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Cochléaria (Cazin 1868)

Clématite
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Cognassier
PLANCHE XV : 1. Ciguë vireuse. 2. Clématite. 3. Cochléaria. 4. Colchique. 5. Coloquinte.


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Nom accepté : Cochlearia officinalis


COCHLÉARIA. Cochlearia officinalis. L.

Cochlearia folio subrotundo. Bauh., Tourn. — Cochlearia. Dod.

Herbe aux cuillers, — raifort officinal, — cranson officinal, — herbe au scorbut.

CRUCIFÈRES. — ALYSSINÉES. Fam. nat. — TÉTRADYNAMIE SILICULEUSE. L.


Cette plante (Pl. XV) croît spontanément dans les lieux humides, au bord de la mer, sur les hautes montagnes. On la rencontre sur les côtes maritimes du nord de la France. On la cultive pour l'usage médical. — Les moutons broutent le cochlearia avec avidité, et en deviennent plus gras, mais leur chair acquiert un goût désagréable.

Description. — Racines allongées, fusiformes, blanchâtres, un peu épaisses, garnies de fibres nombreuses, capillaires. — Tiges faibles, inclinées, cylindriques, vertes et glabres. — Feuilles radicales longuement pétiolées, nombreuses, arrondies, épaisses ; celles de la tige plus petites, un peu anguleuses ; les supérieures sessiles, amplexicaules, ovales, pourvues à chaque bord d'une languette aiguë. — Fleurs blanches, petites, disposées en bouquets ou en grappes à l'extrémité des rameaux (mai-juillet). — Calice glabre, à quatre folioles demi-ouvertes, caduques. — Corolle beaucoup plus grande que le calice, formée de quatre pétales. — Six étamines tétradynames, à anthères comprimées. — Style court, persistant, à stigmate obtus. — Fruit : petite silique courte, à deux loges polyspermes, un peu globuleuse, ordinairement entière à son sommet.

Parties usitées. — L'herbe, les sommités fleuries, la semence.

[Culture. — On cultive assez souvent le cochléaria dans les jardins maraîchers, pour l'usage médical, il demande une terre fraîche et une exposition un peu couverte, on le propage par graines semées au printemps.]

Récolte. — Cette plante doit être cueillie pendant sa floraison (en mai, juin et juillet), et employée immédiatement, c'est-à-dire à l'état frais. Elle perd toutes ses propriétés par la dessiccation.

Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques. — Le cochléaria, quand on l'écrase, a une odeur très-pénétrante ; entier, il est inodore. Sa saveur est âcre, vive et un peu amère. De même que la plupart des crucifères, il renferme un principe volatil âcre, de nature huileuse, qui paraît contenir du soufre ; on y trouve aussi de la fécule, de l'albumine, et une certaine quantité d'iode. Le cochlearia contient, d'après Braconnot, une matière extractive douce, noirâtre, de l'hydrochlorate et du sulfate de potassium, une huile volatile, de la chlorophylle, de l'albumine et de la fibre ligneuse. Dobereiner y a trouvé une substance particulière, âcre, qu'il nomme Cochléarine ; Henry et Garrot, de l'acide sulfo-sinapique. Ses principes actifs sont solubles dans l'eau, le vin et l'alcool. — La plante perd ses propriétés par l'ébullition.


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PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — Infusion, de 20 â 50 gr. par kilogramme d'eau, de lait, de petit-lait, de bouillon, de bière ou de vin.
Suc exprimé, de 30 à 200 gr., en potion, dans la journée.
Teinture (l de suc sur 1 d'alcool à 36 degrés), de 2 à 15 gr., en potion.
Sirop (1 de suc sur 2 de sucre), do 20 à 60 gr., en potion.
Extrait, 2 à 5 gr., en potion.

Conserve (1 sur 1 de sucre), de 2 à 5 gr.
Eau distillée, en potion (peu usitée).
Pulpe, 8 à 15 gr.

A L'EXTÉRIEUR. — Infusion, Q.S., en lotions, fomentations, injections, etc.
Teinture, 2 à 15 gr., en gargarisme, étendu dans le vin blanc ou dans l'eau.
Eau distillée, en gargarisme pour guérir les ulcères scorbutiques des gencives.


Le cochléaria entre dans le sirop, la bière et le vin antiscorbutique.

Le cochléaria est excitant, antiscorbutique, diurétique. On le donne contre le scorbut, l'œdème du poumon, la toux avec expectoration, l'asthme, le catarrhe chronique, la cachexie, la leucorrhée, la paralysie, l'hydropisie, les scrofules, les engorgements atoniques des viscères et certaines maladies cutanées chroniques.

Cette plante a été recommandée dans les maladies calculeuses par Desbois, de Rochefort, dans les fièvres quartes par Stalh, dans le rhumatisme chronique vague par Sydenham. Mais il faut se garder de l'employer, quand il y a irritation inflammatoire, dans les affections hémorrhoïdales, l'hémoptysie, les toux sèches et spasmodiques, les palpitations, les congestions sanguines au cerveau, la céphalalgie. Lorsqu'on est forcé d'en faire usage dans ces circonstances, il faut préparer le malade par l'usage des antiphlogistiques et mitiger l'action de la plante par l'addition des mucilagineux. Dans ces cas, j'administre le mélange de suc de cochlearia et de lait ou de bouillon de veau ; il est utile aussi de lui associer des acides végétaux, comme les sucs d'oseille, d’alleluia, d'épine-vinette, le cidre, etc.

Je considère les feuilles de cochléaria comme antiscorbutiques par excellence. Bachstrom[1] rapporte l'histoire d'un matelot qui, dévoré par les plus affreux symptômes du scorbut, et abandonné sur les plages désertes du Groënland, se traînait sur la terre pour y brouter comme un animal le cochléaria et les autres végétaux antiscorbutiques, auxquels il dut bientôt le rétablissement de ses forces et sa guérison. Le mélange à parties égales de suc de cochléaria, de trèfle d'eau et de cresson, est précieux dans les affections scorbutiques arrivées même au plus haut degré, et caractérisées par l'altération du sang, des hémorrhagies, des ecchymoses, un état d'infiltration cachectique, etc.

Je citerai le fait suivant comme assez remarquable : Un garçon boucher en service chez M. Lafranchise, de Calais, se fractura la jambe droite en tombant de cheval. La fracture fut réduite et maintenue par les moyens ordinaires. Ce blessé était âgé de vingt-cinq ans, d'un tempérament lymphatique, et se nourrissait principalement de viandes. Au bout de quarante jours, je voulus m'assurer de la consolidation du cal ; mais, à mon grand étonnement, les deux fragments du tibia étaient tout aussi mobiles que le jour même de la chute. Dès lors je soupçonnai l'existence d'une diathèse scorbutique. J'examinai les gencives, que je trouvai engorgées et saignantes ; cependant aucun autre symptôme n'existait, excepté une sorte de bouffissure de la face difficile à désigner, et qui s'observe souvent dans les affections de ce genre. Je mis de suite le malade à l'usage du mélange dont je viens de parler. Le suc exprimé des trois plantes fut pris chaque jour à la dose de 98 gr. d'abord, et ensuite de 120, 150 et 200 gr. J'interdis l'usage de la viande, et je donnai pour toute nourriture les pommes de terre, les légumes, et pour boisson la décoction de houblon coupée avec le vin de Bordeaux. Après quarante jours de traitement, la consolidation, résultat de

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  1. Observ. circa scorbutum, etc. Florence, 1757.


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la guérison de l'affection scorbutique générale, était parfaite et la santé tout à fait en bon état.

Le suc de cochléaria, par son action diurétique, m'a réussi dans quelques anasarques causées par la durée des fièvres intermittentes. Desbois, de Rochefort, prétend l'avoir vu réussir d'ans les calculs urinaires. Chaumeton a eu occasion de constater son efficacité chez une femme âgée et leucophlegmatique, contre un catarrhe pulmonaire chronique qui avait résisté pendant près d'un an à tous les autres moyens.

A l'extérieur, le cochléaria est légèrement rubéfiant, détersif. J'ai appliqué avec succès le suc de cette plante sur les ulcères scorbutiques et atoniques. Etendu dans l'eau, il convient en gargarisme pour déterger et raffermir les gencives scorbutiques. L'hiver, je lui substitue la teinture alcoolique de la même plante, étendue dans suffisante quantité d'eau. On fait mâcher les feuilles de cochléaria comme celles de cresson pour affermir les gencives molles, livides, boursouflées ou scorbutiques.

On compose un esprit ardent, dit de cochléaria, qui est le produit de la distillation des feuilles de cette plante avec la racine de raifort sauvage sur l'alcool, et que l'on donne à la dose de dix à douze gouttes dans des tisanes, en potions antiscorbutiques ou pour gargarisme.