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Cerisier
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Chardon-bénit


Chanvre

CHANVRE. Cannabis sativa. L.

URTICACÉES. — CANNABINÉES. Fam. nat. — DIOÉCIE PENTANDRIE. L.

Bien que le chanvre soit originaire des Indes orientales, il croît sponta- nément sur les bords de la Neva, du Borysthène et du Volga. On le cultive dans nos champs pour l'emploi industriel de la partie textile de sa lige, et pour son fruit connu sous le nom de chènevis.

Description. — Racine blanche, ligneuse, fusiforme, garnie de fibrilles. — Tige droite, ordinairement simple, fistuleuse, rude, velue, dont la hauteur varie suivant le climat de 1 à 6 mètres. — Feuilles opposées, digitées, composées de cinq à sept foliole; ovales-allongées, dentées en scie, et dont les inférieures plus petites, celles du milieu plus grandes. —Fleurs dioïques d'un jaune pâle ou verdàtres (quelques individus sont monoïques). Les fleurs mâles disposées en petites grappes lâches, axillaires (juin el juil- let), présentant un calice de cinq folioles oblongues, légèrement arquées et concaves. - Cinq étamines, dont les filaments, très-courts, portent des anthères oblongues et téta- gones. Les fleurs femelles, également axillaires, presque sessiles, offrent : un calice ■- nophylle, conique, spatbiforme; un ovaire supérieur, surmonté de deux styles longs, ta- bulés et velus. — Fruit : akène ovoïde, crustacé, subglobuleux, brun ou gris, lia, recouvert par le calice, et renfermant une graine blanche et huileuse.

[Tous les botanistes admettent aujourd'hui que le C. indica n'est qu'une variété du C. saliva. Cependant Guibourt fait remarquer que le premier acquiert chez note k et 5 mètres en hauteur, que ses feuilles sont plus souvent alternes et ses fruits plis petits.]

Parties usitées. — La tige, les feuilles, l'inflorescence et les fruits, dits ini|» prement graines.

Culture et récolte. — La culture du chanvre, qui réussit presque partoul, ainsi que sa récolte, est du domaine de l'agriculture, et se trouve parfaitement traitée dans la Maison rustique du XIX" siècle. Le chènevis, pour être de bonne qualité, (ï être gros, lisse, noirâtre el pesant.

Propriétés physiques et chimiques; usages économique

— Tout le monde sait que le chanvre préparé et sous forme de filasse est employé à fa- briquer des cordages et des voiles pour les navires, et qu'on en compose aussi (les lisos plus délicats, donl la blancheur, la finesse le disputent aux étoffes de lin. La graine» vient à là volaille et à plusieurs oiseaux. L'huile de chènevis est bonne pour l'éclairage et pour la peinture à l'huile; elle entre dans la préparation des onguents, des cérals,dit savon vert. En Lithuanie, les pauvres s'en nourrissent. Les tourteaux dont l'huile a* exprimée servent à engraisser le bétail. Soumis au four, ils produisent, lorsqu'ils»! réduits en poudre, une substance ayant l'aspect du poivre, et avec laquelle on falsifie ce dernier. Comme les sommités du chanvre, très-odorantes et très-actives quand elles se» fraîches, perdent par la dessiccation une grande partie de leurs propriétés, on esl poil' à admettre dans cette plante la présence d'une huile essentielle. D'après Ratier (i), i* chanvre ordinaire a des principes et une action analogue à celle du cannabis i«» Tout porte à croire, avec Husson, professeur de botanique à l'école du Caire, maigre l'opinion du botaniste Lamark, que le cannabis indica avec lequel les Orientaux prépa- rent le haschisch des Ismaéliens, le bangue des Usbecks, le maslac des Turcs, compos- tions exhilarantes, enivrantes et aphrodisiaques, n'est autre chose que le cannaUs»»! rendu plus énergique par l'influence du climat. Cetle plante, comme tant d'autres,*» nue d'activité à mesure qu'on avance dans le Nord, et, si 1l'on en croit Bergius, les cl» vres de la Suède sont tout à fait dépourvus de la propriété enivrante, quoique provenam de la même semence que ceux du Midi.

(1) Abeille médicale, 1854, p. 60. downloadModeText.vue.download 298 sur 1308


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La Société de pharmacie de Paris, pénétrée de l'intérêt qu'il y aurait à connaître exac- tement la composition chimique du chanvre, a proposé, en 1854, un prix de la valeur de 1000 fr. à'l'auteur d'une bonne analyse de cette plante.

'(Ce prix a été remporté par Personne, pharmacien en chef de l'hôpital de la Pitié et préparateur à l'Ecole de pharmacie ; il a trouvé que le chanvre renfermait deux huiles essentielles: l'une, le cannabène, = C56H 50, bout à 95 degrés; l'autre = C'^H'* serait un hydrure-de cannabène, plus une matière résineuse active, la cannabine ou haschi- clrine, déjà décrite par Smith (d'Edimbourg). C'est au cannabène et à la résine que le chanvre doit ses'propriétés. La graine de chanvre donne de 15 à 25 pour 100 d'huile

fixe.] ...'■'.. ' , ,

(La cannabine est d'une couleur vert brunâtre, d une odeur nauséeuse et pénétrante, efune saveur acre et persistante ; elle est soluble à froid dans l'éther, l'alcool concentré, les huiles fixes et volatiles, les corps gras, et insoluble dans l'alcool dilué et dans

l'eau.) ■ '•

PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET HOSES.

A L'INTÉBIEUB. — Infusion des feuilles, 30 à 60 gr. par kilogramme d'eau bouillante.

Infusion des semences concassées, 30 à 60 gr. par kilogramme d'eau bouillante.

Emulsion de chènevis, 30 à 60 gr. sur 500 gr.

', d'eau bouillante édulcorée.

 .ï-EXTÉBiEMi. — Feuilles fraîches, en cata-

. pïastae;

Huile de cbènevis , en embrocations, Uni- ment, etc.

(Extrait de cbanvre, en pilules, de 5 à 20 cen- tigrammes.

Teinture de chanvre (3 à k gr. d'extrait pour 30 gr. d'alcool (Boucbut), de 5 à 20 gouttes.)

Cannabine, en leinture (1 partie sur 9 d'al- cool), de 5 à 20 gouttes) (Villemin).

L'odeur vireuse qui s'exhale du chanvre est généralement connue. On sait aussi que ceux qui dorment près du champ où il se trouve en pleine vigueur éprouvent en s'éveillant des vertiges, des éblouissements, une sorte d'ivresse. Cet effet ne se produit pas aussi facilement dans le Nord que dans le Midi. Cependant on m'a dit l'avoir observé dans le Calaisis, chez un enfant de neuf ans qui s'était endormi en plein midi près d'une chènevière exposée aux rayons ardents du soleil. L'eau dans laquelle on rouit le chanvre exhale des miasmes qui occasionnent des maladies graves ; elle contracte un degré de

■' putréfaction tel que les poissons soumis à son action délétère languissent et meurent. Cependant la toux, l'hémoptysie, l'asthme, la phthisie, qui atta- quent les individus qui battent et cardent le chanvre, sont plutôt produits par la poussière qui pénètre avec l'air dans les bronches que par les exha- laisons qui se dégagent de cette plante. Ce qui vient à l'appui de cette opi- nion, c'est que les cardeurs de lin, respirant aussi un air chargé d'une pous- sière fine, et ténue, sont sujets aux mêmes maladies.

■; Gilibert a étudié sur lui-même l'action des feuilles de chanvre. Il en fit infuser une once dans une demi-livre d'eau. Cette infusion, d'une odeur et (l'un goût nauséeux, souleva l'estomac, produisit la céphalalgie, augmenta -lp -cours des urines et détermina une sueur fétide. Le même praticien a vu Çussir cette boisson dans le rhumatisme chronique et les dartres; il dit ïitssi que les feuilles fraîches appliquées en cataplasme raniment les tu-

meurs froides, et les disposent a la résolution.

.rVf Chanvre appliqué sur les engorgements goutteux, suivant Alph. Le- ^O1), lés aurait résolus.

bioscoride recommandait le suc de chanvre domestique introduit dans le «Ondùit auditif contre les otalgies. ■J^ .fumigations de feuilles de chanvre séchées et nitrées ont été em-

?a..eà Par' Desmartis, de Bordeaux, avec un certain succès contre la Phthisie.) ■.-•■":':

.^be chènevis, écrasé el infusé dans l'eau bouillante, fournit une emulsion

adoucissante que Tode et Swediaur ont employée avec avantage dans la gonorrhée accompagnée d'une vive irritation inflammatoire. Elle est aussi pes-utile, suivant Murray, dans la blennorrhagie arthritique, et, suivant

- i 1) Manuel des rhumatiques et des goutteux.

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d'autres auteurs, dans l'ictère spasmodique. Sylvius (f ) a guéri plusieurs malades de l'ictère par le chènevis cuit dans le lait de chèvre jusqu'à le faire crever; il en donnait deux à trois prises de 130 à 180 gr. par jour.- J'ai employé avec succès l'émulsion clans la période d'irritation du catarrhe vésical, et dans un cas de rétention d'urine accidentelle et occasionnée pat l'abus des spiritueux. Je pense qu'elle peut être aussi administrée avec avan- tage dans les phlegmasies gastro-intestinales et bronchiques. —Il paraît que la semence de chanvre participe jusqu'à un certain point des propriétés nar- cotiques des feuilles de cette plante. (L'amande huileuse étant toute co- mestible, ce n'est que dans l'enveloppe que peut résider le principe véné- neux. L'état de maturité des graines doit jouer un certain rôle dans l'action du chènevis; le principe actif doit être moins vénéneux quand la graine esl bien mûre. Michaud a entretenu la Société de Chambéry d'un accident ob- servé sur un enfant de quatre ans, dû à l'ingestion de ces semences. Les phénomènes d'excitation et d'hilarité, suivis de narcotisme, qu'il a observé ont reproduit ceux déterminés par ce haschisch) (2).

Coutinot, de Besançon (3), préconise l'huile de chènevis, obtenue pares- pression, et appliquée chaude sur les seins, en fomentations, en onctions, en frictions, dans les cas où il faut diminuer la sécrétion laiteuse chez te nourrices. L'auteur rapporte plusieurs observations tendant-à prouver que ce topique agit avec une étonnante rapidité, et arrive aux conclusions sui- vantes : 1° L'huile de chènevis nous a paru, dit-il, diminuer toujours, arrê- ter quelquefois la sécrétion mammaire, remédier sérieusement aux engor- gements laiteux et pouvoir prévenir certains accidents inflammatoires consécutifs, sans avoir aucune prise sur ceux-ci lorsqu'ils se développent; cette action est prompte. 2° L'huile de chènevis doit être récente, obtenue par expression, sans odeur marquée à froid; il convient de l'employer chaude, en embrocations abondantes toutes les deux ou trois heures; les seins doivent ensuite être recouverts d'ouate. 3° L'extrême prudence con- seille de surveiller l'effet trop rapide sur la sécrétion et d'associer à soi emploi un révulsif intestinal ou une dérivation sudorale à la peau.

[L'huile de chènevis et l'émulsion ont été proposées, il y a peu de temps, contre la galactirrhée, la première en frictions sur les seins, et la seconde à l'intérieur.]

Ne pourrait-on pas, en médecine, substituer l'huile de chènevis à celle d'amandes douces? (Bouchardat l'emploie lorsqu'elle est exprimée à froid pour remplacer l'huile de foie de morue) (4).

(CANNABINE. —Nous réunissons sous ce même titre les travaux publié.» sur l'extrait, la teinture de chanvre et la cannabine, parce que c'estàia cannabine que l'action doit être en grande partie attribuée. — Cette résine, étudiée tout spécialement par de Courtive (S), existe en moins grande quan- tité dans notre cannabis que dans Yindica; mais son action est la même: 5 centigr. agissent autant que 2 gr. d'extrait pur de chanvre indien.

L'administration d'une ou deux pilules de cette dose détermine la série de phénomènes bizarres que les Arabes appellent kieff, que nous décorons du nom de fantasia, et qui constituent une véritable ivresse, avec disposi- tion d'esprit gaie, suivie d'illusions plus ou moins agréables et de sommeil. A dose plus élevée, le délire survient, puis un état cataleptique, des phéno- mènes convulsifs et la perte complète de la raison. Ceux qui font un usa? abusif et continuel du haschisch (Clot-Bey) deviennent chagrins, rôveors,

(1) Oper. med. Genève, 1680.

(2) Bouchardat, Annuaire, 1860.

(3) Union médicale, 1856.

(h) Annuaire de thérapeutique, 1861. -

(5) Thèse de l'Ecole de pharmacie de Paris, 1847. downloadModeText.vue.download 300 sur 1308


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recourent incessamment à l'objet de leur passion pour dissiper celle tristesse, et insensiblement ils tombent dans un état d'abrutissement qui fréquemment devient de la folie. Un fait assez remarquable : après que les effets, dé la Cannabine ont cessé, le sujet conserve le souvenir des divagations qu'elle avait fait naître.

A doses médicales, la cannabine est hypnotique, anodine, antispasmo- dique. O.'Sanghnessy la croit l'anditote de la strychnine (1).

Fronmulier a résumé, ainsi qu'il suit, l'action calmante du chanvre : C'est de tous les moyens connus celui qui produit un narcolisme remplaçant le sonimeil naturel, sans occasionner l'excitation outrée des vaisseaux, sans suspension particulière des excrétions, sans faire craindre une fatale réac- tion, sans paralysie consécutive; il peut être donné dans toutes les mala- dies inflammatoires aiguës et dans les affections typhiques; il est propre à être employé alternativement avec l'opium, lorsque celui-ci n'agit plus; dans tousles cas, il-est moins violent, mais moins sûr que ce dernier agent (2).

L'effet primaire de la cannabine, que nous avons expérimentée sur nous- même, est une excitation passagère des centres nerveux; l'effet secondaire, celui qu'il faut exploiter en thérapeutique, est celui d'un stupéfiant. Elle sera donc utile dans toutes les affections où le phénomène douleur prédomine (névralgies, rhumatismes (3), goutte), et dans celles où il y a surexcitation de ..l'élément,nerveux (convulsions, tétanos (4), chorée (5), hystérie, hydropho- hk, dekriumtremens, épilepsie, etc.).

.Dans l'aliénation mentale avec hallucination, Moreau, de Tours, l'a expé- rimentée, «afin, dit-il, de modifier par substitution d'un état passager d'hallucinations à un état constant, la situation des malades. » Nous ne pen- .sons pas que des résultats bien favorables soient venus répondre à son at- tente. Brierre de Boismont a, avec le même insuccès, essayé d'opposer les idées riantes dues à l'administration des préparations du chanvre aux pen- sées tristes des mélancoliques.

Signalons pour mémoire l'action du haschisch dans l'obstétrique comme agent excitateur des contractions utérines (6) ; celle que Villemin, médecin sanitaire du Caire, lui a reconnue dans le traitement du choléra (7), l'effica- cité dé l'extrait de chanvre sauvage de la Crimée contre les fièvres intermit- tentes (8).

CANNABÈNE. — C'est à ce principe volatil que sont dus les phénomènes enivrants produits par les fumigations et par le voisinage des chènevières; phénomènes dont nous avons déjà parlé.

La vapeur respirée ou l'introduction dans l'estomac produisent dans tout

forgâriisme un frémissement, un besoin étonnant de locomotion, puis de l'affaissement souvent suivi de syncope. L'impression produite sur le cerveau est pénible ; il y a plutôt stupeur qu'hallucinations agréables ou extraordi- naires. .Inaction est plus fugitive que celle de la résine, elle est aussi moins énergique. Nous ignorons si le cannabène a été -mis en usage par la théra- peutique. On peut par avance supposer qu'il pourrait se montrer efficace Mns certains cas comme succédané du chloroforme.)

, W' Aschenbrenner et Siebert, Die neueren Armeimittet. Erlangen, 1851, p. 69. wrraqerVieertcljahresschrifl, 1860,1. Bs. W knro.aplt. Gazette médicale, 1863, p. 103. ' 'la p- aflShnessy —Bouchut, Traité pratique des maladies des nouveaux-nés, 1852, p. 198.

« pïP"gSn' Journal (Le pharmacie et de chimie, 1855, t. XXVII, p. 813. ■'- ? UMstison Edinb., Monlhly Journal of Sciences, t. XIII, p. 117. . .'■..: VhAcademie de-médecine, séance du 17 octobre 1848. ■. 1»!. flpuchardat, Annuaire, 1861, p. 11.