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Tabac (Cazin 1868)

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__TOC__

[1042]

== Tabac ==

Voir la page ''[[]]''

TABAC. Nicotiana tabacum. L.

Nicotiana major latifolia. C. BAUH. — Hyosciamus Peruvianus. DOD.
Tabacum latifolium. BESL. — Nicotiana. OFFIC.

Tabac commun, — tabac vrai-nicotiane, — petun, —jusquiame du Pérou, — herbe de la reine,
Catherinaire, — herbe du grand-prieur, — herbe de l'ambassadeur, — herbe sainte,
herbe sacrée,—herbe de Sainte-Croix,—panacée antarctique,—tarnabonne,
herbe de Ternabon, — toubac, — herbe à tous maux.
SOLANACÉES. — NICOTIANÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE MONOGYKIE. L.
Cette plante annuelle (PI. XXXIX), originaire du Mexique, est abondam-
ment cultivée dans toute l'Europe. Jean Nicot, ambassadeur de François 11
en Portugal, en envoya, dit-on, les premières graines en France en lo60, et
en lit connaître les propriétés (2).

Description. — Racine rameuse et blanchâtre. — Tiges cylindriques, fortes,
rameuses, légèrement pubescentes, un peu fistuleuses, hautes de 1 mètre 50 cent -
mètres à 2 mètres. — Feuilles grandes, amples, ovales-lancéolées, alternes, sessne,

(1) Mémoire couronné par l'Académie de Bruxelles, 1783, p. 108. er.

(2) (L'origine des différents noms qu'on a donnés à la plante qui nous occupe onre im
tain intérêt. Les Indiens lui donnaient le nom de petum. Tabac, vient de 1 île « »■ ■
(Mexique), où les Espagnols l'ont d'abord découverte. Ce que nous avons dit plus nauio P i^
suffisamment l'appellation de nicotiane, que lui donna le duc de Guise. Le présent q „utres
en fit à Catherine de Médicis lui valut celle d'herbe à la reine, do Catherinaire. °™portu.
noms historiques lui vinrent de ce que le cardinal de Sainte-Croix, nonce du pape e

gai, et Nicolas de Tornabon, légat en France, introduisirent la plante en Italie.)
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TABAC. 1043

«labres ou un peu glutineuses. — Fleurs rosées ou purpurines, disposées en panicules
terminales (juillet-août). — Calice ovale, velu, persistant, à cinq divisions. — Corolle
jnfondjhuliiorme, velue en dehors, à tube renflé, une fois plus long que le calice et à
limbe divisé en cinq lobes aigus. — Cinq étamines à anthères allongées. — Un ovaire
supérieur. — Un style à stigmate échancré. — Fruits : capsules ovales, biloculaires, à
deux valves, s'ouvrant au sommet, contenant des semences nombreuses.

(Il existe plusieurs espèces de tabac cultivé en France. On ne met en usage que le
précédent et le tabac rustique (nicotiana rustica), ou tabac femelle, dont les feuilles sont
pétiolées ou ovales, les fleurs en panicules plus serrés et de couleur verdâtre. Cette va-
riété donne le tabac de Corse.)

Parties usitées. — Les feuilles, rarement les graines.

Culture et récolte. — La culture et la récolte du tabac, soumis au monopole
et surveillés par l'administration des contributions indirectes, est du domaine de l'agri-
culture (1).

Propriétés physiques et chimiques. — Le tabac est peu odorant tant
qu'il est vert; ses feuilles ont une saveur amère et acre. A l'état de dessiccation, son
odeur est très-pénétrante, et agréable pour certaines personnes; d'après l'analyse de
Tauquelin, les feuilles de tabac renferment de l'albumine, du malate acide de chaux, de
l'acide acétique, du chlorure de potassium, du chlorydrate d'ammoniaque, un principe
acre volatile nommé depuis nicotine, et qu'on prépare en distillant les feuilles de tabac
avec la potasse ou la soude. Les feuilles fraîches de tabac contiennent, d'après Posselt
eiReimann, une base alcaline végétale (nicotine), une huile volatile particulière (nicotia-
fline), de l'extractif, de la gomme, de la chlorophylle, de l'albumine végétale, du gluten,
de l'amidon, de l'acide malique, du chlorhydrate d'ammoniaque, du chlorure de potas-
sium, du nitrate de potasse et quelques autres sels.

[Lanicotine =Ci!0H14Az 2, étudiée depuis par Boutron et Henry, Barrai, Melsens,
Scbloesing, T. Wertheim, Wurtz, Kékulé et Planta, Raewsky, etc., est un alcali orga-
nipe, liquide, incolore, brunissant à l'air, d'une odeur dont l'acre té est exagérée par
l'élévation de la température, d'une saveur brûlante, soluble dans l'eau, l'alcool et
l'éther, formant avec les acides des combinaisons définies et quelquefois cristallisables
(lardâtes, oxalates).]

Elle a été trouvée dans les feuilles de tabac fermentées ou non, et dans les racines de
la plante. Le tabac fermenté en contient moins, quoiqu'il soit plus odorant. Cela tient à
ce que l'ammoniaque développé par la fermentation met l'alcaloïde en liberté. Elle est
à l'état de combinaison (probablement malate de nicotine) dans la plante dans la pro-
portion de 3.21 (Alsace, 3.21) à 8 (Lot, 7.96) pour 100.

(La nicotianine est une huile essentielle solide, amère, répandant une forte odeur de
tabac, insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool, l'éther et la potasse. Barrai a signalé
tos le tabac un acide particulier, l'A. nicotianique.)

Les semences de tabac contiennent, d'après Parmenlier (2), une huile grasse, douce,
siccative et comestible : 500 gr. contiennent 105 gr. d'huile; et, comme ces graines
sont excessivement nombreuses, puisque Linné a calculé qu'un seul pied pouvait en
fournir 40,320 par an, on pourrait peut-être tirer quelque parti de ce produit, qui est
ordinairement sans emploi.

On emploie ordinairement en médecine les feuilles de tabac (fraîches ou sèches) telles
fié la plante les produit.

(On met aussi en usage le tabac préparé, ou tabac de régie ; mais ce dernier, en rai-
son des, opérations qu'il a subies pour le rendre odorant, et par la mise en liberté de

alcaloïde qui est la conséquence de ces opérations, contient moins de nicotine que les
nies sèches non travaillées.

Imm ii de la'ré§ie> dont les manipulations ne sauraient être reproduites ici, et pour
lesquelles nous renvoyons aux ouvrages spéciaux, se divise en tabac à fumer gros et fin,
«cigares, en tabac à priser et enfin en tabac à chiquer.

Jrls devons signaler le danger d'enfermer le tabac à priser dans des sacs doubles de
jyf'.^.P'onib, comme on le fait beaucoup en Allemagne. Mayer (3) cite cinq cas

intoxication et de paralysie saturnines produites par l'usage de ce tabac. Il résulte

ti?J9,îezJteon Rustique du XIX" siècle, t. II, p. 47, la plupart des ouvrages d'agricul-
tailitrt •'«■ médicale du XIX" siècle, de Réveil et Dupuis, 1865, où l'on trouve dos dé-

ffl S «,saants sur la culture et la manutention du tabac, la fabrication des cigares, etc.

H AOifb de la Société phil., t. I, p. 18.

1 'uie Par '»■ Gazette hebdomadaire de médecine, 31 juillet 1857.
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10Zi4 TABAC.

des expérience de Mondet qu'il se forme dans cette circonstance, sur la couche de mé
tal, du sous-acétate de plomb, qui se mêle à la poudre de tabac.

Pendant l'acte de fumer, une partie de la nicotine est brûlée; l'autre est entraînée
avec la fumée. Ce fait a été constaté de la façon la plus précise par Melsens, qui aurait
obtenu environ 30 gr. de nicotine, en livrant à la combustion k kilogr. 5oo de tabac
préparé.

Pendant la combustion du tabac, surtout lorsqu'il est humide, il se dépose une huile
empyreumatique ; c'est cette huile qui constitue en grande partie ce que l'on nomme
vulgairement le jus de culot de la pipe. Le cigare imbibé de salive, lorsqu'il est terni
directement entre les dents, en produit aussi souvent. D'après Richard, cette huile em-
pyreumatique serait produite par la décomposition de quelques principes de la plante.

En résumé, la fumée de tabac telle qu'elle sort de la pipe est un mélange d'air, d'a-
cide carbonique, d'oxyde de carbone et de particules de matières carbonisées, dans le-
quel on retrouve une quantité notable de nicotine (environ 7 pour 100), avec des traces
d'huile empyreumatique et d'ammoniaque, lorsque le tabac est humide.)

PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.

A L'INTÉRIEUR. — Infusion, 75 centigr. à 2 gr.
par 500 gr. d'eau bouillante, comme éméto-
cathartique (rarement employé).

Vin (1 de feuilles sur 12 de vin), de 25 cen-
tigr. à 2 gr.

Sirop (8 de sucre sur 6 d'hydromel, 1 d'oxy-
mel et 12 de sucre, ou 1 de tabac sur 12
d'eau, 2 de.réglisse, 24 d'eau et 16 de miel),
de 10 à 30 gr., comme purgatif et vermi-
fuge.

Extrait, de 3 à 20 centigr., comme altérant;
de 10 à 50 centigr., comme émétique.

Teinture de Fowler (32 gr. de feuilles pour
500 gr. d'eau en macération au bain-marie;
à 120 gr. de cette infusion, ajoutez 60 gr.
d'alcool), de 40 à 200 gouttes progressive-
ment.

A L'EXTÉRIEUR. — Décoction, de 10 à 30 gr.
par kilogramme d'eau, pour lotions, fomen-
tations, etc.; feuilles en cataplasme.

Suc (1 sur 3 d'axonge), pour pommade, etc.

Poudre (2 gr. pour 30 gr. d'axonge), en fric-
tions.

Fumée de tabac, en injections dans le rec-
tum (1) ou dirigée sur des parties affectées
de névralgie, de rhumatisme, de goutte.

(NICOTINE. — A L'INTÉRIEUR. - De 1 13
gouttes dans un véhicule approprié, par
jour, à doses fractionnées et graduellement.
Rarement employée et demandant une
grande circonspection. Voj'ez page 1061.)
A L'EXTÉRIEUR. — De 10 à 30 gouttes, en in-
jection dans la vessie.
Teinture de nicotine : nicotine, 1 gr.; alcool
faible, 30 gr. On en imbibe des com-
presses qu'on applique sur les parties dou-
loureuses.

Le tabac entre dans la composition du
baume tranquille, dans le sirop de Querce-
tan et autres préparations aujourd'hui inu-
sitées.

(1) On a inventé un grand nombre d'appareils fumigatoires pour introduire la fumée de ta-
bac dans le rectum. Le plus simple de tous et le meilleur est celui de Gaubius. Il consiste
dans un soufflet de cuisine dont le tuyau est garni de cuir pour ne pas blesser l'intestin, et à
l'âme duquel on adapte un entonnoir. La fumée, reçue dans ce dernier et introduite dans le
soufflet, est pressée ensuite doucement dans le rectum.

(Les exemples d'empoisonnement par le tabac et ses préparations four-
millent dans les ouvrages classiques et les recueils périodiques.

Les émanations du tabac peuvent suffire pour produire des douleurs de
tête intenses, des vertiges, des tremblements, des vomissements opiniâtres.
Ramazzini cite le fait d'une jeune fille qui eut tous les symptômes initiaux
de cet empoisonnement pour s'être reposée sur des paquets de tabac en
carde. Fourcroy, dans la traduction de l'ouvrage de ce dernier auteur, rap-
porte le cas de la petite fille d'un marchand de tabac qui mourut dans des
convulsions affreuses pour avoir couché dans un endroit où on en avait râpe
une grande quantité. r

' Introduit dans l'estomac, son effet primitif ou direct est de déterminer
de l'irritation, des nausées, des vomissements, des coliques violentes, ne
déjections alvines abondantes, l'inflammation du tube digestif. Lorsqu îtoe
absorbé, il agit sur le système nerveux et produit des vertiges, du trouD
de la vue, une 'céphalalgie persistante et un état profond de Prostr,
accompagné de sueurs froides, alternant avec un état convulsif ou des tr
blements de tout le corps. Quelquefois il augmente l'action des rei"jL
celle de la peau, et provoque une diurèse douloureuse ou des sueurs a
dantes. S'il a été pris en assez grande quantité et que la mort s ensu ,
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TABAC. 1045

■celle-ci'est précédée d'un moment de calme trompeur, mais le malade pâ-
lit, s'anémie profondément, s'affaisse insensiblement et s'éteint. A l'autop-
sie on trouve des traces d'inflammation sur les parties avec lesquelles le
poison a été mis en contact. (Voyez NICOTINE p. 1060.)

Les effets que nous venons de décrire et dont l'étude physiologique sera
complétée dans le courant de l'article, et au paragraphe traitant de la nico-
tine, sont également produits par le tabac en substance, par sa décoction,
par son extrait aqueux, par son huile empyreumatique, par sa fumée, mais
avec des degrés divers d'intensité; ils ont également lieu, soit qu'il soit in-
troduit dans l'estomac ou dans le rectum (dans ce dernier cas, une dose
moindre suffit), soit qu'il soit appliqué sur des surfaces dénudées ou sim-
plement sur la peau excoriée. Murray rapporte l'histoire de trois enfants
qui moururent en vingt-quatre heures, au milieu des convulsions, pour
avoir eu la tête frictionnée avec un Uniment composé de tabac, dans l'in-
tention de les guérir de la teigne. L'Abeille médicale (mai 1858) rapporte un
fait analogue, terminé par le retour à la santé, où l'huile empyreumatique
de tabac employée en frictions sur un herpès tonsurans avait déterminé les
plus graves accidents. Fourcroy a noté des symptômes d'empoisonnement
uausê par l'usage de la décoction de tabac en lotions contre la gale.)

Le traitement de l'empoisonnement par le tabac est à peu près le même
que celui que nous avons indiqué à l'article BELLADONE, p. 136. Toutefois le
principe irritant de la niçotiane produit souvent une angiothénie, avec état
pléthorique général ou local qui nécessite impérieusement l'emploi de la
saignée et des anliphlogistiques. Les vomissements violents et opiniâtres, plus
particuliers à l'action de cette solanée, et dispensant de l'administration des
vomitifs, réclament l'emploi de l'opium quand la congestion cérébrale n'en
contre-indique pas l'usage, ou lorsque celle-ci a été combattue par les émis-
sions sanguines. Si, après la disparition des symptômes nerveux, une vive
réaction donne lieu à une inflammation plus ou moins intense, on devra
la combattre par les saignées locales, les boissons mucilagineuses et abon-
dantes, les bains, etc. Ici, comme toujours, la nature des effets produits
peut seule diriger le médecin dans l'emploi des ressources que lui offre la
thérapeutique.

(Sans contredit, l'action nuisible du tabac ne se manifeste jamais plus
souvent que lorsque cet agent est introduit dans l'économie par une habi-
tude volontairement contractée.

L'usage du tabac est tellement répandu dans nos campagnes et parmi la
. classe indigente des villes, que le malheureux supporte plutôt la privation
nu pain que celle de cette plante, qu'il mâche, fume ou prise. L'ouvrier
prend sur son salaire de quoi satisfaire une habitude qui lui fait perdre
beaucoup de temps et le rend lourd, moins apte à se livrer au travail.
Ms priseurs. — Le tabac à priser, quelquefois conseillé comme moyen
thérapeutique, appliqué sur la muqueuse olfactive, y détermine un senti-
ment de titillation et de picotement suivi d'une sécrétion plus abondante,
non-seulement des glandes de la pituitaire, mais aussi des glandes voisines,
a moins que les parties ne soient accoutumées à son action par un long
"sage. Le plus souvent, en effet, l'habitude de priser devient une servitude,
îff -M- 0" 1 imPérieux; mais l'irritation répétée que cause le tabac en poudre
anaibht l'odorat, l'hyperémie qu'il produit prédispose aux affections ulcé-
ratives ou hyperplasiques (polypes). Puis, lorsque l'usage a produit l'émous-
«ement, le priseur doit aspirer fortement le tabac pour le faire monter à la
Pa™.s«périeure des fosses nasales, ou la pituitaire conserve encore quelque
laV î De là' Par suite de la descente des mucosités, une partie de ce
wnac tombe dans le pharynx, dans l'oesophage et finalement dans l'estomac.
„2 ^.organes, il agit à la fois comme irritant et comme poison acre, et
Produit l'inflammation.
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1046 TABAC. -

(Les effets secondaires de l'habitude de priser sont des vertiges, des maux
de tête, des tremblements et même l'apoplexie.)

Mon père fut appelé au mois de novembre 18S8 au pensionnat deM.Taverne
de Boulogne-sur-Mer, pour secourir un jeune Anglais âgé de dix ans, atteint
de violents vomissements, de défaillances, d'anxiété précordiale avec peti-
tesse du pouls, pâleur de la face, crampes, etc., symptômes déterminés par
l'action de deux prises de tabac successivement introduites dans le nez et
tombées dans l'arrière-bouche. Cet état alarmant n'a cédé peu à peu, dans
l'espace de quinze heures, qu'à l'usage très-abondant d'une décoction de
graine de lin et de tête de pavot. Le malade est resté faible, chancelant
comme après l'ivresse pendant près de huit jours.

J. Lanzoni (1) rapporte l'histoire d'un soldat qui avait contracté une telle
habitude de prendre du tabac, qu'il en consommait jusqu'à trois onces par
jour; à l'âge de trente-deux ans, il commença à être atteint de vertiges
bientôt suivis d'une apoplexie violente qui l'emporta. Le même auteur cite
encore le cas d'une personne que l'usage immodéré du tabac d'Espagne
rendit aveugle et ensuite paralytique. Les grands priseurs tombent quelque-
fois dans une espèce d'imbécillité. « J'ai connu, dit Mérat(2), de ces pri-
seurs intrépides qui étaient dans une sorte d'abattement continuel, qui, la
bouche béante et les narines étoupées d'une croûte noire de cette poudre,
ne savaient que fouiller sans cesse dans leur tabatière, et conservaient tout
juste assez d'instinct pour cette action machinale.

(Aux incrédules qui nieraient l'absorption du poison et ses effets délétères
sur l'économie qu'elle empoisonne graduellement, nous pourrions encore
citer le cas si remarquable de paralysie observée sur un médecin dont la
disparition ou la réapparition était due à la suppression ou à la reprise de
l'habitude; en dernier ressort, on leur mettrait sous les yeux les résultats
remarquables des analyses minutieuses de Morin (de Rouen), qui a trouvé
dans les organes (foie et poumons), d'un vieux priseur invétéré des quantités
notables de nicotine (3).

Les chiqueurs. — Ceux qui mâchent le tabac, et, si l'on en excepte la po-
pulation maritime, c'est le petit nombre, n'éprouventpas souvent de mau-
vais effets de leur sale habitude, par la raison qu'ils rejettent la salive; s'ils
en faisaient autrement et l'avalaient, ils éprouveraient les mêmes effets que
ceux qui ingèrent l'infusion de la plante. L'absorption est à peu près nulle
dans la muqueuse buccale, surtout lorsqu'elle est intacte. Malheureusement
l'usage prolongé de la chique l'irrite souvent, et il peut alors se produire
des phénomènes d'intoxication. Ils ont été très-rarement notés. W. Scott a
publié (4) un cas d'empoisonnement par cette voie, suivi de mort après sept
jours. Marchai (de Calvi) a signalé un cas de paralysis agitans auquel il nat-
tribuait pas d'autre cause.

D'après une statistique de (Bergeron, citée par L. Figuier (S), le cancer
de l'estomac est plus fréquent chez l'homme que chez la femme, et il faut
en chercher la cause dans les funestes effets de la chique. Il ne faudrait
pourtant pas oublier que les hommes boivent plus que la femme.

Les fumeurs. — Les effets du tabac sont surtout très-manifestes chez les
fumeurs inexpérimentés ou chez ceux qui, pour la première fois, sont en-
veloppés d'une atmosphère chargée de fumée de tabac. Les accidents sont
plus fréquents dans ce cas que dans l'acte de priser parce que, ainsi que

(1) Journal d'Allemagne, 1730, p. 179.

(2) Dictionnaire des sciences médicales, t. LIV. . .. ■„„ u.

(3) Recueil des travaux de l'Académie de Rouen et Gazette hebdomadaire de memmh
cembrel861. , r

(4) Medic. mirror, cité par le Journal de médecine et de chirurgie pratiques, iw-

(5) Année scientifique, dixième année, 1866, p. 257.
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TABAC. 1047

fait remarquer Bichat dans son Cours manuel de matière médicale, le poison
passe avec l'air dans les voies aériennes. Ce poison, lorsqu'on n'en a pas
l'habitude, peut produire les phénomènes les plus divers, depuis l'indispo-
sition la plus légère jusqu'à l'intoxication aiguë et la mort.

De la langueur, un malaise général, de la sécheresse à la gorge, un trouble
dans les idées se produisent plus ou moins rapidement. Surviennent ensuite
de la pesanteur à la tête, des vertiges, des tintements d'oreille, des défail-
lances; puis le sujet est pris de tremblements nerveux; sa face décolorée se
couvre d'une sueur froide et visqueuse ; il se produit de fréquentes envies
d'uriner, des nausées, des douleurs gastralgiques. Ces phénomènes sont les
avant-coureurs du vomissement, qui rarement amène du soulagement. Le
•pouls est petit, fréquent, serré et intermittent; la respiration est laborieuse
et suspirieuse ; puis des coliques aiguës déchirent les entrailles et se termi-
nent par des évacuations alvines abondantes et fétides. Le calme revient
alors, mais la faiblesse subsiste; le sommeil se produit, et le réveil amène
un soulagement qui n'est troublé que par une céphalalgie sus-orbitaire plus
ou.moins intense.

Les symptômes ne s'arrêtent pas toujours là; il se produit des symptômes
plus graves de congestion cérébrale dont la paralysie est le résultat. Ces
phénomènes peuvent amener la mort. On connaît le fait relatif aux deux
frères dont parle Helwig, qui moururent dans un état léthargique pour avoir
vidé, en fumant, l'un dix-sept et l'autre dix-huit pipes de tabac. Marshall
Hall rapporte qu'un jeune homme fut pris de crampes et de convulsions
pour avoir fumé dix pipes. Ce sont là des faits exceptionnels, et comme
excès'et comme effets produits. Le tabac n'est réellement nuisible que lors-
que l'habitude est invétérée. On observe chez les fumeurs de profession des
altérations locales de la muqueuse buccale et des symptômes généraux, qui
frappent les appareils de la digestion, de la circulation, de la respiration
et de l'innervation.

Le fumeur éprouve une sensation continuelle de chaleur dans la bouche
et dans la gorge qui pousse à la soif. Ses lèvres et ses gencives sont enflam-
mées, ses dents deviennent jaunes, et prennent une teinte enfumée, leur
émail s'altère; le frottement du tuyau de la pipe arrive même à user com-
plètement les canines. Son contact, surtout lorsqu'on use de la pipe dite
kûle-gueule et l'huile empyreumatique qui en sort produisent sur la mu-
queuse de l'érythème ou même des aphthes et des ulcérations; il s'ensuit
aussi quelquefois une altération de l'épithélium, qui devient épais et blan-
châtre, puis passe à l'état d'épithelioma grave. Le brûle-gueule est en effet
reconnu comme une des causes les mieux établies du développement du
cancer épithélial papilliforme. D'après une statistique due à Leroy, le can-
croïde des lèvres figure à peine pour un centième chez la femme, tandis
que chez l'homme la proportion monte à plus d'un vingt-sixième. Le can-
cer de la langue pourrait, comme ce dernier, mériter le nom de cancer des
fumeurs.

Cette action irritante locale a engagé Diday à prohiber formellement le
tabac dans la syphilis, car il entretient les plaques muqueuses par cette
irritation constante. Bien plus, il propage le virus, car un tuyau de pipe
Peut le colporter et le transmettre (1).

La sécrétion des glandes buccales et celle des glandes salivaires est aug-
mentée; l'expuition fréquente qui en est la conséquence est repoussante et
finit par épuiser.

L'haleine contracte une odeur caractéristique des plus répugnantes que l'on
parvient à peine à neutraliser par la racine d'iris, les tablettes de cachou, etc.

>es fonctions digestives sont troublées; si la fumée de tabac est quelque-

(1) Histoire naturelle de la syphilis, leçons professées à l'Ecole pratique, 1863.
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1048 TABAC.

fois un léger excitant de la digestion, par l'abondance de la sécrétion sas
trique, qui paraît sympathiquement liée à celle de la salive (Cl. Bernard) \\
est patent que l'habitude qui nous occupe détermine de la lenteur dans les
digestions, delà dyspepsie flatulente ou acide; on l'a aussi accusé d'être
une des causes efficientes du cancer de l'estomac.

L'usage prolongé du tabac a sur les mouvements du coeur une action qui
.pouf n'être pas constante, n'en est pas moins manifeste. Le pouls est dés-
ordonné et affecte le type cérébral. Il résulte des observations d'Emile De-
caisne (1), que, sur quatre-vingt-huit fumeurs incorrigibles, il s'est rencon-
tré vingt et un cas d'intermittence du pouls, indépendante de toute lésion
organique. Cet auteur pense que l'abus du tabac à fumer peut produire sur
certains sujets cet état d'intermittence qu'il propose d'appeler narcotim
du coeur.

D'après Edward Smith (2), le danger devient réel lorsque l'organe central
de la circulation est le siège d'une affection plus ou moins grave. Dansées
cas, l'usage du tabac précipite le maFet rapproche beaucoup le terme fatal (3),

La circulation .capillaire se trouve aussi impressionnée, les joues sont
rouges et les conjonctives congestionnées; il n'est pas rare d'observer des
apoplexies qui n'ont pas d'autre cause.

Du côté des organes de la respiration, il se rencontre peu de modifica-
tions. Beau a rassemblé un certain nombre de faits tendant à prouver l'in-
fluence de la pipe et du cigare sur la production de l'angine de poitrine,
Ces faits, dont l'interprétation est peut-être un peu hasardée, demande-
raient à être étayés par de nouvelles observations.

C'est sans contredit sur le système nerveux que l'on accuse le tabac de
porter avec le plus d'intensité son action délétère. 11 n'est pas d'imprécations
que l'on n'ait proférées contre lui à ce sujet. Jolly, dans une très-intéressante
communication à l'Académie de médecine, a résumé tous les griefs et lui a
fait son procès en forme (4). Selon cet éloquent académicien, outre l'état
d'hébétude momentanée, dans laquelle se plonge, s'absorbe le fumeur, ce
dernier, en obéissant à sa funeste passion, irait au-devant des affections
cérébrales les plus graves : congestion, vertiges, affaiblissement nerveux,
paralysie des extrémités inférieures. Les statistiques médicales ont établi
que les affections des centres nerveux, les maladies mentales, les paralysies
générales et progressives, et les ramollissements du cerveau et de la moelle
augmentent dans une proportion vraiment effrayante. Guislain avait déjà si-
gnalé l'influence du tabac sur le développement des paralysies générales,
D'accord avec la physiologie (voyez NICOTINE), qui enseigne que la nico-
tine porte surtout son activité sur la fibre motrice, Jolly a trouvé que les
paralysies étaient surtout musculaires. Nous pourrions multiplier les exem-
ples et parler des cas d'épilepsie publiés par Ch. Bastings, d'ataxie lo-
comotrice cités par Michea, qui n'avaient d'autre point de départ que 1 abus
de la nicotiane. Le tabac se contente souvent de favoriser le développement
du nervosisme.

Sans vouloir accepter la véracité complète de ce tableau, dont les cou-
leurs sont si sombres, il faut bien reconnaître que l'usage immodéré de
cette solanée engourdit l'intelligence et diminue manifestement l'excitation
des facultés d'expression orale et mimique. Bertillon (5) a demandé a la sta-

(1) Cité par Garnier, Dictionnaire annuel des progrès des sciences et instructions meèëes,
1864, p. lo7.

(2) In Bulletin de thérapeutique, 30 avril 1864, p. 380. , p..:,

(3) Math. Pageret, Du tabac, son influence sur la circulation et l'innervation, tht.se ae >.
1867, n° 139, p. 28. , ... ,/ W.

(4) Bulletin de l'Académie impériale de médecine, février 1865; Eludes hygiéniques u
dicales sur le tabac, publiées par l'Union médicale, même année, et analysées avto

L. Figuier. {Année scientifique, 1866, p. 250-264.)

(5) Union médicale, 1866, n° 29.
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TABAC. 1049

tislique la preuve de l'incompatibilité de l'intelligence et du tabac. 11 a
montré que, dans les classements qui ont lieu trois fois l'an à l'Ecole poly-
technique; les fumeurs occupaient toujours les places les moins bonnes.
Dans la première série de vingt élèves, à peine un tiers ou un quart sont
adonnés au tabac; dans les suivantes, au nombre de six, qui comptent cent
vingt élèves, il y en a les trois quarts ; dans la dernière les quatre cin-
quièmes.

L'ensemble des phénomènes constituant l'intoxication chronique par le
tabac, phénomènes portant tantôt sur la digestion, la circulation, l'inner-
vation, ou sur toutes ces fonctions en même temps, a reçu le nom de nico-
misme. (Marchai, de Calvi.)

Parent-Duchâtelet avait déjà signalé chez les fumeurs une diminution
dans l'énergie des instincts génésiques. On est actuellement porté à ad-
mettre que le tabac, non content d'attenter à la conservation de l'individu,
porte une atteinte profonde à la reproduction de l'espèce.

Pour en finir avec toutes les invectives publiées contre la plante qui nous
occupe, citions la production de l'amaurose, signalée par Mackensie dans
son Traité des maladies des yeux, puis par Sichel (1), Hutchinson (2), Word-
sworth (3), et d'une otite spéciale amenant à sa suite une intense sur-
dité (4).. ,

Toutefois les dangers de l'abus du tabac sont moindres chez les sujets
lymphatiques ayant de l'embonpoint que chez les gens nerveux, bilieux,
délicats, d'une constitution sèche; chez les personnes qui habitent les pays
humides, bas, froids, marécageux, que chez celles qui reçoivent l'action
vivifiante des régions sèches, élevées ou chaudes.

Mais, comme le dit le Dictionnaire de Nysfen dans l'excellent résumé qu'il
consacre à cette question, le tabac n'est véritablement utile que pour les
hommes livrés aux travaux manuels pénibles, en diminuant les sensations
de fatigue et d'ennui; il le devient surtout lorsque ces travaux s'exécutent
dans dès atmosphères humides, miasmatiques, etc. (marins, mineurs, dé-
bardeurs, égôuttiers, charpentiers, couvreurs, etc.).

Tous les moyens moraux dirigés contre l'habitude de fumer (5) doivent
désormais être abandonnés, vu l'inanité des tentatives antérieures. Les
moyens coërcitifs n'ont jamais réussi; ils seraient du reste en opposition
avec les intérêts du gouvernement, qui fabrique, patronne et vend le poi-
son. Il est alors nécessaire de rechercher le mode de fumer le moins perni-
cieux.

H est évident que la pipe turque et la pipe hollandaise sont moins dan-
gereuses que le cigare, où il y a contact immédiat. Comme on sait que la
fumée est chargée de nicotine, on a essayé de retenir cette dernière au
moyen d'un appareil dispose dans le tuyau, et d'un agent y déposé, destiné
a la neutralisation du poison. Latour du Pin a conseillé une boulette de co-
ton imbibé d'une solution de tannin et d'acide citrique; d'autres auteurs,
Wec une solution de tannin seul. Les fumeurs connaisseurs refusent ces
Pe™cti°nnements, parce que, le poison disparaissant, le parfum et l'effet
stupéfiant disparaissent en partie. Malapert (6) conseille de ne pas fumer de
«bac trop humide, et de ne fumer la pipe ou le cigare qu'à moitié. Jolly

fHWllernèdicale,w mai 1863, p. 148.

W Archives générales de médecine, 1864, t. I.
: ft1:médical Press, 1863.
.1863. medica/e, 10 mai 1863, et Journal de médecine et de chirurgie pratiques, avril

^ellemiw ^Ut pas cesser Drustluement de se livrer à cette habitude; il faut diminuer gra-
aoeiflpntcli nombre des pipes ou des cigares. La suspension subite a quelquefois amené des

(JwT.Plus ou moins graves.

W mon médicale, 6 janvier 1853, t. VII, p. 8.
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1050 TABAC.

croit qu'il vaudrait mieux éclairer les populations sur le choix des tabacs
qui contiennent le moins de principes actifs.

Nous ne pouvons nous empêcher de le dire, malgré les efforts de toute na-
ture que l'on essaiera de tenter pour diminuer les funestes effets du tabac
l'habitude est invétérée, enracinée, et les raisons, même les plus convain-
cantes, les menaces les plus effrayantes, viendront toujours échouer contre
les éternels triomphateurs, le plaisir, la routine et l'oisiveté.

Influence des émanations nicotiques sur les ouvriers des manufactures de takc
— Les ouvriers qui débutent sont presque tous, surtout les femmes et les
enfants, pris de céphalalgie plus ou moins intense, de vertiges, de cardial-
gies, de crampes d'estomac, de nausées et même de vomissements. Il y a
en même temps sentiment profond de lassitude et inappétence. L'ensemble
de ces phénomènes, qui durent de un à huit jours, se termine généralement
par des évacuations abondantes; puis la santé rentre dans le calme.

Ces symptômes sont peu marqués, si le sujet ne s'expose pas à absorber
pendant trop longtemps les émanations nicotiques sur la peau et les pou-
mons. (Parent-Duchâtelet.)

L'opération la plus dangereuse serait, dans la fabrication du tabac, à pri-
ser, celle du transvasement des cases.

Suivant plusieurs auteurs, et à leur tête nous citerons Melier et Loiseleur-
Deslongchamps (1), l'action nocive ne s'arrêterait pas là. Il se développe-
rait une intoxication chronique, qui imprime à la constitution un cachet
particulier, un changement profond tout spécial. Il consiste particulière-
ment dans une altération du teint. « Ce n'est pas une décoloration simple,
une pâleur ordinaire, c'est un aspect gris avec quelque chose de terne, une
nuance mixte qui lient de la chlorose et de certaines cachexies (2). »
" Comme dans la chloro-anémie, le sang contiendrait moins de globules et
recouvrerait sa composition normale par l'usage du fer.

Mais l'existence de cette anémie spéciale n'est rien moins que prouvée, et
la fabrication du tabac ne doit peut-être pas être plus incriminée que toute
autre fabrication qui astreint les ouvriers à une existence sédentaire dans un
milieu mal aéré. Berruti, professeur à l'Université de Turin, a publié un
travail complet sur les maladies du personnel employé dans les deux grandes
manufactures des États sardes, et il affirme que le fait d'un empoisonne-
ment chronique lui paraît une erreur d'observation. Igônin, médecin de la
manufacture de tabac de Lyon, vient tout récemment de reproduire la même
opinion étayée sur un grand nombre de faits (3).

Pendant mon séjour à l'École de médecine de Lille, j'ai fait des recher-
ches dans le même sens. La fabrication des cigares employait alors m
grande quantité de jeunes filles. Sur toutes celles qui entraient à l'hôpital,
et dont la plupart travaillaient le tabac depuis plusieurs années, je n ai ja-
mais rencontré que des chloro-anémies communes, dont le développement
se rattachait aux conditions étiologiques ordinaires, et qui ne pouvaient en
rien être rattachées à l'insalubrité de leur profession.

THÉRAPEUTIQUE. — L'introduction de la fumée de tabac a été recomman-
dée depuis longtemps dans l'asphyxie, et surtout dans celle qui est.pro-
duite par la submersion. Pia, pharmacien philanthrope et échevin de rai-,
a mis ces fumigations en vogue, et Cullen, Stoll, Tissot, Desgrange»,
Louis, etc., en ont constaté les bons effets. ,..

• Suivant Portai, les lavements de fumée de tabac sont non-seulementu
tiles, mais presque toujours dangereux. Trousseau et Pidouxpartagen^

(1) Bulletin de l'Académie de médecine, t. X, p. 569.

(2) Dictionnaire de Nysten, 11e édition, p. 1387.

(3) Comptes-rendus de la Société de médecine de Lyon, mars 1864.
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TABAC. 1051

avis. Malgré ces opinions que la physiologie vient corroborer, on continue
de nos jours l'usage pernicieux des lavements de tabac contre l'asphyxie par
submersion. (Ou ils sont inefficaces, si l'absorption n'a pas lieu; ou ils sont
très-nuisibles, si elle se produit; car l'action de la nicotine (Voyez p. 1058)
ne peut qu'aider à l'anéantissement de la fonction respiratoire et s'opposer
à son retour.)

Sydenham et Mertens conseillent les lavements de fumée de tabac dans
l'iléus. Hufeland prescrit dans ce cas la décoction de 12 gr. de feuilles de
tabac dans 250 gr. d'eau de fontaine, réduits à 200 gr., à la dose d'une demi-
tasse toutes les heures, ou bien des lavements de 15 gr. d'infusion de tabac.
Ces moyens exercent quelquefois sur les nerfs une action narcotique si pro-
noncée; dit l'auteur, que le malade tombe en défaillance; mais les déjec-
tions alvines ont lieu pendant la syncope. De tels effets ne sauraient être ap-
préciés d'avance ; le point qui sépare ici le remède du poison ne pouvant
être fixé, le médecin consciencieux et prudent ne s'exposera point à perdre
son malade pour le guérir, surtout s'il a à sa disposition des moyens moins
dangereux et tout aussi efficaces. La belladone, administrée par la bouche
et en friction sur l'abdomen, réussit souvent en pareil cas et est bien préfé-
rable; Ge n'est pas à dire qu'il ne faille jamais employer les lavements de
tabac dans l'iléus; mais il ne faut administrer ce remède qu'à des doses
telles qu'elles ne puissent jamais produire des accidents semblables à ceux
nue signale Hufeland comme moyen de guérison. Il ne faut pas toujours de
grandes doses de cette substance pour causer la mort. Une femme périt en
quelques heures des suites d'un lavement préparé avec 4 gr. seulement. J'ai
eu à combattre les accidents les plus graves causés par un quart de lave-
ment, contenant seulement 2 gr. de tabac en décoction, qui avait été donné
contre les oxyures vermiculaires à une femme de 42 ans. Elle éprouva de vio-
lentsvomissements, de la cardialgie, avec tremblement suivi d'engourdisse-
ment, de crampes dans les membres et d'insomnie qui durèrent pendant
plusieurs jours. « Bouchardat critique avec raison, dit Martin-Lauzer (1),
la dose de 30 gr. de feuilles de tabac pour lavement, indiquée par le For-
mulaire des hôpitaux. Mais celle de 5 gr. qu'il leur substitue, est encore trop
forte des 4 cinquièmes pour la généralité des cas. Si de pareilles doses ont
été quelquefois employées impunément, c'est que les lavements n'ont pas
été gardés. » .

(Les inégalités d'action des lavements de tabac tiennent, si nous mettons
dé côté les susceptibilités individuelles, à la matière employée. Il existe des
proportions différentes de nicotine dans tous les tabacs, dans les feuilles
sèches ou dans le tabac préparé; il serait bon .de choisir une matière type.
Serres voudrait qu'on fît usage du tabac dit tabac de caporal, parce que nos
manufactures se préoccupent de lui donner toujours la même force par des
mélangés calculés sur les données de l'analyse (2). Cet auteur recommande
aussi l'infusion de préférence à la décoction, dont on ne peut mesurer la
torcé de concentration.)

Schoeffer et Dehaen recommandent les lavements de fumée de tabac dans
la hernie étranglée. Pott donnait en lavement l'infusion des feuilles à la dose
de 4;gf. pour 500 gr. d'eau. La plupart des auteurs du siècle dernier ont
considéré le tabac comme très-utile dans ce cas; ils le donnaient en vue de
produire un effet purgatif, afin de dégager la portion étranglée du tube in-
testinal en accélérant le mouvement péristaltique de cet organe. Les avan-
ces qu'offrent la belladone et la stramoine comme stupéfiants et anti-
spasmodiques ont fait renoncer presque entièrement au tabac, dont l'action
est toujours plus ou moins redoutable. •

ir fc? ^thérapeutique médico-chirurgicale, t. III, p. 158.
\ i -tournai de médecine et de chirurgie pratiques, 1858, p. 78.
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1052 TABAC.

On a aussi attaqué la colique de plomb par le tabac. Gravelle (1) s'en est
servi en topique dans cette maladie. Il appliquait sur le ventre des fomenta-
tions faites avec une décoction de tabac, qu'on laissait jusqu'à production
d'évacuations alvines, et il donnait alors des purgatifs drastiques. O'Bierne
de Dublin (2), dit avoir retiré de bons effets de ces mêmes fomentations dans
la dysenterie. Il est à remarquer, à cette occasion, que le tabac appliqué sur
l'épigastre produit ordinairement le vomissement, tandis que sur l'abdomen
il provoque des selles. La constipation peut être combattue par la fumée de
tabac. Il est des personnes qui, en fumant une pipe et en buvant quelques
verres de bière, dissipent facilement cette indisposition. Le tabac a pu être
employé avec avantage dans les constipations opiniâtres causées par la pa-
ralysie". « J'ai connu, dit Mérat (3), un médecin de la Faculté de Paris, para-
lytique dans les sept ou huit dernières années de sa vie, qui, tous les dix ou
douze jours, n'allait à la garde-robe qu'au moyen d'un lavement de décoc-
tion de tabac; tout autre moyen était insuffisant pour le faire évacuer. »

Le tabac a été employé comme vermifuge en lavement, en potion ou en
application sur le ventre. Je ferai remarquer à ce sujet que Fouquet (4) a vu
le tabac mouillé, appliqué sur le ventre, causer non-seulement des vomisse-
ments, mais une sorte de choléra-morbus. Introduit en fumigation dans le
rectum en petite quantité à la fois, il m'a réussi chez un cultivateur âgé de
trente-cinq ans, qui n'avait pu, par aucun autre moyen, se débarrasser
de nombreux ascarides vermiculaires dont il était atteint depuis plus de
cinq ans.

(Il arrive souvent en Afrique que des soldats ou des indigènes avalent, en
même temps que l'eau, des sangsues qui s'implantent dans le pharynx et
peuvent déterminer des accidents plus ou moins sérieux. Dans un cas sem-
blable, Villars (5), médecin de l'hôpital de Saint-Denis-du-Seg, a parfaite-
ment réussi à faire rejeter la sangsue, en ordonnant au malade de fumer un
cigare, en ayant soin d'avaler la fumée. Dans un cas analogue, il fallut avoir
recours à l'insufflation de fumée de tabac) (6).

On a mis en usage le tabac en cataplasme (30 gr.) sur l'épigastre pour pro-
voquer le vomissement, ou en frictions (pommade) sur l'abdomen pour pro-
voquer des évacuations alvines. Lieutaud (7) employait comme purgatif
60 à 80 gr. de feuilles de tabac pilées avec de l'eau-de-vie et du vinaigre, en
cataplasme sur le nombril. Il vaut mieux, pour produire le même effet, em-
ployer comme exempts des inconvénients du principe narcotique du tabac,
la pommade ou la teinture de coloquinte en frictions. Barton a appliqué les
feuilles de tabac fraîches pour faire vomir, surtout dans le cas d'empoison-
nement par l'opium.

Le tabac, fumé comme la stramoine, s'est montré aussi utile que cette
dernière contre l'asthme, chez les personnes qui n'y sont point accoutumées
par l'usage habituel. P. Hanin dit avoir vu employer fréquemment contre
cette affection, par un médecin de sa connaissance, quatre à cinq cuillerées
par jour d'une infusion vineuse préparée avec 32 gr. de tabac pour 1 bw-
de vin liquoreux. Gesner, Hufeland, Stoll, ont employé le tabac avec succès
dans la coqueluche. Pitshaft (8) en faisait prendre l'infusion (1 gr. 20 cen-
tigr. pour 180 gr. d'eau bouillante) à la dose d'une cuillerée à café, aux en-
fants d'un à deux ans toutes les heures; il en donnait une cuillerée a nouw
aux enfants plus âgés. Cette dose est trop forte. On rapporte dans leJoum

(1) Journal de chimie médicale, 1828, t. IV, p. 140.

(2) Gazette de santé, août 1826.

(3) Dictionnaire des sciences médicales, t. LIV, p. 201.

(4) Mémoires de la Société royale Je médecine, 1777, p. 209.

(5) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1862, p. 27.

(6) Idem, p. 70.

(7) Matière médicale, t. II, p. 284.

(8) Journal de Hufeland, 1832.
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TABAC. 1053

amlvtiquè (décembre 1828, p. 436) un cas de croup spasmodique (pseudo-
croup) guéri par la fumée de tabac. La belladone, dont l'efficacité dans la
période spasmodique de cette maladie est mieux connue, peut, je crois, dis-
penser d'avoir recours au tabac.

(Lès Italiens considèrent le tabac comme un antiphlogistique puissant.
Berruti, que nous avons déjà cité, avance que dans les fabriques où l'on
prépare cette plante, les maladies inflammatoires sont moins graves et
moins fréquentes que dans les manufactures d'un autre genre, placées pour-
tant dans des conditions hygiéniques et climatériques identiques.)

Robert Page (1) rapporte plusieurs observations de pneumonies guéries
par l'emploi du tabac dans des circonstances graves où le traitement anti-
phlogistique avait été insuffisant. 11 s'est servi, dans ces cas, du lavement
suivant, qu'il n'a pas eu besoin, dit-il, d'administrer plus d'une fois : feuilles
de tabac, 1 gr. 75 centigr. ; eau bouillante, 360 gr. ; faites infuser pendant
une demi-heure et administrez. Szerlecki s'est bien trouvé de ce moyen
dans les mêmes circonstances. Dans ces cas, le tabac à dose un peu élevée
parait avoir agi à la manière du tartre stibié. Comme ce dernier, à cause de
l'inflammation des organes respiratoires, il a produit des effets caractérisés
parrhyposthénie, au lieu de déterminer des vomissements comme dans l'état
désanté. Szerlecki et Bauer ont observé les plus heureux effets du tabac, et
surtout.de la teinture de ce végétal, contre l'hémoptysie active. Dans les
catarrhes pulmonaires chroniques et dans certaines affections asthéniques
des voies respiratoires, le tabac soulage les malades en favorisant l'expecto-
ration. Le sirop. de tabac, de Quercetan, autrefois en grande réputation,
était souvent mis en usage dans ces affections pour calmer la toux et débar-
rasser les bronches des mucosités qui les obstruent.

(Benavente (2) a obtenu des lavements de tabac des effets remarquables
dans un cas de pleurésie grave et de péricardite intense.)

On.a conseillé le tabac dans la paralysie de la vessie, l'ischurie, la dysurie,
la rétention d'urine. On employait anciennement, contre ces maladies, les
applications de cette plante sur le bas-ventre. Fowler en a vanté la teinture
àîintérieur contre la dysurie calculeuse. Henri Larle et Shaw ont guéri la
rétention d'urine et le spasme de l'urètre par les lavements de fumée ou de
décoction de nicotiane. Larle employait aussi, dans ce cas, des suppositoires
dans la composition desquels entrait pour une grande partie l'extrait de la
même plante. La belladone et le datura stramonium sont aujourd'hui re-
connus comm,e-beaucoup plus efficaces en pareil cas.

Zacutus Luzitanus, Rivière et Hannesner disent avoir employé le tabac
avec succès dans l'épilepsie. On doit s'assurer par de nouvelles expériences
si, en effet, cette plante, par son action à la fois perturbatrice et stupéfiante,
peut s'opposer à la concentration nerveuse, subite, convulsive qui caracté-
rise les accès de cette terrible maladie. Les résultats obtenus de l'usage de
h belladone et du stramonium portent à croire, par analogie, à l'efficacité
du tabac. On l'a aussi recommandé à l'intérieur dans l'hystérie et la manie.
_ Aux Antilles, on administre les bains d'infusion de tabac contre le té-
tanos. Thomas et Anderson (3) employaient cette plante avec succès dans
cette maladie. Le premier faisait administrer des lavements de fumée de
u i ^ secon<^ appliquait cette plante fraîche aux parties antérieures et la-
térales du cou, et en même temps, en décoction ou en cataplasme sur la
P™e dans le tétanos traumatique.

(UBeirn(4) a obtenu de grands avantages du tabac intus et extra dans
« dernières circonstances.) (Voyez NICOTINE, p. 1060.)

W humai de médecine d'Edimbourg, t. XVIII, p. 351.

Stjio medico, 1859, n° 320.
L {ZPttliïEdim°ourg, t. VII, p. i98.
' m Uuarlerly Journal et Gazette des hôpitaux, 28 février 1863, p. 99.
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1054 TABAC.

Boerhaave conseillait les applications de feuilles fraîches de tabac sur le
front pour calmer les douleurs névralgiques. L'application de la décoction
ou de l'extrait de cette plante calme, d'après Trousseau et Pidoux les
douleurs de la goutte et du rhumatisme, quand elles sont superficielle?
Wetch (1) s'est bien trouvé de l'infusion de tabac (4 gr. pour 500 gr. d'eaùi
à l'extérieur dans différentes phlegmasies goutteuses et rhumatismales
Tourlet, au rapport de Roques s'est guéri d'un rhumatisme qui l'avait
rendu comme perclus, par l'application des feuilles fraîches de tabac. Ré-
veillé-Parise (2) a eu à se louer de l'application extérieure de cette piante
sur les tumeurs goutteuses. L'abbé Girard (3) a proposé l'emploi des fumiga-
tions de tabac dans le traitement de la goutte. On jette du tabac sur dés
charbons ardents, et on expose la partie malade à la fumée. Ces fumigations
doivent être répétées deux ou trois fois dans les vingt-quatre heures. Ce
moyen a également réussi entre les mains des docteurs Caglia U) et Hi-
nard (5).

« Dans la goutte aiguë, plutôt pour prévenir que pour calmer les attaques,
quelques empiriques conseillent la médication suivante : Tous les mois, pen-
dant une semaine, le malade prend un bain de pieds préparé avec l'infusion
de 30 gr. de tabac à priser, en poudre. Puis, après avoir bien essuyé les
pieds, il les expose pendant dix minutes à la fumée de feuilles de tabac à fu-
mer, que l'on brûle sur un réchaud. Quand les pieds sont bien secs, on les
recouvre d'un bas de laine bien sec, dans lequel on a également introduit de
la fumée de tabac. Nous avons été témoins de cette médication, que nous
n'avions pas conseillée, disent Trousseau et Pidoux; et dans quelques cas
nous avons eu à nous louer de l'avoir suivie chez quelques-uns de nos
malades. » Le tabac sec, en application extérieure, a fréquemment réussi
entre les mains de Dubois, de Tournai, pour combattre le lumbago et la
pleurodynie. On applique sur la partie malade des compresses trempées
dans une teinture préparée avec une pincée de tabac à fumer pour 30 gr.
d'eau-de-vie. L'eau-de-vie camphrée, à laquelle on ajoute du tabac, parait
encore plus efficace. Cette même teinture a été utile dans des affections où
la douleur était le symptôme dominant. J'ai tout récemment constaté l'effi-
cacité de ce topique dans un lumbago très-douloureux. Berthelot (6) a vu
améliorer et même guérir des sciatiques au moyen des émanations de tabac
ou de son application topique. On a remarqué que les ouvriers employés aux
manufactures de tabac guérissaient promptement du rhumatisme, ce qui a
été aussi observé par Heurtaux, médecin de la manufacture de Paris.

Le tabac a été employé comme puissant diurétique. Fowler (7) en a pré-
conisé l'usage dans l'hydropisie. Il employait surtout la teinture à la dose,
deux fois par jour, de 40 gouttes dans un véhicule approprié, augmentant
de 5 à 10 gouttes tous les jours, jusqu'à 200 gouttes, sans jamais aller au-
delà. Les effets diurétiques du tabac ne se manifestent que lorsqu'il y a des
nausées et quelques vertiges. Fowler éloignait, diminuait ou même suspen-
dait les doses quand ces effets étaient trop prononcés, et surtout lorsqu'i
observait du trouble dans les idées. Sur trente et un malades, dix-huit fu-
rent guéris, dix furent soulagés, trois seulement n'en éprouvèrent aucun
effet. Les résultats obtenus par ce médecin pourraient être considères
comme très-heureux si l'on ne savait que l'hydropisie, étant la plupart du
temps produite par une lésion organique plus ou moins grave, les prétendues

(1) Bulletin des sciences médicales de Férussac.

(2) Guide pratique des goutteux et des rhumatisants.

(3) Sentinelle du Jura, mars 1826.

(4) Annuli universali di medicina. .

(5) Bulletin général de thérapeutique, 1843.

(6) Bulletin de l'Académie royale de médecine, t. X, p. 604.

(7) Med. reports on the eff. of lobacco, etc. London, 1783.
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TABAC. 1055

auérisons obtenues par l'évacuation de la sérosité ne sont le plus souvent
^'apparentes : ja source subsistant, l'eau revient.

Thomas Bartholin (1) rapporte en ces termes l'histoire très-curieuse d'une
hvdropisie ascite guérie par le tabac fumé : « Vir quidam in urbe nostra ex
kiemisp1:CB9ressce injur^s er sedentaria vila asciten contrax.it, abdomine in in-
lntem,moîem elevato : pedibus tumidis., scroto et proeputio valde distentis .: circa
lètitium.oestivum, forte tabaci fumum cum amic.is per fistulam. hausit. Exinde
mcessit vomïtus, soluta alvus : sérum copiose per aliquot dies expurgatum sen-
simue et abdomen detumuitet pedes, scrotumque ad pristinum statum rediere. »

Des frictions faites sur la peau avec la teinture de tabac ont une action
diurétique accompagnée de symptômes qui prouvent l'absorption des prin-
cipes de cette plante : les malades en ont l'odeur dans la bouche. La décoc-
tion de tabac a été recommandée dans l'anasarque comme propre à dissiper
cette affection. A petites doses, elle agit comme diurétique; à doses élevées,
elle produit de nombreuses évacuations et agit alors comme hydragogue.

On a remarqué au Havre, où on prépare beaucoup de tabac, que les fièvres
intermittentes sont plus rares parmi les ouvriers qui travaillent à sa fabrica-
tion que parmi les autres artisans (2). On a vu des fièvres quartes rebelles
enlevées par quelques grains de tabac délayés "dans du vin. Ce moyen doit
êtreemployé avec beaucoup de prudence. -1

.Letabac, employé à l'extérieur, a eu le plus grand succès dans le traite-
ment de la gale. Boerhaave, Dodoens, Lémery ont vanté les vertus antipso-
rique.s du tabac. Coste, médecin des armées, employait, il y a plus de
soixante-dix ans, l'infusion vineuse de cette plante pour guérir les galeux
confiés à ses soins à i'hôpital militaire de Calais. Bécu avait recours, à l'hô-
pital militaire de Lille, en 1786, à la décoction aqueuse, bien plus écono-
mique et tout aussi efficace. Voici le procédé qui fut adopté alors pour les
hôpitaux militaires, et que j'ai encore vu mettre en usage au premier camp
deBoulogne : on prend 1 kilogr. du meilleur tabac haché, on le fait infuser
dans 8 kilogr. d'eau bouillante, ou bien on le fait bouillir légèrement dans
Dkilogr. qu'on réduit à 6. On fait dissoudre dans l'eau, avant d'y avoir mis
■ letabac, 30,gr. de sel ammoniac ou 60 gr. de sel marin; 150 ou 160 gr. de
cette infusion, employée chaude en deux ou trois lotions, suffisent pour un
jour. Ces lotions doivent durer huit à dix minutes, et n'être pratiquées
qu'après:;la digestion, de crainte de nausées et de vomissements. Par ce
moyen, la guérison a souvent lieu au bout de huit jours en été ; mais, l'hiver,
elle se fait souvent attendre quinze jours. Les sujets irritables éprouvent des
lassitudes.dans les membres, des coliques, des vertiges, des vomissements,
mifforçent de. suspendre le traitement. Il faut donc être très-circonspect
dans,l'administration de ce remède et ne pas l'employer indistinctement
cheztpus les sujets, surtout que nous disposons de traitements plus expé-
ditifsiet moins dangereux.

Le,prurigo, la teigne, les dartres, le phthyriasis, les poux de la tête et du
pis, sont aussi avantageusement combattus par le même traitement ou
WWponamade de tabac. J'ai vu, en 1847, une femme de soixante-dix ans
sÇidébarrasser d'une maladie pédiculaire contre laquelle elle avait inutile-
ment employé plusieurs remèdes, en employant pendant huit jours des lo-
uottSde tabac et de sel marin (13 gr. pour 1 kilogr. d'eau); ces lotions pro-
voquèrent quelques selles avec coliques et de légers vertiges.

Un médecin américain, Stephenson, appelle l'attention de ses confrères
p emPloi du tabac pour la cure de l'érysipèle. Il affirme, dit le Médical
j*s' .1ue ce moyen est de ceux sur lesquels on peut compter avec le plus
certitude pour se rendre maître de l'inflammation érysipélateuse. Il re-
ts! ?nn,™n>cenL VI-

VI U. tjhmqwjiwx 1829.,
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1056 TABAC.

couvre la surface enflammée avec des feuilles de tabac humides et les r
serve appliquées sur la partie, jusqu'à ce que les malades éprouvent de fort""
nausées (1). ™s

On s'est bien trouvé de l'infusion de tabac dans l'ophthalmie purulente et
dans la conjonctivite scrofuleuse. On prépare à cet effet un collyre avpr
2 gr. de tabac pour 500 gr. d'eau. J. Gnaham (2) a guéri en peu de murs au
moyen de l'onguent de tabac, des bubons qui avaient résisté à une foule' de
remèdes. On lit dans le journal de Leroux (3) que l'on est parvenu à dissiner
une tumeur abdominale très-considérable par l'application de feuilles frai.
ches de tabac tsempées dans le vinaigre. J'ai employé ce topique avec succès
sur des engorgements lymphatiques, comme résolutif. Lyman Spaldine (4)
a fait résoudre un engorgement considérable du sein, survenu à la suite de
l'accouchement, au moyen de frictions pratiquées sur la partie malade avec
un mélange d'une cuillerée à café de tabac en poudre, macéré dans un verre
d'huile et d'eau-de-vie, en y laissant la nuit une flanelle imbibée de cette li-
queur. Le malade éprouva quelques nausées, signe de l'absorption du tabac
mais le matin du jour suivant il n'y avait plus de tumeur. Lyman Spalding
s'est servi de ce remède pour résoudre plusieurs autres engorgements ana-
logues et quelques autres de nature différente, toujours avec succès.

On a recommandé le tabac comme excitant pour déterger des ulcères ato-
niques, sanieux, putrides, cancéreux. J'ai vu la décoction de tabac aiguisée
de sel marin, ou coupée avec de la lessive, produire d'excellents effets en
fomentation sur les engorgements articulaires chroniques, les tumeurs
blanches, les ulcères anciens et rebelles. L'eau-de-vie dans laquelle on a fait
infuser du tabac s'est montrée efficace en topique sur les ulcères putrides et
les plaies gangreneuses. Mais il ne faut pas perdre de vue que, dans ces cas,
l'absorption du médicament peut donner lieu à des accidents graves et
même à des empoisonnements.

L'usage du tabac à priser peut être utile à quelques personnes pour faci-
liter la respiration par le nez en augmentant les sécrétions nasales; dans
certaines céphalalgies, et particulièrement à celles dont la cause peut être
attribuée à l'état de sécheresse de la membrane pituitaire; contre le lar-
moiement qui tient à l'endurcissement du mucus de la partie inférieure du
canal nasal. « C'est de cette manière, disent Trousseau et Pidoux, qu'il faut
entendre ce proverbe, que le tabac éclaircit la vue. Le médecin doit encore
conseiller cette médication comme moyen révulsif utile dans certaines
ophthalmies chroniques. Le mal est à côté du bien; car chez les gens que la
poudre de tabac irrite trop, il peut survenir des maladies des fosses nasales,
qui, se communiquant aux voies lacrymales, finissent par amener des tu-
meurs ou des fistules. » Les catarrhes de la trompe d'Eustache et ceux du
tambour, suivant les auteurs que nous venons de citer, sont quelquefois
avantageusement modifiés par la fumée de tabac. Le malade remplit la
bouche et le pharynx d'une grande quantité de fumée ; puis, fermant le nez et
la bouche, et faisant un grand effort d'expiration, il chasse à plusieurs reprises
la fumée dans l'intérieur de l'oreille. Rivière (5) conseille contre l'odontatae
de mâcher du tabac jusqu'à produire le vomissement. Il indique aussi la
cendre de tabac pour nettoyer et blanchir les dents : ce moyen est devenu
d'un usage populaire. Chevallier (6) indique la pommade suivante pour em-
pêcher la chute des cheveux : on prend 20 gr. de tabac en poudre (soit au
tabac de la régie, soit des feuilles de nicotiane pulvérisées); on les place

(1) Annales médicales de la Flandre occidentale, n° 13.

(2) Journal analytique de médecine, mars 1828.

(3) Tome XXV, p. 286.

(4) Nouveau Journal de médecine, t. III, p, 1811.

(5) Prax. med., cap. n.

(6) Journal de la Société des sciences médicales de Bruxelles, vol. X, p. 362.
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TABAC. 1057

dans un vase et l'on verse dessus une certaine quantité d'eau bouillante pour
bien imbiber la poudre; on laisse macérer pendant dix heures, on retire
l'infusion avec expression, on décante le liquide. On concentre ensuite ce
liquide à l'aide de la vapeur, et lorsqu'il ne reste plus que S à 7 gr. de solu-
tion on l'incorpore, soit dans 64 gr. de pommade ordinaire, soit dans
gOgr. de moelle de boeuf purifiée, qu'on aromatise à volonté; on introduit
dans un pot et l'on conserve pour l'usage. Chevallier a la conviction que,
cette pommade empêche la chute des cheveux.

« Après avoir observé l'anéantissement, la subite et profonde prostration
qui suivent l'emploi du tabac fumé ou chiqué chez un individu qui n'en a
point l'habitude, il y a lieu d'être surpris, dit Londe (1), qu'on n'ait jamais
pensé à employer l'une ou l'autre de ces pratiques, préférablement à la sai-
gnée; dans les cas où il s'agit de paralyser sur-le-champ les forces muscu-
laires d'un sujet, dans la réduction de certaines luxations, par exemple. Ce
moyen; dans ce cas, atteindrait mieux et plus rapidement que tout autre le
butqu'on se propose. » Lorsque Londe s'exprimait ainsi sur les propriétés
aaesthésiques du tabac, la chloroformisalion n'était pas connue.

La médecine vétérinaire emploie le tabac dans un assez grand nombre de
cas, surtout en pommade ou en lotion concentrée (1 partie pour 8 d'eau),
contre les affections cutanées, les insectes qui attaquent la peau des ani-
maux, etc. Plusieurs personnes m'ont assuré qu'une pincée de tabac à priser,
mêlée avec une suffisante quantité de beurre pour en former une pilule, et
administrée chaque matin aux jeunes chiens, les préservait de la maladie, qui
leur est si funeste. (C'est par le vomissement qu'elle agit alors.

Il faut ménager ces moyens : le tabac en poudre est en effet émétique
chez les carnivores; mais son usage prolongé peut amener des accidents lo-
caux et généraux graves qui doivent lui faire préférer les-vomitifs ordi-
naires.. •

On conseille des lavements de décoction de tabac (16 à 30 gr. pour
Mitres d'eau) contre les constipations opiniâtres, pour favoriser le part,
contre les affections comateuses.

Dans plusieurs contrées de la France, on assure que les maquignons qui
veulent mettre en vente un cheval très-méchant lui administrent du tabac
en suspension dans l'alcool, afin de le plonger dans un état d'ivresse et de
somnolence qui masque momentanément ses vices.)

(NICOTINE,—ACTION PHYSIOLOGIQUE. — A. Sur les animaux. — La NICOTINE
est un; des poisons les plus violents qui existent. Brodie (2) avait déjà fait
remarquer qu'une goutte appliquée sur la langue d'un citât amène la mort
en deux minutes. Berzelius constata qu'une seule goutte tue un chien. Les
oiseaux,, en raison de l'activité plus grande de leur circulation, succombent
ps promptement encore.

L'action toxique a lieu sur quelque point que l'on dépose le poison avec
»ne:rapidité proportionnée à la faculté d'absorption dont jouit l'organe im-
pressionné. A la peau, cette absorption doit être favorisée par des frictions,
jetlet local considéré comme caustique, comme irritant par Stas et Albers,
®t nul, si l'on en croit L. Van Praag (3). L'effet secondaire se porte sur le
cerveau et Sur la moelle; il se traduit par une incitation puissante des cen-
tres nerveux, amenant à sa suite les phénomènes multiples que nous allons

trfmu,animaux soumis à l'influence de la nicotine sont aussitôt pris d'un
«mniement de tout le corps; ils tombent en poussant un cri. Tout leur

'1 pfi^e ,de médecine et de chirurgie pratiques, t. XV, p. 2W.
3)^Zflï,,l?vanmeUons, 1811, p. 178.

'««es toxtcol. et pharmacodyn. sur la nicotine. {Gazette médicale de Paris, 1856.) •

(37
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1058 TABAC.

être est agité de convulsions violentes; leur tête, fortement ramenée en
rière, exprime la souffrance; la respiration s'embarrasse; la cage thoraciouè
est agitée de mouvements désordonnés et violents; le coeur accélère ses bat
tements. Cet ensemble de phénomènes se rattache, suivant Vulpian (i) à"
urt état convulsif spécial, caractérisé par des contractions irrégulières dis-
séminées dans tout le système musculaire. Bientôt les convulsions cessent"
après la période d'excitation spasmodique survient une période de calme'
caractérisée par une paralysie généralisée, quelquefois précédée de trem-
blements particuliers.

« On dirait que le système nerveux, violemment surexcité par le poison
dépense en quelques instants tout son pouvoir d'impulsion ; puis, désarmé'
laisse la mort achever son oeuvre (2). ». . '

Etudions maintenant analytiquement l'effet de la nicotine sur les diffé-
rents systèmes.

Le système musculaire, nous venons de le voir, est un des premiers im-
pressionnés. Nous avons décrit la manière dont ses fonctions étaient trou-
blées ; les fibres musculaires restent dans un état de contraction comme
tétanique; elles ne sont pas affectées de paralysie, leur faculté contractile
n'est pas anéantie; mais, maîtrisées par l'excitation puissante que le poison
exerce sur la moelle et sur la moelle allongée, elles ne répondent plus aux
influences qui les mettent ordinairement en jeu. Dans la seconde période,
lorsque le relâchement se produit, la motricité nerveuse diminue peu à peu
pendant que l'irritabilité musculaire subsiste (Vulpian).

La fonction respiratoire reçoit de la nicotine une modification caractéris-
tique; la respiration s'accélère; les phénomènes mécaniques augmentent
d'énergie; les phénomènes chimiques sont au contraire entravés dans leur
manifestation; la rapidité des mouvements thoraciques est accompagnée
d'un bruit particulier, comme râlant, que Van Praag attribue à un rétrécis-
sement des voies aériennes, et que Cl. Bernard (3) rapporte à des contrac-
tions précipitées du diaphragme. Ce dernier phénomène s'observe surtout
avec netteté quand on a expérimenté avec des doses très-faibles. A l'ap-
proche de la mort, la respiration se ralentit. L'auteur que nous venons de
citer n'a constaté cet effet que deux fois. Van Praag l'a souvent vu se mon-
trer très-tard.

Quant au système vasculaire, la nicotine agit sur le coeur, dont elle accé-
lère les battements, qui deviennent aussi tumultueux et plus énergiques sur
les gros vaisseaux, qu'elle contracte; sur les capillaires, qu'elle fait resser-
rer. Lorsqu'on place sous le microscope la membrane interdigitale d'une
grenouille soumise au poison, on voit se produire une déplétion des petites
artères, qui se rétrécissent au point de se vider complètement. Cependant
le coeur continue à battre avec énergie, ce qui prouve, ainsi que l'a avancé
Cl. Bernard, et contrairement à l'opinion de Vulpian, que dans les petits
vaisseaux est l'obstacle. ,,

Cette contraction des fibres-cellules des vaisseaux est l'analogue de ceiie
que la nicotine détermine dans le système musculaire; elle est le resuit
de l'excitation transmise aux nerfs vaso-moteurs. ,.

Après la mort, le coeur continue à battre. Ce fait, déjà signalé par Brome,
est admis de tous les physiologistes. Rouget (4) a démontré que chez rc
grenouilles empoisonnées par l'agent qui nous occupe les pulsawn
coeur persistent longtemps après que toute trace d'excitabihte a aisp

(1) Comptes-rendus de la Société de biologie, 1859. . )hi„ inaugn- ■

(2) Math. Fageret, Du tabac, son influence sur la respiration et la circulation, -

raie de Paris, 1867, n» 139. . ,M7 „ 3S7 et

(3) Leçons sur les effets des substances toxiques et médicamenteuses. laris, wi !•
suivantes.

(4) Journal de physiologie, 1860.
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TABAC. 1059

dans les muscles locomoteurs;, il a aussi trouvé que, lorsque ces battements
deviennent plus faibles et plus rares, l'action directe de la nicotine les ra-
nime instantanément.

Les sécrétions sont sensiblement modifiées. Sur neuf expériences, Van
Praag a constaté quatre fois un flux abondant de salive; il n'a rencontré
d'augmentation dans les selles et des vomissements que dans les cas ter-
minés par la guérison. La sécrétion urinaire n'a présenté aucun changement
appréciable.

Quelle action' la nicotine exerce-t-elle sur la pupille? A priori, et en rai-
sonnant par induction, son action sur les nerfs vaso-moteurs, action oppo-
sée! celle de la belladone, fait supposer qu'elle est antimycliïatique.

Jusque dans ces derniers temps, les opinions étaient très-contradictoires.
Orflla, Cl. Bernard, Van den Corput ont signalé la dilatation de la pupille
comme s'étant montrée chez des mammifères soumis à l'action du poison.
Van Praag dit que tout d'abord la pupille se dilate, puis se rétrécit. Reil
avait observé la succession inverse des phénomènes. Braun enfin avait con-
stamment rencontré l'atrésie.

La plupart de ces observations avaient été faites concurremment avec
d'autres, portant sur l'ensemble des symptômes d'intoxication. S'appliquant
à résoudre la question en litige, Hirschmann (1) a institué un grand nombre
d'expériences spéciales. Le résultat de ces recherches peut se résumer ainsi :
rétrécissement constant, soit que l'agent ait été appliqué directement sur
l'oeil, soit qu'il ait été introduit dans l'économie par une autre voie. Ce ré-
trécissement atteint rapidement son maximum d'intensité et diminue légè-
rement quelque temps après; il reste ensuite stationnaire, puis s'efface gra-
duellement.

Quand on a obtenu par ce moyen le myosis, et qu'on instille de l'atropine
dans l'oeil, l'ouverture pupillaire reprend ses dimensions moyennes; elle
reste/dans cet état le temps ordinaire de l'atrésie nicotinique, puis survient,
par suite de l'action plus persistante de l'atropine, une mydiïase d'une as-
sez longue durée. Si on fait agir la nicotine sur une pupille préalablement
dilatée par la belladone, le même phénomène se produit.

On peut comparer les effets antimydriatiques à ceux obtenus avec la mor-
phine, et plutôt encore à ceux résultant de l'instillation de la solution d'ex-
trait de fève de Calabar.

Lorsque l'empoisonnement par la nicotine est mortel, on trouve le sang
artériel noir; les poumons, parsemés de taches livides, présentent à la
coupe un tissu dense et résistant, d'où il découle un sang noirâtre et non
aéré. Les gros vaisseaux, les cavités cardiaques, hormis le ventricule gau-
che, sont gorgés de sang demi-fluide. Le sang chassé par la contraction
énergique dés petits vaisseaux s'est porté en masse vers les centres. Orfila a
signalé dans le cerveau et ses enveloppes une injection d'une étendue va-
riable.

.On"a avancé, mais à tort, que le poison agissait comme destructeur des
éléments'delà substance nerveuse; on aurait trouvé des déchirements des
cellules de la moelle et une coloration pigmentaire brune de ces cellules.

En-résumé; la nicotine est un agent fortement excitant du cerveau et
spécialement de la moelle et de la moelle allongée. Sous son influence,
«mes les fibres contractiles sont mises en mouvement avec une extrême
énergie : fibres contractiles du système locomoteur, fibres contractiles des

M?Ux' flbre? contractiles des bronches, etc.

Malgré sa parenté botanique avec la belladone et les autres solanées, on
n^peut en rien assimiler l'action de la nicotine à celle de ces dernières,
w avons affaire ici à un mode d'action spécial.

W Anhiv fûrAnatomie, Physiologie und wissenschaftlkhe Medicin, 1803, 3« livraison.
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1060 TABAC.

B. Chez l'homme.—Ici l'empoisonnement par la nicotine (de 6 à 8 goutte-
peuvent amener la mort) s'accompagne de symptômes semblables à ceux
que nous venons de décrire chez les animaux. Il reproduit avec une rani
dite d'évolution en rapport avec l'énergie plus grande de l'agent le tableau"
de l'intoxication par le tabac. (Voyez page 1044.) Le traitement est le même
mais le temps laissé à l'action thérapeutique est bien court. '

Chez certains individus ayant succombé, on a trouvé des altérations des
premières voies. Dans d'autres cas, il n'a pas été rencontré de lésion
locale. Ainsi, chez le jeune^ G. Fougnies, empoisonné par Bocarmé (i) la
langue était cautérisée, tuméfiée et d'un gris noirâtre, le pharynx rouge' et
injecté, l'oesophage et l'estomac présentaient peu d'altérations, à raison de
la promptitude de la mort. Dans un cas plus récent (2), observé par Fonssa-
grives et Besnon, à l'hôpital militaire de Cherbourg, chez un individu qui
s'était suicidé, les voies digestives ont été trouvées intactes dans toute leur
étendue. Nous avons vu que pour les animaux il y avait aussi des opinions
diamétralement opposées. Pour rendre compte de ces inégalités d'observa-
tion, il faut admettre des différences dans l'agent ou des modes différents
d'introduction du poison, avec ou sans violence, ou enfin un contact plus
ou moins prolongé.

La toxicologie a étudié avec soin la recherche médico-légale du poison.
On trouvera dans les ouvrages spéciaux des renseignements sur ce sujet que
le cadre de notre travail ne nous permet pas d'aborder.

THÉBAPEIJTIQUE. — On comprend qu'un agent d'une si redoutable énergie
ait été peu employé. A l'extérieur, on l'a recommandé en teinture (voyez
Préparations pharmaceutiques et doses) contre les douleurs névralgiques,
Pavesi Ta employé (3) avec succès en injections dans un cas de paralysie de
la vessie, rebelle jusque-là à tout autre traitement. Voici la formule de ce
praticien : nicotine, 3.60; eau distillée, 360 gr.; mucilage, 30 gr. Pour deux
injections par jour. Comme le fait observer Réveil (4), la dose prescrite est
trop élevée. On sait que la muqueuse vésicale est douée d'une faculté très-
peu marquée d'absorption; malgré cela, l'absorption se fait, et des acci-
dents des plus graves pourraient survenir.à la suite de ces injections.

On a publié (S) plusieurs observations de tétanos avantageusement modi-
fiés ou guéris par la nicotine.

Un succès de l'emploi du tabac dans un cas d'empoisonnement par la
strychnine a été le point de départ de cette innovation. La ressemblance
symptomatologique entre l'intoxication strychnique et le tétanos a inspiré
cette pensée à des praticiens américains et anglais, Haughton et 0'Beirne,
entre autres.

Après la description détaillée que nous venons de donner des effets phy-
siologiques de la nicotine, on a peine à admettre la réalité de cet antago-
nisme et l'efficacité de ce mode de traitement; mais des faits authentiques
doivent passer avant tous les raisonnements. Chevers (6) admet et explique
l'antagonisme; la strychnine déterminant l'afflux du sang dans la moelle, et
la nicotine produisant la contraction vasculaire et diminuant ainsi 1 accu-
mulation de ce liquide dans le centre nerveux. Ce sont des faits à contrôler
sérieusement. Dans le cas bien rare où on aurait à prescrire la nicotine

(lv- Annales d'hygiène et de médecine légale, 1851, t. LYI.

(2) Ibid., avril 1861. «fll,

(3) Journal de la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles, IBM) '■

{U) Formulaire des médicaments nouveaux, p. 516. , , , , miiaat<

(5) Bulletin de thérapeutique, 30 novembre 1862, p. Wh; Archives 9e!'erfey;JL jan-
novembre 1862-, Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie de ^'S"Lr W
vier 1863, p. 59; Dublin Quarterly Journal, cité par la Gazette des hôpitaux, 28 ievi«

p. 99.

(6) Indian Annah of med. science, 186T.


[1061]

l'intérieur, il faudrait débuter par des doses très-petites. Van Praag a avancé
que 2. centigr. 1/2 n'étaient jamais mortels chez l'homme. Haughton avait
prescrit 3 gouttes dans la journée, à quelques heures d'intervalle.

Ce médicament d'un maniement si difficile réclame une surveillance in-
finie, et nous nous demandons même si l'extrême gravité des cas autorise
suffisamment à en recommander l'emploi. Il faudrait des succès bien établis
etplus nombreux pour justifier une thérapeutique aussi aventureuse.)

[[Catégorie:Cazin 1868]]
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