Jusquiame (Cazin 1868)

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Julienne
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Laîche
PLANCHE XXII : 1. Impératoire. 2. Ivraie. 3. Grande Joubarbe. 4. Petite Joubarbe. 5. Jusquiame noire.


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Jusquiame noire

Nom accepté : Hyoscyamus niger


JUSQUIAME. Hyosciamus niger. L.

Hyosciamus vulgaris vel niger. Bauh., Tourn. — Hyosciamus. Fuchs.

Jusquiame noire, — jusquiame commune, — hanebane, — potelée, — herbe aux engelures, - mort-aux-poules, — herbe à teigne, — porcelet.

SOLANÉES. — HYOSCIAMÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE MONOGYNIE. L.


La jusquiame noire (Pl. XXII), plante bisannuelle, croît dans toute la France, autour des villages, des hameaux, des fermes, sur le bord des chemins, des fossés. Les chèvres et les vaches la broutent sans inconvénient ; les cochons et les brebis l'aiment beaucoup.

Description. — Racines épaisses, ridées, brunes en dehors, blanches en dedans. - Tige velue, haute de 50 à 60 centimètres, épaisse, rameuse, cylindrique. — Feuilles alternes, amplexicaules, cotonneuses, lancéolées, profondément découpées à leurs bords. - Fleurs assez grandes, hermaphrodites, d'un brun jaunâtre, marquées de pourpre et à limbe veiné de lignes brunes ; presque sessiles, disposées en longs épis unilatéraux, feuillés, scorpioïdes (mai-juin-juillet). — Calice tubulé à cinq lobes. — Corolle hypogyne presque campanulée à cinq découpures inégales. — Cinq étamines un peu saillantes, hors du tube, à filets un peu arqués. — Un ovaire surmonté d'un style et d'un stigmate. - Fruit : capsule renfermée dans le tube du calice, biloculaire, ovale-obtuse,


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operculée, renflée à la base, contenant des semences grisâtres et nombreuses, à périsperme épais, charnu.

Parties usitées. — Les feuilles, la racine et les semences.

Récolte. — La récolte de la jusquiame doit être faite lorsqu'elle est en pleine végétation, un peu avant la floraison. On la fait sécher à l'étuve avec soin et promptement, ses feuilles étant grasses et visqueuses. La racine de la seconde année sera préférée à celle de la première. La plante sauvage et celle du Midi sont plus actives que celle qui est récoltée dans le Nord ou que l'on a cultivée. Elle est aussi moins active au printemps. La racine a été quelquefois prise pour celle de chicorée et du panais, auxquelles elle ressemble beaucoup. Les pousses de jusquiame venues à l'ombre et presque soustraites à l'action de la lumière ressemblent à des pissenlits qui seraient poussés dans une motte de terre, et peuvent être cueillies pour ces derniers. Ces méprises causent quelquefois des accidents plus ou moins graves.

[Culture. — La jusquiame se multiplie de graines en terre légère et sèche ou dans des décombres.]

Propriétés physiques et chimiques. — Toutes les parties de cette plante exhalent une odeur fortement vireuse, repoussante, lorsqu'elles sont fraîches, moins prononcée à l'état de dessiccation. Leur saveur est d'abord fade, puis âcre, désagréable, nauséabonde. Brandes[1], en analysant les semences, y a découvert un principe actif qu'il a nommé hyosciamine. Cette substance est blanche, d'une saveur âcre et désagréable, cristallisée en aiguilles soyeuses, très-soluble dans l'eau. Elle est volatile presque sans décomposition ; toujours cependant il se fait un peu d'ammoniaque, il s'en fait même quand on chauffe de l'hyosciamine avec de l'eau. Elle est précipitée par l'iode en brun, par la noix de galle en blanc, par le chlorure d'or en blanc jaunâtre ; mais le chlorure de platine ne la précipite pas. Elle possède ce caractère remarquable de transformation qui se manifeste avec l'atropine au contact prolongé de l'air et de l'eau ; et de même encore que l'atropine, elle ne perd pas par là ses propriétés vénéneuses. (Soubeiran.)

L'hyosciamine existe dans les feuilles et les semences de jusquiame. Elle est plus difficile à obtenir que l'atropine, parce qu'elle est plus soluble dans l'eau. Elle a, du reste, la plus grande analogie avec cette dernière.

(Garrod[2], comme nous l'avons déjà dit à l'article BELLADONE, pense que l'hyosciamine est détruite en présence des alcalis caustiques, et ne subit nul changement par la présence des bicarbonates alcalins.)


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — Infusion, de 2 à 3 gr. pour 1,000 gr. d'eau.
Suc, 1 à 4 gr. en potion (progressivement).
Extrait par le suc épaissi, 1 à 15 centigr.
Extrait aqueux, 1 à 15 centigr. en potion, pilules, etc.
Extrait alcoolique et extrait de semences, 1 à 10 centigr. en potion, pilules, etc.
Teinture avec les feuilles fraîches ou les semences (1 sur 12 d'alcool), 50 centigr. à 4 gr.
Teinture avec les feuilles sèches (1 sur 5 d'alcool à 22 degrés), 1 à 4 gr. en potion.
Teinture éthérée (1 de feuilles sèches sur 6 d'éther sulfurique), 5 centigr. à 1 gr. en potion.
Sirop de suc (2 de teinture de feuilles fraîches sur 15 de sucre et 7 d'eau), de 5 à 30 gr. en potion.
Sirop d'extrait (1 d'extrait sur 125 d'eau et 250 de sirop de sucre bouillant), de 5 à 30 gr. en potion.
Poudre, 5 à 20 centigr. en pilules ou dans un liquide.

A L'EXTÉRIEUR. — Décoction (de 20 à 30 gr.

par kilogramme d'eau), en fomentations, lotions, fumigations, et feuilles en cataplasmes.
Extrait, de 50 centigr. à 2 gr. par la méthode endermique.
En pommade (1 sur 2 d'axonge ou de glycérolé), pour onction.
Huile (1 de jusquiame fraîche sur 2 d'huile d'olives), en liniment, embrocations.
(Savon de jusquiame (Buckers), 3 parties de teinture alcoolique concentrée pour 1 de savon à base de soude[3]. Même usage que l'huile, favorise davantage l'absorption.)

Le suc et le decoctum de racine de jusquiame noire en pleine végétation jouissent de propriétés très-énergiques ; mais leurs effets sont moindres si on les emploie au commencement du printemps. Le suc des feuilles est moins actif ; l'extrait aqueux, préparé en faisant évaporer au bain-marie le suc de 1a plante fraîche en pleine végétation, jouit à peu près des mêmes propriétés vénéneuses que le suc, tandis qu'il est beaucoup moins actif lorsqu'il a été obtenu par décoction de la plante peu développée ou trop desséchée : ce qui explique

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  1. Sur la substance narcotique de la jusquiame, in Arch. bot., 1832, t. I, p. 475.
  2. Bulletin de thérapeutique, 30 janvier 1858.
  3. Courrier médical, 20 août 1858.


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pourquoi certains extraits de jusquiame, chez les pharmaciens, ne possèdent aucune vertu. L'extrait le mieux préparé ne doit pas être employé lorsqu'il a plus d'un an.
Il résulte des expériences de Schroff[1] que toutes les préparations de jusquiame ont la même action et diffèrent seulement en énergie. La plus faible est la poudre des feuilles, la racine d'un an est plus active, mais cède le pas aux extraits. L'extrait alcoolique et l'extrait éthéré alcoolique des semences sont les plus actifs. Il est trois fois plus énergique que l'extrait obtenu par l'évaporation du suc, et deux fois plus que l'extrait alcoolique des feuilles. L'huile grasse qui surnage est plus active que le fond ; mais l'extrait alcoolique de semences, quoique plus actif que tous les autres, présente plusieurs inconvénients : ainsi, sa saveur détestable, son peu d'homogénéité. Il se sépare en deux couches d'inégale action : la supérieure, huileuse, très-active ; l'inférieure, molle, moins énergique. — Il n'y a aucune raison, dit Schroff, pour évaporer les extraits à siccité, les extraits humides se con-

servant aussi bien et ne pouvant être altérés par la chaleur. Les extraits secs sont très-hygrométriques, et la petite quantité d'alcool qui se trouve encore dans l'extrait mou aide à le préserver de la décomposition. On ne peut donc être sûr de l'extrait sec. — Schroff a essayé l'huile de jusquiame obtenue par la décoction des feuilles et par expression des semences à froid. Elles sont peu actives ; mais la première l'est plus que la seconde.
La jusquiame noire entre dans les pilules de cynoglosse, dans le baume tranquille, dans l'onguent populeum. Ses semences entraient dans un grand nombre de préparations de l'ancienne pharmacie, telles que le philonium romanum, le requies de Nicolas Myrepsus, les trochiques d'alkékenge, etc., relégués depuis longtemps dans la poussière de l'oubli.

(HYOSCIAMINE. — A L'INTÉRIEUR. — Solution : hyosciamine, 1 gr. ; alcool, 10 gr. ; eau, 100 gr. ; de 4 à 5 gouttes. (Schroff.)
A L'EXTÉRIEUR. — En solution plus concentrée, 5 à 15 centigr. pour 30 gr. de véhicule.)


La jusquiame est un poison narcotico-âcre dont l'action se porte sur le système nerveux. Moins puissante que la belladone, elle produit les mêmes effets à doses plus élevées.

Les symptômes de l'empoisonnement par l'ingestion d'une grande dose de cette plante sont les suivants : ardeur à la bouche et au pharynx, douleurs abdominales, vomissements, rougeur de la face, fixité du regard, vue double, dilatation des pupilles, trismus, aphonie, distorsion spasmodique de la bouche, gêne, accélération de la respiration, vertige, assoupissement, somnolence, perte du sentiment, délire gai ou sérieux, tremblement, paralysie d'un seul ou des deux côtés, agitation convulsive des bras, petitesse et intermittence du pouls, carphologie, refroidissement des extrémités, mort.

D'après les expériences d'Orfila, la jusquiame ne détermine point l'inflammation de l'estomac, tout en exerçant sur le système nerveux cette violente excitation qui cause l'aliénation mentale et consécutivement la stupeur. Suivant Flourens, cette plante produit, comme l'opium, une effusion sanguine dans les lobes du cerveau.

Le traitement de cet empoisonnement est le même que celui qui est indiqué à l'article BELLADONE.

Un lavement d'une décoction de 12 gr. de jusquiame causa des accidents apoplectiques et convulsifs, qu'on ne fit cesser qu'au moyen des boissons acides en abondance et des lavements de vinaigre.

« Pougens, l'auteur d'un Dictionnaire de médecine en cinq volumes, fort en renom il y a une trentaine d'années, faillit être victime d'une semblable méprise ; s'étant administré un lavement préparé avec une assez forte décoction de ce végétal, dont il n'indique pas la dose, il fut pris d'un engourdissement subit avec une tendance irrésistible au sommeil. Malgré l'emploi du vinaigre et d'un excellent vin, il tomba dans un sommeil léthargique qui dura huit heures ; encore sa tête ne fut-elle parfaitement libre que vingt heures après son réveil. Pendant ce dernier temps, il éprouva un sentiment de bien~être indéfinissable ; il s'exprimait avec vivacité ; sa mémoire était meilleure, son imagination plus vive ; il récitait, il composait des discours

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  1. Wochenblatt der Zeitschrift der k. k. Gesellschaft der Aerzte zu Wien, et Union médicale, 1855.


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et des vers beaucoup mieux qu'il n'aurait pu le faire dans toute la plénitude de sa raison. « Quel dommage, dit à ce propos un médecin littérateur, qu'un semblable moyen mette la santé en péril ! On pourrait le conseiller à quelques-uns de nos poètes et de nos orateurs[1]. »

La mort est rarement la suite de l'empoisonnement par la jusquiame bouillie ou infusée ; il n'en est pas de même lorsque la plante a été mangée crue ; c'est ainsi que cinq personnes ayant mangé en salade de la jusquiame qu'on avait prise pour de petites herbes sauvages, il en périt deux. Cette différence de résultats prouve que l'ébullition en diminue les propriétés toxiques, et que, par conséquent, les extraits préparés de cette manière, ainsi que nous l'avons dit plus haut, sont beaucoup moins énergiques.

L'usage de la jusquiame à l'extérieur est loin d'être toujours innocent. On a vu des symptômes d'empoisonnement résulter de l'application des feuilles fraîches de jusquiame sur une brûlure. On cite aussi plusieurs exemples d'accidents graves causés par la décoction de jusquiame noire donnée en lavement. Les émanations même de cette plante ne sont pas sans danger. Des hommes qui dormaient d'ans un grenier où l'on avait mis ça et là des racines de cette plante pour en écarter les rats, se réveillèrent atteints de stupeur et de céphalalgie ; l'un d'eux éprouva des vomissements et une hémorrhagie nasale abondante[2]. Boerhaave, en préparant un emplâtre dans lequel entrait l'huile de semences de jusquiame, se sentit agité d'une sorte d'ivresse. La domestique d'un curé du Calaisis, âgée de quarante-cinq ans, d'un tempérament sanguin, pour laquelle je fus appelé au mois d'août 1826, et que l'on croyait atteinte d'une fièvre maligne, avait la face rouge, des mouvements convulsifs partiels, la parole brève, un délire gai, avec propos et gestes singuliers, vertiges ; en un mot, tous les effets d'une sorte d'ivresse avec congestion au cerveau et exaltation nerveuse. Ces symptômes étaient occasionnés par la présence, dans le rectum, d'un suppositoire de feuilles de jusquiame broyées avec du miel, que le maître de la malade avait conseillé comme moyen innocent et très-efficace de calmer des douleurs d'hémorrhoïdes dont elle souffrait depuis plusieurs jours. Une saignée du bras et des boissons acidulées avec le vinaigre produisirent un calme suivi d'un sommeil profond et d'une abondante transpiration. Il ne restait au réveil qu'un état d'abattement avec dilatation des pupilles. Ce fait me rappelle celui d'un berger, que le célèbre Gassendi, au rapport de Garidel, rencontra un jour, et qui lui dit qu'à l'aide d'un onguent il pouvait, quand il le désirait, assister au sabbat des sorciers, où il voyait, disait-il, des choses merveilleuses. Après avoir fait épier cet homme, Gassendi s'assura que son onguent était composé de jusquiame noire, de graisse et d'huile, et qu'après s'en être introduit dans le fondement une certaine quantité, il s'assoupissait et tombait dans une rêverie profonde.

Les effets physiologiques de la jusquiame ont été étudiés par Schroff[3] sur plusieurs personnes bien portantes, et ont donné les résultats suivants : de petites et moyennes doses ralentissent constamment le pouls entre les deux et trois premières heures, de 10 à 20 pulsations. Plus la dose est petite, plus il faut de temps pour obtenir cet effet, et vice versa. Les fortes doses le diminuent rapidement ; mais, après un temps d'autant plus court ue la dose est considérable, il remonte au-dessus de la normale. Ainsi, 0,50 d'extrait étheralcoolique de semences déterminent un abaissement de 20 pulsations en deux heures ; 0.20 n'exigent qu'une heure ; mais une demi-heure après le pouls remonte de 11 pour retomber de 12 dans la demi-

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  1. Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, janvier 1857, p. 17.
  2. Gazette de santé, 1773 et 1774.
  3. Wochenblatt der Zeitschrift der k. k. Gesellschaft der Aerzte zu Wien, et Union médicale, décembre 1855.


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heure suivante ; 0.40 produisent, en vingt minutes, un ralentissement de 19 ; vingt minutes après, il remonte de 29, devient petit, irrégulier, se soutient pendant une heure, avec de légères fluctuations, et ne diminue que peu à peu. Ces effets prouvent, sinon l'identité d'action, au moins une grande analogie entre la jusquiame et la belladone. La jusquiame dilate la pupille, mais à des doses plus fortes ; et, quand elles sont considérables, la dilatation est précédée parfois de rétrécissement. A petites doses il y a déjà lourdeur de tête, sécheresse des lèvres, de la bouche et du gosier, diminution de la sécrétion salivaire, un peu de faiblesse. Après des doses plus considérables, il survient de l'assoupissement, tendance au sommeil et même sommeil profond, s'accompagnant, par des doses très-fortes, de coma-vigil et de rêves effrayants, parfois céphalalgie, presque toujours vertiges, bourdonnements d'oreilles, faiblesse de la vue à ne pas pouvoir distinguer les lettres, sensibilité de la rétine à la lumière, diminution de l'olfaction, avec persistance du goût ; impossibilité de fixer l'attention sur un objet ; faiblesse considérable ; démarche incertaine ; sécheresse de la bouche augmentant jusqu'à l'impossibilité d'avaler ; voix rauque/enrouée ; peau sèche, parcheminée, chaleur diminuée.

(L'école italienne classe la jusquiame au même rang que le stramonium, c'est-à-dire parmi les substances hyposthénisantes cardiaco-vasculaires, et conséquemment antiphlogistiques à action élective cérébrale.)

La jusquiame diffère de la belladone par moins d'action sur les sphincters, surtout sur celui de l'anus ; elle produit moins d'excitation cérébrale et une plus grande tendance au sommeil. Elle ne détermine pas ces mouvements brusques, la tendance au rêve, à sauter, à danser, caractéristique de la belladone. Ces différences doivent être plus saillantes encore entre l'atropine et l'hyosciamine ; malheureusement Schroff n'a pu se procurer suffisamment de la dernière. « Le simple examen physique des deux plantes, dit avec raison Martin-Lauzer[1], suffirait déjà à nous faire supposer, à priori, une différence d'action. La belladone a peu d'odeur si on la compare à la jusquiame ; son principe vireux est fixe, celui de la jusquiame semble volatil ; la jusquiame empoisonne en quelque sorte rien qu'à l'odeur, et nous avons vu que ses émanations sont loin d'être inoffensives. Cette particularité, qui semble donner la supériorité à la jusquiame employée à l'état frais, la constitue en infériorité à l'état sec et dans ses préparations (en admettant toujours l'identité d'action, qui n'est qu'une supposition). Aussi, s'est-on toujours beaucoup plaint de l'instabilité des préparations de la jusquiame, et l'on ne peut guère s'expliquer que de cette manière leur constante inefficacité en de certaines mains. »

La jusquiame, administrée à dose thérapeutique, est généralement considérée comme sédative, antispasmodique, narcotique. Elle est employée dans les névroses et les névralgies, dans les phlegmasies, dans certaines hémorrhagies, et contre quelques affections oculaires, etc.

L'emploi thérapeutique de la jusquiame était peu connu des anciens. Dioscoride l'administrait à l'intérieur pour calmer les douleurs. Celse en injectait le suc dans les oreilles contre l'otorrhée purulente, en faisait un collyre, et la donnait dans la phrénésie. A une époque moins éloignée, Craton, Fortis, Halidens, Hannius et Plater, en recommandaient la semence à l'intérieur, surtout dans le crachement de sang, à la dose de 60 centigr. à 1 gr. 30 centigr.

Ce ne fut véritablement qu'en 1762, par suite des travaux de Storck[2] sur les plantes vénéneuses, que la jusquiame prit rang dans la matière mé-

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  1. Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, janvier 1857, p. 20.
  2. Libell. de stramonio, hyosciamo, etc., p. 28 et suiv.


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dicale. Ce médecin la donnait dans les convulsions, l'hystérie, l'épilepsie, l'hypochondrie, la manie, la toux convulsive, les névroses en général et presque toujours avec des avantages que sa bonne foi ne permet pas de révoquer en doute, mais que l'enthousiasme a pu quelquefois exagérer. I1 en portait progressivement la dose à 75 centigr. dans les vingt-quatre heures. Colin, qui en a fait usage dans les mêmes maladies, et dont le témoignage vient s'ajouter à celui de Storck, a été jusqu'à 1 gr. 20 centigr. par jour. Haller, Fothergill, Herwig, etc., ont confirmé par l'expérience les essais de Storck. Hufeland considère la jusquiame comme le plus doux des narcotiques ; il le préfère à l'opium dans l'insomnie. C'est, suivant lui, un remède très-efficace contre les convulsions, l'éclampsie, la toux spasmodique. Le plus sûr moyen d'apaiser les spasmes dans les affections nerveuses, etc., est, dit ce célèbre praticien, de leur administrer la jusquiame, qui mérite la préférence sur l'opium, en ce qu'elle ne constipe pas comme lui, n'échauffe pas non plus, et exerce une action calmante toute spéciale sur le moral, ce qui est ici un grand point[1]. Whytt donnait l'extrait de cette plante chaque soir à la dose de 8 à 20 centigr. dans les affections nerveuses. Stoll préférait ce médicament à l'opium dans la colique de plomb, parce qu'il calmait tout aussi bien les douleurs sans augmenter la constipation. Murray s'en est également bien trouvé dans cette dernière maladie. Frank[2] l'employait avec avantage dans l'hypochondrie, l'épilepsie et la paralysie ; Gilibert et plusieurs autres praticiens, dans les convulsions et le tétanos ; Amstrong et Hufeland, dans la coqueluche ; Abramson, dans le delirium tremens. J'ai déjà fait mention d'une pommade composée de jusquiame, d'ail et de saindoux, que j'applique à la plante des pieds et dont je retire de bons effets dans le traitement de la coqueluche.

Divers auteurs ont donné à la jusquiame le titre d’antimaniaque. Dans ces dernières années, Michéa a fait des recherches sur le traitement de l'aliénation mentale par les divers narcotiques. La préparation dont il s'est servi est l'extrait fait avec les parties fraîches de la plante. Il y a soumis dix aliénés, dont neuf atteints de folie circonscrite, avec ou sans hallucinations, et un seul de délire général. Sur ces dix, la jusquiame en a guéri six, parmi lesquels il faut compter ce dernier, et a déterminé de l'amélioration chez un autre. La guérison est survenue entre trois et six semaines. La jusquiame n'a jamais été administrée au delà de 1 gr. par jour ; en moyenne, la dose variait entre 50 et 70 centigrammes. Michéa note qu'elle a quelquefois produit de la constipation.

La jusquiame peut être substituée à l'opium dans beaucoup de cas de désordres nerveux où celui-ci ne peut être administré sans inconvénient. J'en ai eu un exemple chez un malade âgé de quarante-huit ans, d'un tempérament lymphatico-sanguin, d'une forte constitution et atteint, par suite de l'abus des spiritueux, du delirium tremens, avec hallucinations et parfois délire furieux. L'extrait gommeux d'opium, que j'emploie toujours avec succès en pareil cas, déterminait le vomissement et un état prononcé d'anxiété et d'exaspération. L'extrait aqueux de jusquiame noire, donné d'abord à la dose de 8 centigr. de trois heures en trois heures, et ensuite de deux heures en deux heures, fut bientôt supporté par l'estomac et produisit un calme suivi bientôt d'un effet sédatif qui amena le sommeil, une diaphorèse générale, la disparition du tremblement des membres et du délire, en un mot, le rétablissement complet dans l'espace de trois jours. J'ai pu, sur ce malade, porter la dose d'extrait de jusquiame à 1 gr. 20 centigr. dans les vingt-quatre heures : l'abus des liqueurs alcooliques explique cette tolérance.

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  1. Libell. de slramonio, hyosciamo, etc.
  2. Journal universel des sciences médicales, t. XVII, p. 102.


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Wauters cite un cas d'insomnie, par cause morale, où l'opium ayant été sans effet, l'extrait de jusquiame, préparé par épaississement du suc au moyen de la chaleur solaire, fut aussi employé à grande dose avec un succès remarquable.

Cette observation confirme l'opinion émise par divers auteurs, relativement à la nécessité, quand on veut provoquer le sommeil, de donner la jusquiame à dose double et même triple de celle de l'opium. Pour une appréciation exacte et comparative, Wauters aurait dû indiquer la dose à laquelle il avait porté l'administration de ce dernier médicament avant d'employer la jusquiame. S'il y a une grande analogie d'action entre la jusquiame et l'opium, il y a aussi dans leurs effets des différences remarquables : la jusquiame n'a pas, comme ce dernier, nous le répétons, l'inconvénient de suspendre les évacuations, ce qui la fait préférer lorsque la constipation est à redouter, comme dans l'hypochondrie, l'entérite chronique, etc. Les personnes qui ne peuvent prendre sans accidents graves la plus légère dose d'opium, supportent ordinairement très-bien la jusquiame.

C'est surtout contre les névralgies que la jusquiame a triomphé. Breiting, médecin à Augsbourg, a publié [1] l'histoire d'un tic douloureux de la face, qui, pendant cinq mois, avait résisté à tous les moyens possibles, et qui fut guéri par l'usage de l'extrait de jusquiame noire, préparé avec le suc de la plante. On faisait dissoudre 4 gr. de cet extrait dans une once d'eau de fleurs de camomille ; la dose était d'abord de dix gouttes et augmentait de quatre gouttes chaque heure. Par la suite, Breiting fit prendre à sa malade des pilules dans lesquelles il entrait 20 centigr. d'extrait de jusquiame, et elle prenait jusqu'à six de ces pilules par jour. Enfin, pendant deux traitements qui durèrent en tout huit mois, la malade prit la quantité énorme de 140 gr. d'extrait de jusquiame noire, et cet extrait était très-énergique, ainsi que Breiting s'en assura en l'employant chez d'autres malades. Les doses des médicaments stupéfiants, pour en obtenir l'effet qu'on en attend, doivent être d'autant plus élevées que la douleur est plus vive, que le spasme est plus prononcé ou que le système nerveux est plus exalté. Cette vérité physiologico-pathologique est confirmée par l'observation journalière des faits, parmi lesquels nous citerons, comme le plus saillant, le peu d'effet de l'opium donné à très-grande dose dans le tétanos.

Stoll, Chaiili, Burdin, Méglin, citent des cas de guérison de névralgies diverses dans l'emploi de la jusquiame à l'intérieur. Tous les praticiens connaissent les pilules antinévralgiques de Méglin, composées d'extrait de cette plante, de celui de valériane et d'oxyde de zinc, dont on forme des pilules de 15 centigr.

Burdin prétend qu'avec la jusquiame seule il a obtenu les mêmes effets contre les névralgies qu'avec les pilules de Méglin. Cependant on peut croire qu'à dose élevée, ces pilules contiennent une assez grande quantité d'oxyde de zinc pour attribuer à celui-ci des effets qu'il a pu, de son côté, produire seul dans les névroses, et notamment dans l'épilepsie. Suivant Trousseau et Pidoux, Méglin a exagéré l'utilité de cette médication, qui ne leur a semblé d'une efficacité réelle que pour prévenir le retour des névralgies qui avaient été dissipées ou presque anéanties par d'autres médicaments. Quand la névralgie est superficielle, ces praticiens conseillent d'avoir recours de préférence à l'application locale de l'extrait de jusquiame, qui, suivant eux, a des effets beaucoup plus prompts que son administration à l'intérieur, ce qui est un point de similitude avec la belladone. Grimaud[2]

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  1. Journal de Hufeland, 1807.
  2. Journal général de médecine, t. LXVI, p. 243.


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combinait la jusquiame au camphre et au gayac contre les névralgies et le rhumatisme. Barbier vante la jusquiame administrée d'après la méthode endermique. Il fait appliquer un vésicatoire loco dolenti, qu'il panse avec de la pommade de jusquiame, à laquelle il associe celle de garou lorsqu'il veut entretenir la suppuration. Les feuilles fraîches de jusquiame appliquées sur la tête soulagent les douleurs névralgiques de cette partie. Cuites dans du lait et appliquées à l'épigastre, elles ont calmé instantanément une violente douleur gastralgique qui durait depuis six heures, et contre laquelle j'avais employé inutilement le laudanum à l'intérieur. J'ai eu aussi à me louer de ce topique sur l'hypogastre dans un cas de strangurie goutteuse, où l'application des sangsues au périné, les onctions opiacées, les bains tièdes généraux n'avaient produit qu'un soulagement momentané. — Je crois qu'un bain général fait avec une infusion de feuilles de jusquiame aurait chance de réussite dans le tétanos. Appliquées sur le front en cataplasme, elles soulagent à l'instant même dans la migraine. Wendt[1] conseille dans la céphalalgie nerveuse les frictions faites sur le front avec l'émulsion des semences de cette plante. On dit avoir calmé des douleurs odontalgiques et fait cesser de longues insomnies en faisant des frictions sur les tempes avec l'huile qu'on retire des semences de jusquiame. On recommande contre l'odontalgie de retenir dans la bouche la fumée produite par les graines de cette plante projetées sur des charbons ardents, ou celles de la plante sèche ; mais ce moyen, devenu populaire, peut être suivi d'accidents ; on l'a vu causer le délire et tous les symptômes de l'intoxication. J'ai connu une sœur de charité qui, pour calmer immédiatement les douleurs de dents, faisait tenir dans la bouche une pilule ainsi composée : semence de jusquiame 20 centigr., opium 20 centigr., semence de persil 10 centigr., sirop de pavot blanc quantité suffisante ; broyez et faites une pilule. Une boulette de jusquiame broyée et introduite dans une dent douloureuse suffit souvent pour soulager immédiatement.

La jusquiame a été ordonnée avec avantage dans les inflammations de différentes espèces. Triboulet[2] l'a employée au début de ces affections pour les faire avorter. Administrée en entrait à la dose de 20 centigr., en deux heures, à un enfant de sept ans, il a guéri un croup sthénique ; il obtint le même résultat chez un enfant de trois ans, auquel on ne fit prendre que 1 gr. en douze heures. Dans un troisième cas de croup, cet extrait n'a pas été moins efficace que dans les deux premiers. L'auteur recommande d'augmenter la dose de deux en deux heures, en commençant par 10 centigrammes. Reste à savoir si Triboulet n'a pas eu affaire au pseudo-croup seulement, et cela paraît de toute évidence. Ce médecin conseille aussi le même remède dans la pneumonie. Vaidy[3], qui est aussi parvenu à faire avorter diverses espèces d'inflammation au moyen de la jusquiame, n'en a retiré que peu d'avantages dans cette dernière affection. Les partisans de l'école italienne, enfin, emploient la jusquiame à haute dose comme hyposthénisante dans les inflammations des centres nerveux et des autres appareils organiques. Giacomini s'en est bien trouvé dans un cas de méningite aiguë, dans un autre cas de myélite cérébrale, et dans un troisième de rachialgie. J'ai employé avec succès dans un rhumatisme aigu, chez une femme âgée de trente ans, l'extrait de suc de jusquiame à doses graduellement augmentées jusqu'à celle de 20 centigr. toutes les quatre heures. Quoique la maladie fût intense et avec réaction fébrile, la guérison eut lieu vers le dixième jour. Je n'ai que ce seul fait à citer. Dans la chaude-pisse cordée, lorsque l'opium ne convenait pas, à cause de la constipation rebelle qu'il

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  1. Diss. hyosc. nigr. virt. med. Erlangæ, 1797.
  2. Bibliothèque médicale, t. LVIII, p. 116.
  3. Journal général de médecine, t. LXXIV, p. 116.


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produit, B. Bell tirait de grands avantages de la jusquiame administrée à plus forte dose qu'on ne le fait communément. Il donnait hardiment à un adulte de 40 à 80 centigr. de l'extrait, même la première fois, et portait ensuite la dose jusqu'à 75 centigr. à 1 gr., 1 gr. 25 centigr. et même 2 gr.

La jusquiame a été recommandée par Forestus dans les hémorrhagies. Plater l'employait contre les hémorrhoïdes qui fluaient trop. Storck l'a vue réussir une fois dans une hémoptysie. Avant les essais de Storck, Clauderus (in Mérat et Delens) l'avait employée contre la dysenterie, etc. Hartz[1] l'a prescrite dans les hémorrhagies, et surtout dans celles qui ont pour cause un état plus ou moins spasmodique ou un excès d'irritabilité, comme dans certaines hémoptysies. Ce médecin donne, dans ce cas, une infusion de feuilles fraîches de jusquiame dans quatre fois leur poids d'huile d'olive, dont il administre 1 cuillerée à café, mêlée avec 2 d'huile d'amandes douces. L'hémoptysie cesse après les premières doses, bien que les malades éprouvent parfois de légers vertiges. F. Hoffmann attribue à cette plante une vertu particulière contre l'hémoptysie. J. Frank la regarde comme efficace dans cette affection, quand elle est accompagnée de symptômes nerveux ; il donne l'émulsion des semences ou l'extrait des feuilles. La même médication a réussi entre les mains de Caizergues[2] chez un sujet très-nerveux, atteint d'une hémoptysie très-active. « Quelques médecins, disent Trousseau et Pidoux, crurent devoir la conseiller en général dans les hémorrhagies ; mais il serait imprudent de compter sur ce moyen, qui est fort infidèle, tandis que la matière médicale nous en offre tant dans lesquels on peut avoir une grande confiance. »

On a présenté aussi la jusquiame comme pouvant agir sur le système lymphatique et comme utile dans les engorgements glanduleux. Gilibert dit en avoir rétiré de grands avantages dans le squirrhe. Elle a été préconisée dans la phthisie et les affections tuberculeuses en général. Elle m'a été d'une grande utilité chez les phthisiques, associée à l'acétate de plomb, tant pour calmer la toux que pour combattre les sueurs. (Tompson[3] combine dans ce but l'oxyde de zinc à l'extrait de jusquiame, à la dose commune de 20 centigr. Coxe[4] en a retiré des avantages marqués, mais non constants.) Pilée et appliquée fraîche sur les engorgements lymphatiques, les tumeurs blanches, etc., elle y a produit des effets calmants et résolutifs analogues à ceux de la belladone.

Tournefort conseille, contre les engelures, l'exposition des parties affectées à la fumée produite par les semences projetées sur des charbons ardents.

Renard et Labrusse[5] ont obtenu de bons effets de la jusquiame contre la goutte et le rhumatisme. Ils l'employaient en cataplasme, associée à la mie de pain et au lait. Les feuilles de jusquiame bouillies dans le lait, ou ces feuilles broyées, rendues tièdes, ou cuites dans une feuille de choux, en topique, calment les douleurs du rhumatisme articulaire aigu. Ces applications m'ont toujours réussi. L'emplâtre de jusquiame était fréquemment employé par Hufeland, pour calmer les douleurs du rhumatisme. Ce médecin prescrit dans la phlegmasia alba dolens, quand les douleurs sont vives, des fomentations avec décoction de jusquiame à laquelle on ajoute un peu d'eau de Goulard. J'emploie fréquemment les cataplasmes et les fomentations de jusquiame dans les contusions, les entorses, les inflammations traumatiques,

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  1. Bibliothèque germanique, t. VI, p. 240.
  2. Bibliothèque médicale, t. LXV, p. 407.
  3. Gazette médicale de Lyon, 1er octobre 1849, p. 450.
  4. Boston med. and surg. Journ., 1859.
  5. Ancien Journal de médecine, t. XXVIII et XXIX.


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les hémorrhoïdes enflammées ou douloureuses, les fissures, en général dans toutes les phlogoses externes, surtout au début, afin de les faire avorter. Pilée et appliquée tiède sur une orchite blennorrhagique très-aiguë, elle calma instantanément la douleur et fit avorter l'inflammation chez un jeune homme de vingt-deux ans, pour lequel je fus appelé en 1847. Depuis cette époque, j'ai mis en usage le même moyen dans plus de vingt cas analogues, et toujours avec succès. Je réussis également à enrayer ainsi la mammite, le panaris, le paraphimosis, les phlegmons quelconques à leur début. Dans l'été, je me sers, autant que possible, de la plante fraîche pilée ; dans les autres saisons, je fais appliquer des cataplasmes composés de mie de pain et d'une forte infusion chaude de jusquiame faite à vase clos, en ayant soin de faire arroser fréquemment la partie malade avec cette dernière, afin d'entretenir ces topiques à une température qui en favorise l'effet.

La jusquiame a aussi fourni son contingent contre les affections oculaires. Cette plante dilatant la pupille comme la belladone, on s'est servi de son extrait comme de celui de cette dernière pour rendre plus facile l'opération de la cataracte. On cite même ses bons effets dans la cataracte commençante[1]. Ce précieux végétal n'est pas moins utile dans l'iritis. Son extrait aqueux m'a réussi à l'intérieur et à l'extérieur, délayé en consistance sirupeuse, en friction autour des yeux, dans un cas d'iritis très-intense dont M. de Sept-Fontaines, de Calais, physicien distingué, membre correspondant de l'Académie des sciences, fut pris en 1818 après la disparition presque subite d'un accès de goutte, maladie dont il était atteint depuis longtemps, et qui se portait fréquemment et alternativement aux deux pieds. Dès le premier jour de l'emploi de la jusquiame, les douleurs se calmèrent ; les pédiluves sinapisés, en rappelant l'affection arthritique, achevèrent la guérison, qui eut lieu au bout de huit jours de traitement. Je me suis bien trouvé aussi des applications chaudes de décoction de feuilles de cette plante, comme moyen accessoire, dans l'ophthalmie scrofuleuse-photophobique, surtout quand il y a occlusion spasmodique des paupières. — Dans les phlegmasies de l'iris survenues après l'opération de la cataracte, Schmidt[2] a obtenu de bons effets de l'usage interne et externe de l'extrait de jusquiame. Ce même moyen peut prévenir les adhérences de l'iris et l'occlusion de la pupille qui suivent quelquefois cette opération, et empêcher même de graves phlegmasies du globe de l'œil. Hufeland prescrit dans l'ophthalmie scrofuleuse des fomentations avec une décoction tiède de fleurs de mauves et de fleurs de jusquiame, à laquelle on ajoute un peu d'eau distillée de laurier-cerise ; et chaque jour, une ou deux fois, on enduit le bord interne des paupières de pommade antiophthalmique au précipité (deutoxyde de mercure). L'usage simultané de l'extrait de jusquiame en onctions sur les paupières et de l'hydrochlorate de baryte à l'intérieur, dissipe en peu de jours la photophobie scrofuleuse.

La jusquiame a eu ses détracteurs. Greding (in Ludwig) se fonde sur des expériences contradictoires et dépossède cette plante des propriétés reconnues par Storck. Suivant Fouquier, on a exagéré son action, elle n'est pas narcotique, ses propriétés sont vagues, et rien ne prouve son efficacité dans les névroses. Ses heureux effets, constatés par tous les auteurs que nous avons cités, ont été niés par Ratier[3]. « Mais les expériences de ce médecin, disent avec raison Trousseau et Pidoux, faites sur des malades qui souvent ne prenaient pas les médicaments prescrits, et dans des maladies où les bons esprits ont nié l'emploi de la jusquiame, ne peuvent rien contre les résultats d'une expérimentation sévère et consciencieuse. »

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  1. Bulletin des sciences médicales. Ferussac, t. II, p. 253.
  2. Bibliothèque médicale, t. XXIII, p. 105.
  3. Archives générales de médecine, 1823, t. I, p. 297.


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(L'HYOSCIAMINE, autrefois appelée jusquiamine, dilate la pupille, ainsi que, dès 182S, Reisinger l'a établi par des expériences sur les animaux[1].

Au point de vue toxicologique, l'alcaloïde représente, avec une activité plus grande, la plante elle-même.

En thérapeutique, Schroff est, croyons-nous, le premier et le seul qui l'ait ordonnée comme hypnotique et sédatif dans les bronchites, etc., à la dose de 1 à 3 milligr. Runge, Reisenger, Gulz et Honold[2] s'en sont servis à l'intérieur comme agent dilatateur des sphincters, et surtout de l'iris dans les cas d'iritis, de synéchie au début, pour faciliter l'opération de la cataracte, etc.

Lemattre, dans son mémoire couronné en 1865 par l'Académie des sciences, a étudié l'action physiologique de l'hyosciamine et des autres alcaloïdes des solanées. (Voyez BELLADONE, p. 210.) Celui qui nous occupe possède le pouvoir mydriatique le plus faible sous le rapport de la durée et de la rapidité d'action.)

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  1. Bulletin des scienees médicales de Férussac, juillet 1825, p. 260.
  2. Die neueren Arzneimittel. Erlangen, 1851, p. 173.


Jusquiame blanche

Nom accepté : Hyoscyamus albus


JUSQUIAME BLANCHE. Hyosciamus albus, L. Hyosciamus albus major, C. Bauh,, Tourn. Croît dans le Midi de la France (le Languedoc, vers Orange, le long du Rhône, aux bords des chemins).

Description. — Tige moins élevée. — Feuilles obtuses, moins allongées, plus velues. — Fleurs d'un blanc jaunâtre, plus petites, ne s'épanouissant qu'au mois d'août.

La jusquiame blanche jouit des mêmes vertus que la noire. Les anciens la regardaient comme moins active, moins irritante que cette dernière, et la prescrivaient de préférence contre la goutte, les douleurs en général, les toux, les hémorrhagies, etc. Nous ajouterons que Poutangon et Suisset[1] en ont obtenu des résultats avantageux dans le resserrement spasmodique de la pupille, et que Chanel[2] s'est bien trouvé de son emploi à l'extérieur, dans la réduction des hernies et du paraphimosis.

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  1. Journal de Corvisart et Leroux, t. XIV, p. 130.
  2. Journal des connaissances médico-chirurgicales, t. II, p. 86.


Jusquiame dorée

Nom accepté : Hyoscyamus aureus

La JUSQUIAME DORÉE, Hyosciamus aureus, L., et la JUSQUIAME DE SCOPOLI, Hyosciamus scopolia, Weld, que l'on peut cultiver dans nos jardins, ont des propriétés analogues aux deux espèces précédentes.