Grenadier (Cazin 1868)
Grenadier
Nom accepté : Punica granatum
Punica quæ malum granatum fert. Cæsalp., Tourn. — Mala granata sive punica. Tob.
GRANATÉES. Fam. nat. — ICOSANDRIE MONOGYNIE. L.
Le grenadier, originaire des contrées de l'Afrique que baigne la Méditerranée croît en Espagne, en Italie, et dans le midi de la France.
Description. — Racine. — Rameaux glabres, anguleux, couverts d'une écorce rouge. — Feuilles très-lisses, opposées, lancéolées, portées sur des pétales très-courts. - Fleurs hermaphrodites, régulières et assez grandes, d'un rouge vif, presque sessiles, souvent solitaires, quelquefois réunies trois ou quatre vers le sommet des rameaux (juin- juillet-août). — Calice épais et charnu, à cinq, sept divisions. — Corolle à cinq, sept pétales ondulés. — Etamines très-nombreuses. — Style et stigmate simples. — Fruits de la grosseur d'une pomme, arrondis, et revêtus d'une écorce d'un brun rougeâtre, contenant en grande quantité des substances pulpeuses d'un rouge très-vif.
Parties usitées. — Les fleurs (balaustes). — Les fruits (grenades). — L'écorce du fruit (malicorium). — Les semences. — La racine. — L'écorce de la racine.
[Culture. — On multiplie les grenadiers de graines ou de greffes ; ils exigent une bonne exposition, on peut les cultiver au pied d'un mur, au midi ; on les couvre l'hiver de feuilles et de litière ; ils demandent une terre légère et substantielle qu'il faut renouveler souvent ; les fleurs naissent sur les pousses de l'année ; il faut tailler court pour obtenir du jeune bois, arroser beaucoup et souvent. On préfère l'écorce du grenadier sauvage.]
Récolte. — Les fleurs de grenadier, simples dans le grenadier sauvage, sont doubles, dans le grenadier cultivé. Ce sont ces dernières qu'on livre ordinairement au commerce sous le nom de balaustes, bien que les premières aient les mêmes propriétés médicales. On les récolte pendant tout le temps de la floraison. La dessiccation ne leur fait pas perdre leur belle couleur rouge. L'écorce du fruit se trouve dans le commerce de la droguerie en fragments secs, durs, coriaces, rougeâtres en dehors, jaunes au dedans.
La racine sèche pouvant être tirée en abondance de l'Espagne, du Portugal, de la Provence, il y a avantage économique à la choisir. La racine fraîche, recueillie souvent sur de maigres arbustes élevés dans des caisses, est habituellement moins riche en tannin, et n'offre pas les mêmes avantages sous le rapport thérapeutique[1]. — L'écorce de racine de grenadier de Portugal est beaucoup plus grosse que celle de France.
Mérat regardait la racine fraîche comme beaucoup plus efficace que la racine sèche. Ce médecin était dans l'habitude de faire acheter un grenadier vivant, de huit à dix ans au moins (plus jeune il ne pourrait fournir la quantité d'écorce de racine suffisante) et d'en faire séparer l'écorce chez le malade même, le jour, ou, au plus tard, le lendemain du jour où des anneaux de tænia avaient été expulsés ; il le faisait employer immédiatement. I1 est reconnu aujourd'hui que la racine sèche est tout aussi efficace, lorsqu'on a eu la précaution de la faire macérer pendant vingt-quatre heures dans l'eau qui doit servir à l'ébullition.
Cette écorce se trouve dans le commerce en petits fragments cassants, non fibreux, d'un gris jaunâtre à l'extérieur et jaune à l'intérieur. Elle est inodore.
Dans la droguerie on remplace quelquefois l'écorce de la racine de grenadier par celle de buis ou d'épine-vinette. L'amertume de ces deux dernières racines suffit à la dégustation, pour déceler la fraude. — « Une falsification plus fréquente que celle que nous venons de mentionner consiste à mélanger l'écorce de la tige avec celle de la racine. On peut reconnaître cette substitution à l'absence totale de toute production cryptogamique sur l'écorce des racines, tandis que l'on rencontre à l'aide du microscope, sur l'épiderme des écorces caulinaires, un grand nombre de cryptogames, tels que l’opographa serpentina, le verrucaria leinitata, etc. — On peut la confondre avec les écorces d'angusture. Le sulfate de fer donne avec l'infusé d'écorce de grenadier un précipité noirâtre, avec l'angusture vraie, un précipité gris-jaunâtre, avec l'angusture fausse, un précipité vert bouteille. (Dorvault.)
Propriétés physiques et chimiques. - Les fleurs et le malicorium
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- ↑ Gazette hebdomadaire de médecine, 1856.
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contiennent une grande quantité de tannin et de l'acide gallique. L'écorce de la racine de grenadier est d'une saveur très-astringente, sans amertume ; humectée avec un peu d'eau et passée sur un papier, elle-y laisse une trace jaune, qui devient d'un bleu foncé par le contact du sulfate de fer. Cette racine a été analysée d'abord par Mitouart[1], qui en a retiré une matière grasse assez abondante, du tannin, de l'acide gallique, une matière résineuse, de la mannite, du sucre et du ligneux ; puis par Latour de Trié[2], qui en a obtenu de la chlorophylle, beaucoup, de résine, du tannin, de la matière grasse, et une substance cristalline sucrée qu'il nomme grenadine, laquelle est blanche sans odeur, cristallisée en choux-fleurs et ne paraît pas constituer le principe actif du végétal (c'est tout simplement de la mannite). — Landerer, cité par Soubeiran, a retiré des fruits non mûrs une matière amère cristalline qu'il' a nommée granatine. — (Righini a extrait de l'écorce un principe, âcre auquel il a donné le nom de punicine.)
Substances incompatibles. — La gélatine, le sulfate de fer, les sels d'argent, de plomb.
A L'INTÉRIEUR. — Infusion ou décoction des fleurs , de 15 ai 30 gr. par 1 kilogramme d'eau. Suivant Mérat, qui assure n'avoir jamais vu manquer la racine de grenadier contre le tænia, le succès est lié à l'observation indispensable du certaines conditions, et ces conditions sont les suivantes : |
médecin, soit de celle du malade. Ainsi, tantôt on a employé l'écorce sèche (qui pourtant réussit encore dans le plus grand nombre des cas), souvent altérée et mêlée à d'antres écorees ; tantôt on a fractionné la dose du médicament, et on lui a associé des purgatifs, ou on en a administré auparavant ; tantôt, enfin, les malades n'ont rendu des portions
de vers que depuis un certain temps, etc. |
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- ↑ Journal de pharmacie, 1824, t. X, p. 352.
- ↑ Journal de pharmacie, 1831, t. XVII, p. 603.
- ↑ Nouvelle Bibliothèque médicale, t. VI, p. 397.
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par Breton, qui la faisait prendre à la dose de 60 centigr. toutes les demi-heures pendant trois heures de suite, est moins certaine dans ses effets que la décoction. L'extrait alcoolique proposé par Deslandes[1] comme possédant une efficacité ténifuge plus prononcée que celle de l'écorce elle-même, est plus facile à administrer, répugne moins aux malades, et mérite d'être adopté, non-seulement comme propre à agir spécialement contre le tænia, mais aussi contre les autres espèces de vers intestinaux. |
est fraîchement récoltée. Trois faits publiés par Grisolle, Giscaro[2] et Dechambre viennent à l'appui de cette opinion. 64 gr. de cette racine sèche, qu'on avait fait macérer pendant vingt-quatre heures dans 750 gr. d'eau et réduire ensuite à 500 gr., ont fait rendre au malade de Giscaro, une demi-heure après la troisième verrée, le tænia solium qui causait tous les accidents, et 15 gr. de cette racine ont suffi chez le jeune enfant dont parle Dechambre. Dans les deux cas, l'administration de la décoction de racine de grenadier avait été précédée, vingt-quatre heures auparavant, d'une purgation avec l'huile de ricin. |
Les fleurs ou balaustes et l'écorce du fruit du grenadier ou malicorium (cuir de pomme) sont toniques et astringentes. On les emploie, à l'intérieur, dans la diarrhée et la dysenterie quand la période d'irritation est dissipée, dans les hémorrhagies passives, les écoulements muqueux avec atonie, et, à l'extérieur, en gargarisme dans le gonflement atonique des amygdales, le relâchement de la luette et des gencives, en lotion et en injection contre le relâchement de la muqueuse du vagin, la chute du rectum, l'œdème des extrémités, les engorgements articulaires, suite d'entorse et de luxation, etc. On fait ordinairement usage des fleurs à l'intérieur, et de l'écorce des fruits à l'extérieur. Les graines renfermées dans les grenades, d'une saveur aigrelette sont aussi astringentes, mais à un degré beaucoup plus faible ; elles ont été néanmoins prescrites en poudre dans les flueurs blanches, et, à l'extérieur, contre les ulcères atoniques. Le suc de grenade est rafraîchissant et diurétique. Etendu dans l'eau, il fournit, comme nos fruits rouges, une boisson acidulé d'un goût agréable, et qui convient dans les maladies inflammatoires, bilieuses et putrides, les affections des voies urinaires, etc.
Pline l'Ancien dit qu'une grenade, pilée et bouillie dans trois hémines de vin réduites à une, expulse le tænia. La grenade entière, enfermée dans un pot de terre neuf bien couvert et luté d'argile, mise au four et desséchée au point de pouvoir facilement la réduire en poudre, et administrée à la dose de 2 à 1 gr., avec du vin rouge, était un remède populaire vanté contre la dysenterie chronique, les pertes utérines, les flueurs blanches et les fièvres intermittentes. L'écorce du fruit du grenadier est regardée par les médecins persans et thibétains comme succédané du quinquina et employée contre les fièvres intermittentes [3].
La propriété vermifuge de l'écorce de racine de grenadier, que l'on n'a mise à profit que depuis une trentaine d'années, était connue des anciens. Caton le Censeur la conseille contre les vers, et Dioscoride recommande la décoction de racine de grenadier prise en breuvage pour tuer les vers larges et les chasser du corps. Dans l'Inde, ce ténifuge était employé de temps immémorial. Ce fut Buchanam qui le remit en usage en Europe vers 1807. Laissant de côté, comme inutiles dans un travail exclusivement consacré à la thérapeutique, les autres détails historiques concernant ce précieux remède, nous nous contenterons de dire que le mémoire de Gomès, publié en 1822 et traduit par Mérat[4] a le plus contribué à en répandre l'usage en France.
Ce qui frappe le praticien dans l'emploi de l'écorce de racine de grenadier comme ténifuge, c'est le défaut de proportion entre son action immédiate sur le tube digestif et le résultat qu'on en obtient. Introduite à dose légère dans l'estomac, elle ne produit aucun effet sensible ; en quantité plus
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- ↑ Archives générales de médecine, 2e série, t. 1, p. 120.
- ↑ Gazette hebdomadaire de médecine, janvier 1856.
- ↑ Bibliothèque britannique, septembre 1811.
- ↑ Journal complémentaire des sciences médicales, t. XVI, p. 24.
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forte, elle occasionne un peu de chaleur, et rarement de la douleur, dans la région épigastrique ; quelquefois, cependant, des nausées et même le vomissement ont lieu. Comme purgative, l'écorce de grenadier a une vertu peu active : elle ne provoque, administrée à haute dose, qu'un bien petit nombre de selles. On sait d'ailleurs que les purgatifs, même les plus énergiques, n'ont pas, par cette seule propriété, l'effet vermifuge. L'amertume de cette racine n'est pas assez prononcée pour que l'on puisse lui attribuer sa vertu anthelminthique ; tout à fait dépourvue d'arôme, sa décoction a seulement quelque chose de nauséabond.
On a quelquefois observé, après l'administration de ce médicament, des vertiges, des étourdissements, une sorte d'ivresse, parfois des syncopes, de légers mouvements convulsifs ; mais ces accidents sont fugaces et ne laissent aucune trace après leur manifestation.
Il paraît donc certain, en raisonnant par voie d'exclusion, que l'écorce de racine de grenadier agit d'une manière spéciale et par intoxication sur le ver, que l'on trouve toujours mort, pelotonné sur lui-même, et noué fortement à plusieurs endroits de sa longueur. Les remarques faites par la plupart des auteurs qui ont étudié les effets de cette substance viennent à l'appui de cette opinion. Breton[1], ayant jeté des tænias vivants dans une décoction d'écorce de racine de grenadier, les a vus se contracter aussitôt avec vivacité et mourir au bout de quelques minutes, tandis que ceux qui ont été plongés dans l'eau simple ont vécu plusieurs heures après leur expulsion. Gomès s'est aussi assuré que des portions de tænia vivant, jetées dans la décoction d'écorce de racine de grenadier, deviennent raides, contractées, et y périssent presque aussitôt, tandis que dans les autres anthelminthiques, même dans l'essence de térébenthine, elles se meuvent avec plus ou moins de vivacité.
Je n'eus qu'une seule fois occasion d'employer l'écorce de racine de grenadier contre le tænia. Ce fut en 1828, chez M. Seaton, officier anglaise en résidence à Calais. Ce malade, âgé de quarante-six ans, d'un tempérament lymphatico-nerveux, d'une taille élevée, d'une constitution grêle, avait été atteint, à l'âge de vingt-neuf ans, d'une fièvre typhoïde. La production de son tænia datait, disait-il, de la convalescence longue et pénible de cette dernière maladie. Un sentiment d'engourdissement ou de fourmillement presque continuel au dessous de l'ombilic, des mouvements ondulatoires, des élancements douloureux et instantanés dans les intestins, un appétit irrégulier et parfois vorace, de temps en temps une diarrhée muqueuse avec expulsion spontanée de morceaux de tænia, des spasmes vers l'épigastre avec efforts de vomissements, irritations nerveuses sympathiques et exaltation intellectuelle, auxquels succédait toujours un état d'abattement et de somnolence : tels étaient les symptômes que présentait M. Seaton lorsqu'il vint me consulter. Il avait mis en usage, pendant plusieurs années et à diverses reprises, la fougère, la gomme-gutte, l'huile de térébenthine, l'étain, l'huile de ricin et divers autres anthelminthiques, sans autre effet que l'expulsion de portions plus ou moins longues du ver qui le tourmentait.
Je ne pus me procurer une quantité suffisante d'écorce de racine de grenadier qu'au bout de trois semaines. Je lui en administrai 60 gr. en décoction dans un litre d'eau réduit à trois verres. Le malade, préparé par la diète et quelques lavements, prit le premier verre à six heures du matin et le vomit dix minutes après. A six heures et demie, le second verre fut avalé et conservé, ainsi que le troisième, qui fut administré à sept heures et demie. Déjà des coliques s'étaient fait sentir, et bientôt deux selles eurent lieu sans qu'aucun symptôme nerveux se fût manifesté. Vers midi, le malade éprouvant des tranchées et des épreintes suivies seulement d'expulsion de muco-
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- ↑ London medico-surgical transact., t. XI, p. 301.
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sités, je me décidai à lui faire prendre en lavement une décoction de 20 gr. d'écorce de racine de grenadier dans 800 gr. d'eau réduits par l'ébullition à 800 gr. environ. Un quart d'heure après cette injection, une garde-robe amena le ver tout entier. Il était assez épais, opaque, roulé en peloton, de la longueur de quatre mètres environ, et de l'espèce non armée. J'ai pu, à l'aide d'une forte loupe, distinguer les papilles latérales, et, entre elles, la protubérance indiquant le suçoir central de l'animal.
Ce fait, que j'ai cru devoir rapporter, vient se joindre au grand nombre de ceux qui sont consignés dans les journaux de médecine, et qui prouvent incontestablement que l'écorce de racine de grenadier est, de tous les anthelminthiques indigènes connus, celui qui jouit au plus haut degré de la faculté de tuer le tænia solium (1)[1]. C'est le succédané du kousso.
La racine de grenadier est aussi un remède efficace pour la destruction des autres espèces de vers intestinaux. On en donne la décoction en lavement contre les ascarides vermiculaires.
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- ↑ Voyez Archives qénérales de médecine, 1re série, t. VI, p. 293 ; t. VII, p. 153, 603 ; t. XIV, p. 285. 374, 603 ; t. XV, p. 124 ; t. XVI, p. 298 ; t. XVII, p. 130 ; t. XVIII, p. 438. — Journal général de médecine, t. XXVII, 2e série, p. 329, etc.