Bardane (Cazin 1868)

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Barbarée
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Basilic
PLANCHE VII : 1. Aurone. 2. Baguenaudier. 3. Balsamite. 4. Barbarée. 5. Bardane.


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Nom accepté : Arctium lappa


BARDANE. Arctium lappa. L.

Personnata sive lappa major. Math. — Lappa major seu arctium Dioscoridis. Bauh. — Bardana. Pharm. — Lappa major. T.

Bardane officinale, — napolier, — herbe aux teigneux, — glouteron, — dogue, — herbe aux pouilleux.

Synanthérées. — Cynarées. fam, nat. — Syngénésie polyg. Égale. L.


Cette plante (Pl. VII), commune dans presque tous les climats, croît le long des chemins, sur les terrains incultes, au voisinage des masures. Cette


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plante est un mauvais fourrage. Virgile[1] recommandait d’en purger les prairies ; les agronomes de nos jours suivent le même conseil.

Description. — Racine bisannuelle, grosse, longue, cylindrique, fusiforme, noirâtre en dehors, blanche en dedans, garnie de filaments çà et là, surtout vers le bas. — Tige herbacée, dure, annuelle, striée, rameuse, de 60 à 90 centimètres. — Feuilles inférieures très-amples, cordiformes, pétiolées, crénelées, vertes en dessus, légèrement cotonneuses en dessous, les supérieures successivement moins grandes, simplement ovales ; les unes et les autres alternes. — Fleurs purpurines, en capitules arrondis, solitaires, et formant une panicule irrégulière, feuillée. — Calice globuleux, verdàtre, à folioles nombreuses, imbriquées, lancéolées, se terminant. chacune par une pointe acérée et recourbée en crochet. — Fleurons égaux, nombreux, tous hermaphrodites, réguliers. — [Réceptacle plan, alvéolé, muni de paillettes nombreuses avec involucre arrondi, formé d'un grand dombre de bractées étroites, subulées, rudes, imbriquées, portant au sommet un crochet recourbé en dehors.] — Corolle-tubuleuse, à cinq dents, sortant du calice. — [Fruit : akène anguleux, brunâtre, oblong, surmonté d'une aigrette simple sessile.]

Parties usitées. — La racine, les feuilles, quelquefois les fruits.

[Culture. — Elle n'est cultivée que dans les jardins de botanique ; on la propage de graines semées en place et en toute saison.]

Récolte. — On récolte la racine de bardane de la première année en octobre ; celle de la seconde année, au commencement du printemps. Après l'avoir mondée et coupée par rouelles, on la fait sécher à l'étuve ou au soleil ; on doit rejeter celle qui est ligneuse. On peut la récolter en tous temps quand on veut l'employer fraîche.

On ne doit mettre la racine dans les sacs pour la conserver que lorsqu'elle est bien sèche, sinon elle moisit et se détériore. Il faut la visiter souvent, car, au bout d'un an, elle est sujette à être attaquée par les vers.

Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques. — La racine, inodore, est d'une saveur douceâtre, un peu amère et astringente. Elle contient, d'après Guibourt, une grande quantité d'inuline, des sels à base de potasse, de l'extractif, de l'amidon. Les feuilles fournissent beaucoup de sous-carbonate de potasse, du nitrate de potasse et quelques autres sels. L’eau s'empare des principes actifs. Elle donne à la décoction une couleur verdâtre. Dambourney avait proposé de cultiver la bardane pour en extraire la potasse, que toutes les parties de la plante fournissent en grande quantité par l'incinération. La racine donne de l'amidon, et peut, comme la saponaire, servira nettoyer le linge. Schœffer a fabriqué avec l'écorce de la tige un papier blanc verdâtre.


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — Racine ou feuilles, 15 à 60 gr. par kilogramme d'eau, en décoction ou infusion.
Sirop (1 de racine fraîche sur 8 d'eau et 8 de sucre), de 30 à 100 gr., seul ou en potion. (Jamais employé.)
Teinture (1 de racine sur 5 d'alcool), de 1 à 10 gr., en potion.
Extrait (1 sur 6 d’eau par infusion, décoction

ou inspissation du suc), de 1 à 10 gr., en pilules, bols, etc.
Poudre (rarement), de 1 à 4 gr., en bols, pilules ou en substance, dans un véhicule.

A L'EXTÉRIEUR. — Feuilles, quantité quelconque, en cataplasme.
Décoction, pour lavements.
Suc des feuilles, pour pommade, etc.


La racine de bardane, regardée comme sudorifique, diurétique et dépurative, a été recommandée dans le rhumatisme, la goutte, le catarrhe pulmonaire, les dartres squammeuses et furfuracées, les affections syphilitiques secondaires et tertiaires. Baglivi, Boerhaave, Rivière, Storck et beaucoup d'autres auteurs la recommandent dans cette dernière maladie, à cause de sa vertu diaphorétique. Van Swielen a souvent donné ce médicament avec succès dans la syphilis : « Pro illis, dit-il, quitus res angusta domi erat, sæpius dedi decoctum radicum bardanœ ; quœ levi pretio ubique haberi possunt, et similem effectum imo majorem quam a decocto chinœ potato, vidi. » Wauters a eu recours plus de cent fois à ce médicament pour combattre l'affection dont il s'agit, et il l'a toujours vu produire les mêmes effets que la squine. Car-

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  1. Géorgiques, lib. I et III.


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theuser la croit supérieure à la salsepareille. Bodart l'a proposée comme succédané du gayac.

Henri III, roi,de France, fut guéri de la syphilis au moyen de la bardane et du séné par Pena. Samuel Formius[1] rapporte ainsi les détails de cette cure : « Henricus tertius Gallorum rex lue venerea laborans à medicis ordinariis curari non poterat. Monitus fuit Penam tunc temporis Lutetiæ medicinam facientem multos ab hoc morbo liberare remedio peculiari quod a quodam Turco didicerat, illum vocari jussit : ab eoque curatus est. Remedium tale erat :

« Radic. bardanæ in toleolis sectæ unc. 8. — Vini albi et aquæ fontis lib. 2. — Bulliant ad mediæ partis consumptionem, addendo sub. finem, Senn. mund. unc. lib. 1 1/2 pro dispositione œgrotantis : colaturœ capiat manc lib. 1 1/2. Sudores provocando cum silicibus majoribus calidis linteis obvolutis, quorum unus admoveatur plantis pedum, duo tibiis, duo cruribus, duo juxta medium parte exteriore, et duo juxta humeras, probe tegendo ægrum ; sudores copiosi excitantur per horam unam cum dimidia et circa vesperam alvus solvitur bis aut ter : hoc remedium præmissis universalibus usurpabatur per spatium quindecim aut viginti dierum. Postea capiebat mane singulis diebus decoctum bardanæ sine senna et sine ullo regimine per mensem integrum aut dies quadraginta. »

On voit, d’après cette observation, que les sueurs provoquées ont été très-utiles, et qu'elles ont pu, après plusieurs traitements mercuriels, amener la guérison de la syphilis dont était atteint Henri III. Il est à remarquer que ce n'est guère que dans ces circonstances que les végétaux dits sudorifiques guérissent la vérole. (Je lis dans Baglivi[2] : Radix Bardanæ a pluribus doctissimis viris pro magno secreto habetur, ad curandam luem Gallicam.)

J'ai employé la racine de bardane en décoction dans un cas de syphilis tertiaire, chez un militaire libéré du service, et chez lequel, après une guérison apparente, il était survenu des pustules au front (corona veneris) et des douleurs nocturnes au périoste des tibias (periostite) tellement vives que le malade ne pouvait trouver un seul instant de repos que vers le matin. Je l'ai traité absolument et de point en point comme Péna avait traité Henri III, et j'ai obtenu le même résultat. Ce malade, affaibli par deux traitements mercuriels subis dans les hôpitaux militaires, était dans les conditions les plus favorables pour l'usage des sudorifiques. Il a continué pendant cinquante jours la décoction de racine de bardane ; mais je n’ai eu besoin de provoquer les sueurs que pendant quinze jours. Les symptômes avaient promptement cédé. Il y a maintenant près de six ans que la guérison a eu lieu, et aucune récidive ne s'est manifestée.

J’ai depuis éprouvé un insuccès dans une circonstance à peu près semblable ; mais la salsepareille elle-même, à laquelle on a proposé de substituer la bardane, réussit-elle toujours ? Il est bien certain qu'aujourd'hui l'iodure de potassium l'emporte en efficacité sur ces moyens pour combattre la syphilis constitutionnelle ; mais ce médicament est d'un prix très-élevé.

Schroeder vante l'efficacité de la racine de bardane dans les engorgements de la rate et dans les affections goutteuses et rhumatismales. Petrus Forestus rapporte que Vastelius, pensionnaire de Malines, fut guéri de la goutte par la décoction de cette racine. Hill et Cheneau la recommandent dans la même maladie. Alibert regarde cette plante comme utile dans quelques dermatoses, notamment dans les affections lymphatiques compliquées d'une certaine aridité de la peau. Hollerius l'a employée avec avantage comme sudorifique dans le traitement de la pleurésie. Je l’ai reconnue utile dans les dartres squammeuses et furfuracées , et même dans les exanthèmes aigus (variole, rougeole, scarlatine) lorsque, chez des sujets lymphatiques, affaiblis

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  1. Observation XLI.
  2. Op. omnia, 1715, p. 98.


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par la misère, l'éruption ne peut s'opérer que d'une manière imparfaite ou irrégulière. Dans ces derniers cas, j'emploie de préférence les feuilles, lesquelles possèdent les mêmes vertus que les racines et sont même regardées par quelques auteurs comme plus actives.

J'ai acquis la certitude que la semence de bardane infusée dans du vin blanc, à la dose de 4 gr. pour 500 gr. de vin, est diurétique. Je l'ai donnée avec succès dans un cas d'anasarque survenue chez une petite fille de dix ans à la suite de la scarlatine. On peut administrer cette semence en émulsion.

Les feuilles de bardane appliquées extérieurement sont résolutives et détergent les ulcères. Percy employait le suc des feuilles de cette plante dans les excoriations légères avec inflammation, dans les croûtes de lait et la teigne squammeuse ; usage ancien, sans doute, d'où vient probablement le nom d'herbe aux teigneux qu'on donne vulgairement à cette plante. Il recommandait surtout un onguent, espèce de nutritum qu'il faisait préparer avec un demi-verre de suc de feuilles de bardane non clarifié et autant d'huile, qu'on triturait et qu'on agitait à froid avec plusieurs balles de plomb dans un vase d'étain ; il en résultait une pommade verte contenant un peu d'oxyde de plomb, qui sans doute ajoutait encore aux propriétés du suc de bardane. La plupart de ces ulcères atoniques variqueux, si opiniâtres, aux jambes, guérissent très-facilement en les recouvrant d’un plumasseau trempé dans cet onguent, et par-dessus, d'une feuille de bardane. Il est rare, dit Percy, de les voir résister à ce puissant topique : il en ramollit les bords calleux, y attire une suppuration de bonne qualité. Enfin, cette pommade a été souvent appliquée avec succès sur des tumeurs scrofuleuses ouvertes, et même sur des cancers, dont elle a ralenti la marche et calmé les douleurs.

Les cataplasmes de feuilles de bardane soulagent dans les gonflements articulaires chroniques, suite de l'arthrite aiguë. J’ai vu un engorgement de cette nature au poignet se dissiper au moyen de cataplasmes de feuilles de bardane avec une suffisante quantité de son, appliqués soir et matin pendant quinze jours, et recouverts avec des feuilles fraîches de la même plante.

Hufeland conseille contre l'alopécie des lotions fréquentes sur la tête avec une décoction de bardane. D'après Guersent[1], les cataplasmes préparés avec les feuilles de cette plante soulagent beaucoup dans les engorgements hémorrhoïdaux et dans les engorgements articulaires produits par la goutte.

Les feuilles vertes de bardane, légèrement froissées et appliquées sur les tumeurs blanches, à l'envers, excitent une exhalation cutanée qui soulage beaucoup. Pour provoquer la transpiration aux pieds dans les affections catarrhales, j'ai vu des paysans se les envelopper avec de larges feuilles de bardane. Cela m'a donné l'idée d'en appliquer sur la poitrine et entre les épaules dans les maladies des voies respiratoires, ce qui m'a parfaitement réussi. Il est plus facile de trouver ce moyen à la campagne que de se procurer un emplâtre de poix de Bourgogne. Je dois faire remarquer que ces feuilles étant glutineuses, adhèrent quelquefois assez fortement à la peau.

La bardane, comme on le voit, peut rendre quelques services dans la pratique rurale. C'est à tort que Cullen et Desbois, de Rochefort, regardent les propriétés de cette plante comme inutiles et fort douteuses. On est surpris de rencontrer cette opinion chez ces médecins observateurs. L'érudit et critique Chaumelon, qui ne s'est jamais distingué comme praticien, qui croyait peu au pouvoir de la médecine, parce qu'il avait vu peu de malades, et que lui-même était atteint d'une maladie incurable, s'exprime ainsi sur la bardane : « Me sera-t-il permis de réduire à leur juste valeur ces éloges fas-

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  1. Dictionnaire des sciences médicales, t. III, p. 14.


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tueux ? Toutes les fois que je goûte la racine de bardane, je suis étonné de ne pas la rencontrer plus souvent dans les cuisines que dans les pharmacies. Elle peut s'apprêter de même que celle de scorzonère, tandis que les jeunes pousses, cueillies au printemps, se mangent comme les artichauts, les cardons et les asperges[1]. » A ce compte la salsepareille, dont la saveur est si peu prononcée, devrait être aussi bannie de la matière médicale.

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  1. Flore médicale.