''Rhodiola rosea'' et jeunes pousses florifères de l'année du ''Pedicularis hirsuta'' (Tschuktsches et Esquimaux du Groenland). — Les mêmes parties du ''Pedicularis sudetica'' (seulement Tschuktsches). — ''Cineraria palustris'' et racines de divers ''Oxytropis'' (Tschuktsches et les Samoyèdes). — ''Angelica Archangelica'' (Tschuktsches, Lapons et Esquimaux du Groenland, comme friandise). — Contenu de l'estomac du renne, ''Oxyria digyna'' et grandes algues marines (Tschuktsches, Esquimaux).
&&Kjellman connaît 23 plantes alimentaires des Tschuktsches. Parmi ces plantes, qui étaient les plus en faveur à l'endroit où il a séjourné, et qui sont ignorées ou non utilisées chez d'autres peuples polaires, figurent, en plus de celles qui viennent d'être citées, les suivantes : ''Cineraria '' f. ''congesta Book'' Hook., ''Petasites frigidus '' L., ''Pedicularis lanata '' Willd., ''Claytonia acutifolia '' Willd., ''Polygonum frigidum '' Cham. La plus grande partie de l'aliment végétal est constituée par des rameaux de l'année qui, abstraction faite de deux à trois sortes de racines conservées sèches, constituent la provision de substances alimentaires végétales de l'hiver. Les Tschuktsches n'emploient ni fruits secs ni graines sèches. Ainsi la ''Claytonia acutifolia '' Willd. est, au témoignage de Kjellman, une des plantes les plus connues et les plus utilisées par ce peuple. Ils en mangent les racines et les grosses tiges, tantôt à l'état naturel, tantôt bouillies pour faire une soupe. De grandes quantités de cette plante sont récoltées au printemps et pendant la floraison (on en trouva chez un habitant plus d'une tonne) et conservées fraîches pendant tout l'hiver et jusqu'au printemps. Déjà de très bonne heure, au printemps, lorsqu'il y avait encore de la neige presque partout, les Tschuktsches partirent à la recherche du ''Polygonum viviparum''. Son rhizome a un agreable goût d'amande. Il remplace en particulier, pour les femmes, nos amandes, nos noix et nos raisins secs. Pendant qu'elles travaillent, elles ont sur le plancher un récipient où, de temps à autre, elles puisent des morceaux qu'elles mangent avec un visible plaisir. On déduit facilement d'observations de Kjellman qu'on ne peut dénier à ce peuple des qualités de choix, de préférence et de discrimination. Il ne consomme pas indifféremment n'importe quelle partie végétale nourrissante. Mais, dans le climat ingrat où il vit, il est obligé de se tirer d'affaire sur un sol n'ayant qu'un revêtement végétal misérable, sans graines graminéennes ni moyen de les sécher. La conservation ''à l'état acide '' est le seul moyen qui lui reste pour constituer des provisions de jeunes parties végétales.
Le menu du Groenlandais est le mieux connu. Il n'y a pas
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d'heures déterminées pour les repas. Il mange quand il a faim, à condition qu'il y ait quelque chose à manger. Ainsi les chasseurs de phoques restent souvent un jour entier sans rien prendre. Ils peuvent jeûner fort longtemps et, un autre jour, engloutir d'énormes quantités d'aliments, viande, lard, poisson, etc. La viande et le poisson sont consommés tantôt à l'état cru (?) ou gelés, tantôt bouillis ou séchés. Le lard de phoque ou de baleine est de préférence consommé cru. Il passe pour avoir très bon goût. Le goût accessoire d'huile de foie de morue n'apparaît que quand la graisse a été fondue. C'est pour cela qu'elle a mauvais goût. Il existe divers mélanges d'aliments végétaux et animaux, par exemple, une compote d'angélique et d'huile de baleine. On la prépare comme suit (Nansen citant Saabye) : Une femme mâche du gras de baleine, crache le jus sur la tige et continue ainsi jusqu'à ce qu'elle ait obtenu une quantité du produit à son avis suffisante. Les tiges restent ainsi à confire un certain temps. On les extrait alors de la sauce et on les mange comme dessert avec appétit. Nansen signale aussi comme plantes alimentaires, en plus de l'angélique, le pissenlit, l'oseille, l’Empetrum l’''Empetrum nigrum '' et diverses algues (1)<ref>NANSEN, FRIDJOF, ''Eskimoleben'', Leipzig u. Berlin, 1903, 76.</ref>. Une spécialité du nord est constituée par l'estomac de renne, qui est très recherché. C'est en effet une denrée de premier choix, que le renne, en gourmet, se constitue à lui-même avec les herbes et les mousses les plus savoureuses qu'il peut trouver. Tout cela se transforme en une sorte de légume, cuit à l'étuvée dans l'estomac, et assaisonné d'un suc gastrique extraordinairement piquant. D'après Nansen, ce contenu gastrique n'est pas dégoûtant « bien qu'il soit aussi acide que du vieux lait caillé ».
Beaucoup de voyageurs parlent avec une certaine ironie du menu des peuples polaires. La vérité est seulement que ces populations apprécient toutes les plantes qui ont du goût, bien que, aussi, dans certaines contrées et en certaines circonstances, ils soient contraints de manger seulement du poisson ou de la viande. Ce qu'ils mangent varie constamment, comme c'est le cas partout. Ainsi une ancienne description du Groenland relate que les fruits sont le seul aliment végétal qui soit, en ce pays, récolté en grande quantité et consommé abondamment, particulièrement les fruits de l’Empetrum l’''Empetrum nigrum '' et ·du du ''Vaccinium uliginosum''. Mais on cite en même temps beaucoup des plantes de Kjellman et de Schübeler, entre autres : ''Sedum, Rhodiola, Pedicularis hirsuta, Epilobium'', une sorte d'oseille, un ''Cochlearia'', l'Angélique. Les fruits ____________________ <references/>
1) NANSEN, FRIDJOF, Eskimoleben, Leipzig u. Berlin, 1903, 76.
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d’Empetrumd’''Empetrum'', sont dit-on, conservés sous la neige <ref>RINK (1H.), ''Peterm. Mitt.'', 1855, 60-62 ; DRUDE (O.), ''Atlas d. Pflanzen-verbreitung'' (''Berghaus. Physikal. Atlas''), Gotha, 1888.</ref>. Or, suivant d'autres voyageurs, il n'est fait aucun usage important des fruits. Les échanges et le commerce s'étendent jusque dans le nord. Il en résulte un changement des mœurs et la cuisine des habitants se diversifie. Chez quelques peuples, la récolte des produits naturels n'est en usage qu'en temps de misère. Dès 1878, Rittich a signalé les changements survenus dans le régime alimentaire. Il a constaté l'usage de la farine et du millet, et même, chez les riches, l'usage du pain. On trouve des remarques du même genre chez Sieroszewski et Krzywicki <ref>RITTICH (2A. F.), ''Peterm. Mitt.'', 1878. Ergänz-H. Nr, 54, 18 ; SIEROSZEWKI (W.), 12 ''lat wsród Jakutów'' (douze ans chez les Yakoutes, en polonais), Varsovie, 1900, 120, 155 et 414 ; KRZYWICKl (L.), ''Ustroje Spoleczno-gospodarcze'', etc. (Gesellschaftl. -wirtschaftl. Gebilde, en polonais) Varsovie, 1914, 139, et suivantes.</ref>.
== Conserves acides (choucroutes) des peuples polaires. Lichens. Mousses. Racines ==____________________
§ 3. - Les choucroutes (conserves végétales acides) des peuples polaires.<references/>
Kjellman connaît chez les Tschuktsches les sortes suivantes de conserves acides. Le « Roraut » est formé uniquement de pousses de l'année fleuries de Pedicularis sudetica. Il est de couleur noire, de goût et de parfum agréablement acide. Le« Jungaut » est d'un vert sombre et il y a dans cette conserve, outre la plante précédente, de très petites quantités d’Halianthus peploïdes, avec d'autres additions sans importance. On nomme « Ankaot » une conserve de jeunes pousses de l'année, fleuries, d’Halianthus peploïdes, avec de notables quantités de Salix boganidensis. On y trouva beaucoup de sable fin, montrant que l'on ne prend pas beaucoup de soin en faisant la récolte. Le nom de « Guit-guit » s'applique à plusieurs sortes des conserves parmi lesquelles trois doivent être mentionnées : 1 ° celle qui est faite principalement de tiges feuillées de Salix boganidensis ; 2° celle qui renferme surtout des feuilles de Petasites frigidus, mais aussi de grandes quantités de feuilles de Saxifraga punctata, des tiges feuillées de l'année de Salix boganidensis, des pousses fleuries ou feuillées de Cineraria palustris et d’Oxyria digyna ; 3° celle renfermant les parties épigées du Polygonum polymorphum. Une partie de cette alimentation végétale est consommée par les Tschuktsches à l'état cru et alors, comme le Polygonum viviparum et l’Hedysarum obscurum, sans aucune addition, ou bien est consommée comme choucroute avec du gras de phoque en cubes. Une autre partie est consommée sous forme de soupe à la viande avec du
== Conserves acides (1choucroutes) RINK (Hdes peuples polaires.Lichens. Mousses. Racines == § 3. - Les ''choucroutes'' (conserves végétales acides)des peuples polaires. Kjellman connaît chez les Tschuktsches les sortes suivantes de ''conserves acides''. Le « Roraut » est formé uniquement de pousses de l'année fleuries de Pedicularis sudetica. Il est de couleur noire, Petermde goût et de parfum agréablement acide. MittLe« Jungaut » est d'un vert sombre et il y a dans cette conserve, outre la plante précédente, de très petites quantités d’''Halianthus peploïdes'', avec d'autres additions sans importance.On nomme « Ankaot » une conserve de jeunes pousses de l'année, 1855fleuries, 60-62 ; DRUDE (Od’''Halianthus peploïdes'', avec de notables quantités de ''Salix boganidensis''.)On y trouva beaucoup de sable fin, Atlas dmontrant que l'on ne prend pas beaucoup de soin en faisant la récolte. PflanzenLe nom de « Guit-verbreitung (Berghausguit » s'applique à plusieurs sortes des conserves parmi lesquelles trois doivent être mentionnées : 1° celle qui est faite principalement de tiges feuillées de ''Salix boganidensis'' ; 2° celle qui renferme surtout des feuilles de ''Petasites frigidus'', mais aussi de grandes quantités de feuilles de ''Saxifraga punctata'', des tiges feuillées de l'année de ''Salix boganidensis'', des pousses fleuries ou feuillées de ''Cineraria palustris'' et d’''Oxyria digyna'' ; 3° celle renfermant les parties épigées du ''Polygonum polymorphum''. Physikal. Atlas)Une partie de cette alimentation végétale est consommée par les Tschuktsches à l'état cru et alors, comme le ''Polygonum viviparum'' et l’''Hedysarum obscurum'', Gothasans aucune addition, 1888ou bien est consommée comme choucroute avec du gras de phoque en cubes.Une autre partie est consommée sous forme de soupe à la viande avec du
(2) RITTICH (A. F.), Peterm. Mitt, 1878. Ergänz-H. Nr, 54, 18 ; SIEROSZEWKI (W.), 12 lat wsród Jakutów (douze ans chez les Yakoutes, en polonais), Varsovie, 1900, 120, 155 et 414 ; KRZYWICKl (L.), Ustroje Spoleczno-gospodarcze, etc. (Gesellschaftl. wirtschaftl. Gebilde, en polonais) Varsovie, 1914, 139, et suivantes.
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poisson, de la viande de phoque ou de renne, et de l'eau, ou bien avec du sang et de l'eau, et, quelquefois, en soupe au sang, avec le lard dont il a été question. Les choucroutes (conserves acides de plantes) sont donc fort en usage dans le nord.
Jusqu'aux ouvrages de Kjellman et de Schubeler on avait accordé à cet usage peu d'attention. Ces auteurs signalèrent les conserves acides d’Oxyria d’''Oxyria reniformis '' (à peu près <font color=#901040>[wohl = probablement] </font> ''O. digyna'') que les Lapons de la Norwège septentrionale préparent par tonnes. Ils commencent par faire bouillir ces feuilles, les laissent alors fermenter et en remplissent des estomacs de renne. Ces estomacs sont alors conservés congelés. Pour l'usage, on fait dégeler le contenu de l'estomac et on le mange avec du lait, ou bien on en fait des flans (galettes) en le mélangeant de farine, dans le genre du « Fladbröd » des Norwégiens.
Ainsi donc, si pauvre que soit le régime alimentaire des peuples du Nord, nous y trouvons cependant déjà réalisées deux inventions très importantes, la ''conserve par fermentation acide '' et la ''soupe '' (''décoction''). Tout le nord et tout l'est de l'Europe est resté fidèlement attaché à la première de ces méthodes. La seconde est commune à toute la civilisation européenne.
Le seul végétal largement répandu et utilisé dont nous n'ayons pas parlé dans ce qui précède est le lichen d'Islande : ''Cetraria islandica''. Linné et les voyageurs du xviie XVIIIe siècle comme Pallas, Olafsen, von Middendorf et d'autres connaissent bien l'utilisation alimentaire des lichens dans le Nord, où ils restent comme ressource en temps de misère. Schübeler affirme même que 2 tonnes de ce lichen équivalent pour ces populations à une tonne de farine. Vers cette époque, Egg. Olafsen dit que le lichen d'Islande (fiälgräs des Islandais) est payé en Islande un thaler la tonne, mondé et séché. Il connaît aussi d'autres lichens comestibles : ''Lichen islandicus, Lichen lichenoïdes, L. Coraloïdes, L. nivens, L. leprosus '' ; simples variétés distinguées par les Islandais dans le ''Cetraria islandica '' de Linné. Les peuples du Nord savent sécher le lichen, le faire surir et l'utiliser soit seul, soit associé à d'autres substances <ref>Voir descriptions <font color=#901040>[récits de voyage]</font> de l'époque d'OLAFSEN et POVELSEN dans BECKMANN (Joh.), ''Physikal. Ökonom. Biblioth.'', t. 6, 1775, partie 1, 34 et 134 ainsi que partie 2, 495. Comme autres sources : ROSCHER (W.), ''National-ökonomik des Ackerbaus'', 12. Aufl., Stuttgart, 1888, 19.</ref>. La plante fut analysée chimiquement d'abord par Proust (1806), puis par Berzelius (1813). Pendant la guerre de 1914, on en a de nouveau préconisé l'emploi dans l'alimentation, comme il arrive invariablement en temps de famine <ref>PROUST, Journal de Phys. de ch. et d'histoire naturelle, 1806, 63e vol., p. 81 et suiv. ; JACOBJ (2C. D.), ''D. Flechten Dtschls. u. Österr. als Nähr- u. Futterpflzn'', Tübingen, 1919 ; TOBLER (F.), ''Naturwissenschaften'', 1915 Jg. 3. Ces deux ouvrages avec abondante bibliographie.</ref>. Les Indiens de
(1) Voir descriptions [récits de voyage] de l'époque d'OLAFSEN et POVELSEN dans BECKMANN, Joh. Physikal. Oekonom. Biblioth., t. 6, 1775, partie 1, 34 et 134 ainsi que partie 2, 495. Comme autres sources : ROSCHER (W.), National-ökonomik des Ackerbaus, 12. Aufl., Stuttgart, 1888, 19.____________________ <references/>
{2) PROUST, Journal de Phys. de ch. et d'histoire naturelle, 1806, 63e vol., 81 p.
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l'Amérique du nord mangent beaucoup de plantes appartenant au régime alimentaire des peuples polaires, avec leur riz sauvage particulier (''Zizania''), divers ''Polygonum'', des ''Rumex'', ainsi que des lichens, que les voyageurs nomment tripe de roche. Il ne peut s'agir ici que de la ''Cetraria '' : la ''Cladonia rangiferina'', seul lichen qui soit, comme la ''Cetraria'', généralement répandu, n'est pas comestible. Franklin et ses compagnons de voyage durent à ce lichen de ne pas mourir de faim. Il fut pendant des semaines leur seule nourriture. Faisons remarquer en passant que Sturtevant appelle « tripe de roche » le ''Gyrophora cylindrica '' Ach. Je reviendrai sur les lichens à propos de la nourriture utilisable en temps de famine.
On ne sait pas de façon certaine si les Sphagnacées utilisées en temps de famine (''Sphagnum cuspidatum, S. palustre '' et autres) servent aussi d'aliment aux peuples du Nord (Sell, Rosenthal).
== Le ramassage dans les contrées limitrophes des régions polaires. Bulbes. Racines. Écorces ==
§ 4. - Nous étudierons maintenant le ramassage dans des contrées limitrophes des régions polaires, mais situées (en Asie et en Amérique), sous un climat déjà moins froid et offrant aux ramasseurs une série d'espèces bien plus nombreuse. Signalons d'ahord les Liliacées. On cite pour la Sibérie et l'Alaska les bulbes de ''Fritillaria kamtschatcensis '' L. et d’Allium d’''Allium angulosum '' L., que l'on nomme sur l'Iénisséi inférieur mischeitschesnok ou « petit ail » (on le recueille et on le sale de toute antiquité comme provisions d'hiver) enfin ceux du ''Lilium pommonium '' L., que les Tatares nomment askschep et qui est aussi récolté et conservé dans le Kamtschatka et le nord de la Chine. Sieroszewski signale pour la Sibérie du nord ''Lilium spectabile '' et ''Lilium Martagon''. Les oignons, bulbes ou racines des Liliacées sont aussi d'une grande importance dans l'Amérique du nord, par exemple ''Camassia esculenta '' Lindl., appelée kamasch ou quamosch, que Sturtevant désigne comme étant l'aliment principal des Indiens du Nord-Ouest jusqu'à l'ile de Vancouver. La racine charnue sent bon et a bon goût, on la mange grillée ou bouillie. Le décocté épaissi, riche en sucre, est un aliment des jours de fête. Sturtevant et Parker énumèrent une douzaine de ces plantes bulbeuses, dont quelques unes sont mangées aussi dans l'Asie du nord : ''Lilium auratum '' Lindl., ''L. superbum '' L., ''Allium canadense '' L., ''A. cernuum '' Roth., ''A. odorum '' L., ''A. reticulatum '' Fraas, ''A. rubellum '' Bieb., ''A. senescens '' L., ''A. sphaerocephalum '' L., ''A. stellatum '' Fraas, et nos espèces bien connues : ''A. vineale '' L. et ''A. ursinum '' L.
et suiv. ; JACOBJ (C. D.), D. Flechten Dtschls. u. Oesterr. als Nähr- u. Futterpflzn, Tübingen, 1919 ; TOBLER (F.), Naturwissenschaften, 1915 Jg. 3. Ces deux ouvrages avec abondante bibliographie.
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Nous avons à signaler ici pour la première fois, l'emploi, dans toutes les parties du monde de l'écorce des arbres (c'est-à-dire de la couche cambiale) : ''Salix, Betula, Picea excelsa '' L. Les habitants du Kamtschatka, du Groenland et de la Mongolie du nord recueillent, entre autres, des feuilles, bourgeons et fleurs d’Epilobiumd’''Epilobium'', de ''Rumex'', de ''Potentilla Anserina '' L., et d'un ''Cochlearia''. Ont une certaine importance pour le Groenland et le Kamptschatka : les fruits du ''Rubus arcticus '' L., du ''R. chamoemorus chamæmorus'' L., du Vaccinium uliginosum L., du ''V. Myrtillus '' L., de l’Empetrum l’''Empetrum nigrum '' et du ''Lonicera coerulea cœrulea'' L. Plus au sud s'y associent les « noix Zirbel » <font color=#901040>[Zirbelnüsse ?= pignons]</font>, fruits du ''Pinus Cembra '' L. de Sibérie. Les peuples nommés Yakoutes, Toungouses, Youkahires, Tschouktsches et autres occupent en Asie orientale des terres immenses. Plusieurs d'entre eux vivent principalement du ramassage des aliments « sauvages ». Il existe de peuple à peuple de remarquables différences sur lesquelles je ne peux beaucoup insister. Les Tschouktsches, et d'autres, n'ont pas le goût des fruits et préfèrent autre chose. Quelques-uns les mangent avec les tiges et la souche (''Pedicularis sudetica, Polygonum polymorphum''), mais, ce qui domine, c'est l'emploi des racines et des souches radicales. La vie de ces peuples est organisée avec une extrême simplicité. Ainsi, les Yakoutes ne connaissent pas le tour du potier. Ce peuple fouille la terre pour avoir des racines, mange l'écorce interne des arbres, particulièrement du pin (''Pinus sylvestris''), mange l'oseille, et diverses sortes d'ail sauvage et d'oignon sauvage. Il fait une bouillie cuite avec les graines du ''Plantago media''. L'oseille, l'ail et l'oignon sauvages, les raves sauvages, le ''Cochlearia sisymbroïdes'' Dec. var. ''Czekanowski'' Trautv, la ''Potentilla Anserina'' et d'autres fournissent des feuilles potagères. Les noms et le mode de préparation de ces plantes montrent (d'après Sieroszewski) que, les Yakoutes apprirent à les connaître des Russes. Au contraire, ils auraient rapporté de leurs migrations vers le Sud la connaissance et l'usage des bulbes et des racines, car on les y aime autant que le font les Yakoutes et on les extrait aussi des greniers souterrains des rats, mulots ou hamsters. Les cinq plantes les plus importantes dans cette région (d'ailleurs connues aussi chez nous), ont des noms touraniens. Ce sont ''Butomus umbellatus, Sanguisorba officinalis, Typha latifolia'' et deux plantes déjà citées : ''Lilium Martagon'' et ''L. spectabile''. Les formations radicales <font color=#901040>[Wurzelgebilde = les parties racinaires]</font> sont séchées et moulues, puis utilisées pour faire, en place de farine, un aliment nommé « butugas ». Les Yakoutes mangent presque toutes les baies qu'on trouve dans les forêts, à l'exception des framboises
Les peupies nommés Yakoutes, Toungouses, Youkahires, Tschouktsches et autres occupent en Asie orientale des terres immenses. Plusieurs d'entre eux vivent principalement du ramassage des aliments « sauvages ». Il existe de peuple à peuple de remarquables différences sur lesquelles je ne peux beaucoup insister. Les Tschouktsches, et d'autres, n'ont pas le goût des fruits et préfèrent autre chose. Quelques-uns les mangent avec les tiges et la souche (Pedicularis sudetica, Polygonum polymorphum), mais, ce qui domine, c'est l'emploi des racines et des souches radicales. La vie de ces peuples est organisée avec une extrême simplicité. Ainsi, les Yakoutes ne connaissent pas le tour du potier. Ce peuple fouille la terre pour avoir des racines, mange l'écorce interne des arbres, particulièrement du pin (Pinus sylvestris), mange l'oseille, et diverses sortes d'ail sauvage et d'oignon sauvage. Il fait une bouillie cuite avec les graines du Plantago media. L'oseille, l'ail et l'oignon sauvages, les raves sauvages, le Cochlearia sisymbroïdes Dec. var. Czekanowski Trautv, la Potentilla Anserina et d'autres fournissent des feuilles potagères. Les noms et le mode de préparation de ces plantes montrent (d'après Sieroszewski) que, les Yakoutes apprirent à les connaître des Russes. Au contraire, ils auraient rapporté de leurs migrations vers le Sud la connaissance et l'usage des bulbes et des racines, car on les y aime autant que le font les Yakoutes et on les extrait aussi des greniers souterrains des rats, mulots ou hamsters. Les cinq plantes les plus importantes dans cette région (d'ailleurs connues aussi chez nous), ont des noms touraniens. Ce sont Butomus umbellatus, Sanguisorba officinalis, Typha latifolia et deux plantes déjà citées : Lilium. Martagon et L. spectabile. Les formations radicales sont séchées et moulues, puis utilisées pour faire, en place de farine, un aliment nommé « butugas ». Les Yakoutes mangent presque toutes les baies qu'on trouve dans les forêts, à l'exception des framboises
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qu'ils évitent et craignent « parce que les framboisiers poussent sur les tombeaux ». En première ligne viennent, pour l'abondance, les myrtilles (''Vaccinium Myrtillus'') et les fruits de l’Arctostaphylos l’''Arctostaphylos Uva ursi''. Mais les plus appréciés sont les fruits du fraisier (''Fragaria'') et du ''Rubus arcticus''. Cependant les Yakoutes n'accordent pas aux baies une valeur alimentaire prépondérante. Ils se moquent des Toungouses en les appelant mangeurs de baies de forêts et de baies de mousse (''Oxycoccus quadripetala '' Gib.).
L'art culinaire primitif des peuples du Nord se modifie peu à peu sous l'influence de la civilisation. Les besoins, les goûts et le caractère des populations se modifient. Sieroszewski insiste souvent sur le fait que l'alimentation du peuple varie comme son caractère, ce qui doit évidemment s'entendre de Yakoutes ayant divers degrés de civilisation. La différence est particulièrement marquée entre les localités où on pratique la culture et les localités où on vit « de l'écorce des pins ». Le fait que, vraisemblablement, les Yakoutes sont passés de la consommation de la viande à une nourriture végétale n'ébranle pas cette constatation. Dans leur migration vers le nord, les Yakoutes, abandonnant leurs troupeaux, cessèrent d'être de hardis et mobiles pillards, pasteurs de chevaux, pour devenir en partie de lourds et anémiques végétariens, adonnés au ramassage des produits naturels, racines ou écorces. Avec les progrès de la civilisation, ils redevinrent enfin de prudents et soigneux producteurs de céréales. Ce changement de nourriture, effectué rapidement en 30 à 40 ans, n'aurait pas été supporté par l'estomac des Yakoutes, s'il n'y avait pas été préparé par l'alimentation végétale : herbes, racines, farine d'écorces.
== Sèves sucrées ==
§ 5. - Ici peuvent être signalées quelques plantes qui croissent aussi dans des climats plus doux, et qui ne sont pas connues comme plantes alimentaires chez les peuples dont il vient d'être question. Même sans aucun renseignement sur leur compte, on peut admettre cependant qu'elles ne sauraient rester étrangères à ces populations. Je fais allusion à certaines ''plantes dont la sève contient du sucre '' ou dont on peut extraire de l'amidon. Je ne sais pas exactement jusqu'où elles s'avancent vers le nord. Ces plantes sont ''Acer Negundo'' L., ''A. saccharinum'' Wangh., ''A. dasycarpum'' Ehrh., toutes plantes aimant déjà la chaleur, et le bouleau, moins frileux, ''Betula alba'' L. Il faut citer encore la fougère grand aigle : ''Pteris aquilina'' Kühn. Au printemps, les Japonais récoltent les jeunes frondes de cette fougère et les emploient fraîches ou sèches comme légume. En automne, ils sortent du sol la souche radicale et en extraient l'amidon par lavage. C'est
Ces plantes sont Acer Negundo L., A. saccharinum Wangh., A. dasycarpum Ehrh., toutes plantes aimant déjà la chaleur, et le bouleau, moins frileux, Betula alba L. Il faut citer encore la fougère grand aigle : Pteris aquilina Kühn. Au printemps, les Japonais récoltent les jeunes frondes de cette fougère et les emploient fraîches ou sèches comme légume. En automne, ils sortent du sol la souche radicale et en extraient l'amidon par lavage. C'est
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dans les montagnes un élément important de l'alimentation. Saus doute on en faisait autant aux époques primitives du ''ramassage''. Mon collègue B. Hryniewiecki a mangé dans le Caucase, pendant la guerre, les souches radicales de la fougère, comme légume.
Les plantes énumérées jusqu'ici sont la nourriture végétale unique des peuples pratiquant le ramassage des produits naturels, la base de leur existence, toutes substances ne pouvant servir que cuites en ''soupes '' (à l'eau bouillante) ou réduites en ''bouillie'', ne convenant que par exception à la préparation de ''flans '' (''galettes'')<font color=#901040>[Fladen]</font>. Çà et là seulement se rencontrent des substances propres à faire des flans [Fladen]. Elles existent au contraire sous des latitudes plus douces.