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Avertissement de l'éditeur (Cazin 1868)

Préface de la 1ère édition
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Introduction à la 3ème édition


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Avertissement de l'éditeur

En 1847, la Société de médecine de Marseille récompensait d'une médaille d'or un premier travail du docteur Cazin père : Sur les ressources que la flore médicale indigène présente aux médecins de campagne, travail improvisé en quelque sorte, mais dont les matériaux étaient amassés depuis plus de vingt-cinq années, non en prévision d'un concours, mais dans le simple but d'être utile aux indigents et aux cultivateurs peu aisés du canton qu'il habitait. Le suffrage de la savante Société engagea M. Cazin à donner à son œuvre un plus grand développement, et en 1850 paraissait la première édition du Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes dont nous venons de reproduire la préface, qui expose avec tant de conviction les raisons de cette publication et l'opportunité de son apparition.

Bien qu'il ne contînt que des notions sur l'emploi thérapeutique des plantes de notre pays, le public médical tout entier fit à ce livre un si bienveillant accueil qu'en peu d'années il fut épuisé. L'étendue et l'importance du sujet réclamaient un cadre plus large : c'est, en effet, sur un plus vaste plan que fut établie la deuxième édition. Les modifications qui y furent apportées furent tellement profondes, le travail si bien remanié qu'il pouvait être considéré comme un nouvel ouvrage, ne conservant du premier que le titre et le but.

Ainsi, avant les considérations thérapeutiques, le lecteur, qui a besoin de connaître une plante pour l'employer, y trouve la désignation des familles, suivant les classifications naturelles de Jussieu et de Richard, et artificielle de Linné, et la synonymie latine et française du végétal, ainsi que l'indication des contrées où il croît et des soins à lui donner, s'il exige une certaine culture. La description détaillée et bien complète, la désignation des parties usitées, les précautions à prendre pour la récolte et pour la conservation, des notions sur la composition chimique et la proportion des principes élémentaires auxquels sont dus les effets thérapeutiques, précèdent un tableau dans lequel sont consignées les préparations pharmaceutiques dont la plante entière ou quelques-unes de ses parties seulement font la base, et les doses auxquelles on les emploie.

Viennent ensuite l'action physiologique et toxique, établie d'après les expérimentations sur l'homme et les animaux, et enfin les propriétés médicinales.

Ici l'auteur énumère les différentes affections dans lesquelles on les a employées avec plus ou moins de succès ; puis, se livrant avec soin à l'étude


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de leurs effets thérapeutiques, il passe en revue les recherches des anciens et des modernes, enregistrant leurs erreurs comme leurs utiles découvertes, et tâchant autant que possible de jeter un peu de jour sur les questions les plus obscures - ou les plus controversées. Inutile de dire qu'il ajoute à ces recherches un grand nombre de faits nouveaux, dont la plupart lui sont propres et ont été recueillis dans une pratique de plus de quarante années. N'oublions pas de dire que souvent, et sans sortir de son cadre, l'auteur, à l'occasion d'une plante de notre pays, complète son travail en consacrant quelques lignes à l'examen des plantes exotiques de la même espèce, dont il compare les propriétés à celles de l'individu indigène.

L'ouvrage se termine par des notions générales sur la conservation et la dessiccation des plantes, un calendrier floral, uue classification des plantes d'après leurs propriétés médicinales, une table des matières pathologiques et thérapeutiques, une table alphabétique des plantes contenant leurs noms scientifiques et vulgaires, leurs produits naturels et pharmaceutiques.

Un Atlas de deux cents plantes lithographiées complète la partie descriptive des plantes les plus usitées.

Ainsi refondu, cet ouvrage, consacré à une partie de la science généralement négligée dans les auteurs classiques, et pouvant être considéré comme le complément nécessaire de tous les traités de thérapeutique et de matière médicale, a été écrit avec une conviction sérieuse, résultat de vingt-cinq années de recherches et d'expérimentations spéciales.

L'impulsion nouvelle donnée à la thérapeutique indigène, la propagation de l'institution des médecins cantonaux, l'insuffisance reconnue de bien des budgets communaux pour subvenir aux fournitures de médicaments exotiques souvent fort coûteux et presque toujours faciles à remplacer par des végétaux de nos pays, croissant naturellement et abondamment dans nos campagnes ou cultivés dans nos jardins, ont été les principales raisons des changements que l'on remarque dans cette publication.

Telle était la deuxième édition. La troisième, qui paraît aujourd'hui, et dont la révision a été confiée par nous au docteur Cazin fils, n'en diffère que par des additions qui, mettant l'ouvrage au courant de la science, rendent compte des progrès accomplis depuis huit ans. Le plan général de l'ouvrage n'a pas été sensiblement modifié ; renonçant à l'idée d'un supplément dont les matières eussent perdu de leur intérêt par leur isolement même, les additions ont été intercalées dans le corps de l'ouvrage aux endroits où leur place était désignée par la nature du sujet. Cela a nécessité certains remaniements, quelquefois des modifications dans l'ordre arrêté précédemment ; mais l'auteur s'est imposé l'obligation de relier ces additions au texte même de son père, de sorte que la lecture d'un article complet n'est pas interrompue ; rien ne heurte, et l'on croirait au premier abord qu'il n'y a eu rien de changé ; mais en comparant cette édition à la précédente, on pourra saisir les différences souvent capitales qui les séparent.

Passons-les rapidement en revue. Et d'abord un grand nombre de plantes ont été ajoutées, soit qu'elles fussent introduites depuis peu de temps dans


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la thérapeutique, soit qu'elles fussent récemment acclimatées dans nos contrées. Les plantes méridionales, peut-être un peu reléguées au second plan, sont mises en relief, et l'on a insisté sur plusieurs d'entre elles du plus grand intérêt ; je cite au hasard : Redoul, Mandragore, Phillyrée, Lentisque, Térébinthe, Iris officinal, etc., etc. Beaucoup d'articles ont reçu de nouveaux développements souvent très-étendus : par exemple, les articles Aconit, Belladone, Digitale, Ivraie, Pavot, Oronge (fausse), Pins et Sapins, Seigle (ergot de), Sumac, Tabac, Vigne, etc., etc.

La synonymie vulgaire a été l'objet d'additions nombreuses en raison de l'utilité pratique que les médecins de campagne peuvent en retirer. La classification botanique a été revue avec le plus grand soin. Pour beaucoup de plantes, on a indiqué la sous-famille en plus de la famille naturelle déjà désignée. A la fin de chaque article, on a mentionné les variétés avec leur nom particulier, leur description rapide et les proportions dans lesquelles elles peuvent être substituées à la plante-type habituellement employée.

La partie descriptive, qui demande une netteté d'expression si concise, a été mise au courant des recherches les plus récentes, et la valeur de chaque caractère a été scrupuleusement discutée.

Au lieu de donner quelques indications sur la culture de certaines plantes, comme dans la deuxième édition, chacune d'elles a son article Culture, où les soins particuliers à lui donner sont exactement relevés ; on y montre l'influence sur la plante et sur les effets qu'on en peut obtenir de l'habitant et de la nature du sol qui la nourrit ; on trouve aussi quelles sont les modifications que la culture elle-même imprime à telle ou telle espèce.

Tout ce qui concerne la pharmacologie a été l'objet de corrections et de remaniements ; pour la seconde moitié du livre, le nouveau Codex et la nouvelle édition de l'Officine-Dorvault ont été mis à contribution ; par sa position dans une ville mixte, anglo-française, le docteur H. Cazin s'est trouvé à même d'étudier la matière médicale et la pharmacologie anglaises, et a fait entrer dans l'article Préparations pharmaceutiques et doses les préparations de plantes les plus répandues en Angleterre.

La partie chimique, qui, dans l'édition précédente, ne consistait qu'en des notions, est actuellement aussi complète que l'étendue de l'ouvrage le permet. A chaque article on peut trouver : la composition de la plante, si elle a été analysée ; l'énumération détaillée des corps qui en ont été extraits, son rendement, les caractères physiques et chimiques de ces corps, les réactifs qui révèlent leur présence, leur formule chimique connue, et enfin pour certains d'entre eux peu répandus leur mode d'extraction.

Nous voici arrivés à la partie capitale de l'oeuvre, la partie médicale proprement dite : comme dans l'édition précédente, elle comprend l'étude de l'action physiologique sur les animaux, sur l'homme sain, puis sur l'homme à l'état de maladie ; en dernier lieu, la thérapeutique appliquée et raisonnée.

Pour mettre cette partie au niveau de l'état actuel de la science, on a mis à contribution toutes les productions récentes, monographies, publications


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périodiques françaises et étrangères, communications aux Sociétés savantes, ouvrages classiques, etc., etc.

Le courant qui porte les études médicales vers la médecine expérimentale a été indiqué, et à chaque plante on trouve cités les noms de Cl. Bernard, de Sée, de Béhier, etc., etc.

Des paragraphes consacrés aux alcaloïdes ont reçu des développements importants : leur action isolée est mise en relief, puis comparée à celle de la plante elle-même ; à plusieurs reprises, on revient sur la valeur relative, au point de vue thérapeutique de la plante, où les principes actifs sont unis, si je puis m'exprimer ainsi, à l'état moléculaire vivant, et de l'alcaloïde, produit de réactions chimiques plus ou moins compliquées.

Cette question est surtout discutée à propos des plantes qui contiennent plusieurs alcaloïdes.

Signalons comme des plus complètes les pages où sont jugées les opinions sur l'antagonisme réciproque de certaines plantes.

Les méthodes récentes qu'emploie la thérapeutique, les nouvelles voies d'introduction des médicaments sont indiquées. (Voyez, à propos de l'opium, une étude complète sur les injections sous-cutanées.)

La médecine comparée offrant un intérêt dont la portée est connue, et la médecine vétérinaire de campagne ayant chaque jour besoin d'avoir un guide, la plupart des articles donnent des renseignements sur les doses et les indications des plantes usitées dans cette branche des connaissances médicales.

En résumé, la présente édition, avec les améliorations que nous venons d'énumérer, peut être considérée comme un véritable Compendium de botanique médicale indigène, comme un Traité complet de thérapeutique nationale ; elle ne s'adresse plus aussi exclusivement que ses aînées au praticien des campagnes ; quoiqu'elle lui soit particulièrement destinée, tous les médecins indistinctement y trouveront les recherches des anciens, les traditions et les travaux modernes sur tout ce qui concerne l'art de guérir à l'aide des végétaux de notre pays.