Tussilage (Cazin 1868)
Tussilage
TUSSILAGE. Tussilago farfara. L.
Tussilago vulgaris. C. BAUH., TOURN. — Tussilago. CLUS. — Farfara. CŒSALP. — Bechium sive farfara. DOD. — Ungula caballina. TRAG. — Béchion (1). DIOSCOR. — Filius ante patrem.
Tussilage commun, — pas-d'âne, — pas-de-cheval, —herbe de Saint-Guérin, — taconnet, — procheton.
COMPOSÉES. — EUPATORIÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE POLYGAMIE SUPERFLUE. L.
Le tussilage (Pl. XXXIX), plante vivace, se trouve aux bords des ruisseaux, des fontaines, des fossés, dans les terrains argileux, sur les coteaux humides et gras. Le nom de filius ante patrem, qui lui a été donné au moyen-âge, vient de ce que les fleurs paraissent avant les feuilles. Celui de pas-d'âne vient de la forme de ses feuilles, et celui de tussilage, de son emploi contre la toux.
Description. — Racines longues, grêles, traçantes, blanchâtres. — Tiges : hampes droites, simples, uniflores, fistuleuses, longues de 10 à 15 centimètres, garnies d'écailles membraneuses lancéolées. — Feuilles : toutes radicales, pétiolées, arrondies, cordiformes, lisses, dentées, d'un vert gai en dessus, blanchâtres et cotonneuses en dessous. - Fleurs radiées, solitaires, d'un beau jaune de soufre, formées par la réunion d'une multitude de petites fleurs paraissant avant les feuilles (avril-mai). — Calice commun, à plusieurs folioles glabres, linéaires, disposées sur un seul rang, accompagnées à leur base de petites bractées à bords cotonneux. — Fleurons tantôt tous hermaphrodites, tantôt femelles, fertiles vers la circonférence, hermaphrodites dans le centre. — Cinq étamines syngénèses. — Un style. — Deux stigmates. — Fruits : akènes, oblongs, cylindriques, un peu striés, couronnés par des aigrettes simples et sessiles, quelquefois pédicellées.
Parties usitées. — Les feuilles, les fleurs, rarement les racines.
Récolte. — On récolte les fleurs en février, mars, avril ; les feuilles en été, les racines en automne ou au printemps, avant la floraison. Après avoir fait sécher les fleurs à l'étuve, il faut bien s'assurer si elles sont complètement sèches, car elles conservent souvent un fond d'humidité qui les détruit promptement.
[Culture. — Le tussilage croît sur les talus, dans les endroits humides. On ne le cultive que dans les jardins botaniques. On le propage par semis ; il se ressème lui-même.]
Propriétés physiques et chimiques. — Les fleurs ont une odeur forte, agréable, et une saveur douce et aromatique. (Analysées par Nayle (2), elles ont donné de la gomme, de l’inuline, des acides gallique et pectique, de l'extractif amer, de la résine, de l'huile fixe et des matières colorantes verte et jaune.) Les feuilles sont amères et mucilagineuses. Le sulfate de fer donne à la décoction de cette plante une couleur noire qui décèle la présence du tannin. Elle contient en outre un principe extractif.
La racine de tussilage, concassée et desséchée, prend feu comme de l'amadou, suivant Murray.
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(1) Béchion, à cause de la propriété que cette plante a de calmer la toux, et dont les modernes ont fait dériver l'expression béchique, appliqué à tous les médicaments qui jouissent également de propriétés calmantes et expectorantes.
(2) Journal of the Marylands college of pharmacy, t. II, p. 73.
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A L'INTÉRIEUR. — Infusion théiforme des fleurs, 20 à 30 gr. par kilogramme d'eau bouillante. |
l'eau, pulpée, passée au crible, cuite en consistance de bouillie avec le double de
miel. |
Les fleurs de tussilage ont toujours été placées en pharmacie parmi les espèces pectorales, telles que celles de mauve, de pied-de-chat, de bouillon blanc, de violette, etc. Les feuilles et les racines, dont les anciens faisaient usage, n'étaient plus usitées, lorsque Fuller (1) les recommanda comme un remède précieux contre les affections scrofuleuses.
Hippocrate employait la racine de tussilage associée au lait et au miel contre les ulcérations du poumon. Dioscoride, Galien et Pline parlent de la fumée des feuilles contre la toux et l'asthme, usage que Linné a retrouvé en Suède, où l'on fume ces feuilles en guise de tabac quand on a de la toux. Boyle (2) rendait ces fumigations plus actives contre la phthisie en ajoutant au tussilage de la fleur de soufre et du succin : Herbæ cum flore sulphuris et succino in pulverem comminuto mixtæ fumus ore haustus instar nicotianæ phthisim aliquando sanavit (3). Haller prétend avoir guéri plusieurs phthisiques par le seul emploi de cette plante.
(D'après Albrecht (4), on emploie le tussilago farfara au Japon contre cette même maladie.)
Fuller considérait la décoction des feuilles de tussilage comme pouvant seule guérir la phthisie scrofuleuse. Peyrilhe vante cette décoction concentrée ou le suc contre la même maladie, et le sceptique Cullen (S) dit que l'emploi de ces préparations a produit de bons effets flans les ulcères scrofuleux. Il avoue, toutefois, que ce moyen n'a pas toujours répondu à ses espérances. Meyer rapporte trois cas de scrofules guéris par ce végétal : le premier est relatif à un asthme avec toux, le second à un ulcère scrofuleux, le troisième à un exanthème également scrofuleux avec psorophthalmie, contre laquelle on lavait en même temps l'œil avec une décoction de tussilage. Allen (6) dit aussi que la décoction des feuilles de tussilage l'emporte sur tous les remèdes qu'on a connus jusqu'ici pour guérir les écrouelles. Bodart a recueilli, à l'hôpital Sainte-Claire de Pise, en Toscane, « une preuve sans réplique de son efficacité dans l'atonie du système capillaire sanguin et lymphatique, qui constitue essentiellement la diathèse dite scrofuleuse. » Cette preuve consiste dans une observation fort intéressante.
A son retour en France, Bodart s'est livré à de nouvelles expériences qui ont confirmé les heureux effets du tussilage dans le traitement des affections scrofuleuses. Les nombreux faits qui lui sont particuliers, et ceux que lui ont communiqués plusieurs praticiens, et notamment Gaultier de Claubry et Menuret, sont consignés dans son Essai sur les propriétés du tussilage (Paris, 1809). Cette plante possède à un haut degré, suivant Bodart, des pro-
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(1) Médecine gymnastique, p. 93.
(2) De util. philos. nat., traduction latine publiée à Londres en 1692, de son ouvrage : Some considerations touching the usefulness of experimental nat. philosophy, etc. Oxford, 1633.
(3) Ray, Catal. plant., p. 297.
(4) Union médicale, 1863, t. XVIII, p. 485.
(5) Matière médicale, t. II, p. 482.
(6) Roques, Plantes usuelles, t. II, p 345.
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priétés toniques, incisives, résolutives et légèrement purgatives, selon les diverses manières de l'administrer.
Hufeland (1), et après lui Tourtelle (2), vantent les propriétés du tussilage contre les affections lymphatiques et scrofuleuses.
Le dernier auteur en aiguisait la décoction avec la potasse ou la soude. Baumes (3) dit que le tussilage est un très-bon remède contre les engorgements des glandes, les éruptions cutanées, et surtout contre les toux scrofuleuses et les affections des poumons. Il réussit très-bien, suivant lui, chez les enfants qui ont les poumons faibles, même lorsque la fièvre a commencé à s'établir. Il prescrit le suc frais des feuilles à la dose de 30 à 120 gr. dans la journée, ou la décoction des feuilles sèches lorsqu'on ne peut se procurer la plante fraîche. Alibert, sous les yeux duquel cette plante a été administrée dans diverses affections scrofuleuses, dit n'en avoir obtenu aucun résultat. Mérat et Delens la croient utile pour faciliter l'expectoration, sur la fin des catarrhes aigus. Fernel avait dit du tussilage : Inspirato fumo, pulmones tam blande expurgant, ut sine noxa omnes thoracis abcessus rumpere credantur (4). Trousseau et Pidoux ne mentionnent le tussilage que comme plante simplement émolliente, et le placent à côté de la mauve, de la guimauve, de la bourrache, etc. C'est ne tenir aucun cas des recherches et des observations de nos devanciers sur cette plante. Pour moi, j'avoue que les faits nombreux rapportés par des auteurs dignes de foi, et surtout les assertions du célèbre praticien Hufeland, ont ébranlé mon incrédulité, malgré deux essais infructueux. J'ai de nouveau employé le tussilage, et je m'en suis bien trouvé. J'ai pu me convaincre de l'efficacité de cette plante dans plusieurs cas d'affections scrofuleuses, où les traitements généralement connus et employés avaient échoué. Je citerai les suivants :
Premier cas. — La fille du sieur Bernard, de Boulogne, âgée de onze ans, d'une faible constitution, avait eu, pendant les premières années de son enfance, de l'impétigo, de fréquentes ophthalmies et des engorgements glanduleux au cou. On me la présenta en juillet 1854. Elle était alors atteinte d'une ophthalmie photophobique double ; les paupières étaient très-boursoufflées et érysipélateuses à leurs bords ; elle avait un engorgement glanduleux considérable des deux côtés du cou, sans changement de couleur à la peau. On avait inutilement employé contre cet état, qui datait d'environ six mois, l'infusion de houblon coupé avec du vin, le sirop de gentiane, l'huile de foie de morue et un régime tonique. Je mis immédiatement la malade à l'usage du suc de tussilage, à la dose de 60 gr., que j'augmentai graduellement jusqu'à celle de 180 gr. par jour. Dès le cinquième jour, il y avait amélioration, la malade commençait à ouvrir les yeux et supportait mieux la lumière. Il est vrai qu'une infusion de jusquiame, que je faisais appliquer sur les paupières, pouvait produire seule cette amélioration ; mais au quinzième jour du traitement, les glandes engorgées étaient diminuées de moitié, l'ophthalmie presque entièrement dissipée. Au bout de six semaines, la malade était complètement débarrassée et dans un état de santé des plus satisfaisants.
Deuxième cas. — Mlle D***, de Samer, âgée de quinze ans, d'une constitution grêle, d'un tempérament lymphatique, irrégulièrement mais abondamment menstruée, ayant eu des scrofuleux dans sa famille, était atteinte depuis près de huit mois, et à des degrés variables, d'une ophthalmie chronique de l'œil droit, avec photophobie. Elle avait, en outre, au dessous de l'oreille droite, une tumeur glanduleuse de la grosseur d'un œuf, des ulcé-
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(1) Traité de la maladie scrofuleuse, traduit par Bousquet, p. 273.
(2) In A. Lorentz, Dissertation sur les maladies scrofuleuses, p. 20.
(3) Du vice scrofuleux, etc., p. 296.
(4) Univ. med., lib. V, cap. XXI, p. 265. Genevæ, 1680.
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rations crustacées dans les narines, avec gonflement et rougeur des ailes du nez et de la lèvre supérieure. Cet état, contre lequel on n'avait employé que l'huile de foie de morue à la dose d'une cuillerée à bouche par jour, mêlée à pareille quantité de sirop antiscorbutique, durait depuis près d'un an, lorsque dans les premiers jours de juin 1857 1a malade fut confiée à mes soins. Je prescrivis une forte décoction de feuilles fraîches de tussilage à prendre en quatre fois dans la journée. Au bout de dix jours de ce traitement, l'amélioration était sensible. On se bornait contre l'ophthalmie à l'application de la pommade antiophthalmique de Desault. Le trentième jour, l'ophthalmie et les ulcérations nasales étaient guéries ; la tumeur du cou était diminuée de moitié. On continua la décoction de tussilage, et l'on fit prendre en outre, chaque matin, un verre (environ 100 gr.) de suc de la même plante. Sous l'influence de cette médication, la tumeur diminua graduellement de volume dans l'espace d'un mois, et vers le 15 août, la résolution était complète. Depuis six mois, la guérison ne s'est point démentie.
Troisième cas. — Renaud, âgé de vingt ans, tempérament lymphatique, habitant le village marécageux de Nesles, était atteint depuis près de deux ans d'engorgements glanduleux au cou, qui, en s'abcédant successivement, avaient donné lieu à des ulcères sanieux, fongueux, avec décollement de la peau. Ces ulcères, de l'étendue d'une pièce de 2 fr. à celle de 5 fr., blafards, à bords cuivreux et décollés, étaient, au nombre de six lorsque je vis le malade pour la première fois, le 10 mai 1857. Le malade avait pris, très-irrégulièrement, il est vrai, l'huile de foie de morue, l'iodure de potassium et la décoction de feuilles de noyer. Après avoir cautérisé, ravivé les ulcères par le nitrate d'argent, et détruit au moyen du caustique de Vienne les parties de la peau non susceptibles d'adhérence et de cicatrisation, je mis le malade à l'usage du suc de tussilage, d'abord à la dose de 60 gr. chaque matin, et de la décoction de feuilles sèches de la même plante (50 gr. pour 1 kilogr. d'eau) pour boisson dans la journée. La dose du suc fut graduellement augmentée jusqu'à celle de 100 gr., à laquelle on était arrivé au quinzième jour du traitement, dont l'effet était déjà très-prononcé. Les ulcères, qui avaient changé d'aspect dès les huit premiers jours, marchaient vers la cicatrisation. Au bout de deux mois, il ne restait plus que quelques engorgements cellulaires, qui ont cédé à la continuation du traitement, complété d'ailleurs par l'emploi du vin de gentiane et de feuilles de noyer. Je dois faire remarquer, à cette occasion, que l'action antiscrofuleuse du tussilage se manifeste beaucoup plus promptement que celle des feuilles de noyer et du brou de noix, mais que celle-ci, pour se faire attendre, n'en est pas moins efficace. Ces deux végétaux combinés, employés simultanément ou successivement dans les mêmes cas, offrent de grandes ressources aux praticiens des campagnes dans le traitement des affections scrofuleuses. Les médecins de nos cités craindront de vulgariser la médecine par l'emploi de remèdes si simples ; ils préféreront toujours, ainsi que leurs malades, les préparations d'iode, celles d'or, de baryum, etc., élégamment arrangées dans l'officine du pharmacien.
A l'extérieur, on s'est servi des feuilles fraîches de tussilage en cataplasme comme légèrement résolutif et maturatif. Hippocrate recommandait l'emploi de la décoction vineuse sur les plaies tendant à se transformer en ulcères. La fumée de la plante desséchée a été recommandée contre l'odontalgie. Bodart employait la teinture alcoolique de tussilage en frictions ; la poudre des feuilles, comme du tabac, dans le coryza ou pour dessécher les ulcères; le décoctum vineux ou aqueux, ou le suc exprimé pour fomentation sur les engorgements et les ulcères scrofuleux ; les feuilles crues ou cuites, pilées en cataplasme avec du miel, à la manière des anciens; la solution de l'extrait dans l'huile en liniment. Ces topiques paraissent, assez in-
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signifiants et peuvent être avantageusement remplacés par d'autres plus énergiques.
Pétasite
Nom accepté : Petasites hybridus
TUSSILAGE PÉTASITE. — PÉTASITE. — HERBE AUX TEIGNEUX, AUX CHAPEAUX. — GRAND BONNET. (Tussilago petasites, L. ; petasites major et vulgaris, G. Bauh., Tourn. ; petasites vulgaris rubens rotundiore folio. J. Bauh.) — Cette plante vivace, incomplètement dioïque, croît dans une grande partie de la France, aux lieux humides, aux bords des fossés, des ruisseaux, des torrents. Les feuilles fraîches un peu écrasées plaisent aux bestiaux, les abeilles recherchent les fleurs.
Description. — Racines très-épaisses, longues, charnues, blanchâtres intérieurement, noirâtres en dehors. — Tiges de 20 à 50 centimètres, herbacées, pubescentes, simples, droites, épaisses, cotonneuses, garnies de squames ou écailles rougeâtres. - Feuilles radicales en rosette, longuement pétiolées, amples, ovales, cordiformes inégalement dentées, d'un vert foncé en dessus, pubescentes et blanchâtres en dessous. - Fleurs purpurines disposées en thyrse au sommet des tiges (mars-avril) ; involucre à un ou deux rangs de folioles ; réceptacle plan, demi-fleurons tubuleux, nombreux, tous femelles, à l'exception de quelques mâles placés au centre, ou tous mâles, sauf quelques-uns femelles à la circonférence ; stigmates des fleurs stériles, courts, obtus.
L'odeur et la saveur de cette plante sont plus développées que dans l'espèce précédente. La racine est amère, un peu aromatique et âcre.
La racine de pétasite est regardée comme vermifuge, sudorifique, astringente. On a employé son infusion (10 à 15 gr. par 500 gr. d'eau) dans les fièvres miliaires, la scarlatine, la rougeole, les affections catarrhales pulmonaires, l'asthme humide, contre les vers, etc. Elle paraît plus active que celle du tussilage pas-d'âne, et pourrait être employée aux mêmes usages. Les fleurs sont réputées pectorales. Les feuilles ont été appliquées sur les gonflements goutteux pour en calmer les douleurs ; écrasées, en topique, pour résoudre les tumeurs, déterger les ulcères, etc.
Pétasite odorant
Nom accepté : Petasites pyrenaicus
TUSSILAGE ODORANT. — HÉLIOTROPE D'HIVER. (Tussilago fragrans. Villars.) — Originaire des Basses-Alpes, cette plante est cultivée dans les jardins. J'en ai entouré une pièce d'eau à ma campagne.
Description. — Racine noueuse et traçante. — Tige droite, striée, velue, de 30 centimètres environ. — Feuilles arrondies, échancrées en cœur à leur base, grandes, finement dentées à leur contour, molles, d'un beau vert en dessus, pubescentes et plus pâles en dessous ; pétioles dont la base est la tige. — Fleurs purpurines, réunies en thyrse, offrant l'odeur suave de l'héliotrope du Pérou.