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Mandragora (Rolland, Flore populaire)

Révision de 14 juin 2013 à 21:25 par Michel Chauvet (discussion | contributions)


Atropa
Eugène Rolland, Flore populaire, 1896-1914
Capsicum


[Tome VIII, 122]

Mandragora

Mandragora (Genre) (Linné). - LA MANDRAGORE.

1. - Noms de la plante :

  • μανδραγόρας, grec anc. — γοργόνακι, grec moderne à l'île de Chypre, Unger, Die Insel Cypern, 1865. p. 288.
  • mandragoras, lat. de Pline.
  • mala canina, mala terrestria, lat. de Dioscoride, publ. par Stadler.
  • malum terræ, l. du VIes. apr. J.-C., Isidore de Séville.
  • antropomorfeon, l. du m. â., Du C.
  • mandragora, mandrogora, pomum macianum, bullaquilon, allota, algorica, algarica, algaricia, l. du m. â., Dief.
  • mandra, l. du m. â., God.
  • briorica, l. du m. â., Germania, 1881, p. 402.
  • bulaquerlon, l. du m. â., Mone. Quellen d. teutsch. Liter., 1830. p. 285.
  • harusca, l. du m. â., Du C.; Syn. 1623.
  • niaculon, l. du m. â., Benecke.
  • andacore, sulfurace, l. du m. â., Sérapion l'Ancien (Le premier mot est donné comme arabe.)
  • apollinaris, anthropomorphon, buloquinum, l. du m. â., Simon Januensis, 1486.
  • flinon, madraqora, l. du m. â., Rostaf. — caninum malum, anc. nomencl., Brunfels, 1534.
  • circæa, antimelon, anc. nomencl., Duchesne, 1544. — antimalum, anc. nomencl., Dodoens, 1557. — antimon, anthraphraseos, albalarosa, l. du XVIe s., Antonius Nebrissensis, Lexicon cathalanum, 1587 — atropa mandragora, nomencl. de Linné.
  • mandragora, f., anc. prov., P. Meyer (dans Romania, 1903, p. 280.)
  • mandragore, f., franç., J. Camus, Op. sal. (XVe s.) ; etc. etc.
  • mandragoire, f., anc. fr., J. Camus, Op. sal. (XVe s.) ; Corbichon, Propriét. des choses, 1525 ; Roch Le Baillif, Demoster., 1578.
  • mandagore, f., anc. fr., Laborde, 1853 ; Dorveaux, Antid. ; God.
  • main de gorre, f., anc. fr. Tallemant des Réaux (XVIIe s.), éd. de 1852. I, 11. — Poitou, Le Pays poitevin, 1898, p. 7.
  • mandegone, f., anc. fr., God.
  • mandrigorgne, f., Montmorillon (Vienne). Lal.
  • madregole, f., anc. fr., God. ; Darmesteter, Glosses et Glossaires hébraïques, 1878, p. 39.
  • madagoire, f., anc. fr., Du C.; Laborde, 1853, II, 379.
  • màndriqoulo, f., Gard, Tarn. — mandragoire, f., anc. fr., Corbichon,


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Propr. d. Ch.mandraglore, f., mandragloire, f., fr. du XIVe s., Dorveaux, Antid.mandregloire, f., franç., Cotgr., 1650. — mandeglore, f., anc. fr., P. Meyer, Deux. rapport ; Fousch, 1549. — mandagloire, f., anc. fr., Du C. ; Laborde, 1853. (Dans Du C. le mot est mascul.) — mandegloire, f., mendegloire, anc. fr., God. ; Dorveaux, Antid. ; Gesnerus, 1542 ; etc., etc. (Le mot est parfois mascul.) — main de gloire, f., anc. fr., Gesnerus, 1542. — mont de gloire, m., fr. du XVIe s., Solerius, 1549. — madegloire, f., anc. fr., God.; Laborde, 1853. — mandore, f., franç., Agréable confér. de deux paysans de Saint-Ouen, 1649, in-4, p. 7. — mandrage, mandrake, anglo-normand du XIVe s., P. Meyer, Contes de Bozon, 1889, p. 311. — mendrak, m., anc. fr., Festg. für Mussafia, 1905. — môdagò, m., Landes, Métiv., p. 426. — martagon, m., anc. fr., Domayron, Le Siège des muses, 1610, p. 83. — herbe du matagon, Allier, Boudant, Hist. de Chantelle, 1862, p. 195. — motogò, m., Corr., Bér. ; Dord., W. de Taillefer. — erbo déy motocò, f., motocò, m., Corr., Bér. — herbe à l'espec, franç., Brohon, 1541. — herbe à l'espic, franç., Duchesne, 1544. — herbe du pic, herbe matago, montaqo, martigo, Berry, Laisnel de la Salle, p. 218. — ' mandraguna, matraguna, nadragula, roumain. — mandracola, portug. — urriloa, basque.
  • alarûne, alarône, alrûn, alraun, arûne, alûne, malûne, alraunwurzel, alraunmannl, hexenkraut, dial. all. — mandragre, mandrage, mandraagers-kruid, alruyne, alrune, anc. flam. et holl. ; alruinmanneken, galgemannken, pisdiefje, pisduiveltje, holl. ; galgejong, duiveljong, flam. (A. de C.] — mandrake, angl., Howell, 1660.
  • toffâh el Djenn (= pomme des Génies), arabe, Ibn Beïthar. yabrohach, yabora, arabe, Laguna, 1563.


Le mot mandraqore, souvent étrangement défiguré, sert à désigner : l° la plante ; 2° certaines plantes imaginaires ; 3° certains êtres ou animaux fantastiques ; 4° certaines amulettes.


Toponomastique. — Les Matagots, local. des H.-Alpes, Roman. (Selon Roman le mot signifie Les Diablotins.)

« Mandragoras ostendit similitudinem feminæ et dicitur, qui eam eradicat, non posse vivere. » IXe s., Anzeiqer, de Mone, III, 202.


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« Il y a danger d'arracher ou de couper cette plante ; pour éviter ce danger, quand on veut la tirer de terre, il faut attacher à la tige un chien que l'on bat ensuite, afin que, faisant des efforts pour s'enfuir, il la déracine. » Tradit. persane, d'Herbelot, Bibl. orient.

« Un jour un élève-serviteur nommé Loshtak, au service d'un évêque qui était grossier pour lui, se vengea en mettant le feu dans sa barbe pendant qu'il dormait. L'évêque le maudit en disant qu'il entre dans la terre ; et il disparut sous terre. L'évêque le regretta et souhaita qu'il servît de médicament aux hommes. Loshtak dit avec impertinence : alors je serai tiré de terre. L'autre le maudit une seconde fois, et dit : celui qui te tirera de la terre disparaîtra lui-même sous terre. Aussi pour avoir cette herbe on la fait tirer par un chien, au moyen d'une corde. Loshtak pousse un tel cri que le chien en crève. » Tradit. arménienne.

« Des voleurs condamnés à mort ont avoué à la torture qu'ils se servoient de la main de gloire pour stupéfier et rendre immobiles ceux à qui on la présentoit, de maniere qu'ils laissoient voler leur argent et leurs meubles, sans pouvoir se remuer, ni avoir la force d'appeller à leur secours. A l'égard de la composition, ils déclarerent que cette main de gloire se faisoit avec la main d'un pendu, qu'on enveloppe dans un morceau de drap mortuaire, où on la presse pour en faire sortir le sang, s'il y en reste ; puis on la met dans un vase de terre avec de l'azimut, du salpêtre, du sel, et du poivre long, le tout bien pulvérisé. On la laisse quinze jours dans ce pot, puis on la tire, et on l'expose au soleil de la canicule, jusqu'à ce qu'elle soit bien sèche : et si le soleil ne suffit pas, on la met dans un four chauffé avec de la fougere et de la vervaine. On compose ensuite une chandelle avec de la graisse de pendu, de la cire vierge, et du zizanee de Laponie. On se sert de cette main comme d'un chandelier ; et dans tous les lieux où l'on va avec cette chandelle allumée, ceux qui y sont demeurent immobiles. » Dict. de Trévoux, 1752.


« Je me souviens d'avoir logé chez un riche paysan qui avait été autrefois fort pauvre et misérable, si bien qu'il était contraint de travailler à la journée pour les autres ; et, comme je l'avais


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connu dans le temps de sa misère, je pris occasion de lui demander ce qu'il avait fait pour devenir riche en si peu de temps. Il me dit qu'ayant empêché qu'une Bohémienne ne fût battue et mal menée pour avoir dérobé quelques poulets, elle lui avait appris le secret de faire une Mandragore, et que depuis ce temps-là, il avait toujours prospéré de bien en mieux, et qu'il ne se passait guère de jour qu'il ne trouvât quelque chose, et voici de quelle manière la Bohémienne lui avait enseigné de faire la Mandragore. Il faut prendre une racine de bryonia (1) qui approche de la figure humaine, on la sortira de terre un Lundi dans le Printemps, lorsque la Lune est dans une heureuse constellation, soit en conjonction avec Jupiter, en aspect aimable avec Vénus ; l'on coupe les extrémités de cette racine, comme font les Jardiniers, lorsqu'ils veulent transplanter une plante ; puis on doit l'enterrer dans un cimetière, au milieu de la fosse d'un homme mort, et l'arroser avant le Soleil levé durant un mois avec du petit lait de vache, dans lequel on aura noyé trois chauves-souris ; au bout de ce temps on la retire de terre, et on la trouve plus ressemblante à la figure humaine ; on la fait sécher dans un four chauffé avec de la verveine, on la garde enveloppée dans un morceau de linceul qui ait servi à envelopper un mort. Tant que l'on est en possession de cette mystérieuse racine, on est heureux, soit à trouver quelque chose dans le chemin, à gagner dans le jeu de hasard, soit en trafiquant ; si bien que l'on voit tous les jours augmenter sa chevance. » Secrets merveilleux du Petit-Albert, 1815.


« La mandragore ou main de gaure est un serpent représentant le diable, que l'on servait à table et que l'on déposait ensuite dans une boîte. Le soir, on plaçait à côté de lui une pièce de monnaie et le lendemain matin on en trouvait deux. Toutes les personnes qui s'enrichissaient passaient pour avoir une mandragore (on disait quelquefois une paulette). Quand le propriétaire de l'animal venait à mourir, un des enfants avait le droit d'en hériter, mais si personne n'en voulait, le serpent, après s'être mis sur le cercueil du mort, partait à la recherche


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(1) Il arrive souvent que l'on substitue les racines de bryone à celles de la mandragore quand celle-ci fait défaut.


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de gens mieux disposés. Quand on le voyait traverser les champs, il fallait aller chercher une serviette ou une nappe, l'étendre devant la bête ; alors il se roulait et on l'emportait. Dans les cas pressés, il suffisait de placer un mouchoir sur son passage . On cite encore dans le pays plusieurs maisons dont la fortune provient de la mandragore. On désigne même un endroit où le serpent s'était arrêté et on entendait journellement ces mots : « Qui retire la main de gaure sera heureux dans ce monde et malheureux dans l'autre. » Poitou, Le Pays poitevin, 1898, p. 7.


Sur le Mandago, animal fantastique, dans les Landes, voyez Bladé, Contes pop. de Gasc., t. II, et V. Foix, Sorcières et loups garous, 1904, p. 29.


« Ils croyoient que tant comme ils avoient un madagoire, mais qu'il fust bien nettement en beaux drappeaux de soye ou de lin enveloppé, que jamais jour de leurs vies ne seroient pauvres. » Du Cange, sub verbo mandragora. - « Qui porroit finer d'un vrai mandegloire et le couchast en blans draps et lui presentast à mengier et à boire deux fois le jour, combien qu'il nr mengue ne boive, cellui qui ce feroit deviendroit en peu d'espace moult riche et ne sauroit comment. » XVe s., Les Évangiles des quenouilles, édit. Jaunet, 1855.


« L'herbe du matagon est luisante pendant la nuit ; le jour, le pic seul peut la faire découvrir : il voltige d'une certaine façon avant de le saisir ; c'est elle qui lui durcit le bec. Heureux le bouvier qui a trouvé cette herbe ; ses bœufs forts et vigoureux résisteront à toutes les fatigues. » Allier, Boudant, Hist. de Chantelle, 1862, p. 195. — « L'herbe du pic donne au pic la force de percer les arbres les plus durs ; on la trouve quelquefois dans le nid de l'oiseau. On peut aussi se la procurer en le guettant ; si on le voit frotter son bec à une certaine herbe, celle-ci est le précieux talisman. Gardez-vous bien de vous servir de fer pour la cueillir et l'arracher, car au contact de ce métal, elle perdrait toute sa vertu... Lorsque le pic fait entendre son cri moqueur c'est qu'il a aperçu des chercheurs de cette plante magique... Celui qui porte sur lui l'herbe de pic possède une force herculéenne. Selon les uns l’herbe du


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pic serait la mandragore, selon les autres ce serait une espèce d’Orchis. » Berry, Laisnel de la Salle, p. 216-220.


« Pour se faire aimer d'une belle, il faut ramasser de l’herbe matagot, la mettre adroitement, sans que personne s'en doute, sous le livre des évangiles et laisser dire la messe dessus. » Périgueux, 'W. de Taillefer, p. 252.


« La mandragore rend les femmes fécondes. Un jour une putain s'adressa à la mandragore pour la rendre féconde, mais la plante refusa. » Voir Dialogue des créatures, 1482, 31e dialogue.


« Le matagot est un être fantastique qui sème dans chaque prairie une plante qui donne le vertige à ceux qui la foulent aux pieds et les empêche de reconnaître les lieux qui leur sont le plus familiers. » Allier, V. Tixier, Exercice illég. de la méd. (dans Congrès scientif. tenu à Moulins en 1872, p. 347.)


« Les Bretons nomment Mandragores des lutins familiers, de très bonne composition, qui leur apparaissent, disent-ils, sous la figure de petits hommes sans barbe et les cheveux épars. » A. de Chesnel, Dict. des Sup. [Ed. Edm.].


« Si l'on marche sur la mandragore on ne peut retrouver son chemin. » Chroniqueur du Périgord, 1853.


« L’erbo de motoco vient dans un certain pré près Tulle. Quand on fauche cette plante avec les autres herbes la pluie tombe immédiatement, de sorte que quand on veut avoir de la pluie, on va couper des brins de cette herbe. » Corrèze, Béronie.


Il a la mandegloire ou la mandragore, se dit de celui qui devient riche tout à coup, sans qu'on sache comment.


« Matagona = sorcière. » mentonais, Andr. — « Mandragoula = une femme débauchée. » piémontais, Capello. — « Un mandegloire, un madagoire = un pauvre, un gueux, un misérable. » anc. fr., God. — « mandraqour = gros garçon qui affecte des manières d'enfants. »Briançonnais, Chabrand. — « Cy n'entrez pas, hypocrites, bigots, Vieux matogots, marmitons boursoufflés. » Rabelais, Garqantua.


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« Sans dire passe-matagot J'ai fort bien joué virago. » Chevalier, Désol. des filoux ; cité par Leroux, Dict. com.


« Matigô ! = exclamation de surprise, May., Dott. ; Vendômois, Mart. (Dans la Mayenne on dit aussi : mazigô !


Symbolique. — « La mandragore signifie générative conjonction. » Traité curieux des couleurs, 1647, p. 75.


Héraldique. — Sur la mandragore dans l'héraldique, voyez : Renesse, III, 121.


Bibliographie. - Voyez encore sur la mandragore : Laurens Catalan, Rare disc. de la mandrag., 1638, in-12 ; Nisard, Hist. des livres popul., 1854, I, 204-208 ; Ibn Beïthar, II, 246-248 ; Nares, II, 544-545 ; G. Raynaud, Poëme moralisé sur les propr. des Ch. 1885, p. 26 et p. 37 ; Régnier, Œuvres de Lafontaine, 1889, V, 34-35, dans les notes.