ou vineux jusqu'à 60 centigr. par jour en une ou plusieurs fois.

Gatereau[3] a employé avec succès l'extrait d'if dans un cas de rhumatisme, fixé aux épaules ; d'abord à la dose de 15 centigr., augmentant graduellement dans l'espace de quarante jours jusqu'à celle de 35 centigr. Les premières pilules excitèrent la sécrétion de la salive ; le malade crachait

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  1. Chevallier, Duchesne et Reynal, Mémoire cité, p. 71 et 72.
  2. Preuves ultérieures de l'innocuité des baies d'if, etc., Journal de médecine, année 1790, vol. LXXXIII, p. 226 et suivantes.
  3. Ancien Journal de médecine, t. LXXXI, p. 81.


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beaucoup plus que de coutume, et la salive était extrêmement gluante. Vers la fin, elles le purgèrent doucement pendant quelques jours ; il put alors revenir à son travail, qu'il avait abandonné depuis le commencement de sa maladie.

On fait, dit-on, au Canada, une bière purgative où il entre une infusion de bois d'if chargé de ses baies. Schwenkfeld a préconisé l'emploi de ce même bois contre la rage, et Kluncker, d'après Goottschedys, dit que les paysans de la Silésie se servent depuis longtemps avec avantage de la décoction du bois d'if dans du lait contre la morsure des chiens enragés.

Quelques praticiens français ont attribué à l'eau distillée des feuilles d'if des propriétés sédatives analogues à celles de la digitale. En Italie[1], des médecins ont cherché dans le règne végétal une plante qui eût des propriétés contro-stimulantes semblables à celles de la digitale, mais d'un effet plus constant. Ils ont constaté que le fruit d'if pouvait, avec avantage, lui être substitué. Rempinelli, de Bergame, en a obtenu des résultats qui offrent à la science un grand intérêt.

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  1. Bulletin général de thérapeutique, t. XXIII, p. 444.