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Pour être à la mode, j'aurai aurais dû intituler cette page "Le making-of" de l'encyclopédie, ou bien "les coulisses".
Cette encyclopédie ne s'est pas faite en un jour. Mon éditeur et mes amis ne cessent de me poser des questions à ce sujet. Il y a effectivement toute une histoire à raconter.
Si les jardins botaniques, arboretums et collections de ressources génétiques ont été sollicités, j'ai également profité de mes missions pour rapporter des plantes que j'achetais sur les marchés la veille de mon retour. J'ai fait cela en Italie, en Espagne, en Argentine, au Brésil et au Kenya. Je prévenais alors un illustrateur parisien pour qu'il vienne les chercher immédiatement et les dessine avant qu'elles fanent.
La commande des dessins s'opérait soit par la fourniture directe d'échantillons, soit par l'envoi d'une liste de plantes à dessiner. Je validais ensuite l'identification, la qualité et le la complétude des dessins. Ce processus a bien sûr été émaillé d'une certain nombre de problèmes.
*J'avais demandé un dessin de scorsonère et un autre de salsifis. J'ai obtenu deux dessins de scorsonère. La raison en est simple : la scorsonère ''[[Scorzonera hispanica]]'' a totalement remplacé le salsifis ''[[Tragopogon porrifolius]]'' sur les marchés, au point de lui avoir pris son nom. Il a fallu recourir à un jardinier collectionneur pour trouver du vrai salsifis, qui se reconnaît à ses fleurs mauves et sa racine blanche, alors que la scorsonère a des fleurs jaunes et une racine noire.
*Peu avant la mise en pages, nous nous sommes aperçus qu'il manquait une illustration du sal, ''[[Shorea robusta]]'', arbre indien dont les graines fournissent une matière grasse autorisée comme substitut du beurre de cacao. J'ai envoyé les rares images dispoibles, mais mon illustrateur les a trouvées de mauvaise qualité, et a cru bien faire en en cherchant sur Internet. A ma grande surprise, il m'a envoyé des dessins de ''[[Couroupita guianensis]]'', arbre spectaculaire au demeurant, mais qui n'a rien à voir. Il s'est avéré que plus de 80% des images obtenues sur Google Images en questionnant avec "''Shorea robusta''" représentent en fait le ''Couroupita''. L'erreur vient des jardins botaniques du sud de l'Inde et du Sri Lanka, qui mettent de fausses étiquettes. Le ''Couroupita'', originaire de Guyane, est entré dans la symbolique hindouiste au sud de l'Inde, où l'on ne connaît pas ''Shorea robusta'', qui pousse dans le nord de l'Inde. Et les touristes qui voient cet arbre magnifique qu'est le ''Couroupita'' (par exemple devant le Palais Royal de Phnom Penh) s'empressent de le photographier et de mettre leurs photos sur Internet, en recopiant scrupuleusement le faux nom.
Les raisons de la rareté des cartes sont nombreuses. L'une d'elles réside dans les procédés d'impression, plus limités naguère. Ce sont les éditeurs qui devaient faire réaliser les cartes.
Mais la raison principale se trouve dans la réticence des auteurs à les dessiner. Soit ils estimaient manquer de données, soit ils hésitaient devant le choix de faire passer un contour à gauche ou à droite d'un élément géographique. De plus, il y a de nombreuses manières de dessiner des cartes : nuages de points, systèmes de projection différents, fonds de carte avec les limites de pays ou avec le réseau fluvial... Il se trouve que j'avais réalisé dans le passé des cartes sommaires à l'encre de Chine sur des photocopies de fonds de carte, et ces cartes avaient été appréciées. J'ai donc ''osé'' le faire. Au lecteur de dire s'ils il les trouve informatives.
== Non, mon encyclopédie n'est pas une bible. ==
Sans l'avoir vraiment pensé, je me retrouve faire partie de la confrérie des encyclopédistes. J'entends par là les personnes qui consacrent de nombreuses années à rédiger un "grand œuvre", et ce dans une certaine solitude mentale. Le temps passant, je lis d'ailleurs attentivement les préfaces de mes prédécesseurs, et j'y vois souvent que le grand maître est décédé avant d'avoir terminé, et qu'un disciple fervent s'est échiné à déchiffrer ses fiches pour finir l'œuvre. Je suis heureusement toujours là, prêt à relever de nouveaux défis.
Je me définis parfois comme un encyclopédiste du XIXe siècle égaré au XXIe. Cela a des avantages. On n'a plus de fiches, mais des fichiers sur ordinateur, et un accès incomparablement facile à la plupart des ouvrages anciens. Quand j'ai écrit ma thèse, je me souviens de la stratégie qu'il m'a fallu inventer pour identifier les bonnes bibliothèques, sm'assurer des jours et heures d'ouverture et consulter des livres introuvables. j'ai par exemple déniché un ouvrage de base sur les plantes utiles de Norvège (écrit en boksmål) dans le Fonds fenno-scandinave de la Bibliothèque Sainte-Geneviève.
Je fréquente maintenant assidûment les écrits des encyclopédistes des siècles passés (Théophraste, Dioscoride, Ibn al-Baytar, Adanson, Mattioli...). Ma frustration est de ne pas trouver leur adresse courriel. Une chose m'étonne dans notre monde moderne. De plus en plus de gens ont reçu une éducation supérieure, de plus en plus de gens écrivent sur Internet, mais pour dire des banalités, et en faisant comme s'ils vivaient dans l'instant, et ne pensaient pas au lendemain. Il existe par exemple de nombreux sites web personnels, voués à disparaître avec leur auteur. Dans le même temps, à côté de cette frénésie scripturale, le nombre des encyclopédistes reste infime, et les éditeurs sont de plus en plus frileux pour les publier.
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