Genêt (Cazin 1868)
Genêt à balais
Nom accepté : Cytisus scoparius
Genista angulosa et scoparia. Bauh. — Cytiso-genista scoparia vulgaris. Tourn. — Genista scoparia. Lam. — Sarothamnus scoparius. Wimmer.
Genêt commun, — spartier à balai, — genettier, — juniesse.
LÉGUMINEUSES. — LOTÉES. Fam. nat. — DIADELPHIE DÉCANDRIE. L.
Cet arbuste est très-commun. Il habite les lieux incultes et sablonneux, les bois secs, les bruyères. Il sert de chauffage aux gens de la campagne.
Description. — Tiges de 1 à 2 mètres, à rameaux, dressés, glabres, effilés. — Feuilles ovales, pubescentes, les supérieures très-petites et sessiles, les inférieures plus grandes, pétiolées et trifoliées. — Fleurs jaunes, grandes, axillaires, solitaires, rapprochées en grappes terminales (avril-mai-juin). — Calice à deux lèvres courtes terminées, la supérieure par deux dents, l'inférieure par trois. — Corolle à étendard suborbiculaire, réfléchi, dépassant les ailes et la carène. — Dix étamines monadelphes. - Un ovaire simple, uniloculaire, pluriovule, surmonté d'un style simple, un peu courbé au sommet et terminé par un petit stigmate. — Fruit : gousse comprimée, velue, contenant de huit à douze semences réniformes.
Parties usitées. — L'herbe entière, les fleurs, les graines, l'écorce.
[Culture.— Le genêt est très-commun dans les bois, mais il reprend très-difficilement ; on le propage de graines semées en pépinière.]
Récolte. — Les jeunes pousses se récoltent aux mois de mai et juin pour les conserver. Les fleurs seules changent un peu par la dessiccation.
Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques. — Toutes les parties du genêt offrent une odeur désagréable, une saveur amère et nauséabonde. Stenhouse[1] a récemment recherché les principes particuliers auxquels cet arbuste doit ses propriétés. Ce chimiste a trouvé que la décoction aqueuse du genêt, réduite à un dixième, fournit une masse gélatineuse, qui consiste principalement en un principe impur qu'il désigne sous le nom de scoparine. La scoparine est une matière jaune qui, à l'état pur, se présente sous forme de cristaux étoilés, soluble dans l'eau bouillante et l'alcool ; sa formule chimique est C20 H11 O10. Stenhouse dit s'être assuré par de nombreuses expériences que c'est bien à la scoparine que sont dus les effets que l'on obtient de l'emploi du genêt ; aussi conseille-t-il d'employer isolément à l'avenir ce principe. Le genêt renferme encore un autre principe, la spartéine, que Stenhouse obtient en distillant les eaux-mères de la scoparine. Cette nouvelle base organique est liquide, incolore, volatile, d'une saveur très-amère.
Dans le territoire de Pise, dit Jourdan[2], on obtient du genista scoparia, par le rouissage, une étoupe rude et peu élastique, qui, travaillée avec un soin particulier, donne un fil assez beau, et susceptible de bien prendre la teinture. On a fait voir, en juin 1763, à l'Académie des sciences, de la toile préparée avec ce fil ; elle était bonne, mais grossière.
A L'INTÉRIEUR. — Décoction de l'herbe et des fleurs, 30 à 60 gr. par kilogramme d'eau. |
15 gr. ; eau, 750 gr., réduits par l'ébullition à 500 gr. ; passez et édulcorez), trois ou quatre verres dans la journée. |
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- ↑ An. chem. and pharm., t. LXXVIII ; Annales de Roulers, 1852-1853 ; Bulletin général de thérapeutique, t. XLIII, p. 518.
- ↑ Dictionnaire des sciences médicales, t. XVIII.
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(avaler le tout). — Comme diurétique, purgative ou éméto-cathartique, selon la dose administrée. |
vin blanc ou de bon cidre), 60 à 90 gr., deux ou trois fois par jour. |
Le genêt est diurétique, purgatif ou éméto-cathartique, suivant les parties de la plante qu'on emploie et les doses auxquelles on l'administre. L'usage thérapeutique de cette plante remonte à plusieurs siècles. Dioscoride fait mention d'un genêt dont les fleurs et les semences sont purgatives, et qui, probablement, est l'espèce dont il est ici question, ou celui des teinturiers. Pline dit que cette plante purge et pousse aux urines ; il ajoute, en outre, que ses rameaux, infusés dans le vinaigre, sont efficaces contre la sciatique. Arnaud de Villeneuve affirme que la poudre des fleurs de genêt guérit l'hydropisie et les scrofules. Cardan guérissait souvent l'hydropisie par le seul usage de la décoction de racine de genêt. D'après Cullen, la décoction
de 15 gr. de sommités de genêt dans 1 kilogr. d'eau, jusqu'à réduction de moitié, dont on donne deux cuillerées à bouche toutes les heures, agit comme purgatif et comme diurétique.
« 15 à 20 gr. de fleurs sèches de genêt bien conservées, infusées dans 1/2 litre d'eau, voilà, dit Bouchardat[1], une préparation employée par Rayer, et qui m'a rendu des services dans quelques cas d'albuminurie. » Dans un cas très-grave de néphrite albumineuse, chez un jardinier âgé de quarante ans, Grazia y Alvares[2] a obtenu une guérison complète par l'emploi de l'infusion de fleurs de genêt.
L'infusion et le sirop de fleurs de genêt, à dose altérante ou légèrement laxative, ont été conseillés dans le rhumatisme chronique, la goutte, l'œdème, les scrofules, les maladies chroniques du foie, les engorgements mésentériques, les affections cutanées chroniques, etc. Administré ainsi, le genêt active les sécrétions et notamment celle des urines. Borellus (in Leclerc) recommande contre la jaunisse la décoction d'une poignée de fleurs de genêt et de souci dans 1 kilogr. de vin blanc ou d'eau, à la dose d'un verre, chaque matin.
Le vin préparé avec la cendre du genêt est un excellent diurétique que j'emploie fréquemment dans l'anasarque, l'albuminurie, etc. Ce remède agit promptement et sûrement. Il débarrassa le maréchal de Saxe d'une hydropisie contre laquelle on avait inutilement mis en usage les ordonnances des plus célèbres médecins de l'armée et de la Faculté de Paris. Sydenham a guéri des hydropiques qui se trouvaient dans l'état le plus déplorable, au moyen d'un vin préparé avec 300 gr. de cendre de genêt dans 2 kilogr. de vin du Rhin, avec addition de deux poignées d'absinthe. On donnait ce vin à la dose de 125 gr. chaque matin.
La lessive de cendre de genêt se prend par verrées dans l'hydropisie, la gravelle sans irritation phlegmasique des reins, la néphrite albumineuse chronique, les engorgements viscéraux, suite de fièvres intermittentes; dans tous les cas, en un mot, où le bicarbonate de potasse est indiqué. On lit, dans les Mémoires de l'Académie des sciences de Stockholm, qu'en 1757, l'armée suédoise, ayant beaucoup souffert d'une épidémie catarrhale qui se terminait par l'anasarque, dut sa guérison à une infusion lixivielle des cen-
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dres de genêt, donnée à la dose de 1 pinte par jour. Sumeire, médecin à Marignan[1], a employé le même moyen avec succès chez plusieurs malades atteints d'anasarque par suite de la scarlatine et de la rougeole. On ignorait alors l'existence de l'albumine dans ces cas.
On a utilisé à l'extérieur les diverses parties du genêt. Les branches tendres, les fleurs et les gousses peuvent être appliquées, comme résolutives, en décoction, en cataplasme, sur les abcès froids, l'œdème, les tumeurs scrofuleuses, etc. Les fumigations avec les fleurs ont été regardées comme efficaces dans l'oedème des extrémités inférieures. Levret se servait contre les engorgements lymphatiques et laiteux des mamelles, de la lessive de cendres de genêt ou de sarment, qu'il considérait comme un des plus puissants résolutifs. Il faisait entretenir sur le sein malade, après quelques douches, une compresse suffisamment imbibée de cette liqueur chaude et recouverte d'un taffetas ciré. J'ai employé ce moyen avec succès, non-seulement dans les engorgements des mamelles, mais aussi contre l'œdème, les engorgements scrofuleux, l'hydrotharse, les tumeurs blanches ; en un mot, dans tous les cas où les fomentations, les douches et les bains alcalins sont prescrits.
La SCOPARINE, d'après les nombreuses expériences de Stenhouse[2], peut remplacer les autres préparations de genêt. L'action de ce principe se manifeste ordinairement douze heures après son administration ; la quantité de l'urine rendue est alors doublée. La SPARTÉINE est douée, suivant cet expérimentateur, de propriétés narcotiques très-prononcées. Une seule goutte de spartéine, dissoute dans l'alcool, produisit chez un lapin un narcotisme qui dura cinq à six heures ; chez un autre lapin, 20 centigr. du même principe causèrent d'abord des mouvements convulsifs, puis de la torpeur, et enfin, après trois heures, la mort. Stenhouse pense que les différences d'effet que les médecins ont obtenues de l'emploi du genêt dépendent de ce que les proportions de scoparine et de spartéine peuvent varier dans la plante, suivant les localités où on l'a récoltée.
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Genêt d'Espagne
Nom accepté : Spartium junceum
GENÊT D'ESPAGNE (Spartium junceum, L.; Genista juncea, Desf.). - Arbrisseau qui croît naturellement dans le midi de la France, dans les lieux incultes, sur les coteaux. On le cultive dans les jardins pour l'odeur suave de ses belles fleurs.
Description. — Feuilles lancéolées, rameaux opposés, effilés et florifères au bout. — Fleurs également jaunes et odorantes.
On peut retirer de son écorce préparée une espèce de filasse infiniment supérieure à celle que fournit le genêt à balai.
Cette espèce, dont les fleurs ont une saveur sucrée, recherchée des abeilles, possède les mêmes propriétés que le genêt à balai, mais à un plus haut degré. Des enfants, trompés par le goût des fleurs, en mêlèrent une assez grande quantité dans une omelette, et la mangèrent. Quelques heures après, ils éprouvèrent des nausées, des vomissements, de la faiblesse, de l'anxiété, avec mal de tête ; un d'eux en fut purgé. L'eau chaude donnée abondamment, puis l'oxicrat, les guérirent[1]. L'infusion de 8 gr. de fleurs de cet arbrisseau purge très-bien ; on en fait un fréquent usage à la campagne. Cette même infusion, donnée par cuillerée dans la journée, agit comme diurétique. Levrat aîné[2] a prescrit avec avantage, dans un cas
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d'ascite chez une jeune femme atteinte d'aménorrhée et affaiblie par quelques troubles des fonctions digestives, l'infusion de fleurs de genêt d'Espagne dans 1/2 litre, dans laquelle on ajoutait 1 gr. de nitrate de potasse et 60 gr. de sirop des cinq racines. La malade prenait chaque jour cette quantité dé boisson ; à jeun et à midi, on lui donnait, tantôt seule, tantôt mêlée à sa tisane, une cuillerée à bouche d'un mélange de parties égales de rob de sureau, de rob de genièvre, de sirop des cinq racines et de sirop de capillaire, au bout de quarante-cinq jours. Ce traitement m'a parfaitement réussi en 1848, chez une fille de dix-sept ans, affectée d'albuminurie avec anasarque portée au plus haut degré, suite de la scarlatine. Mais j'ajoutais à l'infusion 1 gr. de nitrate de potasse en plus, et des fumigations de baies de genévrier. Il est très-important, en pareil cas, d'exciter les fonctions de la peau ; c'est parce qu'elles ont été interrompues par l'action du froid que la maladie se produit.
Genêt des teinturiers
Nom accepté : Genista tinctoria
GENÊT DES TEINTURIERS (Genistrole, spargelle, herbe à jaunir, herbe de pâturage. — Genista tinctoria, L. ; Genista tinctoria germanica, Bauh. ; Spartium tinctorium, Roth. ; Genistella, Riv. ; Flos tinctorius, Fuchs). — Cette variété, dont Peyrilhe a fait l'histoire, en n'indiquant le genêt à balai que pour la suppléer, ressemble beaucoup à ce dernier. Il croît dans toute la France et habite les pâturages secs, le bord des bois, les collines. On le cultive dans les jardins comme plante d'agrément.
Description. — Rameaux droits, striés. — Feuilles alternes, lancéolées, linéaires, éparses, glabres ou velues ; — Fleurs également jaunes, mais en épis droits plus garnis et terminaux, s'épanouissant un peu plus tard (juin-juillet).
Il doit être cueilli au mois de mai ; il peut se conserver plusieurs années ; ses sommités fournissent à la teinture une belle couleur jaune vif.
Cette espèce de genêt a les mêmes propriétés que les précédentes. D'après Ettmuller, les fleurs de ce genêt sont purgatives, si on les donne en décoction ; prises en substance, elles agissent comme vomitives ; les semences sont éméto-cathartiques. Peyrilhe indique le suc des fleurs comme purgatif à la dose de 15 à 30 gr. Les racines et les feuilles ont, selon lui, les mêmes vertus.
Il y a soixante ans que le gouvernement fit publier, comme un spécifique contre l'hydropisie, un remède qui n'était autre chose que la semence de genêt des teinturiers réduite en poudre. On la donnait tous les deux jours à la dose de 4 gr. dans 6 onces de vin blanc, avec l'attention d'en adoucir l'effet par 60 gr. d'huile d'olive, pris une heure après la poudre. Ce remède, devenu tout à fait populaire, et que j'ai vu réussir quand beaucoup d'autres avaient échoué, doit prendre place parmi les moyens thérapeutiques que le médecin de campagne se procure le plus facilement.
On a attribué au genista tinctoria, dans quelques provinces russes, la vertu d'empêcher le développement de la rage. Marochetti a lu un mémoire à ce sujet à la Société médico-physique de Moscou, le 4 octobre 1820. On administre pendant six semaines une forte décoction de cette plante, associée au rhus coriaria ; on en lave aussi les plaies, on s'en sert en gargarisme, etc. Mais il faut, en même temps, examiner le dessous de la langue, où, dit-on, il se développe, du troisième au neuvième jour après la morsure, des pustules que l'on doit cautériser dans les vingt-quatre heures. Salvatori[1] attribue tout l'effet obtenu à cette dernière opération. La cautérisation des pustules sublinguales suffit, suivant lui, pour préserver de la rage, et l'on doit se borner, après l'avoir pratiquée, à des lotions d'eau salée sur les parties cautérisées. Chabanon, d'Asès, d'après une note insérée dans le Moniteur du 15 juillet 1823, affirme pourtant avoir guéri plusieurs en-
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- ↑ Bulletin de la Société médicale d'émulation, 1823, p. 122.
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ragés par le genêt des teinturiers ; mais de nombreux essais semblent prouver que l'on ne peut en retirer aucun secours en pareil cas. En attendant que l'expérience ait prononcé sur la valeur de ces moyens, on fera bien de ne compter que sur l'emploi de la cautérisation prompte de la plaie, comme pouvant seule préserver de l'infection rabique.
Genêt purgatif
Nom accepté : Cytisus oromediterraneus, plutôt que Genista scorpius
GENÊT PURGATIF. — GENÊT GRIOT. — SPARTIER PURGATIF (Spartium purgans, L.). — Cette espèce croît dans les montagnes de l'est et du midi de la France. Son nom lui vient probablement de ce qu'elle est employée de temps immémorial comme évacuante par les villageois.
Description. — Tiges dressées, très-rameuses ; rameaux presque nus, les plus jeunes soyeux. — Feuilles petites, lancéolées, alternes. — Fleurs jaunes, latérales et solitaires.
Cet arbuste jouit de propriétés purgatives plus énergiques que celles du genêt à balai et du genêt des teinturiers. Cependant il n'est guère employé que dans la médecine populaire des campagnes où il croît.