Poulard (Maison rustique 1, 1842)

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Froment
Maison rustique du XIXe siècle (1836-42)
Blé dur


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B.— Froment renflé ou Poulard (Tr. turgidum).

Epi barbu, carré, compacte, ordinairement à 4 faces égales, quelquefois, aussi, ayant deux côtés plus larges, qui, dans ce cas, sont toujours ceux du profil des épillets ; les angles et les barbes disposés sur quatre lignes parallèles à l'axe de l'épi ; épillets épais, presque toujours plus larges que hauts ; glume renflée, tronquée brusquement au sommet, et dont la nervure dorsale, très-prononcée, se termine en une pointe arquée ; balles très-gonflées, courtes, plutôt refermées qu'écartées à leur sommet ; grain oblong ou raccourci, bossu ou voûté sur le dos, souvent déprimé et presque anguleux sur les autres faces ; paille dure et pleine, surtout au sommet.

Les qualités générales des blés poulards sont d'être rustiques, vigoureux et produc-


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tifs, d'avoir une paille haute, forte et résistante, qui les rend moins susceptibles de verser que les blés à paille creuse ; ils sont par là, et par leur force de végétation et d'absorption, plus propres que ceux-ci à être semés sur des défrichemens nouveaux, dans des terrains bas, humides, ou qui, par des circonstances quelconques, sont trop riches en humus pour que les blés fins y viennent à bien. Leur grain est inférieur en qualité à celui des fromens ordinaires : dans la plupart des variétés sa couleur est terne ; il rend à la mouture beaucoup de son, une farine médiocre, et a, dès-lors, une moindre valeur sur les marchés. Il est tendre dans quelques variétés, demi-dur, et même presque dur dans d'autres.

Tous les poulards sont barbus, quoique dans plusieurs d'entre eux les barbes tombent facilement après la maturité. (M. Desvaux en a décrit un comme étant sans barbes, mais, dans l'essai que nous en avons fait, il s'est trouvé barbu.) Nous ne connaissons également parmi ces blés aucune variété de printemps ; tous sont d'automne, mais plusieurs peuvent être semés avec succès tardivement, jusqu'en décembre ou même janvier. La paille est peu estimée, à raison de sa dureté, qui est souvent telle que les bestiaux la refusent tout-à-fait. Avec ces défauts et ces qualités, les poulards, très-peu usités dans les riches plaines du Nord, sont fort cultivés dans le midi de la France et dans plusieurs départemens du centre et de l'ouest.

Variétés à épi glabre

a. Variétés à épi glabre ou lisse (fig. 540)

Fig. 540.

23. Poulard rouge lisse ; gros blé rouge, épaule rouge du Gâtinais (fig. 540). Epi d'un rouge brun, souvent recouvert d'une teinte glauque, carré dans une des sous-variétés, fortement aplati dans une autre ; glume et balles très-lisses et luisantes ; paille très dure.

Ce froment, assez répandu dans le centre de la France, y est regardé comme d'une utile ressource pour les terrains humides et pour les ensemencemens tardifs. Son grain est rougeâtre, ordinairement tendre ou demi-tendre, et d'une qualité médiocre.

24. Poulard blanc lisse ; épaule blanche du Gâtinais. Epi blanc ou jaunâtre, à balle luisante ; grain d'une nuance plus claire et d'une qualité plus estimée que le précédent ; paille un peu moins dure, quoique pleine aussi.

Un cultivateur très-recommandable, M. Leblanc du Plessis, de Vitry-sur-Marne, a multiplié et annoncé il y a peu d'années, sous le nom de blé de Taganrock, un froment qui nous a paru identique au poulard blanc.

25. Blé Garagnon de la Lozère. Cette variété nous a été communiquée par M. de Sampigny, qui nous l'a signalée comme étant spécialement employée, dans la Lozère, en potages, à l'instar du riz. C'est un poulard blanc lisse, à épi plus court que le précédent, moins serré, moins régulier, à barbes tantôt blanches, tantôt noires. Le grain, d'un blanc jaune, tendre et de moyenne grosseur, annonce une belle qualité.

26. Fétanielle blanche d'Orient. Nous avons reçu sous ce nom, de M. Risso, de Nice, un froment très-analogue au précédent, et qui pourrait en être le type ; il a seulement l'épi plus fort, et le peu que nous avons vu de son grain annonce aussi une qualité remarquable pour un poulard ; malheureusement ces deux belles variétés, qui peut-être n'en font qu'une, nous ont paru un peu délicates ; elles seront probablement mieux appropriées au midi qu'au nord de la France.

Variétés à épi velu

b. Variétés à épi velu (fig. 541, 542 et 543).

27. Poulard blanc velu. Epi carré, très-régulier, très-velouté, dont les barbes se détachent presque complètement à la récolte. Cette variété, cultivée en Touraine et dans plusieurs contrées voisines, a beaucoup d'analogie par ses qualités avec le poulard blanc lisse.

28. Pétanielle rousse, grossaille, grossagne, gros blé roux, poulard rouge velu (fig. 541). Ce froment, qui présente plusieurs variantes quant à la longueur, à la grosseur et à la nuance de ses épis toujours très-velus, est répandu dans les départemens méridionaux de la France, dans une partie de ceux de l'ouest, en Auvergne, etc. Son grain est plus long et plus gros que celui du poulard rouge lisse, ordinairement plus dur et d'une nuance plus grisâtre, il s'en rapproche, du reste, par ses défauts et ses qualités.

29. Blé gros turquet. Sous-variété du précédent, à épis épais, peu alongés, régulièrement carrés, d'un cendré rougeâtre ; à grains très-gros. Il nous a paru être un des plus vigoureux et des plus productifs parmi les poulards velus.

30. Blé de Sainte-Hélène (fig. 542). Ce froment, propagé par M. Noisette, sous le nom de blé géant de Sainte-Hélène, est également une sous-variété du n° 28, et a beaucoup d'analogie avec le gros turquet ; son épi est encore plus gros, moins régulièrement carré, les épillets inférieurs étant souvent plus élargis que ceux de la partie supérieure ; la qualité du grain est très-analogue à celle des deux précédens, mais il paraît les surpasser encore en produit.

Nous avons reçu de plusieurs collections,


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sous le nom de blé de Dantzick, un froment absolument identique à celui de Sainte-Hélène, ce qui peut faire présumer que celui-ci a été originairement transporté d'Europe dans cette Ile, d'où il nous serait revenu.

Fig. 543.

31. Blé de Miracle, blé de Smyrne (Tr. turgidum, L.), (fig. 543 ). Linné avait fait une espèce de ce froment remarquable, qui, n'étant toutefois qu'une variété du turgidum, a été réuni à celui-ci par les botanistes modernes. L'apparence extraordinaire de son épi, large, épais, et qui présente comme une masse de plusieurs épis sondés ou greffés les uns sur les autres, a depuis long-temps fait du blé de miracle un objet d'intérêt pour les cultivateurs ; chacun l'a essayé, et presque chacun y a renoncé après quelques années d'épreuve, parce qu'il est difficile sur le terrain, délicat à supporter l'hiver et que son grain, quoique plus rond, plus jaune et plus beau que celui des autres poulards, paraît ne leur être pas supérieur en qualité. Ce sera toujours une variété curieuse, mais il est peu probable qu'il s'établisse solidement dans la grande culture de nos contrées septentrionales. Il lui faut une terre à la fois riche et très-saine ; dans une terre médiocre, il dégénère promptement et reprend un épi simple.

32. Poulard bleu, blé bleu conique des Anglais. Cultivée en Angleterre et sur quelques points de la France, cette variété y est estimée pour son produit et sa rusticité ; elle ne diffère, du reste, des autres poulards velus, que par la nuance bleuâtre de ses épis, et par son grain un peu moins gros, qui est d'assez bonne qualité.

33. Pétanielle noire. Parmi les nombreuses variétés du Triticum turgidum, celle-ci est une des plus remarquables par la hauteur de ses tiges, par le volume et le poids de ses épis, enfin par l'abondance et la grosseur de son grain ; son épi, noir ou noirâtre, perd assez facilement ses barbes après la maturité. Ce froment a très-bien réussi, depuis deux ans, aux environs de Paris ; mais cette épreuve n'est pas assez longue pour juger s'il conviendra au climat du nord de la France, comme il convient à celui du midi. Son grain annonce, du reste, les mêmes défauts que ceux de la plupart des blés de sa race.

Oscar Leclerc-Thouin et Vilmorin.