Angélique (Cazin 1868)
Sommaire
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Angélique
Nom accepté : Angelica archangelica
Angelica sativa. Bauh. — Imperatoria sativa. T. — Archangelica. Clus.
Angélique officinale, — angélique cultivée, — archangélique, — herbe du Saint-Esprit.
OMBELLIFÈRES. — ANGÉLICÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L.
Cette plante (PI. III) croît spontanément en Norvège, en Suisse, en Autriche, en Silésie, dans les Alpes, les Pyrénées et le long des fleuves qui avoisinent ces montagnes. On la rencontre çà et là en Belgique, notamment sur les bords de l'Escaut, près d'Anvers (Dekin). Elle est cultivée dans les jardins, où elle se sème souvent d'elle-même. En semant avec beaucoup de précaution ses graines délicates, aussitôt qu'elles sont mûres, on obtient de belles tiges, qui s'élèvent à plus de 2 mètres de hauteur, et que l'on coupe au mois de mai, si l'on veut faire durer pendant trois et même quatre années les racines de cette plante, ordinairement bisannuelle. Elle aime les lieux froids, humides, tels que les bords des fossés, des étangs. Nous parlerons plus bas de sa culture en grand.
Description. — Racine grosse, fusiforme, brune, ridée à l'extérieur, blanche intérieurement. — Tige de 1 mètre et demi et plus, grosse, creuse, cylindrique, ra-
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meuse, rougeâtre. — Feuilles très-grandes, bi ou tripinnées, vertes en dessus, blanchâtres en dessous ; folioles opposées, sessiles, ovales, dentées en scie, souvent lobées, surtout la terminale ; pétioles fistuleux et présentant deux grandes expansions à leur base. — Fleurs d'un vert jaunâtre, en ombelles nombreuses (juillet-août). — Involucre nul ou à une, deux folioles, involucelles de huit folioles linéaires. — Calice peu distinct. — Corolle à cinq pétales, ouverte en rosette. — Cinq étamines plus longues que les pétales. — Deux styles courts et réfléchis. — Fruit ovoïde, anguleux, divisé en deux akènes ovales, planes d'un côté, convexes et marquées de trois lignes de l'autre, entourées d'une bordure membraneuse.
Parties usitées. — La racine, les tiges et les fruits, rarement les feuilles.
Culture, récolte. — On cultive principalement l'angélique en grand aux environs de Paris, de Niort et de Nantes. On choisit un terrain substantiel, humide, à une exposition un peu chaude. Le terrain qui lui convient le mieux est un sable gras. On la sème d'abord en pépinière dans un sol très-meuble, et on recouvre légèrement la graine de terre fine, afin qu'elle ne soit pas enlevée par le vent. On peut semer en mars ou en septembre après la maturité des graines. Si le semis a été fait en mars, on le repique à la fin de l'été ou au commencement de l'automne ; s'il n'a été fait qu'en septembre, on le replante au printemps suivant. Pendant que l'angélique est en pépinière, elle ne demande que peu de soins ; il suffit de la sarcler.
On choisit pour la transplantation les plus beaux pieds de la pépinière et ayant des racines de la grosseur du petit doigt ; on laisse les plus faibles une saison de plus, afin qu'elles puissent se fortifier. Cette opération se fait par un temps humide ou pluvieux, afin de n'être pas obligé d'arroser, et dans un terrain profondément labouré et bien amendé par des engrais. Les jeunes plants sont mis en terre au plantoir à près de 2 mètres les uns des autres, afin qu'ils soient assez éloignés pour ne pas se nuire ; plus éloignés ils ne conserveraient pas assez de fraîcheur. Les plantations d'automne, favorisées par les pluies, reprennent sans autre soin que le sarclage ; celles du printemps exigent des arrosements s'il y a sécheresse. Lorsque tous les pieds d'angélique sont bien repris, la plantation dès lors est assurée, et elle peut durer plusieurs années, pourvu que l'on répande tous les ans sur le terrain des engrais abondants avant que la plante commence à faire de nouvelle pousses et que l'on pratique quatre labours ou binages. Le premier labour, qu'on fait à la fourche, a lieu au printemps, lorsque les pieds de la plante commencent à montrer leurs premières feuilles ; les autres, qui se font par intervalles dans le courant de la belle saison, peuvent être plus superficiels.
La première année, la récolte d'angélique est peu considérable. Ce n'est qu'à la deuxième que les tiges ont acquis un degré convenable de perfection. Les années suivantes la récolte est encore plus abondante. On cueille les tiges au moment où les premières ombelles commencent à défleurir (juin-juillet), on les coupe ras-terre. Les racines se récoltent en septembre ; on les fend en morceaux pour les sécher, puis on les enferme dans des boîtes de bois. Les plus estimées sont celles dont l'odeur se rapproche le plus de celle du musc. On doit préférer les racines qui n'ont pas plus d'un an de récolte.
Les feuilles perdent presque toutes leurs propriétés par la dessiccation. Les fruits conservent leur saveur aromatique et leur âcreté.
Propriétés physiques et chimiques. — L'angélique a une odeur forte, aromatique, et une saveur piquante, un peu amère. Il est facile de distinguer le lait des vaches qui s'en nourrissent.
L’analyse a constaté dans la racine de l'huile volatile, de l'acide angélicique, de l'angélicine (résine cristallisée), une résine amorphe, une matière amère, du tannin, des malates, de l'acide pectique, de la gomme, de l'amidon (Buchner). L'eau et l'alcool dissolvent ses principes actifs.
[D'après Mayer et Zeuner, l'angélique renferme trois acides volatils, dont l'un serait l'acide valérianique, et résulterait de la transformation d'un autre corps.]
Par incision des tiges et du collet de la racine d'angélique faite au commencement du printemps, découle un suc gomme-résineux qui exhale une odeur fortement aromatique. Ce suc pourrait, dans certains cas, remplacer le benjoin et le musc, quoique moins énergique. On peut encore, en faisant fermenter les racines et en les distillant ensuite, en retirer une sorte d'eau-de-vie qui a, dit-on, la même odeur que la plante. Les tiges sèches sont très-riches en alcali ; elles donnent presque 10 pour 100 de potasse.
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A L'INTÉRIEUR. — Infusion des racines ou des jeunes tiges fraîches, de 10 à 30 gr. par kilogramme d'eau bouillante. |
Teinture (1 de racine sèche sur 6 d'alcool, 2 à 10 gr., en potion.) |
Le mélange de l'huile volatile et de l'angélicine constitue le baume d'angélique de Brandes et de Buchols, que l'on obtient en faisant un extrait alcoolique d'angélique, et reprenant par l'eau pure, qui laisse le baume sous forme semi-fluide et possédant une odeur agréable.
Les confiseurs préparent, avec les jeunes tiges d'angélique, un condiment délicieux, et qui, mangé lorsqu'il est récent, peut remplacer dans beaucoup de cas tous les autres modes d'administration de cette plante.
L'angélique entre dans l'eau de mélisse composée, dans la liqueur nommée Vespétro, la thériaque, l'eau thériacale, l'esprit carminatif de Sylvius, le baume du Commandeur, l'emplâtre Diabotanum, etc.
L'angélique, qui tient son nom de l'odeur aromatique, suave et musquée qu'elle répand, est tonique, excitante, stomachique, sudorifique, emménagogue. Elle est très-utile dans l'atonie générale, dans celle des organes digestifs en particulier, dans la dyspepsie, l'anorexie, les vomissements spasmodiques, les coliques flatulentes, certaines céphalalgies nerveuses, le tremblement des membres, l'hystérie, les névroses avec débilité, l'aménorrhée par atonie, la chlorose, la leucorrhée, le scorbut, les scrofules, le rachitis, les fièvres muqueuses, typhoïdes, etc. On la donne aussi avec avantage comme diaphorétique et expectorante, dans la dernière période des bronchites aiguës, dans les bronchites chroniques avec atonie, pour faciliter l'expectoration et pour fortifier la muqueuse pulmonaire.
Les propriétés de l'angélique, que je mets souvent à profit, sont plus prononcées dans la racine que dans les autres parties de la plante. Je la substitue, ainsi que le conseillent Hildenbrand et Wauters, à la serpentaire de Virginie dans les fièvres typhoïdes et adynamiques, soit en poudre, soit en infusion, ou en teinture alcoolique, dans les potions. J'ai constaté, comme Chaumeton, les bons effets d'une boisson préparée en versant 1 litre d'eau bouillante sur 30 gr. de racine d'angélique coupée en tranches minces, et ajoutant à l'infusion 4 centilitres d'eau-de-vie, 1 hectogramme de sirop de vinaigre, et quelques gouttes d'huile volatile de citron. Les malades trouvent délicieux cette espèce de punch. Chaumeton administrait aussi la racine en poudre dans les mêmes cas. « Après ce que nous avons dit de l'anis, disent Trousseau et Pidoux, il y a peu de choses à ajouter sur l'angélique, si ce n'est qu'elle a de plus que lui des propriétés toniques assez marquées qui la rendent plus recommandable dans les affections muqueuses, les fièvres catarrhales, qui laissent après elles une si profonde langueur de l'estomac et une tendance interminable à cette sécrétion blanchâtre et pultacée qui tapisse alors la muqueuse buccale, et dont la présence est tout à la fois cause et effet de cette inertie désespérante des forces digestives qui entraîne des convalescences interminables et peut être la source d'une foule de maux ultérieurs. L'infusion des jeunes tiges d'angélique rendra alors des services évidents. »
Ces mêmes tiges confites sont très-agréables au goût, corrigent la mauvaise odeur de la bouche, et facilitent la digestion. Annibal Camoux, de Nice, qui mourut à Marseille en 1759, à l’âge de cent vingt et un ans et trois mois, attribuait sa longévité à la racine d'angélique qu'il mâchait habituellement ; il faut dire aussi que ce centenaire avait été longtemps soldat, qu'il
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bêchait la terre, vivait d'aliments grossiers et buvait beaucoup de vin. L’angélique, dit Roques, est surtout un excellent remède pour les vieux goutteux qui digèrent péniblement et qui sont tourmentés par des flatuosités ; pour les convalescents dont les forces sont épuisées soit par la longueur de la maladie, soit par l'abus des méthodes énervantes. Les peuples du nord de l'Europe, les Lapons surtout, font un grand usage de cette plante à titre d'aliment, de condiment et de remède. Ils l'emploient pour combattre les affections de poitrine, la raucité de la voix, les coliques. Ils la mâchent comme du tabac. Quelquefois ils préparent, avec les boutons des fleurs bouillis dans le petit-lait de renne, un excellent stomachique. Les Norvégiens, dit-on, font du pain avec la racine.
L'angélique est une plante précieuse trop peu employée. J'en ai fait dans ma pratique à la campagne un fréquent usage, et je puis affirmer qu'elle est d'une grande ressource non-seulement pour remplacer la serpentaire de Virginie, mais aussi toutes les racines aromatiques exotiques, le contrayerva, le costus d'Arabie, etc. J'associe souvent la racine d'angélique aux amers, surtout dans la composition des vins médicinaux toniques, pour les aromatiser. J'emploie la semence comme stimulante et carminative. Les feuilles fraîches, que j'ai mises en usage à l'extérieur, sont résolutives comme celles d'ache et de persil. « Si cette plante, dit Bodart, avait le mérite d’être étrangère, elle serait aussi précieuse pour nous que le ginseng l'est chez les Chinois ; elle se vendrait au poids de l'or. » — « Nous voyons avec peine, dit Roques, qu'une plante si active et si riche en propriétés soit si peu usitée de nos jours, tandis qu'on adopte avec enthousiasme quelques remèdes exotiques, dont la nouveauté, la rareté, la cherté font seules tout le mérite. »
Angélique des bois
Nom accepté : Angelica sylvestris
ANGÉLIQUE SAUVAGE OU DES BOIS (Angelica sylvestris). — Plante commune dans les bois et les prairies un peu humides, ombragées, sur les bords des fossés et des ruisseaux, qui diffère de la précédente par des proportions moindres, par sa tige moins rameuse et moins grosse, ses feuilles plus petites, sa racine moins épaisse et plus blanche. Ses ombelles, de 25-30 rayons, sont très-amples ; ses feuilles sont blanches (juillet-septembre). Ses propriétés sont loin d'égaler celles de l'angélique-archangélique. On emploie la racine, en Suède, comme antihistérique et antiépileptique, à la dose de 4 gr. en poudre dans un verre de vin blanc le malin à jeun. On se sert aussi de la graine pulvérisée pour détruire les poux.
La culture de cette plante, dit Willich, devrait être encouragée. Les tanneurs et les mégissiers lui ont reconnu des propriétés analogues à celles de l'écorce de chêne. Les herboristes substituent quelquefois, sans scrupule, l’angélique sauvage à l'angélique officinale ; celle-ci est beaucoup plus odorante.