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Anampantsaka (Pharmacopée malagasy)

Anamafana ou Anamalaho
Rakoto, Boiteau, Mouton, Eléments de pharmacopée malagasy
Ananas
Figure 36 : Plectranthus madagascariensis : 1. Port de la plante ; 2. Détail d'une fleur ; 3. Coupe de la tige feuillée vers le milieu d'un entre-nœud.
Figure 37 : Plectranthus vestitus Benth. : 1. Rameau fleuri ; 2. Détail de la fleur ; 3. Bouton floral.
Figure 38 : Déshydroroyléanone, en haut, et Royléanone, en bas ; on voit que les deux substances ne diffèrent que par la présence d'une double liaison supplémentaire pour la déshydroroyléanone.

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Notice 32 - ANAMPANTSAKA



Noms scientifiques : Plectranthus madagascariensis Bentham et Plectranthus vestitus Bentham (Labiées, ocymoïdées).

Autres noms malagasy : Belohalika d'après le R.P. Campenon (1887) sur un échantillon récolté à Ambohidratrimo ; mais ce nom est également donné à plusieurs Acanthacées à tiges radicantes à la base, notamment Strobilanthes madagascariensis Baker.

Plusieurs Plectranthus existant à Madagascar fournissent de petits tubercules alimentaires, très savoureux et d'excellente qualité, rappelant les crosnes ; ce sont notamment P. cymosus Baker, P. rotundifolius Sprengel et P. ternatus Sims. Ces espèces à tubercules alimentaires sont plutôt connues sous les noms de Ramifaritra, Ranofaritra ou Voamitra. Nous ne les étudierons pas ici, mais on pourra consulter sur leur valeur alimentaire le travail que Le Dantec et Boyé ont consacré, voici déjà longtemps, à ces tubercules (Annales d'Hygiène et de médecine Coloniale, III [1900], n° 2, p. 286). Désiré Bois en parle aussi dans son « Potager d'un curieux ».

Noter de plus que le nom d’Anampantsaka s'applique aussi à d'autres Labiées, notamment à Coleus Bojeri Baker, qui n'a pas, ou n'a qu'à un moindre degré, les qualités des Plectranthus.

Noms créoles (à l'île Maurice) : Baume du Pérou, Petit Baume, Oumime sauvage, etc. Les Plectranthus à tubercules alimentaires ont aussi été cultivés à Maurice sous le nom d’Oumime (également orthographié Houmime par certains auteurs). Voir à ce sujet D. Bois in Bull. bimensuel de la Société Nationale d'Acclimatation, Paris, n° 9, 5 mai 1891.

Caractères botaniques

Le genre Plectranthus, L'Héritier comprend des plantes herbacées, suffrutescentes ou même arbustives, à fleurs disposées en pseudoverticilles pluriflores ou même multiflores dans certaines espèces ; l'ensemble des pseudo-verticilles constituant un épi, une grappe simple ou ramifiée ou une panicule, pourvus de bractées, le plus souvent petites et caduques, mais parfois persistantes, les inférieures pouvant alors être foliacées. Le calice, d'abord campanulé et 5-denté, s'accroît après la fécondation de la fleur sans aller jusqu'à devenir renflé-membraneux comme dans d'autres genres de Labiées ; il est dressé ou récurvé, à deux lèvres ou à 5 dents non spinescentes, égales ou presque, la postérieure n'étant jamais linguiforme. Corolle à tube plus ou moins long, mais dépassant toujours le calice, gibbeux à la base en arrière, ou oblique, récurvé vers le bas et plus ou moins arqué, la partie libre en deux lèvres dont la supérieure obscurément 3 ou 4-lobée et l'inférieure entière et en


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général plus longue et concave, surtout dans, le bouton. 4 étamines didynames, à filets libres ou rarement connés à la base, sans dents ou appendices ; à anthères comportant deux loges le plus souvent confluentes au moins au sommet, rarement divariquées et presque libres. Disque plus ou moins développé, toujours représenté au moins par une glande antérieure qui peut être aussi haute que l'ovaire et souvent 2 ou 3 fois plus haute. Style brièvement bilobé, à lobes subégaux.

Ce genre compte au total environ 250 espèces des régions. tropicales et subtropicales d'Afrique, d'Asie et d'Océanie. Il comprend une vingtaine d'espèces à Madagascar, encore mal connues pour la plupart, car aucune révision récente des Labiées malagasy n'a été publiée.

Le travail le plus complet sur la famille reste après plus d'un siècle le Labiatarum Genera et Species de G. Bentham, London, 1832-1836, en latin.

L'inscription à la Pharmacopée malagasy des deux espèces suivantes est proposée :

Plectranthus madagascariensis

Plectranthus madagascariensis (Pers.) Benth. Lab. Gen. et Sp., p. 37-38 (Synonymes : Ocymum auricula Forsköl, manuscrit ex Bentham ; Ocymum madagascariense Pers. Syn. II, p. 135 ; Plectranthus villosus Sieber in Flora Mauritiana).

Plante herbacée villeuse, couverte dans toutes ses parties de longs poils d'un blanc argenté ; à tiges principales rampantes, couchées sur le sol, radicantes, mais à rameaux ascendants de 7 à 20 centimètres de haut. Feuilles pétiolées (pétiole de 5 à 6 mm de long), orbiculaires ou suborbiculaires (de 14 × 14 mm à 18 mm de long × 21 mm de large) marquées sur les bords de petits crénaux très obtus, rétrécies à la base, très obtuses au sommet. Inflorescence terminale, en grappe simple de pseudo-verticilles, atteignant 9 à 10 centimètres de long dans sa partie florifère, avec un pédoncule de 3 centimètres ; chaque pseudo-verticille comprenant en général de 5 à 8 fleurs (toujours moins de 10), à bractées sessiles arrondies, mais en coin à la base, villeuses sur leur face externe, mais glabres à la face interne. Fleurs de 9 mm de long environ, pédicellées (pédicelle de 2 à 3 mm), à calice légèrement accrescent, s'incurvant vers le bas et tendant à devenir un peu membraneux, strié ; à dents supérieures ovales ou brièvement acuminées, à dents inférieures un peu plus longues, lancéolées, très étroitement acuminées ou sétacées. Corolle d'un violet clair, atteignant environ trois fois la longueur du calice au moment de la floraison, incurvée vers le bas, à tube un peu gibbeux à la base.

Lorsque la plante est cultivée, ce qui est le cas dans quelques jardins de Tananarive et surtout à l'île Maurice, toutes les parties deviennent beaucoup plus grandes. Sur un échantillon cultivé récolté par Waterlot, les feuilles atteignent jusqu'à 60 millimètres de long et 45 millimètres de large, avec un pétiole de 10 à 15 millimètres.

Espèce du centre de Madagascar, dans la végétation appelée « broussailles éricoïdes » par Perrier de la Bathie, sur les dykes granitiques et


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les sommets protégés des feux. On la trouve notamment à l'Angavokely près de Carion. Elle a été introduite anciennement à l'île Maurice (envoi de Bojer).

Plectranthus vestitus

Plectranthus vestitus Bentham Lab. Gen. et Sp., p. 32.

Grande plante suffrutescente, ligneuse au moins à la base, atteignant 0,50 à 1,50 mètre de haut. Rameaux supérieurs présentant quatre angles accusés. Couverte sur toutes ses parties d'une dense pubescence rousse. Feuilles pétiolées (pétiole grêle, de 15 à 18 millimètres de long), oblongues-elliptiques, crénelées sur les bords ou pourvues de dents obtuses, rétrécies en coin à la base, obtuses, aiguës ou plus ou moins nettement acuminées au sommet, toujours rugueuses à la face supérieure avec un réseau de nervures très apparent et couvertes d'une pubescence rousse plus courte en-dessus, composée de poils roux plus longs en-dessous surtout sur les nervures, laissant voir de nombreuses ponctuations brunes correspondant aux poches sécrétrices d'essence (atteignant en moyenne 8 centimètres de long et 3 centimètres de large). Fleurs groupées en pseudo-verticilles généralement composés de 6 fleurs, eux-mêmes groupés en grappe simple ou composée, terminale, de 10 centimètres de long environ pour sa partie florifère, avec un pédoncule de 2 centimètres environ ; à rachis et pédoncule également couverts de poils roux abondants. Bractées de l'inflorescence petites, sessiles, caduques à la fin, portant à leur face inférieure un indûment roux et de nombreuses ponctuations brunes. Fleurs d'un violet sombre (y compris le calice coloré), pédicellées ; pédicelles égalant sensiblement la longueur du calice ; calice à dents supérieures ovales aiguës et à dents inférieures subulées, villeux ou pubescent ; corolle longuement tubuleuse, à tube droit, à peine gibbeux à la base, à deux lèvres courtes par rapport au tube, subégales, l'inférieure entière, relativement peu concave, la supérieure 4-lobée.

Espèce spéciale à Madagascar : commune sur les pentes orientales entre 800 et 2000 mètres d'altitude, dans les restes de forêts, surtout dans les vallées humides. La Mandraka, Anosibe du Mangoro, environ de Manakambahiny-Est et de Didy (réserve naturelle de Zakamena) ; forêt d' Analamazaotra ; pays tanala vers Marolambo ; environs d'Ivohibe et haute-vallée de la Rienana, etc.

Étude chimique

Les principes actifs des Plectranthus sont, d'une part, des huiles essentielles ayant des propriétés désinfectantes, antibiotiques, et d'autre part, des cétones diterpéniques ayant des propriétés vulnéraires, cicatrisantes (et accessoirement très souvent une action oestrogène).

On n'a étudié jusqu'ici semble-t-il que l'essence d'un plectranthus indien : Plectranthus incanus Link. (voir : K.C. Karina et R.K. Sharma : Antimicrobial activity of essential oil of P. incanus, Indian Journ. of Pharm., 25, 1963, p. 189). Dans la médecine populaire indienne,lesfeuilles sont écrasées ou mâchées, puis appliquées en topique sur les blessures


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pour en éviter l'infection ; on en exprime aussi le suc qu'on introduit dans les oreilles en cas d'otite. Par distillation de ces feuilles fraîches à la vapeur, Karina et Sharma ont obtenu 0,2 p. 100 du poids frais d'une huile essentielle présentant les caractères suivants : densité à 21°5 : 0,8976 ; indice de réfraction à 21°5 : 1.490 ; pouvoir rotatoire nD 21°5 : - 11°71 (alcool à 95C) ; indice d'acide : 4,18 ; indice de saponification : 41,67. Utilisant la méthode prescrite par la Food and Drug Administration (U.S.A.), 1951, pour tester l'activité des substances antibiotiques, Karina et Sharma ont déposé avec une micropipette 0,05 ml de cette huile essentielle sur un disque de papier filtre de 12,7 mm de diamètre et ce disque a été appliqué au centre d'une boîte de Pétri sur un milieu gélosé ensemencé de diverses souches microbiennes fournies par le Haffkine Institute de Bombay. On a fait incuber 24 heures à 37°, puis on a mesuré le diamètre de la zone où la multiplication des germes a été inhibée. Voici, par ordre décroissant d'efficacité, les résultats obtenus vis-à-vis des divers germes étudiés ; entre parenthèses le diamètre de la zone d'inhibition en millimètres: Shigella dysenteriae (29,0), Staphylococcus albus (27,0) ; Vibrio comma (26,5); Staphylococcus aureus (23,5) ; Salmonella typhosa (23,0) ; Bacillus subtilis (23,0 ), Escherichia coli (21,0) ; pas d'inhibition pour Corynebacterium diphteriae et C. gravis.

Les mêmes auteurs ont expérimenté comparativement une préparation classique de Pénicilline et l'huile essentielle de Plectranthus vis-à-vis de Micrococcus pyogenes var. aureus : 10 milligrammes d'huile essentielle se sont révélés équivalents à 10 U.I. de pénicilline (travaux résumés dans Chem. Abstracts, U.S.A., 59, 1963, 4969 h et 62, 1964, 3883 e ; et dans Chem. Zentralbl., 23, 1964, n° 1583).

Les cétones diterpéniques des Plectranthus australiens (P. parviflora en mélange avec d'autres espèces) ont été identifiées par J.H. Gough et M.D. Sutherland à la déshydroroyléanone (0,025 p. 100 du poids sec) et à la royléanone (0,002 p. 100 du poids sec).

La structure de la royléanone précédemment isolée des racines d'une composée Inula Royleana avait été établie par Edwards, Feniak et Los in Canadian Journ. of Chem., 40, 1962, p. 1540-1546. C'est une substance de formule C20 H28 O3 cristallisant en prismes jaunes, point de fusion : 179-180°, (α)D + 140 ± 8° (c = 1,05, chloroforme), présentant dans l'ultra-violet une absorption caractéristique : λ max. 278, 283 et 408 mμ (ε = 15700, 15400 et 430) ; soluble dans l'éther, l'éther de pétrole, l'alcool ; insoluble dans l'eau.

La déshydroyléanone C20 H26 O3 cristallise en prismes de couleur jaune orangé, point de fusion : 166- 167°; absorption dans l'U.V. : λ max. 213, 245, 329 et 455 mμ (ε = 16300, 7750, 7450 et 750).

(Voir J.H. Gough et M.D. Sutherland : Dehydroroyleanone in Plectranthus species, in Australian Journ. of Chem., 19, 1966, n° 2, p. 329-330).

D'un Plectranthus asiatique, P. glaucocalyx Maxim., plusieurs auteurs soviétiques ont isolé un corps qu'ils ont nommé plectrine et qui semble


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présenter d'étroites affinités avec le précédent. Cette « plectrine », de formule empirique C20 H28 O4, se présente aussi en cristaux jaunes, F = 213-215°, (α)D - 208° (c = 1, chloroforme) ; absorption U.V. : λ max. 232, 295 et 347 mμ (log. ε = 3,93 1,37 et 1,47) ; insoluble dans l'eau neutre, les acides et alkalis dilués ; soluble dans l'alcool, le chloroforme. (Voir R.N. Elizarova, A.D. Kuzovkov. P.N. Kibal'chich et A.I. Shreter in Khimija prirodnykh Soedinenij, Chimie des substances naturelles, Tashkent ; éditions de l'Académie des Sciences de la République Socialiste Soviétique d'Ouzbekistan, 1965, n° 6, p. 427-428, en russe).

Nous avons vérifié que les deux Plectranthus malagasy dont nous proposons l'inscription renferment une huile essentielle et que leur extrait éthéré renferme des substances à forte absorption dans l'ultraviolet.

Partie officinale : feuilles et sommités fleuries.

Indications thérapeutiques et posologie

L’Anampantsaka à l'état frais sera avantageusement utilisé dans la préparation de l'alcoolat vulnéraire (voir Notice 21 : alcoolat vulnéraire) dont nous avons déjà signalé la posologie et les applications.

On peut aussi utiliser le suc exprimé de la plante fraîche à raison de 30 à 50 grammes par jour per os. Il donne d'excellents résultats dans les catarrhes bronchiques si fréquents chez les enfants au cours de la saison froide. Pour faciliter son administration, on peut en préparer un sirop en additionnant d'un poids égal de sucre en poudre le suc exprimé de la plante ; chauffer à feu très doux pour faire fondre le sucre, en agitant, sans porter à l'ébullition. Ce sirop peut s'administrer à raison de 4 à 8 cuillérées à café par jour. Il facilite beaucoup les expectorations, calme la toux et prévient les complications rénales éventuelles.

La poudre de feuilles sèches s'utilise à raison de 2 à 4 grammes par jour. On l'administre en électuaire avec du miel, dans les bronchites, toux quinteuses et catarrhes, pour faciliter l'expectoration et rétablir les fonctions respiratoires.

On peut aussi en préparer une alcoolature : en épuisant 1 kilogramme de la drogue par 8 litres d'alcool à 90° suivant les règles habituelles (voir Lixiviation). Cette alcoolature s'administre à raison de 2 à 4 cuillérées à bouche par jour (à réserver aux adultes).

La poudre peut encore servir à préparer un onguent qu'on utilisera pour le pansement des plaies.

Contre indication : la plante ayant à haute dose des propriétés oestrogènes, il est préférable de ne pas l'utiliser chez les femmes enceintes.